Changement de Juridiction.

Elle a lâché le bouton de l'interphone, le portail s'est ouvert doucement, et nous avons redémarré.

« Pas trop déçue que le seul rôle du bureau des affaires mutantes dans cette histoire soit de me convoyer jusqu'ici ?

- Vous me surprenez Glenn, je pensais que vous auriez apprécié que le gouvernement vous traitre comme la fine fleur de son programme spatial avant de vous considérer comme un mutant.

- J'ai toujours été persuadé que Quantico enseignait aux agents comment avoir toujours le dernier mot. »

Classique. Nous roulions sur une allée bordée d'arbres, j'ai fermé mes yeux fatigués par l'alternance entre ombre et lumière. Quand mes paupières ont arrêté de clignoter, je les ait réouvertes pour découvrir une cour circulaire entourant une fontaine, et nous nous sommes garés. Elle est sortie, m'a ouvert la portière et m'a aidé à me lever en me donnant ma béquille. J'ai fait quelques pas vers le perron. L'institut était une riche bâtisse du style néogothique, dans la lignée des grands manoirs de la côte est. Je me suis retourné, l'agent s'approchait de moi, en trainant difficilement ma valise dans les graviers de la cour.

« Comment ça Dana, vous aussi vous emménagez ici ? Mais c'est quoi votre pouvoir ? »

Elle esquissa un sourire franc qu'elle cacha en baissant la tête et en essayant de le transformer en une expression d'affliction teintée de surprise.
Le soleil commençait à baisser et à projeter nos ombres sur les pierres de la façade. Il y avait un second interphone, dans l'embrasure de la porte.

« Allez y Glenn, annoncez vous. »

J'ai pressé le bouton. Pendant que nous attendions, j'ai demandé à Dana si le Bureau d'Investigation et le Bureau des Affaires Mutantes employaient des télépathes. Je demandais ça par simple curiosité, elle ne m'a pas répondu ; alors je lui ai demandé si elle en était une elle même. Une voix s'est enfin fait entendre.

« Vous êtes Glenn Van Eyck ? »

Je n'avais à vrai dire même pas pensé à la façon dont j'étais sensé me présenter.

« C'est bien moi, je... Je suppose qu'on vous a prévenu de mon arrivée. »

Dana m'a annoncé que je sortais de sa juridiction.

La vie de professeur dans l'établissement ne se limitait pas seulement à l'exercice périlleux du face à face pédagogique et à la préparation des cours. Chacun devait faire en sorte de faire fonctionner au mieux ce grand navire qu'était l'Institut. Ainsi, il arrivait aux professeurs présents de répondre à des taches administratives lorsque c'était nécessaire. Daniel faisait tout ce qu'il pouvait pour aider allant parfois jusqu'à "oublier" de dormir. Il ne ressentait pas la fatigue pour autant. Sa fiancée et ses amis vivaient ici et il sentait qu'il avait enfin trouvé sa place sur l'échiquier du monde. Véga était en déplacement et on laissait généralement au vieux barbon la tache d'accueillir les nouveaux pensionnaires. Sa verve et sa rudesse cachait un esprit incisif et observateur. C'est sans doute pour les même raisons que Charles lui avait demander pour quelques temps d'assurer l'intérim. Il était en salle de repos à potasser les fiches de cours à donner aux élèves lorsqu'on vint l'avertir de l'arrivée d'une nouvelle personne. Il jeta un oeil au dossier tout en dévalant l'escalier.
On rencontrait de tout à l'institut ; du jeune perdu en manque de repères jusqu'à l'adulte chevronné. Daniel leva un sourcil en lisant les état de service de Monsieur Van Eyck. Décalé, c'était vraiment le mot.
Comment un esprit formaté par des années de vie Militaire pourrait s'adapter a style de vie libertaire de l'institut ?
Il faudrait rester à l'écoute.

