Soit [PV Ghinzu]

Invité

Toujours aussi grise, froide, grouillante... New York n'a pas changé... Et moi? Aucune idée. A présent, je me teins les cheveux en noir, je porte des lentilles de contact de couleur verte pour cacher mes iris blancs, je teins ma peau pour avoir le teint plus ou moins normal. Avant, malgré tout ce que je pouvais dire, je voulais garder mon apparence de mutant: quelque chose en moi le revendiquait. Aujourd'hui, ça ne sert plus à rien.

Margareth ne me parle plus depuis des semaines. J'ignore même si elle existe encore. Avec elle, j'ai perdu tous mes pouvoirs mutants et conséquence directe de sa disparition, je suis resté un bon chercheur mais je ne suis plus exceptionnel, je ne peux plus me vendre comme avant non plus. Bref, je suis humain... dans tous les sens du terme. Toutes mes barrières ont éclaté et avec elles mon passé est revenu au grand galop.

Tu n'a pas changé, tu crois que tu veux changer mais tu n'en es pas sûr au fond. Par contre, moi je suis différente. Je ne peux plus supporter tes erreurs, tu as dépassé mes limites. Tant que tu n'auras pas réellement changé, je te refuserai comme maître de nos corps. Je me moque de ta petite vie douteuse de refoulé, tu devras vivre comme les autres. Néanmoins, en ce jour, je dois reconnaître que tu agis courageusement pour la première fois depuis des années.

Et lui? Comment va-t-il? Margareth le détestait, il lui rappelait notre père. Je peux la comprendre mais j'en avais besoin. Je n'ai pas pris de ses nouvelles ni donné des miennes. Est-il le même que celui que j'ai quitté? Il était en pleine mutation lorsque j'ai fui. Comment a-t-il réagi? Est-il fâché, inquiet, indifférent? Lui qui a vécu des vies, peut-il encore être sensible à la disparition d'un être humain? Je sais que j'ai pris la décision de le revoir mais je le regrette. Je me sens mal.

Le soir était tombé depuis quelques temps déjà et la vitrine du magasin était sombre de son inactivité. Quelques lumières résistaient à l'arrière, signe que le propriétaire s'affairait encore à ses tâches. Un homme de taille moyenne se planta devant la porte du magasin. Dans un long manteau de drap de laine bleu marine, il cachait sa bouche de sa main dans une pose de réflexion et d'angoisse intérieure. Après quelques secondes, il se décida enfin. Contre toute attente, la porte n'était pas fermée. Le carillon sonna.

Il fait un peu sombre... mais je peux distinguer une silhouette. Sa silhouette. Je la reconnaîtrais entre mille. J'ai l'impression que je suis là pour confesser un crime à un prêtre qui me connaît depuis des années. Je m'avance jusqu'à la lumière projetée depuis la seconde pièce... qu'il me voie au moins distinctement.

Bonsoir Daniel.

Il y avait un jeune homme dans l'encadrure de la porte intérieure. On aurait pu le dire banal, tant son apparence cherchait à se conformer aux normes de rigueur. Le port maintenu droit par la pratique de sports était légèrement fléchi par un regard oscillant entre la tristesse et l'inquiétude. Après les mots, le silence soutenu, l'immobilisme maintenu.

Sans cesse. Il consultait ses notes, croisant cent fois des informations qu'il avait déjà croisé. Certains dossiers provenaient de l'institut d'autres de Londres. Il comptait encore travailler quelques heures avant de rejoindre Ashe. Il en avait besoin, simplement besoin.

S'engouffrer corps et âme dans un projet ou un travail permet souvent d'échapper à ses propres chimères. Hopes avait beaucoup changé mais il n'en gardait pas moins cette capacité d'observer les autres et il les voyait eux même changer inexorablement. Tout tournait trop vite autour de lui : frustrant pour quelqu'un qui a le temps devant lui.
Les positions se radicalisaient, certaines personnes proches disparaissaient, d'autres inévitablement prenaient des chemins encore obscurs à ses yeux : les fils du destin sont ainsi fait qu'ils restent invisibles à tous.

Lui qu'en était-il ?
Plus sombre certes, grâce aux flammes ténébreuses de la belle tatoueuse, plus pragmatique, beaucoup plus froid et surtout plus extrême. Dans ces mauvais jours, il aurait fallu d'un rien pour le faire basculer dans un discours plus qu'imagé. Le Pire c'est qu'il le savait comme il savait que cet équilibre entre les deux mondes était sa place, la place qu'il s'était donné pour justifier ses heures. Il fallait vivre pour son peuple et c'est en cela que le "projet" devait focaliser toute son attention.
Le professeur se sentait à nouveau complet , pleins de ces belles contradictions qui font la nature humaine.

Il se leva en soupirant et posa devant sa pile de dossier en souffrance qu'un obscur gratte papier ne désavouerait pas, une bouteille de vieux Whisky. Au dehors, les ombres gagnaient peu à peu commençant inévitablement leur travail de sape et de métamorphose d'un monde vers l'autre : demain était déjà en marche, pour ce qu'il restait à dire d'aujourd'hui, ca importait peu.

A la même heure, toujours deux verres sur le bois usé.
Deux jumeaux posés face à face en un dialogue muet et éternel.

L'un lui était destiné, l'autre restait toujours vide mais le rituel en était immuable. C'était le verre de ceux qu'on a privé de mots. Le verre des absents. Vivants ou morts, ils avaient toujours des choses à dire, c'était certain.

