[Terminé] Un début de soirée inhabituel (PV : Electra)

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Second jour, début de nuit

Que faisais-je si tard seul dans les rues ? Pourquoi n'étais-je pas accompagné de qui que ce soit, fut-ce Lore ou n'importe qui ? Supporterais-je cette oppression constante de la ville dont j'ai l'impression que ses yeux sont braqués sur moi ? Car peu importait les rues que je prenais, au fur et à mesure que les rues perdaient de plus en plus de personnes, je me sentais toujours de moins en moins en sécurité parmi ces murs solides et parfois dénués de luminosité, et à chaque seconde qui passait j'éprouvais une paranoïa bien plus développée que celle qui frappait les gens que je fréquentais régulièrement. Car si pour eux je remettais en cause la sincérité de leur amitié, à l'égard de tous les new-yorkais je les envisageai tous plus proche de tueurs en séries que de personnes respectables, et le moindre être humain doté d'une casquette ou le moindre groupe de jeunes représentaient à mes yeux plus de danger que ne l'avait le vol jusqu'ici. C'était certain, je n'étais pas tranquille dans cette ville, et le moindre bruit manquait à chaque fois de me causer un sursaut. Pour tenter au mieux de lutter contre cette phobie qui recouvrait mon esprit d'un voile indéchirable d'obscurité mais surtout de terreur, je regardai fixement droit devant moi, augmentait le rythme de mes pas jusqu'à commencer à souffrir le long des chevilles, et je fermais mes oreilles à la moindre distraction.

J'augmentais toujours mon rythme de marche, bientôt j'allais courir à cette allure. J'étais obstiné vers ma destination lorsque soudain je manquai de sursauter à cause d'un bruit très aigu de verre explosé à seulement quelques mètres de moi. Je lançai un rapide coup d'œil et vit qu'une bouteille en verre venait d'éclater à cause d'un sans abri qui avait trouvé refuge dans l'alcool et balancé la bouteille un peu plus loin en baragouinant quelques paroles incompréhensibles. Je repris ma marche que cette fois ce fut un bruit sourd qui me stoppa net. Dorénavant c'était un règlement de compte qui venait d'éclater en face, de l'autre côté de la rue. Mais je ne souhaitais pas m'interposer, même en usant de mon pouvoir, car ils pourraient vouloir s'en prendre à moi, et je n'avais pas spécialement envie de courir pour leur échapper, en prenant en compte le fait que je ne suis pas un grand sportif et que assurément ils risquaient de me rattraper. Qui plus est, j'avais sous le bras mon ordinateur portable, or si je le perdais j'aurais bien des difficultés à me faire comprendre, car même si je prenais du papier et un moyen d'écrire, il me faudrait du temps avant de pouvoir répondre à quelqu'un, et je risquai grandement de ne pas pouvoir me sortir de situations difficiles comme celle qui pourrait m'arriver en ce moment.

Cependant lorsque j'allai reprendre la marche je n'eus le temps de ne faire qu'un pas en tournant la tête en même temps que je dus m'arrêter à nouveau, car il s'était fallu d'une seconde et je serais rentré dans une autre personne. Et là j'avais réellement sursauté, et un cri se serait échappé de ma gorge si mes cordes vocales avaient toujours été là, mais elles n'étaient plus, et plus un seul son ne sortait de ma gorge ainsi. Toutefois, ma peur ne s'estompa pas immédiatement sur moi comme il se passe dans la plupart des cas pour cette situation-là, car mes yeux se perdaient dans les yeux, tant leur profondeur était accentuée. C'était rare de voir de tels yeux, et je finis même par me demander s'ils étaient humains ou non. Certes j'avais déjà pu voir une jeune fille en France qui avait des yeux profonds, mais cela donnait un visage étrange, or là c'était un sentiment encore plus poussé. Oui, elle me terrifiait légèrement, cela devait se lire dans mes yeux d'ailleurs, je n'avais pas pour habitude de masquer les messages dans mon regard, ni même le talent je crois bien.
Pourtant, je n'arrivais pas non plus à détacher mon regard du sien, en tout cas pas plus que je ne pouvais dire un mot. Son regard était vraiment électrisant. Je n'arrivais pas à savoir si elle me regardait normalement, ou si elle avait quelque colère à mon égard, c'était bien difficile à deviner. Il était pourtant fixe et ne me lâchait d'aucune manière, elle devait être fortement déterminée et ne pas avoir froid aux yeux, bien qu'en me regardant c'eût été stupide de se dire que l'on risquait quelque chose, j'étais bien plus dangereux lorsque personne ne me regardait, dangereux pour autrui ainsi que pour moi-même cependant. Mais je ne souhaitais nullement lui faire de mal, déjà parce que c'était une personne qui ne m'avait rien fait, d'autant plus que c'était une femme, donc un risque encore plus faible de lui causer le moindre mal.

