Le verre tant attendu [Laïa Connel] [Terminé]

Laïa avait rétracté ses ailes quand elle avait été sous la douche, avec l’eau froide, cela atténuait la douleur. Ensuite, elle avait dû trouver de quoi se mettre sur le dos, un jean d’un bleu délavé ainsi qu’un haut rouge et noir, un débardeur sans bretelle et s’attachant dans le dos. Depuis qu’elle avait ses ailes, elle avait essayé de trouver des vêtements pratiques à porter si elle les laissait à l’air libre. Les deux fines marques rouges se voyaient encore mais faiblement, des marques qui risquent de ne jamais disparaître. Elle enfila rapidement ses baskets et passa un coup de brosse dans sa chevelure blonde avant d’aller rejoindre Adam au garage.

C’était la première fois qu’elle montait sur une moto…enfin, sur une Harley et cela faisait un drôle d’effet. C’était très agréable de sentir ce vent sur son visage, les cheveux au vent. New-York était une belle ville la nuit et animée. Enfin, elle passera une nuit hors de l’institut, cela ne pouvait faire que du bien, ils en avaient sûrement besoin.

Une fois à destination, elle aurait presque voulu rester sur la moto. Il n’y avait pas à dire, elle adorait les balades en moto désormais. Il y avait de l’animation au bar, de la musique rock…tout ce qu’elle aimait. Elle avait retrouvé le sourire, sourire qui ne s’effaçait pas depuis qu’ils avaient quitté l’institut. Cependant, elle eu comme un malaise en entrant dans le bar, elle n’avait plus l’habitude d’avoir autant de monde, cela faisait une drôle d’impression mais ne se défila pas pour autant et s’installa au comptoir à coté d’Adam.

Ce qu’elle voulait ? Quelle question !

-Une bière, fit-elle dans un sourire.

Non, elle n’était pas une alcoolique, loin de là mais elle ne conduisait pas, elle pouvait donc en profiter.

-Mais toi, je te surveille. Celui qui conduit et celui qui ne boit pas. Et j’ai adoré monter sur cette moto. Tu as eu de la chance, je suis malade en voiture d’origine. J'ai conduis une fois...juste une fois et si on peut appeler cela conduire, cela faisait peur à voir, fit-elle en riant.

Mais il conduisait bien et en étant à l’air libre, cela changeait tout. Elle finit par enlever la fine veste qu’elle avait sur elle, ses marques rouges étant cachées par sa chevelure, cela ne la dérangea pas vraiment.

Elle rit à sa remarque de savoir comment elle fera pour se déplacer, comme si elle avait besoin d’une voiture pour se déplacer. Quand elle saura voler, elle n’aura pas besoin de permis de conduire, elle ne fit aucune réponse à cela mais son regard en disait long : « à quoi un permis de conduire me servirait ? ». Elle se pencha vers lui et fit d’une voix basse :

-C’est plus le permis de voler qui me faudrait.

Elle aussi écoutait le groupe, il jouait fort bien et cela détendait d’écouter de la musique. Cela permettait de s’évader. Après avoir bu une gorgée, elle s’amusa à faire tourner la chope de bière entre ses mains pendant qu’elle avait les yeux fermés afin d’écouter le doux son de la musique. Quand cela cessa, elle rouvrit les yeux et vit que les musiciens venaient au comptoir. Trop de monde d’un coup là mais elle se sentait plus détendu que d’habitude, elle allait pouvoir prendre sur elle.

Laïa eu soudainement comme un mauvais pressentiment. Ce regard, qu’est-ce qu’il préparait ? Elle aurait voulu se planquer quand il fit son annonce, se planquer dans un trou de souris. Elle se demandait ce qui lui était passé par la tête mais elle se tourna vers la scène. Elle savait à quel point il jouait bien et sa voix suivait bien cela. Laïa ne savait pas jouer d’un instrument de musique mais elle savait chanter…un peu mais assez dans le vrai pour être "potable" !!

