Shopping! (ou presque) [PV Lénore] [TERMINÉ]

Roween arriva devant le centre et se retourna vers Lénore, qui suivait à un rythme légèrement plus lent, visiblement pas trop rassurée. Il n’y avait que peu de lumière à l’intérieur du bâtiment, qui était fermé à cette heure tardive. Cela ne déragea pourtant pas Roween, pour laquelle la fermeture d’un endroit ne posait pas autrement de problème. Pourtant, elle attendit patiemment que Lénore la rejoigne et passa derrière le bâtiment avant de poser les mains sur les hanches.
« Voila, tu vois cette porte ? », demanda-t-elle à Lénore en jeta un regard par-dessus son épaule vers l’un des nombreuses portes de services, utilisées pour les livraisons. « Eh bien, c’est par là qu’on va passer. Tu es d’attaque, j’espère? »

Roween afficha un grand sourire. C’était maintenant qu’elle allait voir si Lénore aurait assez de cran pour suivre, et même si la brunette aurait très bien pu traverser la porte et l’ouvrir de l’intérieur, elle avait envie de voir le pouvoir de la petite blonde à l’action.
« Ce truc juste à chiffres juste à côté, c’est pour les livreurs. Il y a un code d’entrée, et si tu veux passer, on va devoir le trouver…je compte sur toi, parce que je n’ai pas envie de passer ma soirée ici. »

PP: La Halle d'entrée --> "Minmuit, heure du crime"



Durant toute la durée de la ballade, Lénore avait suivi sa camarade sans faire de commentaire. Tout ce qui se passait était si nouveau pour elle et elle continuait de s’étonner elle-même d’avoir eu assez de courage – ou de folie, c’était selon – pour suivre Roween lors d’une de ses virées nocturnes. Lénore se sentait osciller entre peur, résignation et un autre sentiment plus positif, qu’elle ne parvenait pas tout à fait à définir. Peut-être était-elle simplement heureuse de faire quelque chose en compagnie d’une autre personne, elle qui avait eu en tout et pour tout qu’une seule conversation digne de ce nom. Cette pensée la fit songer à Aaron: depuis cette fameuse nuit, elle n’avait plus revu le jeune homme et n’avait pas osé demander de ses nouvelles. Elle aurait voulu lui parler encore, lui poser des questions et en savoir plus sur sa manière de voir sa faculté, mais le temps n’était peut-être pas encore venu. Aussi Lénore espérait-elle que Roween serait également capable de répondre à certaines de ses questions, chose qu’elle avait sans doute déjà fait, sans même s’en rendre compte.

Alors que les deux filles traversaient la ville, Lénore se tenait très près de Roween, les yeux grand ouverts et pleins d’admiration. C’était la première fois qu’elle « visitait » le quartier et elle état impressionnée par la taille des bâtiments et le nombre de personnes qui se trouvaient encore dehors à une heure aussi tardive. Oh, elle avait bien connu Londres…mais New York lui paraissait encore plus fantastique, encore plus énorme et encore plus lumineuse que la capitale anglaise.

Au bout d’un bon moment de marche, Roween lui fit quitter l’artère principale pour s’enfoncer dans une rue qui jonchait un énorme centre commercial, fermé pour la nuit. Alors que Lénore se demandait encore ce que Roween pouvait bien vouloir faire là, la brune s’immobilisa soudain devant une porte, sans doute une entrée de service du centre. Intriguée, Lénore s’arrêta à son tour et voulu demander à sa camarade la raison de sa venue, mais une fois de plus, Roween fut plus rapide qu’elle:
« Voila, tu vois cette porte ? », demanda-t-elle à Lénore, qui hocha la tête en signe de réponse, toujours sans comprendre où Roween voulait en venir. « Eh bien, c’est par là qu’on va passer. Tu es d’attaque, j’espère? »

