Au bord de l'Hudson [Lisbeth et libre]

Une fois encore, Lisbeth, avait décidé de se laisser porter par la nuit. Après avoir erré du côté de Chelsea, elle avait remonté le fleuve, son éternelle cigarette coincée entre les lèvres. Le temps s’écoulait paisiblement depuis qu’elle était à New York, le calme plat si ce n’était son intégration dans les X-teens, l’appellation la faisait autant sourire que grimacer. Une bande d’ado pressée de faire comme les grands, pourquoi pas après tout, elle n’avait jamais été intégré au sein d’une équipe, elle ne l’avait pas non plus recherché. Et il lui faudrait un certain temps pour s’habituer à devoir compter avec les autres, et pourquoi pas, pour les autres. Elle jeta son mégot dans une bouche d’égout, et changea la chanson qui tournait dans son mp3, passant de Black Sabbath à Oomph. « Sandmann Sandmann mach die Lichter aus. Die Wahrheit ist grausam. ».

Elle fredonnait d’un air absent, observant les lumières de la ville dans les eaux sombres de l’Hudson, lorsqu’une silhouette attira son attention, une silhouette familière, qu’elle n’avait pas revus depuis quelques temps maintenant, et qui semblait hanter les rives du fleuve New Yorkais au même titre qu’elle. Elle ôta son baladeur qu’elle rangea dans son petit sac noir, et s’avança. Son cœur avait quelque peu accéléré sa course dans sa cage thoracique, lui seul provoquait cette sensation de peur et de fascination. A chaque pas son instinct lui hurlait de prendre ses jambes à son cou, pourtant rien n’y faisait, ses pas la menait irrémédiablement à ses côtés.

-Bonsoir Jack.

Lorsqu’il sourit, elle détourna rapidement les yeux, comme gêné, ce n’était pas un sentiment dont elle était familière. Ce qui était particulièrement étrange en compagnie de Jack, c’est que celui-ci semble constamment plongé dans de sombres réfections, comme s’il planifiait des choses, des choses cachées... Et Lisbeth était quelque part ravit de ne pas être télépathe, l’aura de secret qui entourait cet énigmatique personnage semblait bien trop angoissante pour que l’ont éprouve réellement l’envie de la déchiffrer. Chacun avait son jardin secret, et dans ce jardin ses propres secrets d’enterrer, et il n’était jamais bon de fouiller. Elle ne poserait sans doute jamais à Jack, les questions qui lui brûlaient les lèvres, la peur de la vérité sans doute. Elle prit sur elle de plonger son regard dans le sien, et de laisser un vague sourire naitre sur ses lèvres, en réponse au sien.


-Ce qui m’amène… je pourrai dire le vent du Nord… mais ce serait d’un cliché. Je me baladais tout simplement.

Bien entendu, n’importe qu’elle fille ne se serait sans doute pas aventuré seul dans New York, mais il était rare qu’elle se fasse agresser. Quelque part elle devait dégager quelque chose de dangereux. Comme s’ils savaient qu’à la moindre tentative d’approche ils se retrouveraient avec le canon d’une arme pointée entre les yeux. Dire qu’elle n’avait pas peur était faux, elle ne possédait pas une superforce, et sa mutation ne possédait aucun atout apte à la défendre. Elle avait du apprendre à se battre, et à se servir des armes à feu. Et jusque ici, elle n’avait eu à affronter que des humains, et son entraînement était, pour cela, largement suffisant. Mais devant cet immortel, elle se sentait démunie, et quelques peu idiote. Il avait connut le monde et certains de ses plus gros bouleversements, qui était elle pour le tutoyer, et débattre avec lui, comme cela était arrivé quelques temps avant. Si à l’intérieur c’était le chaos, elle resta pourtant parfaitement de marbre lorsqu’elle poursuivit.


-Et toi, que viens tu faire ici ?

Lorsque Jack parla de son arme, machinalement elle porta la main la main sur sa veste, juste à l’endroit ou elle sentait le contact quelque peu rassurant du revolver. Lisbeth avait pris l’habitude de ne jamais se déplacer sans. Après tout, si elle s’était rangée, certaines anciennes connaissances n’était pas au courant et pouvait à tout moment lui tomber dessus, et sa paranoïa n’aurait de cesse de la tourmenter avant quelques années. Lorsqu’il ôta sa veste elle ne put retenir un sourire en coin, il y mit tant de manière, qu’elle aurait pu en deviner qu’il n’était de ce siècle, si bien sur il ne le lui avait pas déjà dit à leur précédente rencontre.