Près d'une minute de silence, perturbé cependant par les vaines tentatives de discours du pauvre homme, je finis enfin secouer la tête plusieurs fois pour détacher enfin mon regard du sien, qui n'avait été dérangé que par d'éventuels clignements de yeux. Je sortis l'ordinateur de sa sacoche pour y écrire : « Je suis sincèrement désolé d'avoir failli vous heurter ainsi. Et je m'excuse également de vous avoir fixée ainsi trop longtemps, pardonnez-moi… » Je lui avais fait lire ça sans lui avoir lancé le moindre regard, ne souhaitant pas influencer sa réponse le moins du monde. Pendant ce temps, je fixai plus ou moins cet homme qui gesticulait comme il le pouvait, guettant le moment où il avancerait vers nous pour quémander de l'argent ou quoi que ce fut d'autre.

Angel était encore à l'institut, dans sa chambre allongée dans le noir, réfléchissant à certaines choses. Pour une fois, elle avait voulu se coucher de bonne heure. Cependant, le sommeil ne venant pas, l'ange électrique décida de se lever. La jeune femme ralluma la lumière, puis se rhabilla. Prenant un jean blanc et un top noir moulant. Electra regarda l'heure, il n'était pas tard du tout, donc pourquoi pas aller se promener dans les rues de New York. Elle prit son sac en bandoulière et sortie de sa chambre en direction de la grille de sortie. En chemin, elle appela un taxi qui la conduirait directement au centre de la ville.

Durant le chemin, Angel se demandait toujours ce qu'elle pourrait bien faire. Peut être allait voir un film ou aller dans un bar boire un coup. Voilà, le trajet était maintenant fini, l'ange électrique paya la course puis descendit en lui adressant un petit sourire. La jeune femme marchait dans les rues, il y avait toujours plein de gens. C'était vraiment bizarre que les gens se promènent ainsi dans les rues, sans avoir l'intention d'aller quelque part pour autant. C'était étrange, mais bon pourquoi pas. Enfin, bref Electra marchait tranquillement réfléchissant toujours à ce qu'elle pourrait faire. Peut être irait elle au cinéma ou alors chez son petit ami.

Ses pas pour le moment la guidaient vers le bâtiment de son chéri. Cependant, alors qu'elle marchait un jeune homme manqua de la percuter. Lorsqu'il le remarqua, il la fixa un assez long moment. Le fait d'être en quelque sorte dévisagé rendait toujours l'ange électrique un peu mal à l'aise. Même si elle avait l'habitude que les gens la regardent étrangement, dû à la couleur de ses yeux d'un bleu assez intense. Cependant, cet homme avait l'air encore plus mal à l'aise, voir même apeuré. Sortant son ordinateur pour y inscrire des mots, puis le montra. Angel était perplexe, mais se mit à lire. Il s'excusait de tout, vraiment étrange pour un habitant de la grosse pomme. Angel lui adressa un de ses plus beaux sourires avant de lui parler, ne sachant pas vraiment s'il était juste muet.

