Qui sommes-nous? [PV Ampere]

Invité

Je m'appelle Louis, j'ai vingt-huit ans et je ne me suis jamais retourné sur mon passé. Ca fait combien de temps que je louvoie entre mes problèmes? Trop, probablement. J'ai toujours quitté mes connaissances quand ça m'arrangeait. Abandonner avant d'être abandonné: c'est récurrent chez moi, c'est mon leitmotiv. Un psy me dirait que la mère absente est la grande responsable, la source de tous mes maux. Mais après presque trois décennies, je crois qu'il y a des limites à l'auto-foutage de gueule.

J'ai réussi à me trouver un paternel de substitution en la personne de Ghinz, dénicher un fils chez Vermine, remplacer ma mère par mon second système nerveux: Margareth. Ah oui, j'ai oublié de le mentionner: je suis mutant. Margareth vit en moi, intriquée et invisible dans les miasmes douteux qui forment mon intelligence... Dans l'ordre, j'ai tué mon père, fui Ghinz, oublié Vermine et ... fâché Margareth à vie. Je ne sais même plus pourquoi...

Moi qui vis avec toi, tous les jours dans ta tête, je t'observe depuis des années en silencieuse amie, mère, sœur et je peux te l'affirmer: tu n'as jamais été doué pour les relations humaines mais là tu as été trop loin. Trop loin dans la dépendance, trop loin dans la folie, trop loin dans le déni de toi-même. Je ne suis pas fâchée, je suis désespérée face à un être qui s'abîme lui-même et qui me tue à petit feu. Pour la première fois de mon existence et de ma misérable non-vie, je te hais.

Les clefs cliquetèrent dans la serrure. L'homme habillé de son manteau en drap de laine bleu marine ouvrit la porte sur un appartement perdu dans l'obscurité du milieu de la nuit. Tic! La lumière envahit le monde clos d'un appartement caché. Les murs blanc faisaient écho à quelques meubles de rangement de même couleur. Seule la méridienne en cuir jaune et le vieux secrétaire en bois exotique rythmaient l'espace épuré. Sur la gauche, une cuisine américaine, toute en inox poli, s'ouvrait par la plaie béante du demi-muret servant de table de cuisine.

Entrez je vous en prie. Il est tard mais j'ai un peu faim, je vais préparer une simple salade. En voulez-vous aussi?

Je l'ai revue par hasard en revenant du boulot. Elle se promenait seule pas très loin d'ici: une cliente rencontrée au détour d'échanges plus ou moins illicites de substances tout aussi irrégulières. La première fois que je l'avais vue, elle m'avait plu tout de suite alors ce soir, j'aimerais rencontrer l'humaine derrière la cliente de produits chimiques. Je voudrais voir une partie de son âme à défaut de son corps. Parce que pour une fois, j'aimerais savoir ce que ça fait de ne pas fuir.

Louis entra en premier: la porte était lourde et nécessitait quelques efforts avant d'accepter de se faire ouvrir. Au milieu du salon, il jeta son manteau sur la méridienne, découvrant son éternel jean et un polo vert foncé. Les muscles lui faisaient un peu mal et une main se perdit sur la nuque pour la masser. Le regard mi-charmeur, mi-gêné, il se tourna vers la femme et lui tendit une main pour l'encourager à s'avancer.

Ampère, c'est bien ça?

La méfiance. Voilà un des traits de caractère de la jeune Ampère qui s'était le plus développée depuis son adolescence. Depuis la découverte de ses pouvoirs en réalité. Quand ils s'était manifestés pour la première fois, sa famille n'avait pas fait dans la dentelle et l'avait tout simplement abandonnée. Triste destin de beaucoup de mutants...Tellement que cela en devenait presque banal. Des gosses considérés comme des monstres par leurs propres parents, délaissés à leur sombre et peu enviable destin...Ils n'avaient plus le choix, et devaient survivre comme il pouvaient. La méfiance était de mise, on ne pouvait compter sur personne pour se tirer d'affaire. Dans son malheur, Louise avait tout de même eu une chance certaine. Le groupe de buenos Aires qui l'avait pris sous son aile et maintenant la Confrérie...Bon, selon certains, elle avait peut-être justement mal tourné mais dans son esprit, il était clair que ce n'était pas le cas. Elle avait enfin trouvé un groupe auquel s'intégrer et accorder sa confiance. Seulement, elle n'en avait pas pour autant oublié son premier réflexe de survie...Elle ne s'ouvrait pas aux gens si facilement, elle se méfiait de leurs dires et de leurs actes. A présent, elle était une criminelle à part entière, recherchée activement par le gouvernement...Il fallait qu'elle fasse attention, elle ne pouvait se permettre de faire le moindre faux pas.

C'était pour cela qu'elle avait hésité à le suivre. L'invitation d'un homme, d'un bel homme même, était toujours tentante, mais Louise ne pouvait s'empêcher aux futures et possibles conséquences de ses actes. Cet homme, elle ne l'avait rencontré qu'une seule fois, à l'occasion d'un deal pas très légal. En même temps, dire qu'Ampère voyait et traitait habituellement avec des personnes blanches comme la neige aurait été mentir...En toutcas, ce vendeur en lui avait pas fait une mauvaise impression. Beau. Franc. Ou bon comédien, elle ne savait pas. Honnête dans son deal, elle avait été satisfaite des produits. C'était peut-être pour tout cela qu'elle l'avait suivi jusqu'à chez lui quand il lui avait proposé de l'accompagner. Elle en savait pas vraiment ce qu'il désirait...Ce que désiraient tous les hommes? Peut-être bien. Un piège? Ce n'était pas une hypothèse à négliger non plus...Enfin, le plus important: qu'en espérait-elle, elle? Pour l'instant, rien du tout, à vrai dire. Pour l'instant, elel se contentait de suivre et de voir comment les choses allaient évolué...Elle aviserait en temps en heure...