« …D’attaque ? », répéta Lénore, sans comprendre – ou sans avoir le courage de faire un effort supplémentaire de compréhension, car son instinct lui disait d’ores et déjà qu’elle n’allait sans doute pas aimer l’idée de sa camarade.
« Ce truc juste à chiffres juste à côté, c’est pour les livreurs. Il y a un code d’entrée, et si tu veux passer, on va devoir le trouver…je compte sur toi, parce que je n’ai pas envie de passer ma soirée ici. »
Cette fois, Lénore ne pouvait plus faire mine de ne pas comprendre. Roween voulait entrer par effraction, faisant de Lénore sa complice! Soudain encore plus blâme qu’à son habitude, la jeune fille secoua la tête.
« Non…arrêtes…je ne ferai pas ça… », annonça-t-elle d’un air catégorique. Elle n’allait pas forcer l’entrée parce que Roween le lui demandait ! Mais pour qui cette fille la prenait-elle? Impassible, Roween semblait attendre, si bien que Lénore se sentit frissonner…
« D’ailleurs, je ne peux pas faire ça! Je ne contrôle pas ce que je vois! C’est peine perdue! », se justifia-t-elle, soulagée d’avoir enfin trouvé une bonne raison pour envoyer promener sa camarade et ses idées saugrenues. Maintenant, elle voulait rentrer à l’Institut.

Au premier moment, Lénore ne comprenait pas…ou ne voulait pas comprendre, comme l’imaginait Roween. Sa réaction n’était pas sans amuser Roween, qui avait l’impression de lui avoir demandé de faire sauter un building ou de détruire tout l’univers. Eh bien…un petit peu coincée, la blondinette, et pourtant, Roween aurait parié que secrètement, elle crevait d’envie d’essayer. C’est exactement sur cette envie que Roween jouait, car elle l’avait ressentie elle aussi. D’ailleurs, Lénore avait eu la mauvaise idée de lui confier dès leur première rencontre qu’elle gardait son pouvoir en cage, de peur qu’il ne devienne incontrôlable, si bien que Roween s’était demandé comment cette file faisait pour survivre. Retenir son pouvoir aurait rendu Roween folle, et elle ne voyait aucune, mais aucune bonne raison de le faire.

« Non…arrêtes…je ne ferai pas ça… », annonça Lénore d’un air bien catégorique, alors que Roween ne broncha pas et se contenta de croiser les bras, visiblement en attente d’une réponse plus satisfaisante.
« D’ailleurs, je ne peux pas faire ça! Je ne contrôle pas ce que je vois! C’est peine perdue! » Tout cela sonnait comme une justification à bon marché, et Roween n’hésita pas à afficher l’un de ces fameux sourires entendus.

« Ah, alors comme ça, tu ne peux pas ? Comment le sais-tu, alors que ne n’as même pas essayé ? » Roween jeta un coup d’œil à la porte. En fait, elle ne savait pas si Lénore était capable de faire une telle chose, mais par rapport à ce que la blondinette lui avait raconté sur son pouvoir, ce genre de choses devait être dans ses cordes. Oh, bien sur, elle aurait pu être sympa et dire à Lénore de laisser tomber afin d’aller ailleurs, mais Roween n’avait pas l’intention de lâcher le morceau aussi facilement.

« Allez, n’en fait pas toute une histoire…je ne t’ai pas demandé de faire exploser toute la ville. Je veux simplement faire un petit tour là-dedans de nuit et après, on va ailleurs. Et comme j’ai vraiment envie, je n’ai pas l’intention de passer la nuit à attendre…alors décides-toi et vas-y. »
Roween braqua son regard dans les yeux clairs, presque délavés, de Lénore et haussa les épaules. « Ou tu ne peux vraiment pas ? Essayes, tu verras bien, au moins, tu seras sûre de ne pas en être capable ! Et d’ailleurs… » Cette fois, le sourire de Roween devint carrément mauvais « …je ne te conseille pas de rester trop longtemps ici, toute seule, à m’attendre. C’est un sale coin. Je préfèrerais que tu viennes avec moi, mais pour ça, il faut que tu te décides à ouvrir cette porte. »