En revanche elle fut surprise qu’il le devine si vite, elle avait pris soin de la camoufler sous une veste ample. Lorsqu’il expliqua l’indice principal qui l’avait mené à cette déduction, elle nota soigneusement dans un coin de son cerveau de faire plus attention dorénavant. S’il avait pu le voir, quelqu’un d’autre le pourrai sûrement. Finalement elle lui offrit un sourire sans joie et désabusée.


-Cela va pour les mutants immortels… ou ceux qui ont un potentiel destructeur développé… or, c’est loin d’être mon cas. Et je connais certaines personnes pour qui ils seraient agréables de me voir couler, un boulet attaché à la cheville, au fond du fleuve.

Mourir ne l’effrayait pas particulièrement, tout le monde devait passer par là, si ce n’était Jack, bien entendu. Mais souffrir était une autre histoire, sentir ses poumons se remplir d’eau, sa gorge brûler, et ne pouvoir rien faire d’autre que de se débattre en vain. Non, décidément elle se sentait mieux armée. Une fois seulement elle avait été attrapée, une fois seulement elle avait goûté à la torture, et ses ongles avaient mis un temps fou à repousser. Mais elle avait eu la chance et la surprise de voir les fédéraux débarquer. Lorsqu’ils l’avaient libéré, elle ne s’était pas fait prier, elle avait usé de ses dernières forces pour s’enfuir. Elle n’avait pas parlé, et avait réussit ce contrat, celui là même qu’il avait fait germer l’idée de se mettre au vert quelques temps. Elle observa un instant ses mains et un éclair de rage la traversa, avant qu’elle ne se ressaisisse et retrouve son habituel impassibilité.


-Insensé c’est le mot, ça l’est aussi de venir en balade ici, même pour un immortel, ce n’est pas un lieu très animé et il n’y a pas grand-chose à y faire. Serais-tu un grand solitaire ?

Après tout l’immortalité n’offrait guère de place à la compagnie, à quoi bon se faire des amis, si c’est pour les voir mourir. Elle regretta sa question cependant, un peu tardivement.

Les opéras de son enfance, quelque part elle regrettait de ne pas avoir eu l’enfance dorée du 19ème siècle de son interlocuteur. Son initiation musicale venait de ses parents, son beau père était féru de musique country, qui encore maintenant avait tendance à lui faire grincer des dents. Et sa mère s’était toujours beaucoup plus intéressé à ce qu’il se passait dans ses magasines, plutôt qu’à ce qu’il passait à la radio. Musicalement, elle n’était pas très callé, et la plupart du temps ce qu’elle aimait, les gens le qualifiait de bruit. Elle fut prise au dépourvu par la question, pas qu’elle soit personnelle, ou particulièrement compliquée. Elle était simplement désuète, la conversation entre deux jeunes gens qui apprennent à se connaître, sans cette fois que la conversation ne s’oriente vers des sujets philosophiques, touchant de peu le glauque. Jack Holmes était décidément imprévisible, bien loin des gens qu’elle fréquentait à l’Institut.

-Ce que j’écoutais… oomph. Je doute que se soit le genre de musique que tu apprécies.

Elle aimait que les sonorités rock, se mêlent à l’électronique dans une mélodie sombre et violente, cela l’apaisait quelque part la rage qu’elle conservait en elle trouvait un échos. Mais, par ailleurs elle aimait pour se concentrer, écouter, parfois sur un morceau de Tchaïkovski, particulièrement ses quatuors pour cordes.

-Et toi Jack, qu’écoutais-tu ?

Lui renvoyer la question, était un moyen d’alimenter la conversation, une conversation normale, dans laquelle elle ne se sentait pas le besoin de peser ses mots, ni de réfléchir longuement. Peut être éprouvait elle, un sentiment tout nouveau, qui lui était inconnu, la confiance. Bien qu’elle ne puisse passer outre l’aura de danger qui entourait Jack, elle sentait quelque part qu’elle n’avait rien à craindre venant de lui, si ce n’était de nouvelles questions qui la prendraient au dépourvu.