Il prit son verre en main et fureta près des rayonnages.
Ses pensais prenaient un tour assez sombre, un jour viendrait où il entreraient dans ce lieu armé de jerricanes d'essence et il rendrait au feu créateur toute cette vie d'accumulation.
Ce jour là était proche, il en sentait l'odeur de fumée acre chaque soir. Ca en serait fini de cette vie de normalité, il entrerait dans l'insaisissable car il n'y a que lorsqu'on a plus rien qu'on est libre totalement.
Son regard sans expression mais où des ombres avaient repris une étrange danse mystique semblait figé dans la contemplation de ces heures d'écriture à présent vaines et stériles à ses yeux.
Le bruit de la porte le tira de cette vision de flammes dansantes.

Il observa son hôte quelques instants..oh pas si longtemps que ça. Il s'étonna de mettre deux bonnes secondes à le reconnaitre et c'est sa voix qui acheva la signature de cette vision surréaliste.
Il ne montra pas son trouble, c'était une faiblesse devant un homme tel que lui. Il préféra remettre en place ces lunettes et calculer le moindre de ses gestes.

Bonsoir Louis.

Sa voix était neutre mais on pouvait y percevoir un réel effort de contrôle.
Il se déplaça lentement vers son bureau encombré et silencieusement s'y installa. Il le dévisagea une longue minute puis d'un signe de tête l'invita à s'assoir.

Il remplit le verre resté vide et le fit glisser vers lui, c'était la première fois que le rituel se terminait ainsi.

Tu es...effroyablement en retard mon jeune ami.

Invité

-Bonsoir Louis.

Son regard est différent. La première fois que nous nous sommes rencontrés, son regard avait le froid du vide conscient. Quand je suis parti, il avait la chaleur de la perdition joyeuse. Mais en aucun moment, il n'a eu cette profondeur que je vois aujourd'hui au fond de ses iris. Aujourd'hui, il est plus complexe. J'ai l'impression que ses sentiments ont percolé au fond de son être pour y faire remonter une partie de sa personnalité enfouie. Je crois qu'il a trouvé une partie de lui-même tandis que je me suis perdu.

Sa voix est contenue et il semble prudent à mon encontre, à moins que ses gestes n'aient suivi la même transformation que son regard? Je préfèrerais qu'il éclate de colère, qu'il porte la main sur moi comme après ce bar ou que d'indifférence il me dise de partir... plutôt que ce silence et cette observation. Qu'au moins il me donne de quoi comprendre qui il est devenu. Qu'ai-je raté pendant ces semaines? Cet homme-là ne plairait pas à Ilianna. Je ne comprends pas sa prudence dans ses gestes.

-Tu es...effroyablement en retard mon jeune ami.

Les boissons nobles faisaient partie de nos liens ritualisés. A l'époque, je déplorais pour lui la cassure entre ses sens et son plaisir. J'essayais de l'aider en partageant et en recherchant en sa compagnie les sensualités du tangible. Ce soir, ce verre offert est une invitation au renouement, il me soulage. Un battement de paupières marque la fuite d'une partie de mes tensions, je me sens lui sourire sans que je ne l'aie décidé. Pour que mon corps agisse sans ordre de ma part... Fallait-il que je sois soucieux à l'idée de le revoir.

>Thanks, Time Tricker.

Le manteau glissa sur les bras et fit place à une chemise blanche de popeline de coton et un pantalon droit de toile gris foncé. La recherche de la tenue discrète était une caractéristique qui lui était restée, au contraire des gestes de lutteurs qui étaient imperceptiblement devenus plus souples. Sans les boosters de la mutation, Louis avait dû revoir sa façon de se battre: la puissance ne suffisait plus, la souplesse avait dû être développée.
Au moment de s'assoir, il s'arrêta net. Il releva la tête et dévisagea son interlocuteur quelques instants: une chose oubliée revint soudain à son esprit. Il se glissa lentement entre le bureau et Daniel.

>Mais avant, il y a une chose que je dois vérifier.

Sans prévenir mais sans hâte non plus, dans un mouvement coulé et presque félin, il baissa son buste vers l'homme plus âgé, posa ses mains sur les accoudoirs pour garder l'équilibre et arrêta son visage à quelques centimètres du sien. Les yeux grand ouverts, il chercha un indice inconnu dans les yeux de son vis-à-vis. Sous l'effort, ses pupilles se contractèrent. Puis il ferma les paupières pour rechercher cet indice en lui-même.
Aussi brusquement qu'il s'était penché, il se releva et revint à sa place, s'y assit.

>Adolescent, j'ai été violé par mon père et adulte, je l'ai tué. Je voulais m'assurer qu'il n'y avait rien de sexuel entre nous. Maintenant que c'est fait, je sais que je ne voudrai jamais te tuer.

Les aveux sont abrupts mais je je ne veux plus me cacher à ceux qui feront partie de mon entourage. J'aimerais regarder la vie en face. Daniel ne dira rien à la police, de toute façon.
Ce n'était pas le but de mon rapprochement, mais je suis certain d'avoir perçu un changement dans son odeur. Elle a toujours la souplesse des personnes qui aiment quelqu'un tout en étant devenue plus personnelle, comme un parfum de peau. On dirait qu'il y en avait une autre... une femme? Ilianna laissait l'odeur de son parfum, pas celui de sa peau.

>Pardonne-moi mon absence. J'essaie de m'accepter...
Et toi? Jusqu'à quel point as-tu changé?

>Thanks, Time Tricker.