Elle écouta la musique qui commença. De nom, la chanson ne lui disait rien mais quand elle entendit le début, elle se dit qu’elle la connaissait. Ce fut les paroles qui l’intriguèrent, elles étaient sublimes. En se rappelant les doutes et questionnement qui s’étaient opérés plus tôt dans le bois de l’institut. Non, ce n’était qu’un hasard, un pur hasard, rien d’autre. Pourtant cela lui revint en tête, ces paroles étaient lourdes de sens mais peut-être qu’elle y prêtait trop d’attention. Plongée dans la musique, il y eu un petit éclat, une lueur dans son regard. De quoi ? Elle ne le savait pas. De grand bonheur, ou un sentiment encore plus puissant peut-être…qui sait.

Quand cela cessa, elle aurait tout donné pour que cela dure encore mais il ne fallait pas abuser des bonnes choses. Adam revint au comptoir et bien qu’elle aurait voulu soutenir son regard, elle ne le pu pas.

-C’était…magnifique, finit-elle par dire en relevant son regard vers lui, merci.

Pourquoi elle se sentait mal à l’aise ? Elle ne le devrait pas. Peut-être qu’avec d’autres paroles, cela aurait été différent. Elle aurait été tentée de demander pourquoi il avait choisit cette chanson là mais se retint en demandant une autre bière. Peut-être qu’elle ne voulait pas savoir en fin de compte.

-Et en l’honneur de quoi tu as fais cela ? finit-elle par demander.

Elle avait finalement posé la question. Après tout, la question était naturelle, sans sous-entendu. L’envie de savoir pourquoi il avait soudainement eu l’envie de monter sur scène pour chanter pour elle.

Non, la raison n’avait pas d’importance, cela avait juste été par curiosité. Elle avait cru que la chanson avait été choisit pour une raison précise mais peut-être qu’elle s’était faite des idées, peut-être qu’elle se posait trop de question en réalité. Elle avait bien sentit que leur relation avait évolué…en restant dans le sens de l’amitié. Elle l’espérait. Elle l’espérait ? Oui, elle avait peur de l’amour, peur de s’engager, peur de souffrir de nouveau, d’être trahit…une douleur qu’elle ne supporterait pas de connaître encore une fois.

-Si cela peut nous faire faire des économies, je ne t’empêcherai pas de remonter sur scène. J’aime ta façon de jouer et tu as une belle voix. Je serai peut-être même capable d’aller chanter moi-même pour des verres gratuits, sourit-elle.

Elle avait sortit cela sans vraiment s’en rendre compte mais le compliment qu’elle lui avait donné était sincère, elle le pensait vraiment. Son regard plongea dans le sien quand il commença à parler d’elle et s’attarda sur cette fin de phrase qu’il coupa court. Plus elle y pensait, plus elle se disait qu’il avait toujours lancé des compliments à son égard. Au début, elle avait pensé que cela n’était qu’un signe d’affection, d’amitié comme tout les amis pouvaient se faire, se taquiner en lançant des compliments mais si cela était d’un niveau supérieur ? Ce qu’il venait de dire commençait à l’inquiéter et elle avait un regard interrogateur et sérieux.

-Tu es quelqu'un d'exceptionnel Adam. J'ai réussi à avoir de nouveau confiance en quelqu'un, en l'amitié que tu me donnes et que je rend. Et cela est important pour moi.

Ce genre de phrase qu'il avait prononcé, elle en avait déjà entendu, pas formulé de la même façon mais dans le même style et cela signifiait toujours la même chose…ou à quelque chose près. Elle ferma les yeux durant un instant. Elle aurait dû s’en douter. Une amitié naissant aussi rapidement, le fait de se sentir autant en confiance l’un envers l’autre, se rapprochement qui s’était effectué…peut-être qu’elle allait trop vite en conclusion mais elle ne devait rien laisser paraître de ce qu’elle pensait ou de se lancer dans ce sujet en lui demandant ce qu’il voulait dire.

Diversion réussit. Mais son questionnement ne disparut pas de ses pensées.

-Je ne sais pas danser, fit-elle en souriant, je crois que je chante mieux que je ne danse…mais pas en public. Cependant, si tu as envie d’une chanteuse privée, peut-être que j’accepterai.

Elle avait bien remarqué le changement brutal de sujet mais elle trouva bon de ne pas insister.

-Je risque surtout de te marcher sur les pieds et si tu ne peux plus les utiliser, on est mal pour rentrer à l’institut, rit-elle, mais je peux te faire la danse des canards sans problème.