-Ce n'est pas grave, ça arrive souvent ici. Ho désolé je ne me suis pas présentée, je m'appelle Angel. Et vous ?

La demoiselle ne lui tendit pas la main, étant donné qu'il serait difficile à l'homme de la prendre, vu qu'il tenait son ordinateur portable. De plus, un homme était un train de s'approcher d'eux, il ne valait mieux pas qu'il prenne le risque qu'on lui vole son ordinateur.

Invité

Si j'avais eu peur quelques secondes auparavant pour cause d'un regard plutôt foudroyant et dont la nature m'avait laissé relativement perplexe quant à sa signification, non pas en un éclair comme le public l'eût attendu, mais en quelques instants seulement, son sourire avait suffit à lui seul à me rassurer, non pas de ses bonnes intentions mais de l'absence de toute méchanceté même après que je l'aie fixée ainsi durant un temps suffisamment long pour inculquer dans l'esprit de qui que ce soit quelque trouble, et parfois même quelque peur que l'envie de causer du tort à quelqu'un, ne parcoure mon cerveau. Or l'idée même de susciter ce sentiment et qui plus est une aversion qui s'ensuit naturellement ne me frôlaient nullement l'esprit, au contraire j'aurais même eu l'air malin si j'avais eu à m'attirer les colères de cette femme, ou de n'importe qui en moyens de se venger sur moi, fut-ce physiquement ou mentalement. Ainsi puisque ce n'était pas dans mes desseins, je répondis à son sourire par un sourire tout aussi amical, voire chaleureux, bien qu'il fut perturbé, je dois l'admettre, par une partie de sa réponse qui, bien qu'elle ne contint rien de choquant, ou de diffamatoire, consistait en un acte que moi-même je n'avais pas eu la seule idée de faire.

Effectivement cette jeune femme, après avoir gentiment fait passer mes excuses, qui étaient sans doute en surabondance, pour des paroles inutiles, en tout cas pas à son égard à elle mais à celui des habitudes de la gigantesque ville, fit remarquer qu'elle s'était montrée impolie en ne donnant pas immédiatement son prénom, ce qui en y réfléchissant était totalement contradictoire avec les mots qui précédaient. Comment pouvait-on s'excuser de ne pas avoir révélé son prénom si le simple de fait de s'excuser d'avoir manqué heurter une autre personne ne justifiait pas que l'on cherche à trouver le pardon chez l'interlocuteur ? Quoi qu'il en soit, cela ne changeait rien au fait que moi-même je ne m'étais pas présenté, et même si j'aurais pensé une ou deux minutes avant que cela ait été totalement sans intérêt, je me sentais un peu mal de ne pas avoir pris cette initiative et de l'avoir laissée me devancer de la sorte. C'était sans doute une des preuves les plus basiques du degré de politesse dont pouvait faire office quiconque, et j'en avais déjà par deux fois montré le profond manque en ma personne, la première fois ayant été à l'égard de ce comte chanteur d'opéra à la renommée infaillible.

Prenant conscience de cette impolitesse, qui pour moi prenait une dimension particulièrement extravagante, mais ne sachant absolument pas comment outrepasser cet accès de désolation qui commença à m'envahir, je n'eus d'autre réaction que de baisser les yeux. Pour sûr, dû à mon indignation, j'avais enfin pu détacher mon regard du sien, conscient toutefois que ce n'était pas par un élan de force mentale héroïque ni même valorisante. Il me fallut bien une demi dizaine de secondes avant de finir par réaliser que malgré ce flot de pensées qui m'avaient traversé l'esprit, je n'avais dans les faits toujours rien répondu à cette femme. Je plaçai de nouveau l'ordinateur entre elle et moi, non pas comme un obstacle infranchissable, mais en tant que médiateur entre nos deux consciences. Je le casai entre mon bras et mon avant-bras pour y fournir un soutien indéniable et tapai : « Ce serait plutôt à moi de m'excuser de ne pas m'être présenté plus tôt. C'est quelque chose de vraiment impoli, je vous prie de me pardonner. » Je demeurai quelque peu perplexe quant à ce que je venais de taper, me questionnant sur la valeur de cette dernière phrase, m'interrogeant sur la manière dont elle recevrait cette information. Allait-elle me prendre pour un imbécile ou pour un faux charmeur romantique dénué de talent ? Finalement j'effaçai cette dernière phrase et la remplaçai par celle-ci : « Je suis désolé de ne pas avoir eu cette initiative. Mon nom quant à moi est Célar.»