Charmant surnom.
C'était la première fois qu'il lui venait aux oreilles et celà n'étonna nullement le Voyageur que cela soit Louis qui en fasse état. "Celui qui joue des tours au temps". Ironique cependant si on voulait se placer du point de vue de Daniel pour qui c'était bien le temps qui lui avait joué un sale tour ! Louis était différent, c'était maintenant chose acquise. Il lui semblait à la dérive comme en perte de repères. C'était d'autant plus douloureux qu'il avait voulu être un repère pour le jeune homme jadis et c'était bien là la plus grande de ses erreurs. Lui qui prônait sans cesse le libre arbitre l'avait voulu ainsi qu'il le désirait ardemment. C'était une leçon nouvelle qu'il avait appris dernièrement : si l'on aime sincèrement quelqu'un : on ne le retient pas.

Louis accepta la communion du verre mais il fit soudain une chose qui ne lui ressemblait pas. Une chose qui paraissait non pas déplacée mais surréaliste lorsqu'on connaissait le caractère analytique du jeune chimiste. Lorsqu'il se rapprocha de lui, Daniel resta impassible même lorsque leurs iris communiquaient avec une proximité inédite.
Un instant une pulsion de défense émergea dans l'esprit du professeur, pulsion qu'il acceptait totalement à présent comme toutes les autres puisqu'il ne se brimait plus. Il aurait fallut moins d'un millième de secondes pour figer le temps et l'égorger. Là sur le comptoir de son bureau. Il en était capable et c'est sans doute celà qui lui plaisait. Hopes était à présent bien au delà des limites qu'il s'était figé jadis, sa façade restait cordiale et acceptable socialement parlant, sa psyché était chaotique et totalement cyclotomique. Peu de personne le savait. Ashe sans aucun doute, puisqu'elle et lui était née de la même nuit. C'était sans doute la seule.
Une fois de plus cette ligne sur laquelle "funambullait " le Time Tricker était bien visible. L'ombre parlait à la lumière librement et la lumière l'écoutait sans détours. C'était bien ainsi qu'il s'était accepté.

>Adolescent, j'ai été violé par mon père et adulte, je l'ai tué. Je voulais m'assurer qu'il n'y avait rien de sexuel entre nous. Maintenant que c'est fait, je sais que je ne voudrai jamais te tuer.

Daniel manifesta un haussement de sourcil devant cet aveu tardif. Certes il aurait pu coucher avec Louis, ca lui importait peu. La pureté des corps, il en était revenu mais encore fallait-il que cet acte s'accompagne d'un réel désir ou à défaut d'une envie et là en ce qui le concerne : c'était impossible. Il aimait sincèrement Louis car on aime forcément ce qui vous fait du mal et l'image de ce jeune homme brisé dont la vie se consumait comme un météore éveillait chez lui des relents de rêves brisés et d'ambitions passées. On rêve des vies qu'on ne réalise jamais.

Il le laissa se dégager, ne cherchant aucunement à analyser psychologiquement les effets que le fait révélé pouvait avoir engendré sur la personnalité de Louis. Pourquoi chercher des réponses lorsque ces réponses n'apportent rien d'autre que la satisfaction vaine d'y avoir répondu ?

Louis...si tu cherches la sincérité, je ne me déroberais pas..Je te considères comme le fils que je n'aurai jamais mais ce que je suis à présent me pousse à te dire que s'il le faut, moi, je n'aurai aucune hésitation à te tuer. Des remords sans doutes, oui mais je les accepterais comme une conséquence inévitable du geste. La mort n'est pas une mauvaise chose en soi...c'est juste le passage vers l'hypothétique.
Je t'ai cherché longuement et j'ai monopolisé toutes mes ressources de Londres pour te retrouver, j'ai eu tord : je n'aurais pas du. J'allais d'ailleurs abandonner les recherches car j'ai compris dernièrement que je t'aimais trop pour t'obliger à "être" dans ma vie. tu décides de tes pas, tout ce que j'ai à dire c'est que plus d'une fois j'ai cherché des mots à te dire autour de ce verre...et qu'encore ce soir, je n'en ai pas trouvé. C'est une des vérité sur soi qu'on apprend : nous sommes le centre de nos vies, égoïstement et parfois, lorsqu'on fait l'effort de se sortir de cette vision...on décide enfin l'idée que les autres font de même. Si tu as besoin de moi, je suis là. Et si ta requête va à l'encontre de ce que je veux faire, je dirai non..tout simplement.

Il sortit de sa poche son paquet de Black devils et s'alluma sans se préoccuper du monde autour de lui une cigarette dont il recracha la fumée à l'odeur de vanille en déclarant.

Ne t'excuses pas..moi je ne le fais plus. C'est plus difficile de s'accepter soi même que de ce faire accepter par les autres. Ca m'a prit plus de cent ans.

- Et toi? Jusqu'à quel point as-tu changé?

Il le fixa une minute sans rien dire.

Celui que tu as connu t'aurai répondu longuement, moi je ne te dirai que quelques mots.
A toi de voir.
Que te disent tes sens ?
Je sais que tu leur voues une foi sans faille.

Pas d'amertume dans ses propos. Hopes ne se livrerait plus comme pour se vendre. Ce qu'il était ne regardait que lui, il invitait le jeune homme à croire ce qu'il voulait à le verbaliser ou non.
L'important était juste ce moment entre eux et Daniel vivait d'important à présent.