« Ah, alors comme ça, tu ne peux pas ? Comment le sais-tu, alors que ne n’as même pas essayé ? » Du sarcasme. Lénore savait bien qu’elle aurait du refuser, que d’envoyer Roween sur les roses serait sans doute la meilleure solution. Et pourtant, elle n’arrivait pas, car même si elle aurait préféré se trancher la langue à coups de dents plutôt que de l’avouer, elle aussi voulait savoir si elle était capable d’une telle chose. Ouvrir cette porte lui demanderait de contrôler son pouvoir, de garder le contact avec le boitier électronique suffisamment longtemps pour voir ce qu’elle voulait voir.

Jusque là, Lénore n’avait plus fait un pas sans ses gants, de peur que son pouvoir se manifeste. Or, Roween la mettait devant un fait accompli et, sentant son hésitation, la pressa d’agir. Devant l’empressement de sa camarade, Lénore aurait adoré lui dire qu’elle en avait rien à faire si Roween passait oui où non toute la nuit dehors, mais elle savait d’ores et déjà que la brune aurait sans doute quelque chose à riposter. Lénore l’enviait pour ce sens de la répartie qu’elle était bien loin d’avoir, et elle aurait payé cher pour en faire autant. Peut-être étais-ce à l’un des raisons pour laquelle elle c’était laissé entrainer par Roween: cette fille avait sans doute quelque chose à lui apprendre.

« …Je ne te conseille pas de rester trop longtemps ici, toute seule, à m’attendre », repris Roween en affichant un sourire qui glaça Lénore jusqu’aux os. « C’est un sale coin. Je préfèrerais que tu viennes avec moi, mais pour ça, il faut que tu te décides à ouvrir cette porte. »
« Tu…tu m’as trainé ici tout en sachant que c’est un sale coin? », s’indigna Lénore, soudain encore plus blanche que d’habitude. Soudain, elle eut envie de foudroyer Roween du regard, de tourner les talons et de retourner à l’Institut le plus vite possible. Comment Roween avait-elle pu lui faire ça ?
Les joues de Lénore s’empourprèrent sous l’effet de la colère et elle ouvrit la bouche pour dire sa façon de penser à sa camarade mais, malheureusement pour elle, aucun son n’en sortit. Elle venait de se faire prendre au piège, et Lénore détestait ça.

Au fond, elle n’avait plus vraiment le choix. Elle était allé trop loin pour faire marche arrière, sans mentionner le fait que, sans l’aide de Roween, elle ne pourrait pas regagner discrètement l’Institut et serait donc obligée d’expliquer sa présence dehors, au milieu de la nuit. Or, Lénore n’avait pas envie de devoir s’expliquer, pas après ce qu’elle venait de faire.

« Très bien, je vais essayer…mais je ne garantis rien », dit-elle finalement en soupirant et, tout en retirant le gant de sa main droite, elle se maudissait d’être venue. Un peu tremblante, Lénore approcha sa main fine du boitier électronique et s’arrêta à quelques centimètres. Elle ne pouvait pas…et si elle faisait du mal ?
*A qui veux-tu pouvoir faire du mal…ce n’est qu’un boitier…*
Après tout, c’était vrai. Elle ne ferait du mal à personne…mis à part…peut-être à elle-même. Lénore se retourna vers Roween, qui était toujours impassible. Elle n’avait décidément plus le choix.

Le cœur battant, Lénore posa sa main nue sur le boitier et s’attendait déjà aux pires choses, si bien qu’elle fut presque déçue lorsqu’elle ne ressentit…rien. Absolument rien. Une fois de plus, son pouvoir faisait ce qu’il voulait. Lénore baissa les yeux, honteuse de ne rien avoir obtenue.