Il arriva dans le hall et houspilla deux jeunes qui trainaient là. Du haut de sa trentaine d'années "affichées" il savait se faire respecter. De plus étant "en charge" il avait adopté sa tenue de rigueur. Costume anglais élégant mais sobre.
Il entendit quelqu'un à l'interphone et par acquit de conscience posa la question.
« Vous êtes Glenn Van Eyck ? »

Il entendit la réponse et sourit légèrement. Nerveux hein ? le ton de la voix le trahissait en tout cas
Il tira le verrou et sortit.
Le soleil couchant lui fit mal au yeux, il remonta ses lunettes sur le bout du nez et son regard se porta d'abord sur la femme qu'il salua d'un mouvement de tête puis sur le jeune homme.


Monsieur Van Eyck je présume ? Bienvenue a l'Institut. Charles Xavier m'a demandé de vous accueillir en son nom. Je suis Daniel Hopes, je vis et j'enseigne ici.

Le bruit d'un verrou qu'on tire s'est fait entendre, et un homme en costume est sorti sur le perron. J'ai ressenti une sorte de déception infantile en ne reconnaissant pas le professeur Xavier, ma propre crédulité m'a fait sourire, ce que l'autre n'a pas du remarquer car il s'était trouvé indisposé l'espace d'un court instant par l'intense lumière rougeoyante. Il a réajusté ses lunettes et m'a adressé la parole par des salutations assez formelles. Là encore, quelque chose était différent. Je me suis rendu compte que je n'arrivais pas à me rappeler d'un entretient qui n'ait pas commencé par une salutation au caporal, lieutenant, ou au capitaine Van Eyck. Je me suis empressé de répondre.

- Je vous remercie professeur Hopes. C'est un honneur d'être accueilli par votre institut.

- Je vous laisse Glenn, vous arriverez à vous en sortir sans moi, m'a lancé Dana, avant de saluer le professeur et de descendre les marches du perron.

Claquement de portière, et l'agent du Bureau des Affaires Mutantes quitta l'institut. Je me retrouvais donc à la fois seul, étranger, et sensé partager avec tous ces gens quelque chose de plus fondamental, de plus naturel. Mais ça ne comptait pas, ça ne devait pas compter. D'ailleurs ce professeur Hopes, devait bien être un mutant lui aussi. Mais ça non plus, ça ne devait pas compter. J'étais curieux de savoir quelle était sa spécialité d'enseignement, mais il m'a semblé que ça n'était pas vraiment l'endroit et le moment pour commencer cette conversation. S'il y avait une chose à laquelle j'étais habitué, c'était qu'on en sache autant sinon plus que moi sur la raison de ma présence dans un lieu donné.

- Je viens me joindre à vous pour mieux connaître la nature de... mon changement, et apprendre à mieux gérer les quelques désagréments qu'il a entraînés.

Sur ce point la, mes tremblements et le rapport entre ma taille et l'épaisseur de mes membres parlaient pour moi. J'étais d'ailleurs tout à fait épuisé. Je n'avais pas mangé depuis presque deux heures, heureusement j'avais les poches pleines de ces barres énergétiques qu'on m'avait donné au Kennedy SC.

- Vraiment Mr. Hopes, je vous prie de m'excuser...

J'en ai sorti deux que j'ai mangées successivement, non sans une certaine gène.

- Au fait, quelle est donc votre spécialité ? ... d'enseignement j'entends.

Daniel couva du regard Dana qui prenait la direction de la sortie du parc. Puis naturellement il reporta son attention sur le jeune homme se présentant face à lui. Le Time Tricker ne s'arrêtait pas à l'aspect physique qu'entrainait parfois la mutation, après tout : il allait se marier avec une Sirène ! Et l'un de ses protéger était un enfant-rat. Lui même dans son cour prônait cette tolérance mutant-mutant. Si nous n'étions pas capable nous même de nous entendre entre nous, comment nous faire entendre des autres ?
Il ne fit aucun commentaire lorsque le jeune homme dévora ses barres énergétiques. il conclut à un besoin physiologique évident car son éducation semble être des plus complètes. Conversation posée, rien d'une "tête brulée" en tout cas. Il tiqua cependant aux propos tenus. Il élargit son sourire en écartant les bras.


votre "changement" ? allons..Monsieur Van Eyck..ne mettez pas des mots pour en cacher un autre qui à première vu vous embarrasse. Vous avez un gène mutant...rien de plus, rien de moins. Est-ce que ca fait de vous quelqu'un de différent ? oui et non. Oui vis à vis des autres, je le conçois mais l'individu que vous étiez avant la manifestation de ce gène n'a pas changé, j'en suis certain. Mutant...vous êtes un mutant et vous ne croiserez que celà ici. Moi , eux, vous...personne n'est différent ici.
C'est la première chose que vous devez garder à l'esprit en entrant ici. vous ne "subissez" pas votre état, vous le "vivez".
C'est une démarche difficile à réalisée et à entamer, je le sais mais nous sommes ici pour vous aider à vous "retrouver" et à vous découvrir à nouveau.

il entama la monté vers le perron tout en lui faisant signe de le suivre.