Invité

Spoiler:

Daniel a retrouvé sa fermeté d'avant Ilianna, comme au moment où il m'a plaqué contre cette vitre de voiture. Je ne m'étais pas trompé: ces deux-là ne peuvent plus être ensemble, la sirène n'aurait jamais supporté un tel sang-froid. Je penche un peu la tête sur le côté pour l'observer et lui sourire. Je préfère ce Daniel-là. J'appréciais Ilianna mais je trouvais qu'elle ne lui convenait pas.

Privé d'affection depuis des années, quand tu t'attaches, tu deviens possessif. Pire qu'un beau-fils ou qu'une belle-mère, les amies de ton père de substitution se doivent d'être parfaites sous peine de se voir totalement rejetées. Sur ce point comme sur tant d'autres, tu es le même. Si une femme devait prendre l'attention de Daniel aujourd'hui, tu te montrerais aussi méfiant qu'alors.

Spoiler:

Le fait-il exprès? J'ai l'impression de ré-entendre mes propres mots devant le Château Ausone, ce bordeaux qu'il m'avait offert lors de ma première visite. "En désacralisant la présence humaine, je peux d’autant mieux les accepter, bruts de toute attente de ma part." A ce moment, il m'avait dit que j'arrivais 80 ans trop tard mais c'était faux... j'arrivais trop tôt. Mes yeux se voilent, mon dos quitte le fauteuil: je veux me rapprocher de lui, je n'en crois pas mes oreilles.

Spoiler:

Mon dieu... de nouveau, il me re-dit les mêmes paroles que j'ai prononcées ce soir-là: " Je suis mon centre mais un centre ne peut se définir que s’il y a quelque chose d’adjacent. " Daniel... qu'avons-nous fait? Suis-je le miroir de tes étapes à venir? Mon Dieu si vous existez, faites que non. Je souris, mais de tristesse. J'espère sincèrement que je me trompe.

>Et toi? Jusqu'à quel point as-tu changé?

Spoiler:

>Ah! Ah! Ah! Mes sens... je leur ai trop fait confiance. Mais puisque tu me le proposes et que j'aime cet exercice...

Le jeune homme riait de cynisme tourné vers lui-même. Il avait une conscience des sens exacerbée, il en était devenu dépendant. Un bref soupir marqua la fin du dénigrement de lui-même. En prenant son temps, il se cala dans le fond du fauteuil, commença à regarder la pièce qui l'entourait, ferma les yeux, respira l'air empesé de particules, les rouvrit pour finalement les poser sur le centenaire.

>J'ai vu... un magasin moins bien entretenu avec des fébrilités de rangement que je ne connaissais pas. J'ai senti plus de poussière autour de moi. Tu as d'autres activités et tu passes un peu moins de temps ici? Je vois un regard complexe, une brutalité instinctive, comme si tu t'étais enfin réconcilié avec tes ressentis et que ceux-ci avaient réussi à faire émerger une partie de toi-même longtemps enfouie.

Un moment de silence perturba le monologue de Louis. Pour le combler, il regarda le verre de Whisky. Bourbon, Whisky... au moins les goûts du fantôme vivant ne changeaient pas tout à fait. Les mâchoires du chimiste se contractèrent. Il n'aimait pas ce qu'il s'apprêtait à dire mais il n'allait dire que la vérité.

>Mais, Daniel, je ne suis pas ton fils charnel et je ne le serai jamais. Depuis que je te connais, il n'y a que les femmes qui ont réussi à te changer jusque dans ton essence. Mes paroles atteignaient ton esprit... tandis que celles d'Ilianna et d'Amara résonnaient dans tes tripes. Il y a une nouvelle femme dans ta vie et elle me ressemble peut-être un peu?

Si j'avais été ce fils, j'aurais pu te changer moi-même. Rappelle-toi ce soir autour du plus beau bordeaux qu'on m'ait offert et rappelle-toi mes paroles. Une partie de toi a rejoint celui que j'étais alors. J'espère que la suite de ton cheminement prendra un carrefour et ne te fera jamais vivre ce que j'ai enduré. En fait... je crois que tu ne me suivras jamais. L'évolution dépend aussi de la personne et nos personnes sont trop différentes. Et c'est pour ça que je t'apprécie autant.

Il écouta patiemment et finit par poser sa tête dans la paume de sa main tout en attisant sa cigarette. Louis n'avait rien perdu de ses capacités d'analyse. Et son discours était toujours d'une clairvoyance fine et imparable. Il n'avait pas tord sur certains points, d'autres méritaient un éclairage plus approprié mais le Time Tricker n'en ressentait pas le besoin. Pas ici et pas maintenant. Lorsqu'il termina son analyse Daniel se contenta d'écraser son mégot et de se resservir un verre en souriant légèrement.

Il y a pas mal de vrai...félicitation.
Je passe peu de temps au magasin...j'ai mes quartiers à L'Institut ou j'enseigne la Morale et la Citoyenneté. Je tiens mon rôle très à cœur. Mes idéaux n'ont pas changé, je veux me battre pour notre peuple, il n'y a que ca qui compte. Je ne laisserai pas les humains et les mutants s'entretuer, j'opte pour l'idéal de Xavier même si je te concède une approche moins idéaliste et plus..directe.Je trouve une certaine légitimité à la violence.

Son regard se fit plus dur et les ombres y dansaient.

Et pour tout dire, une réelle excitation aussi...point de vue somme toute très personnel.

Il porta le liquide à ses lèvres et en savoura réellement l'amertume, son regard s'en fit plus doux.