C’est alors qu’elle sentit une odeur gênante…celle d’une cigarette froide. Cette odeur étrange devint un goût dégoutant dans sa bouche et ses bras commencèrent à tirer, comme si elle avait du porter de lourdes charges tout la journée. Surpris, Lénore failli lâcher prise, mais elle parvint à s’en empêcher à la dernière seconde. L’impression, elle, était très indistincte, preuve que cet objet n’avait sans doute pas grand-chose à lui révéler. Lénore tenta de se concentrer, ferma les yeux et écouta.

…Elle se trouvait là, appuyée contre le mur, fumant une cigarette et pestant contre la crise et son salaire de misère. Son collègue, adossé à la camionnette, acquiesçait sans autre commentaire. Il fallait faire vite aujourd’hui, car deux autres grands centres commerciaux se trouvaient encore sur sa liste. Pourtant, il fallait quand-même prendre une petite pause, après tout, le salaire ne valait pas un excès de zèle.
« Bon, allez, on y va », décida Lénore, écrasa sa cigarette avec un soupir face à cette pile de cartons qu’elle allait devoir se taper, puis se retourna vers le boitier et composa le code, tout en maudissant son patron.

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Cette fois, Lénore lâcha le boitier. Les yeux ronds et soudain essouflée, elle fixa Roween. Le goût amer de la fumée ne s’était pas totalement évaporé dans sa gorge, mais cela lui était égal.
« Je…je crois que… », tenta-t-elle d’expliquer, haletante, avant de se retourner soudainement vers le boitier, de remettre son gant droit et de taper le numéro qu’elle venait de voir.

Injuste où non, il fallait qu'elle sache...

HJ: Désolée pour le retard! Tu m'en veux pas trop? Hein?



« Tu…tu m’as trainé ici tout en sachant que c’est un sale coin? »
Visiblement, Lénore appréciait assez peu la plaisanterie. Roween haussa les épaules. „Fais-moi un procès, si tu veux“, répondit-elle en sachant pertinemment que Lénore n’oserait pas l’affronter. Roween ne connaissait pas cette fille depuis longtemps, et pourtant, elle avait l’impression de la cerner plus que facilement. Des filles comme la petite blonde, Roween en avait déjà rencontré, et la plupart c’étaient faites bouffer en vitesse. D’ailleurs, Roween n’était pas sans savoir ce que c’était de faire partie des plus faibles de se retrouver dans le club des Losers, mais maintenant, tout cela était bien fini. Maintenant, c’était elle qui faisait tout ce qu’elle voulait, sans demander l’avis de personne.

« Très bien, je vais essayer…mais je ne garantis rien »
Roween hocha la tête : elle avait vu juste. Lénore n’avait pas réussi à lui tenir tête et la brune était convaincue que cela n’arriverait pas de si tôt. D’ailleurs, elle soupçonnait Lénore de vouloir essayer, elle aussi. La blonde se dirigea vers le boitier et, après une hésitation qui paraissait incroyablement longue à Roween, elle y posa la main. Intriguée, Roween s’approcha. Maintenant, elle allait pouvoir voir de quoi la petite Lénore était vraiment capable. Son pouvoir allait-elle lui obéir ? Peut-être que, si c’était le cas, Lénore allait-elle un jour la remercier de lui avoir quelque peu forcé la main.

Les secondes passèrent et, tout d’à coup, Lénore rouvrit les yeux.
« Je…je crois que… », commença-t-elle, puis se retourna vers le boitier et composa un numéro. Roween fixa la porte qui, au bout d’une seconde s’ouvrit avec un clic métallique. *Elle a réussi…*, en concula-t-elle, le sourire aux lèvres.
„Eh bien…tu vois ! Quand tu veux….allez, on y va !“

Sans se retourner, Roween entra dans le centre, laissant à Lénore quelques précieuses secondes pour savourer son triomphe, passa devant des rangées de cartons et trouva l’escalier qui la mènerait au premier étage, celui où se trouvaient l’entrée officielle et, bien sur, le cœur du magasin. Roween ouvrit la porte et jeta un coup d’œil autour d’elle : a part des gants de toilettes et des déodorants, il n’y avait rien. Pas un vigile, pas de lumières suspectes…rien.