Je lui montrai enfin le fruit de mon cerveau et lançai un coup d'œil rapide et bref vers cet homme envoûté par le charme irrésistible de l'oubli procuré par l'alcool, et je ne pus réprimer un sentiment de malaise mêlé à une peur croissant lentement à l'idée d'avoir à faire avec ce genre de personnages, tragiques certes, mais profondément insociables. Je ne dis pas que tous les sans-abri ne méritent pas notre considération, seulement ceux qui sont sous l'emprise de l'alcool sont difficilement raisonnables, et qui plus est à l'ouïe de ce que je percevais il était également impossible ou presque de comprendre les paroles de ceux-ci, ou bien dans tous les cas de celui qui s'avançait dangereusement vers nous. Je ne sais si elle nota mon mal-être étant donné que je fuyais son regard pour observer minutieusement les faits et gestes de cette personne que je ne souhaitais absolument pas fréquenter. Mon sourire disparut instantanément au moment où il commençai à vociférer quelques demandes à notre égard, il souhaitait attirer notre attention, or si j'avais une solution quant à lui, je ne pouvais pas l'utiliser au milieu du trottoir, et encore moins alors que cette femme prenait la peine de poursuivre une conversation avec moi.

Je repris l'ordinateur en main et formulait rapidement la demande suivante : « Voyez-vous un inconvénient à ce que nous marchâmes quelque peu, je crains ne pas être trop à mon aise au milieu de toute cette foule. » Naturellement je cachais la réelle raison de cette demande, ne sachant pas spécialement comment elle serait considérée par cette jeune femme prénommée Angel. Toutefois, au même moment où j'allais retourner mon unique moyen de communication suffisamment fidèle, quelque chose claqua contre le sol à moins d'un mètre de nous. La canne avec laquelle il se tenait droit, tant bien que mal, à cause des effets néfastes de l'alcool était tombée en avant, et il vacillait dangereusement. Je profitai de cet instant pour montrer mes quelques mots à Angel, espérant de tout cœur une réponse positive avant que le malheureux ne soit définitivement trop près de nous…

L'ange électrique continuait d'observer le jeune homme, afin de mieux le comprendre. Il avait dans le regard un air de peur ou plutôt de méfiance. Pourquoi ? Cela elle ne pouvait le savoir, il y avait tellement de choses à comprendre chez chaque personne. Cependant, le jeune homme en face d'elle était assez curieux, pas dans un sens péjoratif, mais dans le bon sens. Il était séduisant et grand, ce genre de personne habituellement était sûr d'elle, mais pas lui. Lui c'était le contraire, il donnait l'impression d'avoir peur de tout, mais à la fois de rien. Observant un peu autour de lui, afin de voir si personne ne lui voulait de mal. C'était assez étrange de voir une personne comme ça surtout dans New York. Après tout il était comme il était, pourquoi le critiquerait on. Par ce qu'il n'est pas comme la plupart des gens ; extraverti et alors. En chaque personne, on trouve quelque chose d'attirant et le côté timide pouvait l'être.