Danser ? Elle ne le voulait pas mais trop tard, elle se retrouva sur la piste de danse sans comprendre ce qui lui arrivait. La main d’Adam sur sa hanche lui donna un frisson sur l’instant et ils se mirent à danser…enfin, elle laissa son ami mener la danse, n’étant pas très douée pour cela. Elle regardait plus où elle mettait les pieds, voulant surtout éviter de marcher sur Adam, elle aurait eu l’air ridicule. D’ailleurs, elle était plus tentée à vouloir rire qu’à essayer de danser.

Elle fut grandement rassurée quand la musique s’arrêta. Elle se sentait bien mieux assise au comptoir avec la bière entre les mains et en train d’écouter la musique. Il fut un temps où elle n’aurait jamais hésité à s’agiter sur scène comme une puce et où il aurait fallu plus qu’éteindre la musique pour qu’elle s’arrête à son tour.

-Oh, mon grand…même payée, je ne chanterai pas, fit-elle en riant, il en est hors de question. Je préfère encore mieux te faire la danse des canards. C’était un ancien délire avec une amie au point où on s’était même déguisé en canard.

Il y avait eu de quoi rire. Pour le chant, elle arrivera peut-être à faire exception et à chanter devant Adam mais il faudra qu’elle se prépare psychologiquement trois jours à l’avance !!... Pour l’instant, elle disait non mais peut-être que s’il le redemandait plus tard, une réponse négative pourrait voir le jour. Il fallait dire que là, avec deux bières dans le nez et une telle ambiance, elle n’était pas trop en état de réfléchir comme il se le devait à la question. Elle y pensera…mais juste y penser, rien de plus. Elle se mit soudainement à rêver, lui à la guitare, elle au chant, quelque part dans une salle vide de l’institut ou dans le bois, cela promettait un beau duo.

Laïa sortit de ses pensées, se disant qu’elle s’égarait un peu trop sur ce coup là. Encore un verre ? Pourquoi pas ? Elle n’allait pas refuser cela, loin de là.

-Il n’est pas tard, on a le temps. Il sera tard quand le soleil commencera à se lever, rit-elle, je suis assez insomniaque. Je ne me souviens pas avoir dormis une seule fois dans le dortoir…ou juste la moitié d’une nuit en fixant le plafond.

Elle se reprit une bière pour la route, la dernière de la soirée, il le valait mieux d’ailleurs.

-On pourrait faire un petit tour, non ? Il n’est qu’1h du matin et les alarmes de l’institut ne me font pas peur, la preuve en est qu’avec tout les élèves qui décident de sortir, cela ne sert pas à grand-chose, finit-elle en riant.

Le dortoir ? Elle n’en connaissait même pas la couleur des murs. Peut-être la prendra-t-il pour une folle avec son explication mais peu importait, elle vivait sa vie, tout simplement. Une insomniaque, et oui, elle n’avait jamais très bien dormit depuis sa mutation, elle en avait prit l’habitude avec le temps même si parfois elle piquait du nez dans la journée.

-Il faudrait plus qu’une boite de somnifère pour me faire dormir, plaisanta-t-elle,et puis, je crois savoir que tu n’es pas mieux que moi.

Elle prit sa bière qu’elle avala rapidement, peut-être même trop, cela faisait un drôle d’effet même. Elle se promit de ne plus boire, elle aurait l’air de quoi si jamais elle buvait un peu trop ? Elle allait finir par être prise pour une alcoolique, image qu’elle ne voulait pas donner aux autres. Vagabonder dans les rues de New-York en pleine nuit, c’était l’aventure et elle adorait cela. Elle se leva, le sourire aux lèvres, et prit la main d’Adam afin qu’il en fasse de même.

-Et c’est partit pour un tour. Peu importe où on va mais en moto, j’accepte d’aller n’importe où.

Maintenant qu’elle avait prit goût à cela, elle pourrait faire le tour du monde sur le dos d’une moto. Elle avait trouvé ringard les films où les types chérissaient leur moto avec qui ils voyageaient. Une moto était une moto, rien de plus, un simple moyen de transport mais là, elle avait peut-être comprit pourquoi cela était bien mieux qu’une voiture.

Elle attendit d’être dehors, à l’air libre pour expliquer la raison de son absence total des dortoirs, il fallait bien donner une raison à cela. L’air frais était bien mieux que l’air du bar, elle avait eu l’impression que cela devenait lourd, étouffant au bout d’un moment.