„Allez, dépêches-toi !“, dit elle à Lénore, „on va aller te trouver quelque chose à mettre !“

Il y eut un clic…et la porte était ouverte.

Lénore n’en revenait pas. Lentement, elle leva ses mains à la hauteur du visage et les tourna, paumes contes elle. Son pouvoir lui avait obéi…elle avait réussi à voir ce qu’elle voulait voir, peu importe les effets secondaires. D’ailleurs, c’était l’une des premières fois où elle ne se sentait pas mal après avoir utilisé son pouvoir. Peut-être que, au premier moment, elle avait eu la tête qui tournait un peu, mais entre temps, ça allait beaucoup mieux.
« J’ai réussi », répéta-t-elle, toujours sans y croire. Son pouvoir lui avait obéi et Lénore en était tellement étonnée qu’elle n’arrivait même plus à en vouloir à Roween de l’avoir poussé à le faire. Au contraire. En fait…oui, en fait, elle lui en était presque reconnaissante, même si Lénore sentait encore la peur lui nouer l’estomac.

„Eh bien…tu vois! Quand tu veux….allez, on y va!“
Lénore regarda Roween la dépasser et s’engouffrer dans le bâtiment obscur. Elle-même n’avait pas bougé, car maintenant que la porte était ouverte, Lénore ne savait pas si le fait d’entrer était une si bonne idée. Pourtant, une fois de plus, elle n’avait pas tellement le choix, étant donné que, même si elle ne voulait pas rentrer dans ce centre commercial en pleine nuit, l’idée de rester seule dans cette arrière-cours sombre lui plaisait encore moins. Lénore se passa la main sur le front et suivit sa camarade.

Roween avait déjà commencé à monter les marches lorsque Lénore ouvrit la porte des escaliers de service. Visiblement, Roween était bien décidée à aller faire les magasins, peut importe si le centre était fermé ou non. Ignorant les battements presque douloureux de son cœur, Lénore monta après Roween et manqua de lui rentrer dedans lorsque celle-ci s’arrêta, ouvrit une porte qui donnait visiblement sur le magasin et jeta un coup d’œil à l’intérieur. Prudemment, Lénore regarda par-dessus l’épaule de sa camarade. Rien…du moins, à première vue.

„Allez, dépêches-toi !“, chuchota Roween en entrant d’un pas décidé, „on va aller te trouver quelque chose à mettre !“
« Quoi ?…Mais j’ai tout ce qu’il me faut, merci et…et je crois que c’est fermé…, tu sais… » Lénore aurait parié que Roween était au courant, d’une chose comme de l’autre, mais qu’elle s’en fichait purement et simplement. Lénore ne voulait pas encore croire que Roween était venue ici pour voler des choses, mais cette idée était entrain de faire son chemin dans sa tête.

Suivant Roween, Lénore passa devant des jouets, du café moulu, des vélos d’intérieurs et des télévisions. Non, elle n’aimait pas cette idée, mais elle ne cessait de repenser à ce qui venait de se passer devant la porte. Elle avait réussi…cette fois, c’était elle qui avait contrôlé son pouvoir, et non l’inverse.
Arriverait-elle à le refaire ?

„Alors comme ça, tu crois que c’est fermé?“
Roween se retourna vers Lénore, qui avait fini par la suivre, et haussa les épaules. „Et si c’était le cas…ou est le problème ? Je crois que je vais devoir t’expliquer quelque chose, mon chou…“