Les gens qui vivent ici ont tous une axiologie différente..pour certains c'est l'apprentissage des phénomènes inhérents à leur état, d'autres veulent se "reconstruire" psychologiquement, d'autres cherchent à étudier calmement parmi les leurs, d'autres victimes de brimades n'ont nul part où aller. il y a une rêgle commune cependant. L'intégration pacifique. Nous espérons en des jours meilleurs et nous voulons les préparer sans effusions de sang et sans haine. L'éducation mènera à la tolérance...enfin, je l'espère.
C'est l'idéal du professeur Xavier.

Il ouvrit la porte l'invitant à entrer

Mon activité ici se résume à enseigner la Citoyenneté et la Morale. je travaille cependant comme expert en objets d'art et ouvrages manuscrits anciens. J'ai d'autres talents...plus particuliers.
Au fait j'espère que la vie militaire ne vous manquera pas trop..j'ai été moi même gradé et j'ai servis pendant plusieurs guerres.

Sur l'invitation du professeur Hopes je suis entré dans le hall. Au diapason de la façade, il était d'un style très raffiné. Ce soir là j'ai commencé à apprécier réellement le luxe. Il ne s'agissait pas d'apprécier l'image du raffinement. Après avoir connu les chambres standardisées, les baraques spartiates, j'avais compris quelque chose du luxe au delà du théâtre social. J'entrevoyais la beauté de vivre dans un lieu conçu par une volonté esthétique, d'une façon désintéressée. J'ai trouvé de l'apaisement dans cette pensée. Peut-être que voir dans la mutanité un risque pour l'esprit de dépassement humain était une illusion du à mon propre désarroi, ma propre peur de ne pas être reconnu comme une personne de valeur.

- Oui... Vous avez raison. C'est juste que je tiens à rester Humain avant de me considérer mutant. Je suppose que vous comprenez, j'ai peut-être le tort de voir se dessiner une antinomie entre les deux. L'air du temps. L'air du temps nous divise, que ce soit pour nous opposer ou créer un pacte artificiel entre deux clans artificiels. C'est ce qui m'inquiète, plus que la paix ou le conflit eux même.

Hopes parlait de guerre. Il ne devait pas avoir plus de quarante ans, il devait être de la génération de soldats précédant la mienne. Le Golfe, les Balkans ? J'hésitais à lui poser la question, je n'étais pas ici pour cultiver des manières de caserne.

- Il est vrai que la vie militaire comporte cet avantage d'enseigner la rigueur, l'effort, la patience. L'espace va peut-être me manquer... je ne sais pas si je pourrais un jour y retrouver ce que j'allais y chercher. En tout cas n'ayez crainte, je viens ici avec les intentions les plus pacifiques qui soient, et le magnifique cadre qui est celui de votre Institut m'est bien plus accueillant que n'importe quel baraquement ou cabine de porte-avion, je suppose que vous êtes, là encore, bien placé pour voir de quoi je parle.

Délicatement Daniel retira ses lunettes et les rangea dans son étuis qu'il glissa soigneusement dans la poche de son veston. Van Eyck lui faisait forte impression, il n'était pas la moitié d'un idiot et s'exprimait avec un vocabulaire complexe et surtout analysait remarquablement bien la situation. Sans doute un reliquat de son éducation militaire. Il espérait que le jeune homme puisse vite trouver des compagnons avec qui partager son ressentit dans des termes similaires.