Le rangement ? Il est du à l'un de mes jeunes protégés. Un enfant Rat du nom d'Ernest Lenoir, qui adore se faire appeler Vermine..il aime lire et vient ici régulièrement, je lui confié la gestion de ce lieu durant un voyage en Australie.

Les évènements m'ont changé, c'est certain...
J'ai failli être tué à Londres en croisant ma petite fille...que je n'ai pas réussit à arrêter et je suis donc responsable d'avoir lâcher sur ce monde la chronopate la plus puissante de tous les temps, une hystérique dont la raison a basculé.
J'ai été laissé pour mort sur les docks de New York après un corps à corps sanglant avec un mutant aux pouvoirs terrifiants.
Ca m'a redonné le goût du combat.

Et puis surtout..je l'ai rencontré elle.
Non..nous sommes retrouvé plutot même si je ne la connaissais pas. Nous partageons un lien étrange fait d'ombres et de lumières.
C'est moi qui voulait Ilianna car je VOULAIS qu'elle me hisse hors des ténèbres..j'ignorais.. J'ignorais que la lumière n'est belle et apaisante que parce que les ténèbres subsistent.
Je n'ai pas voulu Ashe Lovelace...les mots furent inutiles, une nuit à suffit pour me faire comprendre combien je me trompais sur le monde et sur ma propre nature. A présent j'aime mes ténèbres et mes pulsions négatives autant que mon envie d'élévation et de pureté : je suis complet .

C'est une jeune mutante tatoueuse dont tu apprécierais le look...a mis chemin entre le gothisme et la décadence...un regard translucide sous une chevelure bleue.
Je ne te dirai rien de plus sur cette relation, les mots sont inutiles. Je voulais canger en bien pour Ilianna. Je suis ce que je suis pour Ashe. C'est d'une simplicité tellement évidente que ca m'avait échappé.

Il laissa échapper un long silence puis acheva d'une voix plus murmurante.

Je ne suivrai pas tes pas.
Je sens les choses arriver. J'aurai un destin sanglant et violent et cette fois si je l'accepte pleinement. Je vais mourir pour la cause que je défend mais je ne fuirai jamais plus.
Tout s'arretera bientôt.
Je le sais.

Il y a autre chose dont je n'ai parlé avec personne.
J'ai soumis des échantillon de mon ADN à ma société Londonienne et des résultats étranges me sont parvenues. Mon pouvoir n'est pas figé. Il est en train d'évoluer...le doute m'avait pris en voyant les talents d'Anna, ma petite fille.
Les conclusions sont étonnantes. Plus j'utilise mon don, plus il devient puissant. Parallèlement cela modifie aussi mon métabolisme. J'avais estimé mon espérance de vie a 500 ans...ce n'est plus d'actualité. Avec le renforcement de mon don j'atteindrai quasiment une stase. En d'autres termes, je ne vieillirai quasiment plus. Dans 1000 ans..j'aurai toujours ce visage...me voilà véritablement "piégé" dans une quasi immortalité.
Tu comprends mon envie d'en découdre...

Il soupira puis plongea ses iris bleutés dans celles du jeune chimiste.

Et toi ? comment vas Margareth ?

Invité

J'ai oublié la cigarette...

Spoiler:

Notre peuple? De quoi veut-il parler? Des mutants? Depuis quand les mutant sont-ils un peuple? Je n'aime pas cette tournure de phrase. Fasse qu'il ne s'y engage pas trop. Quant à la violence, j'ai l'impression qu'il la toujours enviée, je ne suis pas étonné. Ah... il semble apprécier sa boisson. Il a retrouvé ses ressentis, c'est bien, j'en suis heureux pour lui.
Il connaît aussi Vermine. Je me demande comment il va? Il est inutile de le revoir, nous ne nous sommes pas suffisamment parlé, il doit m'avoir oublié, le pauvre.

Spoiler:

Il a une famille, une compagne... il continue son existence et il a raison. Je regrette de ne pas avoir été là pour assister à sa nouvelle vie. Je devrais reprendre la mienne, je suppose. Par contre, il se trompe sur Ashe. Je n'ai jamais été attiré par les gothiques sur le tard. Je finirai bien par la rencontrer je suppose. Une gothique... une torturée? Déteint-elle autant sur Daniel que ne le faisait Ilianna? J'espère que ce n'est pas elle qui lui donne ces idées belliqueuses.

Et voilà... à peine au courant et tu la critiques déjà.

Tu as fini par pleinement rejoindre l'idéologie de Xavier donc...

Les yeux se perdirent sur le mur derrière Daniel. Il était déçu et ne s'en cachait pas: il aurait préféré le savoir à l'écart des luttes idéologiques. Mais au fond, il se rendait compte que le time tricker ne faisait qu'appliquer ce qu'il pensait lui convenir. Louis renversa sa tête vers l'arrière: il acceptait le choix de son ami. A quoi bon discuter avec une tête de mule...

Spoiler:

Oui, je n'ai vingt-huit ans et j'ai déjà envie d'en finir avec une part de moi-même. Mais je ne comprends pas l'adhésion à une cause.
Tu aimes ta petite fille?

Spoiler:

Ah... oui c'est vrai que je n'ai jamais aimé me confier d'emblée. Euh au fait... j'essaie de me désintoxiquer. Je ne peux plus boire une goutte d'alcool. Excuse-moi.

Tu ne tiendras pas.