D’un pas nonchalant, Roween s’approcha de Lénore et attrapa en passant une écharpe dorée, qu’elle se passa autour du cou après avoir arraché l’étiquette. „Fermé ou pas, ce n’est pas notre problème…pas pour des gens comme toi et moi…nous sommes différents…et nous n’appliquons pas les mêmes règles.“Roween afficha un nouveau sourire, attrapa un pantalon et le plaça devant Lénore. Non…ce n’était pas ça. Roween jeta le vêtement sur le coté et attrapa un jeans cousu de paillettes qu’elle appliqua contre les jambes de Lénore. D’un air critique, Roween inclina la tête sur le côté. „Beaucoup mieux…tu devrais l’essayer. Je suis sure qu’il t’ira bien…bien que tu sois un peu trop maigre pou ce genre de pantalon…oh, et essaye ça aussi.“ Roween attrapa un chapeau avec une grosse fleur qu’elle plaça sur la tête de Lénore avant d’éclater de rire.

Finalement, elle se détourna et parcouru les rangées de vêtements, attrapant une veste en cuir qu’elle essaya devant le miroir d’une cabine. Satisfaite de ce qu’elle voyait, Roween se retourna vers sa camarade. „Tu vois, c’est très simple : tu vois, tu veux…tu prends. Par contre…à ta place, je reposerais le chapeau.“

„Alors comme ça, tu crois que c’est fermé?“
Lénore appréciait pas tellement le ton que Roween venait d’employer…et elle avait sans doute visé juste, car sa camarade haussa les épaules et affirma qu’une telle chose n’était pas son problème. Pourtant, alors qu’elle s’approcha de Lénore en lui disant qu’elle allait lui expliquer quelque chose, Lénore du se retenir pour ne pas reculer. Roween s’arrêta devant elle avant d’avoir pris une écharpe sur un tas, attrapa un pantalon, puis l’autre qu’elle place devant Lénore en regardant le résultat d’un air critique. Lénore, quand à elle, ne bougea pas. Elle commençait à comprendre que Roween n’allait décidément pas hésiter à dévaliser le magasin…et qu’elle attendait à ce que Lénore face de même. Or, Oracle ne pouvait pas.

„Fermé ou pas, ce n’est pas notre problème…pas pour des gens comme toi et moi…nous sommes différents…et nous n’appliquons pas les mêmes règles.“
Lénore leva les yeux et regarda sa camarade. Roween était sérieuse, aucun doute là-dessus. Elle avait dit qu’elles étaient différentes, elle venait d’inclure Lénore dans son équation, en la traitant comme son égale. Bien malgré elle, Lénore s’en sentit flattée. Le chapeau que Roween lui mit sur la tête l’était beaucoup moins, mais Lénore esquissa tout de même un sourire. Elle comprenait où sa camarade voulait en venir, mais elle n’était pas certaine de vouloir le comprendre. Son pouvoir lui permettait-elle vraiment d’être au-dessus des lois?

Pendant ce temps, Roween était retournée à ses essayages et se regardait dans un miroir, vêtue d’une veste en cuir qui devait valoir son prix. Lénore se mordit la lèvre inférieure, incertaine de l’attitude à adopter. Oui, elle avait compris et elle commençait même à avoir envie d’essayer…mais c’était mal. Tu ne volera point, disait le commandement, et Lénore baissa la tête.
Ce fut Roween qui, une fois de plus, la ramena à la réalité. „Tu vois, c’est très simple : tu vois, tu veux…tu prends. Par contre…à ta place, je reposerais le chapeau.“

Tu vois, tu veux, tu prends ? – Voila bien un commandement différent de ceux qui étaient enseignés par la Bible. Lentement, Lénore ôta le chapeau et le reposa, puis se rapprocha lentement de Roween, qui continuait à se pavaner devant la glace.
« Tu sais, je crois que…c’est mal… » Ce que lui disait sa conscience était clair : il ne fallait pas. Et pourtant…ce qu’avait dit Roween sonnait étrangement juste. Lénore se rendit compte qu’elle était tentée, qu’elle voulait essayer, pour enfin ressentir ce que c’était de ne pas devoir obéir à tout…un sentiment totalement nouveau.