je suis heureux de vous entendre formuler le premier principe de ce que je cherche à enseigner à mes élèves. Nous sommes à la base tous des humains. Mutants et Humains...ce clivage est effectivement fictif et entretenu par ce que vous nommez "l'air du temps" et ce que je nommerai plus crument les vicissitudes de la noirceur de l'âme humaine. J'insistais sur le fait que nous étions tous des mutants ici pour que vous compreniez bien que ces clivages ici entre nos murs ne doivent pas exister. Nous savons, vous et moi, ce qu'il en est et les mutants pacifistes le savent aussi...seulement les humains au dehors de ces murs vivent avec ce clivage en tête. Le problème vient d'eux il est vrai mais pourquoi ne nous donnons nous pas le temps puisque nous en sommes libérés d'essayer d'ouvrir les yeux des autres ? Des gens "au dehors" ? j'ai foi en cela et je me bats pour cela.

Le professeur regarda sa montre et demanda au jeune homme de le suivre vers le secrétariat tout en poursuivant le long du couloir.


La rigueur est un concept qui me parle effectivement, je suis un pragmatique. Par contre je n'étais pas un militaire de carrière. Nous n'avions pas tout le confort de la vie moderne. La vie dans les tranchées de la vieille Europe étaient plus improvisée que réellement structurée. En 1940, c'était l'effervescence de la débâcle. La gloire de l'armée Française tient du mythe, croyez-le..c'était un joyeux foutoir. J'ai vu tellement de choses affreuses durant ma longue vie que j'aurai préféré être dans l'espace avec vous. indiscutablement.

J'acquiescai à la profession de foi de Hopes. Son point de vue était honorable et altruiste, et je n'allais pas appuyer mon sentiment de voir là un parti pris. Cela dit, j'arrivai moi même en ces lieux avec un certain à priori en faveur des « non-mutants » qui révélait d'emblée sa caducité. Il n'y avait pas de raison de penser qu'un mutant avait quoi que ce soit de plus qu'un Humain, en termes d'humanité, mais pour cette même raison je ne voulais pas penser qu'un mutant puisse éviter plus facilement la confusion. J'ai choisi d'en rester là, et un autre détail a mobilisé mon attention.
Les tranchées de l'Europe de quarante. Soit le professeur Hopes ne faisait pas son âge, soit son rapport au temps n'était pas celui de la plupart des individus. Quoi qu'il en soit, j'étais en face d'un homme d'un autre temps, et rien au premier abord n'évoquait le soldat, il se dotait peu à peu de cette aura du mystère.
Je l'ai suivi le long des sombres panneaux de bois éclairés de loin en loin par des luminaires aux abat-jours rouges. Je ne connaissais pas grand chose de la guerre telle qu'il me la décrivait. Manoeuvres d'approche, manoeuvres d'évitement, verrouillage, feu. Manoeuvre de dégagement, retour à bon port. Je n'avais pas rencontré beaucoup de pilotes ennemis – les invariables « tangos ».

- Il est vrai que dans l'espace, comme dans le ciel d'ailleurs, je n'ai pas connu cet espace d'indétermination entre le succès et l'échec, où naissent la débâcle, le chaos, la lutte pour la survie... la folie. Qui du point de vue du commandement d'une campagne sont conçus comme... des résidus du calcul qui précède le passage à l'acte, la transmission de l'ordre. Même si il me semble que la conquête spatiale donne une tout autre place à l'individu, cela n'empêche qu'avant de vous mettre aux commandes d'une navette spatiale comme d'un F18, on a déjà tout fait pour éviter l'imprévu.

Une autre question m'est soudain apparue, qui ne m'avait pas effleuré l'esprit depuis que j'avais découvert ma mutation et choisi de rejoindre l'institut, mais qui avait fait partie d'une sorte de folklore des agences fédérales, notamment au moment de la création du Bureau des Affaires Mutantes, d'abord comme mythe, puis comme réalité avérée.

- Dites moi, Mr. Hopes, et je vous prie de m'excuser si la question vous paraît incongrue, mais que pensez vous des X-Men et de leur rôle dans la crise mutante ?

Daniel s'arrêta devant la porte du secrétariat et leva un sourcil un peu perplexe, il n'était pas habitué à ce qu'un jeune mutant l'entraine dans un sujet aussi délicat.