Devant elle, l'homem lui ouvrit son appartement et l'invita à rentrer d'un simple geste de la main accompagné de quelques paroles encourageantes. Le moins qu'on pouvait dire était que l'appartement était à la hauteur de son propriétaire. Simple. Discret. Pas vraiment comme elle et sa tenue en cuir et ses cheveux verts...Qui au passage juraient plutôt avec l'aspect immaculé de la pièce. Heureusement qu'elle avait songé à se les attacher, ça se remarquerait déjà nettement moins. A l'invitation, elle hocha simplement la tête et répondit d'un ton calme.

« Une salade, parfait.»
Un sourire de remerciement pour lui exprimer sa reconnaissance et elle enchainait déjà, curieuse...

« Alors, vous vivez là. J'avoue que je ne m'étais pas demandé dans quel type d'appartement vous pouviez vivre.Je ne suis pas déçue, l'appartement vous ressemble...Alors, que me vaut une telle invitation de votre part?»

Invité

Elle est aussi sensuelle que dans mes souvenirs. Sa bouche me fait craquer, j'avoue. A force de rencontrer des hommes et des femmes pour mon travail d'escort, je suis devenu blasé des plastiques froides et convenues. Il faut dire que son décolleté à lui seul est une plaidoiries à son corps latin. Ses cheveux verts m'amusent et apportent la touche qui désacralise heureusement sa personne. Pourquoi cette couleur soutenue d'ailleurs?

Spoiler:

La question sur ma motivation est d'autant plus pertinente que je n'en sais rien moi-même. Je lui adresse un sourire amusé. Il faut bien trouver du temps. Je lui indique une des chaises accoudées au muret qui sépare la cuisine du salon, qu'on puisse continuer à discuter tranquillement. Pas facile de répondre quand on a rien à dire sans passer pour un idiot. En ouvrant le frigo, je me décide à dire la vérité. C'est encore le mensonge qu'on accepte le mieux.

Je suis parti un moment de New York pour vivre quelques temps à Hong Kong. Je me suis coupé de tout pendant plusieurs semaines. Un long break.

Le froissement des légumes, le bruit des meubles et les ustensiles qui les martyrisaient ponctuaient les paroles de Louis. Il essayait de répondre. La voix parfois cherchait les mots, parfois s'animait de notes plus vives en parlant de l'instant présent. La plupart du temps, il se tenait face à son invitée improvisée mais de temps en temps il devait quitter le muret sur lequel il travaillait pour prendre ou ranger des objets utiles à leur dîner tardif.

La vie New Yorkaise me manquait, je suppose. Vous êtes la première personne que je connais que je rencontre depuis mon retour. J'ai eu envie de vous parler... comme ça, comme une pulsion. Ca vous gêne que je vous avoue ça? Je ne suis pas du genre à forcer les gens. Si ça vous ennuie, dites-le moi.

Les odeurs d'huile, de moutarde et de citron commençaient à prendre forme dans la cuisine. La porte d'un mini frigo indépendant du frigo principal s'ouvrit. Le jeune homme en retira une bouteille de vin rouge.

Carpaccio de bœuf à l'aïoli, ça vous va? Oui j'aime la cuisine, c'est plutôt rare pour un homme mais j'assume. Du rouge pour accompagner?
Et vous? Puis-je vous demander pourquoi vous avez accepté mon invitation?
Au fait, je suppose que si vous avez accepté, c'est que mes produits vous ont satisfaite?

« Hong-Kong, ça doit être bien. J'ai jamais vraiment trop voyagé et les seuls voyages que j'ai fait, c'était pour pas grand chose en fait...»

Ce n'était pas tout à fait vrai. Ampère avait traversé l'Atlantique de part en part puis elle avait voyagé de l'Argentine jusqu'à New York quittant l'Amérique Latine pour l'Amérique du Nord. Mais c'étaient des voyages sans retour avec au bout du compte une nouvelle vie pour oublier l'ancienne. Ensuite, sous l'impulsion de la Confrérie, elle avait commencé à voyager également dans le monde, dans le cadre de missions...Assassinat, recrutement, négociation, voilà le pourquoi du comment elle se déplaçait. Ce n'était pas vraiment des vacances ni même des breaks. Juste du boulot. Bref, on ne pouvait décemment pas dire qu'elle avait déjà profité de ses déplacements.

Elle releva la tête et sourit. Les propos de Louis étaient un peu déstabilisants, Ampère n'étant pas le genre de femme qu'on invitait chez soi juste par envie...Bien, elle n'était pas dénuée de charme et se faisait quelque fois aborder ou draguer mais en tant que future acolyte de Magnéto, les relations ne prenaient pas vraiment une place importante dans sa vie pour l'instant. Elle n'ajouta rien, laissant son hôte s'occuper du repas tandis qu'elle posait sa veste sur l'une des chaises. Tranquillement, choisissant ses futurs mots pour répondre à toutes ses questions.

« Vous ne m'ennuyez pas, sinon je ne serai pas venue. Et à vrai dire, je n'ai jamais goûté à ce que vous me proposez. Je n'ai pas eu une vie très facile et je n'ai jamais eu l'occasion de m'intéresser à la cuisine. On va donc dire que je suis venue juste juste pour découvrir des nouvelles saveurs, ça vous va? Et oui, vos produits étaient parfaits, ils ont été utiles. Je n'hésiterai pas à revenir.»

Les derniers mots étaient accompagnés d'un clin d'œil. Elle se laissa aller sur une chaise et observa le jeune homme.

« Ca vous ennuie si je m'installe?»