Lentement, Lénore tendit la main vers une jupe qui rappelait celles qu’elle avait déjà dans son placard : longue, plissée avec beaucoup de dentelles.
« Tu vois… » murmura-t-elle en la tenant contre elle, « tu veux… », continua-t-elle en l’enfilant par-dessus la sienne, « tu prends… », sursura-t-elle enfin d’une manière à peine audible.

„Voila…je crois que tu commences à comprendre le truc.“

Roween se retourna vers Lénore et afficha un grand sourire. „Par contre, si j’étais toi, je prendrais un pantalon…nous ne vivons plus au XIXe siècle et si tu veux capter tous les regards, il faut savoir comment faire. Ou…tiens, essaye ça !“Roween revint vers sa camarade, retira sa veste de cuir et la passa sur les épaules frêles de la petite blonde. Puis elle recula, pencha la tête sur le côté et examina le résultat. „Oui, après tout, c’est pas mal comme ça…tes petites robes de fille bien gentille coupé avec quelques chose de plus rock…c’est pas mal…mais tu peux faire mieux.“

Alors que Lénore se regardait, Roween passa à coté d’elle et se mit à lui lancer des vêtements qu’elle allait devoir essayer. „Allez, on essaye…on est là, on se lâche…et après, on continue...Tu réfléchis trop, tu devrais profiter plus.“

Roween, quand à elle, ne perdait pas de temps : pantalons, blousons, jupes, vestes, écharpes, colliers, elle essayait, balançait, essayait encore, se tourna devant la glace, attrapa la main de Lénore et la fit tourner à son tour. Puis, lorsqu’elle eut trouvé quelques nouvelles pièces qui lui plaisaient (à savoir, un blouson de cuir, une écharpe brillante et un nouveau pantalon bleu nuit TRES serré le long de la jambe), Roween s’appuya conte l’une des cabines d’essayages, sortit un parquet de cigarettes de la poche de son nouveau bien et craqua une allumette. Sa clope entre pouce et index, elle regarda Lénore d’un air entendu.

Comme le disait Roween, Lénore avait compris. Elle ne savait pas encore si elle aimait vraiment ça, mais oui, elle avait compris le principe. Elle pinça les lèvres lorsque Roween lui fit remarquer qu’elle ne vivait pas au XIXe siècle, bien que cette remarque faisait encore partie des plus gentilles que Lénore avait du entendre au fil des années, dans son école ou dans la rue. Toute cela était de la faute de sa mère…elle l’avait transformée en poupée, en petit jouet que l’on déposait sur l’étagère pour faire joli mais qui ne bougeait, ne parlait, ne respirait pas.

Or, avec Roween, Lénore avait l’impression de respirer - enfin. Cette autre fille l’obligeait à parler, à la regarder directement et à faire usage de ce pouvoir duquel Lénore savait si peu et qu’elle craignait tant. Aussi, elle observa cette autre fille si différente avec envie lorsque Roween se mit à essayer habit sur habit, puis commença à lui en lancer vers elle pour que Lénore puisse en faire de même.

Entrainée par la formidable énergie de Roween, Lénore abandonna sa gêne et se prit aux jeux, essaya tops, pantalons, bottes et t-shirts avant de les retirer et de passer à autre chose, principalement des longues jupes ou des robes, car Lénore se doutait bien qu’elle ne parviendrait pas à perdre ses habitudes acquises durant des années sous la bonne garde de sa mère en une nuit seulement. Les pantalons lui paraissaient trop sérés, les tops choisis par Roween laissaient paraître beaucoup trop de sa chair blanche, presque transparente, si bien que Lénore revint à son ancien schéma, en appréciant pourtant la séance d’essayage proposé par sa camarade, et lorsque celle-ci l’attrapa par la main, Lénore fit docilement un tour sur elle-même avant de se tourner et de se retourner seule devant le miroir, faisant virevolter ses volants. La vanité était un péché, Lénore le savait bien, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se regarder, de faire tout comme le faisait Roween.