Une pensée politique ? Vous êtes surprenant Monsieur Van Eyck. C'est assez rare que nos nouveaux arrivant se placent sur un profil de méta cognition sur leur place au sein de l'échiquier National.
J'ignore si je suis bien placé pour répondre à ce genre de question, je ne parle pas au nom de l'Institut, j'ai une liberté de ton et de pensée sommes toute très personnelle. Le fond de ma pensé est d'abord que je déteste le terme de "crise" mutante. La mutation n'est en rien un problème politique, c'est un problème social avant tout. Dès qu'une société se mêle politiquement d'affaires qui traitent d'un sujet aussi épineux, ca dérive inévitablement vers des mesures démagogues et inadaptées à la réalité.
Va t-on vers la résurgence du Ségrégationnisme ou vers une politique de discrimination positive ? Je n'en sais rien mais je crains le pire. Vous verrez qu'un jour tous les mutants seront obligé de déclarer leur "état" publiquement pour constituer une base de donnée..
ce jour là..je ne préfère pas y songer mais il arrivera..inévitablement.
Les x men ? je n'en suis pas un..peut-être un jour.
Nous défendons le même rêve sauf que parfois il faut se montrer ..persuasif et parler le langage de nos ennemis..humain ou mutant. Je vois les X men ainsi : un sorte de force "casque bleue" dont la moindre faille ou le moindre ratage est immédiatement décrié et exposé.

Que faut-il faire alors ?
Laisser les groupes extrémistes arriver à leur fin ? Non ca serait pire que tout.
Nous ne sommes rien d'autres que les sacrifiés de notre génération. Les mal aimés, nous défendons l'Humanité qui nous montre du doigt. Personne ne veut prendre ce fardeau.
Je pense sincèrement que sans les X Men, notre peuple n'aurait aucun avenir sur cette terre.

Il y avait beaucoup d'amertume dans le ton de la voix du professeur.

Le jeune homme au cheveux longs qui passait par là avait pris part à la conversation de manière quelque peu cavalière, mais soit, mieux valait qu'il en soit directement venu à exprimer son avis. Je le regardais tandis qu'il soutenait que Magneto - ce qui signifiait évidemment Magneto et sa milice de mutants - était à l'origine du ressentiment du commun envers les mutants.

- Vous avez raison Isaac Mendes, cela sonne comme une évidence. Mais avant d'être un mutant, Magneto est un idéologue et un gourou qui veut instaurer un rapport de force entre les humains, ce qui en fait un ennemi de l'unité de notre nation, et de l'universalisme humain. Après tout, si la mutanité n'est qu'un caractère annexe de l'individu, une particularité contingente, c'est presque entrer dans le jeu de Magneto que le considérer comme un dictateur mutant.

Ma raison m'intimait de tenir ce discours, même si je savais que l'inconscient collectif, Magneto représentait très exactement le mouvement darwinien de la prise de pouvoir d'une espèce sur une autre... Le commun des mortel, mutant ou non, ne semblait pas particulièrement porté naturellement sur l'universalisme et la raison.
Je m'adressai à Hopes, à moitié plongé dans l'ombre qui emplissait peu à peu le corridor.

- Que diriez vous de s'occuper tout de suite des formalités d'admission pour revenir plus amplement sur ces questions ?

Daniel soupira. Toujours les mêmes idées reçues, les mêmes chimères, les mêmes erreurs de jugement. un nouvel interlocuteur mettait les pieds dans le plat et sa vision des choses, réduite à l'extrême contrariait le professeur.



On a tous une réputation que les autres forgent pour nous. La question est juste de savoir si elle est méritée ou non. Vous vous trompez tous les deux sur les visés de Magnéto. Il n'est ni un dictateur, ni le Mal...il n'est pas Hitler...il n'est qu'un élément déclencheur. Ce n'est pas pour autant que les idéaux qu'il défend sont mauvais. Son Darwinisme exacerbé n'est qu'une façade et je suis sur qu'il n'y croit pas lui même pour avoir vécu ce que j'ai vécu moi aussi : l'oppression, les camps de concentration et l'enfer des guerres....et croyez moi, ces 116 années de folies humaines m'ont permis de cerner au plus prêt les défauts de la nature humaine ! Il se trompe juste de méthode. Il monte à l'affrontement avec les humains pour préserver les nôtres. Il a choisit la lutte armée et c'est son approche qui diffère de la notre, pas l'origine de ses choix. Nous autres X-men, intervenons car nous pensons qu'il s'agit d'une mauvaise solution à un problème identique. Je respecte cependant sa détermination même si je ne l'approuve pas.
Si je devais l'affronter un jour, ca serait le plus beau combat de ma vie..et ma plus grande fierté de mettre un terme à l'existence d'un homme aussi hors du commun que lui.

