Y a pas de mal à se faire du bien

Etre soulagé par la mort. C’était un concept, somme toute, plutôt malsain, pourtant elle devait avouer, qu’elle ne s’était jamais sentie mieux, lorsqu’elle sut que son père n’hanterait plus jamais les rues de n’importe quelle ville du monde. Qu’elle n’avait jamais aussi bien dormi, que la nuit où il était mort. Et qu’elle avait été libérée d’un poids, une mauvaise personne en moins sur la planète, un homme détestable était mort, et elle était heureuse que personne ne l’ait pleurer. Les journaux avaient fait mention d’un homme sans citer son nom, et aucun avis de décès n’était parut. La tombe de son père, avait été payé par l’état, elle était minable, et aucune dalle de la recouvrait. Elle avait tout de même acheté une plaque en marbre, gravée « à mon père ». Ce n’était pas un excès de sentimentalisme, qui l’y avait poussé, seulement un goût prononcé pour l’ironie.

-Je me dis juste qu’un jour je mourrai, dans un anonymat complet. Et malgré ton point de vue, j’ai confiance en l’humain, je pense qu’il ne peut que s’améliorer. Je ne souhaite pas mourir pour ne plus voir les gens, d’ailleurs ne souhaite pas mourir, je ne préfère pas penser à cela, la fin de tout n’est pas très réjouissante.

Mourir, signifiait entre autre la fin des fonctions vitales, et cesser de penser, de réfléchir, était inconcevable à la jeune fille. Lisbeth croisa les bras, tentant de conserver le peu de chaleur qui lui restait, elle se redressa et fit quelques pas pour rejoindre le bord de l’eau, observant son absence de reflet, puis posa son regard sur celui, strié, de la ville.

Le changement du sujet la soulagea, d’une part parce qu’elle pouvait donner des réponses, et d’autre part parce qu’il ne la plongeait plus dans de sombres souvenirs. Elle frotta ses mains l’une contre l’autre pour réchauffer ses doigts engourdis et répondit à la question de Jack.

-Je me suis retrouvée à l’Institut, en faisant des recherches sur les mutants, je suis tombé sur un article de presse parlant de l’Institut du professeur Charles Xavier, j’avais des questions, et ils ont sûrement la plupart des réponses, de plus, je m’y plait plutôt bien. Et toi, comment tu t’es retrouvé à frapper à leur porte ?

Elle se retourna vers lui, s’arrachant à la contemplation de ville et de sa vie nocturne, elle était un peu étonné, que quelqu’un de sa condition éprouve le besoin de trouver refuge, ou même de poser des questions, il avait tout le temps pour se faire son opinion propre sur sa condition, et il semblait particulièrement satisfait de son sort. Lisbeth ne comprenait pas ce qu’il pouvait bien espérer, à moins qu’il ne cherche juste la compagnie de gens comme lui, l’immortalité semble très attrayante, mais il ne faut pas oublier qu’il faut la vivre seul. Et cette solitude commençait peut être à peser Jack. Même si cette éventualité lui paraissait peu probable.

Pas n’importe qui… c’était peut être le seul reproche qu’elle avait faire à cet eden.

-Justement… il suffit de montrer patte blanche pour entrer. Je suppose qu’avoir à leur tête le plus grand télépathe de ce monde suffit à épargner les tests psychologiques.

La méfiance de la jeune fille n’arrivait pas à se taire et lui chuchotait sans cesse que quelque chose ne tournait pas rond dans cet endroit, trop parfait, trop gentillet, trop plein de bonnes intentions. Le professeur Charles Xavier était un utopistes, au moins aussi, si ce n’était même plus, grand que Gandhi. Sa croyance en l’espèce humaine la dépassait complètement. Et puis après tout personne n’était parfait, ça elle ne savait, Lisbeth en venait à se demander s’il n’avait pas quelque chose à se reprocher. Peut être avait-il lui-même commis des atrocités. Elle chassa cette idée de son esprit, ce n’était pas le moment d’une remise en question. Pour l’instant son existence était plus stable qu’elle ne l’avait jamais été, et c’était assez reposant de pouvoir dormir sur ses deux oreilles, de manger convenablement, et de pouvoir même prendre le temps de se balader tranquillement, même si sa légère paranoïa l’avait poussé à ne pas sortir désarmé.

-Un jour ils feront entrer le loup dans la bergerie et ne s’en rendront compte que trop tard.

Sur ce point elle était parfaitement d’accord. Les médias. Ils avaient a cette heure plus de pouvoir que quiconque. Ils annonçaient aux gens comment penser les problèmes de sociétés, leur expliquaient de quoi ils devaient avoir peur, et donnait à tout à chacun sa dose d’atrocité aux moments des repas. Souvent ils alourdissaient ou allégeaient la vérité, plusieurs des faits divers dans lesquels elle était impliquée, c’était vu projeter au 20h. Souvent, cela lui arrachait un sourire grimaçant. Et une vague envie de meurtre, souvent elle devenait un homme d’une trentaine d’année et dangereusement armée. Les médias n’aimaient pas les histoires de bijoux qui s’envolaient, de coffres ouverts sans effraction, sans brutalité. Les médias étaient à notre siècle, le film d’aventure le plus vue aux mondes. Chacun pouvait se révolter contre les guerres civiles des pays du tiers monde, tranquillement installé dans son canapé en buvant son coca cola.

-Non… je n’ignore pas ce fait.

La jeune femme soupira, et une volute de fumée blanche s’échappa de ses lèvres. La fatigue commençait à engourdir son corps, le froid accentua un peu plus cette impression. Pourtant, elle n’éprouvait pas l’envie de rentrée. Juste celle de se blottir devant une cheminée. Celle de son appartement lui manquait, bien sur l’Institut en possédait une également, mais elle était loin d’être délaissée, et il n’y avait que dans son appartement, son sanctuaire, inconnu de tous, ou elle se sentait en sécurité et se permettait ce genre de fantaisies. Au dessus de sa cheminée, elle avait placé un agrandissement du rayogramme (1927) de Man ray dans laquelle elle aimait volontiers se perdre.

-Tu penses qu’il est déjà entré ? L’école fourmille d’élèves innocents et influençable… c’est la bonté du professeur, sa générosité qui fera sa perte. L’un d’eux se retourna peut être un jour contre lui.