Suivant le conseil de Lénore, elle laissa sur elle la veste de cuir noir et vit Roween choisir pratiquement la même. Quelques minutes plus tard, elle ressortit de la cabine ayant tenté la robe à fleur avec la veste de cuir lorsqu’elle vit Roween adossée à la cabine voisine, cigarette à la main. Visiblement, elle avait fait son choix.
« Et…maintenant ? », dit doucement Lénore, dont l’incertitude était soudain revenue. « Que faisons-nous ? »

Finalement, Lénore avait réussi à se lâcher quelque peu, et Roween n’était pas peu fière d’elle-même. Sans pouvoir en cerner totalement la raison, cette fille si effacée, si timide et si délicieusement poussiéreuse l’intéressait. Sans doute que Lénore représentait pour elle un espèce de défi et c’était à elle de faire en sorte que Lénore daigne enfin entrer dans le 21ème siècle. Une autre raison pour son intérêt envers la petite blonde avait peut-être à voir avec le fait que Lénore semblait la regarder avec une sorte d’admiration timide, chose que Roween n’avait encore jamais connu jusque là. En temps normal, elle était la fille détestée, ou au mieux ignorée. Pour une fois, ne pas passer pour la teigne de service, ça lui faisait des vacances.

« Et…maintenant ? », demanda Lénore, toujours aussi peu sûre de l’attitude à adopter. Roween haussa les épaules, écrasa sa cigarette par terre et lança un des bouts de sa nouvelle écharpe par-dessus son épaule.
"Eh bien, maintenant, on va aller s’amuser. Allez viens, je t’embarque. Il y a un coin que je connais où on pourra faire la fête."

Sans autre explication, Roween enfonça ses mains dans ses poches et pris la tête du mouvement, sans se retourner pour voir si Lénore suivait le mouvement. Elle savait que la blondinette avait quelques scrupules à prendre ce qu’elle voulait, mais Roween n’avait décidément pas l’attention de lui laisser le choix. Lénore allait apprendre à le faire, et cela plus rapidement qu’elle ne le croyait. Les scrupules, c’était pour les autres, et non pour les gens comme elles.

…Et il était grand temps que Lénore le comprenne.

Faire la fête…décidément, ces mots revenaient souvent dans le vocabulaire de Roween ou, peut-être qu’ils manquaient simplement dans celui de Lénore elle-même. D’ailleurs, elle n’avait pas vraiment le choix. Dans ces nouveaux habits, il fallait qu’elle face des nouvelles choses et elle emboita donc le pas à Roween.

Pourtant, lorsque la brunette avait déjà disparu dans la cage d’escalier, Lénore s’immobilisa et se mordit la lèvre inférieure, car elle était bien conscientde de ce qu’elle était entrain de faire et de l’illégalité, voir du mal contenu dans ses acts. Aussi, elle se retourna, couru jusqu’à la cabine qu’elle venait de quitter, pris ses anciens vêtements sous le bras et passa une main dans la poche de ce qui avait été son manteau. Soulagée, Lénore referma la main sur une vieille enveloppe toute froissée qui avait du connaître des jours bien meilleur. Elle sortit sa trouvaille, ouvrit l’enveloppe et fit tomber le contenu sur la chaise qui servait de dépose-sac aux clientes.
Lénore n’avait pas la moindre idée à combien pouvaient bien s’élever ses tristess économies, mais elle laissa tout, jusqu’au dernier cent. Cela suffisait-il ? – Sans doute que la somme n’était pas suffisante pour couvrir à la fois ses « achats » et ceux de Roween, mais sa conscience s’en porta un peu mieux qu’avant.

Alors que Roween devait déjà l’attendre, Lénore rangea l’enveloppe vide dans la poche de son nouveau blouson, serra ses anciennes affaires contre elle et se dépêcha d’aller rejoindre sa camarade, qui devait sans doute déjà s’impatienter.



--> Comme convenu avant, on saute la boite de nuit (pour l’instant) et on se rejoint après les scènes du bal.