-Ne te moque pas, d’accord ? Je ne connais même pas la couleur des murs des dortoirs, si c’est de la peinture ou du papier. Vu que je passe mes nuits dehors, je me suis dis que cela ne servait à rien de prendre la place de quelqu’un qui a besoin d’un lit pour dormir la nuit. Autant que je laisse ma place à une autre fille. Je n’ai qu’un petit sac qui ne prend pas de place où j’ai des affaires dedans, il y a des casiers dans les douches, autant que cela serve à quelque chose, non ?

Si elle devait s’endormir, elle le faisait dans un arbre ou dans l’herbe fraîche, dans le pire des cas, il y avait le canapé du salon s’il pleuvait ou autre. Cependant, elle savait qu’il faudra peut-être qu’elle pense à s’incruster dans un dortoir à un moment donné. Elle ne pourra rester éternellement exclue des autres ainsi.

-J’ai réussi à me contenter de cela pendant des années et puis, s’allonger sur un plumage, c’est vraiment mieux qu’un matelas, surtout si on veut regarder les étoiles, fit-elle dans un sourire.

Sur l’instant, elle avait cru qu’il allait encore partir sur un ton d’humour comme il avait l’habitude mais ce fut tout le contraire. Elle se faisait engueuler ? C’était cela, non ? Ou sinon, elle prit très mal ces paroles. Il avait le droit de dire son point de vue mais c’était peut-être à sa façon de le faire qu’elle fut blessée. Direct, oui, peut-être un peu trop. Elle répliqua froidement, c’était la première fois que quelqu’un la jugeait sur sa façon de vivre ou en donnant des conclusions de la sort.

-Oui, je suis claustrophobe, je ne supporte pas être enfermée entre quatre murs, cela me rend dingue. J’aime les grands espaces, me sentir libre, c’est comme un appel. Tu ne sais pas ce que s’est de devoir vivre enfermée du reste du monde, ne sortant que pour aller en cours, parce que tes parents ne veulent pas que les voisins sachent que leur enfant est…

Elle se tu rapidement, jetant un coup d’œil autour d’eux afin de vérifier que personne ne les avait entendu mais la musique s’entendait de dehors et chacun était occupé de son coté. Elle n’osait pas imaginer le scandale si elle avait prononcé le mot mutant, elle était convaincue qu’ils se seraient tous retournés vers eux. Elle retint ses larmes, respirant un bon coup, ne voulant pas se laisser aller, voulant se calmer car s’énerver pour si peu n’en valait pas la peine. Adam disait sans doute vrai en disant que cela était sans doute un prétexte pour éviter les autres.

Laïa détourna son regard en faisant :

-Désolée, je ne voulais pas me laisser emporter.

Cela n’avait pas été par la colère, peut-être un peu, légèrement mais sur l’instant, quand il avait énoncé ces défauts, cela avait fait remonter les raisons pour lesquelles elle était devenue ainsi. Laïa avait toujours été claustrophobe mais avec les événements qui ont suivit sa mutation, cela s’était empiré.

Ainsi, il voudra essayer le matelas en plumes ? Elle lui sourit, un sourire un peu forcé sur l’instant mais elle ne voulait pas laisser cet accident gâcher leur soirée.

-Promis, un jour, tu essayeras…une surprise ? Autant que je joue le jeu alors.

Intéressant. Elle monta sur la moto, s’agrippant à Adam et ferma les yeux, se demandant où il allait l’emmener.

Laïa garda les yeux fermés, la sensation se faisait plus vivace, sentir le vent sur le visage, les cheveux dans le vent. Elle sourit alors qu’elle sentait la vitesse de la moto, jamais elle cru autant aimer cela. Quand il arrêta la moto, elle se demandait bien où elle pouvait être mais elle n’allait pas tricher, s’il voulait lui faire une surprise, autant ne pas le décevoir mais cela était très tentant d’ouvrir un tout petit peu les yeux mais non, elle ne fit rien. Cependant, son sourire en disait long sur son impatience. La question frôla ses yeux mais préféra se taire car elle savait qu’Adam n’y aurait pas répondu.