Louis bascula vers l'avant, coudes sur les genoux. Il enfouit son visage dans ses mains. Répondre n'était pas évident et il se demandait par quoi commencer. Les mots ne venaient pas. Enfin quelques balbutiements d'idées émergèrent dans son esprit embrumé. Ses mains se croisèrent entre ses tibias tandis que la tête resta penchée comme en contemplation du sol. Un dernier haussement d'épaules et il se redressa. La tristesse lui enserrait les poumons, la réponse fut émise sur des notes basses.

Je ne sais pas, elle ne me parle plus. Je ne sais même pas si elle existe encore. J'en ai perdu tous mes pouvoirs mutants. Je ne fais plus partie de ton peuple au sens premier du terme.

Il n'avait pas envie de voir la réaction de Daniel à cette affirmation alors il se leva pour faire quelques pas dans la pièce. Ses doigts se baladaient sans motivation sur les objets qu'ils trouvaient, parfois revenaient vers son nez afin de lui permettre de sentir les odeurs d'un endroit dévolu au respect du temps. Ou du moins, au plaisir nostalgique de son propriétaire.

Initialement, j'ai voulu fuir New York et les personnes que j'y connaissais mais ma vie à Hong Kong m'a mené trop loin dans la dépravation et le déni de moi-même. Margareth était déjà nerveuse avant mon départ: elle en avait assez de sa vie de prisonnière et de mes valeurs quasi inexistantes. A Hong Kong, j'étais une pièce mineure d'un des réseaux d'information underground. C'est une bonne façon de se cacher là-bas. Les riches femmes asiatiques aiment avoir des toutous dévoués de type caucasiens mais leur culture les empêche de les afficher. A New York, j'avais une maquerelle, à Hong Kong, j'avais une propriétaire. Pour lui plaire, j'ai fait pas mal de trucs crades.
Hong Kong a achevé ma relation avec Margareth.

Louis se retourna brusquement vers son aîné et leva les mains au niveau des épaules dans un air fataliste.

Je suis seul!

"Tu as fini par pleinement rejoindre l'idéologie de Xavier donc..."

Pleinement non...j'ai ma propre vision des choses, je veux sentir que je sert à quelque chose au moins une fois dans cette putain d'existence. J'ai trop passé de temps à pleurer sur mon sort dans un état hébété et contemplatif. Il était temps que j'essaye de donner plutôt que de me désespérer de ne rien recevoir.

Daniel occultait volontairement une part de sa réponse. Pas question de dévoiler à quiconque son obsession pour la création d'une force de frappe novatrice. Pas question non plus de lui faire part de son point de vue critique vis à vis de certaines solutions prônées par Charles et qui lui apparaissaient en inéquation totale avec la gravité de la situation actuelle. Hopes était certain de l'idéal mais nourrissait des doutes profonds sur les méthodes employés. C'était là un pic de divergence évident et douloureux avec l'idéal de la "Maison Xavier".

"Oui, je n'ai vingt-huit ans et j'ai déjà envie d'en finir avec une part de moi-même. Mais je ne comprends pas l'adhésion à une cause."

La cause...j'en ai besoin pour rompre définitivement la monotonie. Et quoi ? Tu voudrais que je reste les prochains millénaires à m'assommer les rétines et à me noyer l'âme des dérives de l'espèce humaine...Non je préfère agir. Au moins je risque l'amertume de m'être trompé au pire...et non plus le regret fustigeant de mon immobilisme pleutre et veule.
Je pense sincèrement que si on m'a donné tant à voir...et la possibilité d'en voir encore tant, c'est pour une bonne raison. Éviter que certaines erreurs du passé se répètent encore et encore...je m'y emploie. C'est un choix de vie, comme on dit.

"Tu aimes ta petite fille?"

La question le surprit cette fois ci. Au point qu'il s'adosse plus confortablement au fauteuil. Étrangement, Hopes n'avait jamais pensé à sa petit fille comme "une personne" au sens premier du terme. Plutôt comme une entité dangereuse et qui n'avait rien d'humain.

Non.
On ne peut pas aimer ce qui ne ressent plus rien et n'exprime plus rien. C'est un corps vide mu seulement par des réponses à certains stimuli..sa conscience à été écrasée en deçà de nos connaissances physiques actuelles. J'ai regardé droit dans son esprit l'espace d'un centième de seconde. C'était l'enfer et ca a failli me tuer au point que mes pupilles se sont ensanglantée durant 1 mois. C'est un monstre qui jadis s'appelait Anna. Et Anna est morte en 1973...ce que j'ai libéré est une chimère temporelle...rien de plus. C'est ...une arme..Dieu fasse qu'elle ne trouve jamais de propriétaire.

"Euh au fait... j'essaie de me désintoxiquer. Je ne peux plus boire une goutte d'alcool. Excuse-moi."

oh ? ...Soit !

Daniel se servit un troisième verre et l'abattit cul sec.

A ma santé !

Il lança un regard malicieux au jeune homme et allongea la main jusqu'à son verre qu'il vida à son tour.

A ta santé !

Il fit un effort considérable pour répondre à son interrogation concernant sa jumelle. Cela n'échappa pas au Time Tricker qui avant même que le jeune homme ne mette des mots sur les faits, les soupçonnait déjà. Margareth ne l'aurait pas laissé parlé s facilement, du moins pas avec des mots de cette couleur. Si elle avait discouru, Louis en aurait été gêné...il avait déjà remarqué ce dialogue intérieur, hors il ne se produisait rien de similaire ici. Son opinion fut consommée lorsque Louis décida de se lever pour échapper à son "analyse".
Il le laissa terminer son allocution, splendide de chagrin.