Il avait conscience du poids de telles paroles mais le Professeur était ainsi : sans compromis et direct, quitte à blesser. Il jeta un œil à sa montre et revint sur les deux jeunes gens.

J'ai d'autres obligations et ce genre de débat se termine toujours sur un statu quo qui n'a rien de productif. Il n'y a rien de plus personnelle qu'une opinion. Débattons-en dans le cadre d'un cours si vous le désirez mais ni ici, ni maintenant. Ou alors à la cafétéria en toute décontraction...mais je suis désolé, je n'ai pas le temps de vous y accompagner.

Daniel salua d'un hochement de tête le nouvel arrivant, l'heure était assez avancé et il lui fallait donner bientôt un de ses cours à l'autre bout du bâtiment.


Monsieur Mendès, au plaisir de vous revoir, nous reprendrons sans doute cette discussion dans un lieu plus adéquat, jusqu'à ce jour , je vous pries de bien vous porter.

A celui qui venait juste d'intégrer, il adressa un demi sourire avant de conclure avec une intonation de voix qui ne laissait aucun doute sur le plaisir qu'il avait éprouvé à avoir cette discussion de haute voltige.

Monsieur Van Eyck, je gage que vous ne tarderez pas à vous sentir complètement intégré à notre institut, je me tiens évidemment à votre disposition si vous avez besoin de quelque chose ou si l'envie vous prenait de vouloir pousser plus avant cette discussion. Passez une agréable journée.

Spoiler:

J'ai regardé Hopes partir. Visiblement nous étions arrivés au bout de notre échange en ce qui concernait le problème Magneto pour l'instant. Dès les premières minutes de mon séjour, je n'avais pas pu m'empêcher de faire valoir mon point de vue, ça avait peut-être été manquer de tact. Son point de vue ne me plaisait pas vraiment, j'aurais du éprouver de l'antipathie à son égard, pourtant il restait entouré de l'aura du mystère, l'aura de cent vies passées. Cet Isaac Mendes avait, lui, exprimé un avis plutôt tiède et pour le moins consensuel. Rallier Magneto me semblait une idée totalement incongrue. Magneto voulait-il seulement la paix ? Il était déjà un adversaire, et même un ennemi lorsque j'étais capitaine de l'US Airforce, il le restait aujourd'hui.
Mendes avait grimpé sur le rebord d'un fenêtre et semblait réaliser une esquisse au fusain des environs.

- Je peux vous demander ce qui vous amène ici, Mr. Mendes ? Vous résidez à l'institut depuis longtemps ?

- Oui... J'imagine que la protection est une des premières fonctions de l'isolement...

Chose étonnante, je ne l'avais même pas vu de cette façon pour mon propre cas. Avais-je besoin moi même de protection ? Je me surprenais à imaginer que quelque "vieux de la vieille" de la NASA pourrait m'en vouloir de ce que j'étais et de ce que je représentai dans la grande lutte épique de l'Homme contre les espaces inhospitaliers. Mais là c'était ma propre culpabilité qui parlait.

Mendes m'a demandé qui j'étais. Je commençais à relativiser sérieusement ma célébrité... et à réaliser l'étendue de mon orgueil en même temps que j'étais forcé à l'humilité. Ou peut-être n'avaient-ils tout simplement pas la télévision.

- J'ai découvert tout récemment que j'étais également un mutant. Il faut que je découvre dans quel mesure je suis affecté par la mutation. Là d'où je viens on pose beaucoup de questions.

Je n'en dirais pas plus, inutile que tout le monde sache que j'étais lié aux fédéraux. J'ajoutai quand même.

- Vous intéressez-vous à l'astronautique Mr. Mendes ?