Puis, elle eu comme une drôle de sensation. Elle comprit qu’ils se trouvaient dans un ascenseur quand elle entendit la porte se fermer, elle connaissait bien cela ainsi que les mouvements. Elle se dit qu’ils n’avaient sans doute pas le choix que de l’emprunter sinon ils auraient prit les escaliers. Elle se sentit extrêmement nerveuse durant ce temps, les battements de son cœur s’accélérant soudainement. Laïa recula jusqu’au fond afin de s’y appuyer et cru que cela durait une éternité.

Ce fut plus que du soulagement quand ils arrivèrent enfin à destination. Elle finit par ouvrir les yeux quand Adam le lui autorisa. Elle n’eut aucune réaction sur le coup, trop ébahit par la vue qui s’offrait à elle.

-C’est…c’est vraiment magnifique, fit-elle dans un sourire plus que joyeux.

Elle s’avança jusqu’au rebord, s’y appuyant afin d’admirer la vue, le vent frappait plus fort au sommet qu’en bas mais il était doux et agréable. Elle ferma les yeux durant un instant, savourant cet instant avant de se tourner vers Adam.

-Merci, fit-elle en lui déposant un léger baiser sur la joue.

Laïa fut tentée d’une chose mais elle hésitait grandement, cependant, l’envie en était immense. Se sentir ici, s’était comme être un aigle au sommet d’une montagne et un aigle avait des ailes. Avec le bonheur qu’elle avait, la douleur en sera moins intense. Elle se rapprocha du bord, regardant l’horizon et commença à faire apparaître ses ailes. Elle se sentait vraiment bien en cet instant mais il lui manquait quelque chose malgré tout. On eu l’impression que ses omoplates bougeaient alors que les deux marques rouges s’intensifièrent, comme s'ouvrir. Ses mains se crispèrent sur la pierre, fermant les yeux sous la douleur, laissant deux fines larmes couler. Deux petites ailes apparurent avant de se développer jusqu’à avoir atteint leur grandeur naturelle.

Elle ouvrit les yeux, respirant un bon coup mais elle se sentait plus entière en sentant le vent dans ses ailes. Jamais elle n’avait montré cela à quelqu’un, Adam était un privilégié.

Elle tourna vers lui un regard rassurant, elle allait bien, elle avait l’habitude de cette douleur et doutait qu’un jour elle disparaisse. Un petit rêve qui ne se réalisera jamais, cependant, il fallait avouer que cela n’était plus aussi vivace que les premières fois où elle aurait pu hurler sous la douleur. C’était paisible de se retrouver ainsi, les plumes au vent, se croyant au sommet du monde. Il suffisait de fermer les yeux pour avoir l’impression de voler.

Cependant, les paroles d’Adam…non, cela ne gâcha rien car au fond d’elle, elle s’y était attendue au vu de ce qu’il avait dit au bar. Pourtant, son regard se posa au lointain, comme voulant éviter le sien. A vrai dire, elle ne savait pas trop comment réagir face à cela. Elle ne voulait pas le blesser mais elle ne pouvait pas nier qu’elle avait comprit que quelque chose avait changé dans leur relation.

Non, elle ne pouvait rien dire. Se voilait-elle la face ? Probablement mais pourquoi autant de recul ?

-Adam, je…ton amitié compte beaucoup pour moi. Tu es mon meilleur ami, mon seul ami en qui j’ai totalement confiance. Je me rends compte que je serai capable de laisser ma vie entre tes mains, de laisser éclater mes faiblesses face à toi. C’est la première fois que je me dévoile autant à une personne, que je me laisse pleurer ainsi, d’accepter de montrer comment…mes ailes peuvent se libérer. Tu m’as redonné le sourire, un soleil qui a soudainement illuminé ma vie, une étoile qui me guide.

Elle ne comprit pas pourquoi elle se mit à trembler, si cela était sur le coup de l’émotion, sous l’effet de la révélation ou par craindre de le blesser si elle s’y prenait mal. Laïa continua de regarder la ville, comme si elle y cherchait une réponse.

-J’ai senti que quelque chose avait changé dans notre relation. J’ai refusé d’y croire avant ce soir, cette chanson que tu as chantée dans le bar. J’ai rapidement comprit tes sentiments...sentiments réciproques.

C’était pour cela que sa révélation ne la surprenait pas tant que cela, elle s’y était attendue mais pas aussi tôt à vrai dire, elle n’avait pas eu le temps de s’y préparer. Elle respira un bon coup avant de se tourner vers lui, les yeux humidifiés par les larmes. Elle rejetait les sentiments qu’elle avait en elle. Pourquoi ? Par peur.

