My dream's but a drop of fuel for a nightmare II [Clelia]

Betsy était restée un moment à observer la petite fille, guettant calmement sa réaction. Effectivement, il n’y avait nul besoin d’être empathe ou télépathe pour s’apercevoir qu’elle était quelque peu perdue et pas vraiment en confiance : cela se lisait sur son visage. Ne voulant pas la brusquer, Psylocke était restée immobile et silencieuse, patiente – ce qui n’était pas toujours tout à fait dans son caractère pourtant.

Oui, elle était encore ensommeillée, elle venait de s’éveiller et pas tout à fait de la façon la plus agréable qui fût. Mais elle n’en voulait pas le moins du monde à la fillette, même si celle-ci restait manifestement encore assez méfiante. L’image du professeur Xavier traversa l’esprit de la télépathe, et elle esquissa un sourire, autant pour elle-même qu'à l’attention de Clelia. Charles avait le don d'attirer les gens à lui, et de rassurer. Elle secoua cependant légèrement la tête, comme la petite fille recommençait à signer.

*Tu sais, je ne comprends pas ce langage... Je ne peux que lire dans tes pensées pour t’entendre, mais je te promets de ne pas aller plus loin sans ton accord, c’est juste pour qu’on communique.*

Elle lui sourit, se redressa doucement et lui tendit la main, l’invitant à la prendre pour regagner sa propre chambre, où elle alluma la lumière aussitôt la porte ouverte, afin que l’obscurité n’effraie pas davantage la petite empathe. Elle l’accompagna jusqu’à son lit et lui fit signe de s’installer, la bordant avant d’elle-même s’allonger à ses cotés.


- Ca va aller ? On peut laisser la lumière allumée si tu veux...

De toute façon, elle doutait de dormir bien davantage encore, alors avec ou sans lumière, elle s’en fichait un peu. Allongée à ses cotés, elle regardait la petite fille et attendait sa décision.

C'est une petite main hésitante qui était venue se glisser dans la sienne, et Psylocke avait légèrement souri. Une petite main hésitante, certes, stigmate des doutes et des craintes de la petite fille, mais qui était venue à elle, et ça voulait dire beaucoup, à n'en pas douter, pour l'enfant terrorisée. Elles n'avaient rien ajouté, ni l'une ni l'autre, ni par la voix ni par la pensée pour ce qui concernait l'adulte. Elle ne s'était pas posé un instant la question quant à l'état de sa propre chambre, mais songeait avec une pointe d'amusement qu'elle n'était sans doute pas forcément plus ordonnées que certaines chambrées des plus jeunes. Il fallait bien avouer que ça n'était pas tout à fait son fort. Autant il pouvait lui arriver de passer du temps à s'occuper de sa toilette, histoire d'etre presque parfaite (la perfection n'étant pas de ce monde), autant sa chambre était quelque peu plus... bordélique, n'ayons pas peur des mots.

Parce que si la petite ne dit rien (et ne pensa apparemment rien de particulier non plus) en entrant dans la pièce, il fallait bien avouer que ça n'était pas tout à fait ce qu'on imaginait lorsqu'on ne voyait Betsy que de l'extérieur. A part peut-être concernant les teintes de violet et de rose qui ornaient ça et là la pièce, pourtant meublée et décorée avec gout. Les murs blancs étaient ornés ça et là d'arabesques baroques noires et de branches de cerisiers roses, d'épais rideaux améthyste empêchaient la lumière de pénétrer la pièce, renvoyant à la teinte violette des quelques coussins posés négligemment sur un fauteuil de velours noir tiré devant une petite table qui servait visiblement de bureau à en juger par la quantité de feuilles volantes, pochettes, classeurs, livres divers qui l'encombrait. Le noir peignait d'ailleurs les meubles et le parquet au sol, les montants des portes de la penderie et le battant intérieur de la fenêtre. Au sol, quelques vêtements épars trainaient à coté d'autres coussins sans doute jetés au bas du lit un peu plus tôt dans la nuit, qu'elle repoussa du pied comme elles avançaient pour que la petite fille s'installe.

Allongée à ses cotés, l'anglaise l'observait, attendant sa réponse qui tarda quelque peu comme elle devait sans doute chercher comment la formuler. Elle hocha simplement la tête en guise de réponse, sentant que Clelia ne s'arrêterait pas là.

Et en effet, la petite fille poursuivit en pensée, voisant à sa manière ce qui la perturbait. Et comme une certaine colère sourde montait en elle, la télépathe érigea plus encore sa barrière psychique, ne voulant pas apeurer davantage la petite mutante.

*Je suis venue parce que tu avais peur, pour ne pas que tu restes toute seule. Moi, quand j'étais petite et que je faisais un cauchemar, je criais tellement que je réveillais mes deux frère. Mon grand-frère venait me consoler, et je ne pouvais pas me rendormir sans l'avoir à coté de moi. Jamais venu me gronder parce que je l'avais réveillé, parce qu'il voyait bien que je ne l'avais pas fait exprès, et que j'avais peur. Tes parents... n'étaient peut-être pas fait pour avoir des enfants. Il y a des gens qui ne savent pas s'occuper des autres, c'est comme ça.*

Elle aurait pu rajouter bien des choses, tourner les choses de façon plus venimeuse parce qu'au fond elle n'en pensait pas moins, mais elle s'efforçait de n'en rien laisser paraitre devant l'enfant. Lui sortir de but en blanc tous les noms d'oiseaux qui lui venaient en tête concernant ses parents indignes et le racisme anti-mutant en général n'aiderait pas la fillette. Fillette qui plongeait à présent ses deux billes grises dans son regard. Betsy hocha de nouveau légèrement la tête, l'air sérieux. Et elle l'était

*J'en suis sure. Parce qu'il essaie de venir, je peux t'assurer qu'il aura encore plus peur de moi que de Dolce. Ca, je te le promets.*

Elle laissa la petite fille se saisir de sa main, notant que cette fois-ci, c'était elle seule qui en avait décidé, et la serra légèrement, comme si ça avait pu suffire à chasser tous les doutes et toutes les craintes qui étreignaient son petit coeur meurtri. Les paupières de la petite fille se refermaient lourdement, mais elle les rouvrait, et chaque fois, elles s'alourdissaient de nouveau. Psylocke exerça une nouvelle pression sur sa petite main, qui se voulait suffisamment légère et rassurante et lui transmit :

*Dors, Clelia, tu en as besoin. Je suis là pour veiller sur toi, ne t'inquiète pas.*

Et s'il le fallait, elle veillerait aussi sur ses rêves...