- Je suis seul! -

Connerie....

Le mot était tranchant mais pas agressif, presque aussi concluant qu'un "ainsi soit-il"

Tout d'abord une mutation ne se "perd" pas définitivement uniquement par volonté psychologique...Margareth EST toujours là. Pourquoi elle ne se manifeste pas ? Toi ou elle seule en connait les raisons...c'est une question de temps...elle refera surface.

Concernant ton comportement à Hong Kong ? Et après ? Nous sommes sans doutes les deux êtres les plus décadents et perverti que j'ai pu rencontrer...je t'en raconterais sur mon comportement passé qui te ferait frémir et me vaudrait mille fois la damnation. Mais ce qui compte...ce n'est pas ce que nous avons été...c'est ce que nous sommes.

Cette fuite...cette perdition...ce n'est ni plus ni moins que de l'aliénation. Je connais cette route par coeur, tu ne cherches qu'à te détruire et perdre ce qui compte un minimum pour toi. Tu construits des repères que tu prends un malin plaisir pervers à détruire...
peut-être que ce que te reproche Margareth , c'est justement de ne pas te regarder en face et de t'accepter avec tes forces et tes faiblesses....Tu me disais craindre que je prennes ta route, alors je te répond...viens donc voir la perspective du point où je me trouve.

Tu es seul tu dis ?
On est seul que parce qu'on veut l'être.

Ces mots étaient durs mais il ne pouvait en être autrement avec ce Daniel consumé. Il ne le ménagerait pas car ce n'était pas sa fonction de le faire.

Ce qui m'amène à ma question.
Si tu es si seul et si tu fuis tellement ta vie au point de te détruire..
Qu'est ce que tu fous ici ce soir ?
Les naufragés ont jeté l'encre et ont cessé d'écrire.
Un mort ne vient pas pour une visite de courtoisie.

Il partit à la recherche d'une autre cigarette.

A moins qu'il s'agisse juste d'un champ du cygne que tu tenais à m'adresser ?
Est-ce cela ?

Invité

Spoiler:

Tu ne vois pas... Ses bras pesèrent une tonne. Ils retombèrent le long du corps.

Spoiler:

Tu ne comprends pas... Ses yeux se fermèrent.

Spoiler:

Ne ressens-tu pas? Soudain, il fit un pas vers lui, ses mains ouvertes.

Spoiler:

Ce que JE ressens? Pour pointer ensuite son propre coeur.

Spoiler:

Toi qui as été à ma place! La voix monta dans les aigus de la tristesse. Une tension sourdait dans son corps depuis ses tripes.

Et un à un, il reprit les paroles de son père de substitution.
Elle refera surface? Je me fous qu'elle refasse surface demain ou dans dix ans! C'est maintenant que je crève de mal! Il n'avait jamais été seul depuis des années, il ne le supportait pas.
Ce que je suis? On s'en fiche! Là maintenant, je ressens! Je lui hurle de revenir! Je la supplie! Il avait toujours été dans le présent, comme être soudain dans le futur?
Le plaisir? De me détruire? Mais j'essayais seulement de ne plus souffrir, Daniel! J'avais trop mal! J'AI mal! L'aîné s'était senti vide et sans ressentis lorsqu'il avait voulu mourir lors de leur première rencontre, le cadet n'avait jamais perdu sa sensualité.
Ton point de vue? Mais je m'en tape! Je te veux toi! Ta présence! Ton amour de père! Et en matière d'égocentrisme, on ne faisait pas mieux que lui...

Spoiler:

A force de se rapprocher, Louis fut suffisamment près pour prendre la tête de l'homme entre ses mains et poser son front contre le sien. Les paupières se fermèrent sur des larmes retenues par des relents de fierté masculine. Les mots se prononcèrent sur un débit plus lent et des notes plus basses.

Mais ferme-là trois secondes... Je ne suis pas mort... regarde-moi. Les morts ne souffrent pas. C'est pour ça que je voudrais mourir. Je t'en supplie, Margareth m'a déjà suffisamment demandé de réfléchir. Je ne l'ai pas fait à temps... je l'ai fait après pour elle mais elle est partie... tu comprends ça? Elle est partie! Tu es tout ce qui me reste comme amour, enfoiré...

Spoiler:

Les mains tombèrent sur le col et l'enserrèrent.

Je veux juste que tu me dises et que tu me répètes que tu m'aimes comme un fils, du con! J'ai besoin de savoir que je suis aimé.

Pourquoi tu peux pas comprendre un truc aussi simple?

Il avait encore la cigarette aux lèvres lorsque la détresse de Louis pris le dessus. Il le regarda venir à lui perplexe et pour tout dire assez effrayé. Il ne s'attendait véritablement pas à un abandon d'une telle violence. Il reçu tous les mots un à un et sentit son cœur se tordre sous leur effet dévastateur. Il avait tapé juste, le jeune homme était brisé, de son point de vue : il était revenu uniquement car il ne saurait en être autrement.

L'erreur se produisit alors que Daniel cherchait ses mots et que Louis fit glisser ses mains pour lui enserrer le cou.
Presque aussi tôt, le monstre surgit.

D'un geste ample et fulgurent il dégagea d'un mouvement de bras les mains du chimiste et les rabattit violemment sur son torse le projetant à travers la pièce dans un rayonnage ou il chuta lourdement.
Il n'eut pas le temps de reprendre son souffle que déjà les mains du Time tricker le soulevaient et le plaquaient contre l'étagère précipitant au sol le reste de livres.
Louis pu sentir le froid métallique de la lame du professeur sous sa jugulaire. Il le tenait contre lui, la main droite prête à trancher, la main gauche lui rabattant les deux avant bras dans un posture douloureuse et inextricable.