-Je…je…

Sa voix se bloqua, se noya mais elle ne pouvait pas laisser ses paroles sans réponse.

-C’est…l’amour me fait peur, j’ai peur de m’engager dans une telle relation. Je ne serai pas à la hauteur de cela, tu en seras déçu. Je ne sais même plus…conjuguer le verbe aimer.

Oh non, voilà qu’il se mettait à pleurer, elle était si mauvaise que cela pour parler aux autres ? Elle avait souvent envie être près de lui, d’avoir sa présence, son sourire, le son de sa voix, c’était à lui qu’elle pensait quand elle regardait les étoiles lors de ses promenades nocturnes mais elle n’osait pas l’avouer, le lui dire, ni même utiliser ce verbe qui l’effrayait. Elle avait aimé une fois, une unique fois qui avait été fatale, une blessure qu’elle ressentait encore en elle. Depuis, elle s’était mit en tête que l’amour était un sentiment de souffrance. Cela en avait été de même pour l’amitié.

Elle attrapa la main d’Adam dans la sienne, la serrant, comme voulant le rassurer, se faire pardonner pour les larmes qu’il versait à cause de ses paroles maladroites, elle n’avait pas su s’y prendre.

-Tu n’es pas un imbécile, non, loin de là. Tu m’as fais comprendre ce que l’amitié signifiait. Il y a encore peu de temps, jamais je ne serais montée sur une moto avec quelqu’un, jamais je n’aurai laissé mes ailes entre les mains de quelqu’un.

Elle respira un bon coup et s’assit au sol, contre le mur du rebord, invitant Adam à en faire de même. Il fallait peut-être régler cette histoire avant qu’il ne soit trop tard. S’ils en restaient là, cela risquait de nuire dans leur relation, elle n’oserait plus le regarder en face, il fallait sans doute mettre les choses au clair, en discuter, c’était la meilleure solution, la seule solution. Mais comment ?

-Je vais te faire une confidence, fit-elle finalement, toujours en serrant sa main dans la sienne, elle ne voulait pas la lâcher, j’ai aimé une fois. Un garçon agréable, compréhensif et aimant. Il y avait eu une vraie complicité entre nous mais ignorait la raison pour laquelle je ne m’entendais pas avec ma famille. Quand il a su la vérité…de ma bouche, il…il m’a frappé, se demandant comment il avait pu aimé un monstre comme moi. Je m’étais dis que l’amour savait surmonter toutes les épreuves mais en fait…il n’apporte que la souffrance. Quand on croit en cet amour qui se brise de la sorte, c’est…douloureux. Depuis, je me dis qu’il fait faiblir et qu’il ne vaut pas la peine d’être ressentit.

Pourquoi elle racontait cela ? Pour s’expliquer ? Sûrement, raconter son vécu, expliquer la raison pour laquelle elle avait réagit de la sorte.

-C’est un engagement important et marquant dans une vie. Je voudrai aussi faire cet avenir avec toi, ces voyages, voir le monde à tes cotés, reconstruire une vie avec toi mais…j’ai peur de te faire souffrir autant que j’ai peur de souffrir. Prendre cette voie là, je suis un peu réticente mais on dit souvent que l’amour, c’est comme le vélo, une fois que l’on a apprit, on sait pour toujours. Peut-on croire à cela et l’apprendre ensemble ?

Sa voix avait été calme et douce, plus apaisée, son regard gris avait plongé dans celui d’Adam. On pouvait y lire de la peur mais aussi un éclat étincelant telle une étoile.

Elle savait qu’il avait vécu un drame avec sa famille, son père en particulier mais elle avait ignoré cela. A croire que tout les mutants ici ont été maltraités et rejetés par leur famille pour la même raison qui a fait qu’ils se retrouvaient tous ici : leurs différences. Elle pouvait comprendre sa douleur, son vécu. D’accord, ses parents ne l’avaient pas battu mais l’avaient enchaîné. Être ainsi traité par les siennes, ceux de son sang, elle ne pouvait que comprendre ce qu’il avait du ressentir.