Le regard de Daniel était dans le sien. Ses iris renvoyaient les éclats d'une longue danse macabre ou la violence appelait le sang.
Ce n'était pas le regard d'un fou, certes non, plutôt celui d'un tueur sans état d'âme.
Il égraina ses mots quasiment dans le visage de son prisonnier.
Une voix d'une rudesse et d'une lenteur presque machinale.

Alors c'était juste ça..Tu es revenu...pour que je te tue de mes mains.
.................

La dernière fois qu'on m'a demandé de dire les mots que tu cherches à m'extorquer, c'est moi qui aussi ai mis fin aux souffrances en étranglant l'auteur de la requête.
Tout du long et de sang froid je l'ai vu s'en aller, je n'avais pas mes lames à l'époque.
J'ai vécu avec le poids de ce meurtre durant presque 80 ans, il n'est pas un moment dans la pénombre sans que je pense à elle..elle s'appelait Amélie.
Je l'ai perverti, corrompu, précipité en enfer et tué.
Amélie était ma Margareth.
......
Mais puisque c'est ce que tu veux...fils.

Sous la pression du professeur, la lame pénétra légèrement la chair du jeune homme, juste assez pour qu'un mince filet de sang y dessine une trajectoire carmin et que le regard de Hopes s'y pose un instant.
Il respira profondément sortant de sa folie meurtrière et les flammes dans ses iris refluèrent.
C'est à ce moment que le Time tricker comprit qu'il avait véritablement un problème de contrôle de sa colère.

Alors qu'il desserrait son étreinte la lame tomba sur le sol dans un cliquetis caractéristique. Ses mains se posèrent sur ses épaules, leurs visages toujours proche.

Bordel ! Louis !! Pourquoi toujours demander des preuves..j'ai remué ciel et terre pour te retrouver, je m'ennuie à ce point tu crois ? Tu me demandes des mots que je t'ai déjà dis ! Qu'est ce qu'il faut que je fasse de plus pour te dire que tu comptes et que sans toi, je serai déjà mort ! C'est toi qui m'a ramené au monde ce soir là ? tu t'en souviens ??

Il le scruta un instant les yeux aux bords des larmes, puis la voix enrayée il secoua la tête en commentant.

Tu es...insupportable..je suis désolé de ne pas avoir su veiller sur toi comme j'aurai du...c'est ma faute.

Il l'enlaça avec la tendresse d'un père retrouvant son fils perdu depuis longtemps. Un étreinte dénué de tout malentendu, presque instinctive.

Tu n'es plus seul..je suis là. Je serai toujours là même dans ces heures sombres...bienvenu à la maison, mon fils*.

* En français.

Invité

Hh?!

Ça va trop vite, je ne comprends pas, j'ai mal dans tous le corps et je me retrouve avec un couteau sur la gorge. Qu'ai-je fait? Si je ne peux pas me tourner vers lui, je n'ai plus personne. Je préfère mourir. Pardon Margareth mais tu avais raison: je ne méritais pas d'être le maître de notre corps. J'aurais cependant préféré te savoir heureuse avant...

Spoiler:

Le sang teintant un peu la chemise, le chimiste se laissa glisser sur le sol, comme désarticulé. Et c'était le cas: après le choc, l'énergie avait quitté le corps. Il tomba assis, la tête penchée. Impossible de savoir ce qu'il pensait. Daniel enlaça le jeune homme comme un animal retrouve son engeance.
Puis la lame ramassée entra dans le ventre. Un geste sûr et rapide. Bien que ce corps était entraîné aux combats, face au chronopathe, il n'avait aucune chance. Exception faite quand celui-ci baissait sa garde et c'était le cas en ce moment.

Alors père de pacotille, te voilà enfin? Ni toi ni moi ne voulons vivre encore longtemps. Lequel des deux mourra en premier?

Louis, tu as fui de nouveau. Tu es parti. Tu ne veux pas voir ça, ton erreur d'avoir fait confiance à cet homme? D'être maltraité de nouveau par ton second père? Mais c'est toi qui l'as choisi pour sa violence et maintenant tu le fuis pour elle. Va-t-en, fuis. Cette fois, la rage me fait sortir. Cette fois, je reprends ta place face à lui.

La voix était un peu plus rauque, un peu plus aiguë, les inflexions dénotaient un caractère plus agressif. Le dénommé Louis regarda son vis-à-vis, la main toujours refermée sur la lame. Des lueurs de haine éclairaient son visage. Les dernières syllabes, celles qui prononcèrent le nom du Time Tricker marquaient le dédain alors qu'elles dénotaient la douceur et reconnaissance il y a quelques minutes de là.

Je t'ai toujours haï mais ce soir tu nous serviras peut-être à quelque chose, Ti-me-Tri-cker.

Je voulais le confronter depuis le début... je te l'avais dit, Louis, que cet homme finirait par nous perdre. Il est aussi violent que notre père. C'est la violence ta meilleure amie, pas moi. J'ai entendu ce que tu lui as dit et comme d'habitude, il n'a rien compris, il nous prouve juste qu'il est aussi fou que notre père. Ce soir, il nous tuera peut-être. Mais c'est ce que nous voulons. Il n'y a des sursauts de survie que chez toi, Louis. Et même à notre mort, tu ne lui fais pas face.