Son regard avait été hésitant à se lever vers Adam, cette déclaration devait l’atteindre plus que ce qu’elle croyait. Elle sentait cette chaleur monter en elle, croyant que son cœur allait lâcher devant ses paroles, son regard. Ayant déjà ressentit cela une fois, elle savait désormais que l’amour faisait partit d’elle malgré son envie de repousser cela, il était plus fort qu’elle, plus fort que sa raison qui était insensée.

Ses yeux gris se mirent à briller plus intensément au fur et à mesure qu’Adam avançait dans ces paroles. Elle aurait voulu dire quelque chose, répondre à cela mais elle était hypnotisée par son regard d’un vert magnifique. Sur l’instant, elle ne comprit pas ce qui se passa jusqu’au moment où les lèvres d’Adam se posèrent sur les siennes. Elle eu un léger mouvement de recul mais le laissa finalement faire. Elle ne su pas comment répondre à cela et elle le fit avec maladresse. Elle avait encore en tête ce souvenir de ce jour-là, il était bien présent dans sa mémoire, une violence si soudaine qu’elle en avait été projetée au sol sous la force du coup porté.

Son cœur battait la chamade, la main d’Adam était douce, lui faisant lentement oublier cela. Fermant les yeux, elle finit par répondre avec certitude au baiser tout continuant de serrer sa main dans la sienne.

-Cet avenir, on le fera ensemble et on leur montrera que l’on n’avait pas besoin d’eux, souffla-t-elle.

Étrangement, elle se sentait soulagée, apaisée, comme si un poids venait de se retirer de ses épaules. Il y avait eu pas mal de sous-entendu, peut-être que cela avait finit par mettre une certaine tension sans s’en rendre compte.

-C’est à toi que je pense quand je regarde les étoiles, quand je me retrouve seule en me demandant ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie, dans mes moments noirs, c'est ton regard qui me permet de me relever. Tu m’as donné un espoir. Tu es mon étoile, je suis ton ange…-elle leva le regard au ciel avant de le rabaisser vers lui dans un sourire apaisé-…et la nuit est notre jardin secret. Je te promet de ne pas te décevoir, ni de te faire souffrir, je ne le supporterai pas.

Et pour la première fois, elle leva sa main vers son visage, la posant sur sa joue, avec maladresse mais voulant seulement sentir ce contact.

Elle eu un fin mouvement de recul, un léger mouvement de recul quand son étreinte se resserra, comme si elle avait peur, craignant de se sentir emprisonnée. La peur d’étouffer même dans les bras de quelqu’un, une personne envers qui pourtant elle ressentait de forts sentiments, elle commençait à se dire qu’elle avait vraiment des problèmes car il n’y avait aucune raison pour avoir une réaction de la sorte, elle savait qu’il ne l’enfermera pas, qu’il ne l’obligera à rien, la laissant libre.

Ses ailes frissonnèrent, se crispant presque quand Adam les caressa. Elles restaient assez sensibles sous les mains des autres, elles avaient été marquées au fer rouge par le traitement qu’elles avaient subit. Sensibles et fuyantes, se resserrant dans le dos de Laïa comme pour tenter d’échapper à un prédateur, cela avait été involontaire, plus comme un réflexe, un instinct prit et qui avait perduré durant des années.

-Désolée, s’empressa-t-elle de dire, un réflexe, j’aurai du mal à m’en débarrasser.

Cela n’était pas contre Adam, loin de là. Elle écouta le vent, il faisait frais ici, si haut dans le ciel, au sommet du monde presque tant la vue était sublime. Non, rien ne sera plus comme avant mais cela ne semblait guère trop la déranger, au contraire, elle avait eu l’impression de ne pas avancer depuis qu’elle avait rejoins l’institut. Aujourd’hui, elle se tenait là, sentant presque qu’elle pouvait toucher les étoiles avec celui avec qui elle avait envie de tout partager.

Elle eu un rire quand il parla de cabane dans les bois. L’idée n’était pas mauvaise.

-Cela serait une excellente idée du moment qu’il y ai une grande porte, ou fenêtre…ou un trou peu importe. Mais je ne sais pas les construire, cependant, à deux, je pense que l’on peut réussir à faire quelque chose de bien.

Elle s’y sentirait déjà bien mieux que si elle devait être au dortoir, elle en était convaincue, plus agréable surtout.

Bon, cela n’était pas tout mais la nuit avait bien avancé, il était temps pour eux de rentrer à l’institut.