Angel attendait sa réponse, ou plutôt son écrit. Puis, elle le vit baisser le regard avec un mélange de honte et de désolation. Pensant savoir pourquoi, l'ange ne fit rien pour ne pas le mettre encore plus dans l'embarras. Il se remit enfin à pianoter sur son clavier, écrivant deux phrases. Cependant, avant qu'elle n'est eut le temps de tout lire, il supprima la seconde et en écrivit une autre à la place. La demoiselle lui sourit et recommença sa lecture. L'homme se prénommait donc Célar, c'était la première fois qu'elle entendait un tel prénom. Il n'était pas courant, mais il était assez beau. Une fois les présentations faites de la part du jeune homme, Angel lui adressa d'une voix très chaleureuse.

-Et bien enchanté Célar.

Le mendiant continuait de marcher en leur direction, titubant de plus en plus jusqu'à en faire tomber sa canne. Voyant que Célar n'était pas du tout à l'aise dans cette situation, mais surtout voyant qu'il voulait partir le plus vite possible. Electra allait lui proposer de partir marchait ailleurs ou alors aller dans un café ou l'ambiance serait beaucoup plus calme. Cependant, avant même d'avoir pu proposer quelque chose, le jeune homme lui tendit l'ordinateur afin qu'elle puisse lire. Elle ne s'était pas trompée, il voulait aller ailleurs. C'était tout à fait compréhensible, que ce soit pour lui ou une autre personne. L'ange électrique acquiesça d'un signe de tête accompagné d'un sourire.

-Allons dans un café, se sera moins bruyant et surtout il y aura beaucoup moins de monde. Enfin si cela te conviens bien sûr.

Ne sachant pas, s'il allait accepter, mais au moins il ne serait plus en pleine rue avec toutes ces personnes autour de lui. Un endroit beaucoup plus calme, pour lui et surtout un endroit plus reposant et plus tranquille pour discuter.

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La réponse qu'elle me donna me figea. Non pas que le contenu fut des plus gênants, car rien ne disposait à la comprendre de manière implicite, mais j'avais été frappé par un élément précis. Ce n'était pas qu'elle voulut m'emmener dans un endroit plus tranquille car mon agoraphobie n'était pas seulement latente mais également visible, ni qu'elle eût compris que j'appréciais fortement passer du temps dans les cafés où l'ambiance est bien plus plaisante, en temps normal, que les bars, lieux où je me sentis soudainement consterné d'y avoir été à maintes reprises pour y délaisser mes maux, mes problèmes et mes horreurs. Alors que pouvait donc frapper quelqu'un pour qui les mots sont un véritable culte ? Eh bien tout simplement l'usage peut-être involontaire bien que j'en doutât du pronom personnel sujet « tu » au lieu de « vous ». Cela m'intrigua tout de même au plus haut point, nous n'avions pas discuté beaucoup que déjà elle me tutoyait. Je cherchai une réponse au pourquoi de cette situation, passai en revue différentes propositions de réponse. Je tombai sur des éventualités telles que : soit le simple fait d'avoir discuté si peu aurait entraîné une sorte de sympathie qui justifierait cet attachement amical, mais c'était fort peu probable ; soit elle avait saisi ma méfiance à l'égard de tout le monde et ma crainte des gens et par conséquent elle voulait en quelque sorte faire figure de protectrice, pourquoi pas, mais c'était une éventualité que j'écartais encore plus que la première, car elle ne semblait pas, d'un point de vue purement physique et objectif car je ne la connaissais pas, dotée d'une grande force, mais je pouvais me tromper, certaines personnes faisaient preuve d'aptitudes physiques qui jurent avec l'apparence ; soit c'était dû à la jeunesse dont nous faisions preuve tous deux, car c'était fort rare de voir deux jeunes qui se rencontrent dans la rue se vouvoyer de la sorte, et je penchai d'autant plus pour cette solution que pour n'importe quelle autre.

Je dois bien avouer que sa réponse, en considérant que je revienne sur le fond et non la forme, me permettait enfin de quitter ces lieux emplis de ce que je redoutais le plus après la mort d'un de mes proches. Car plus je discutais avec cette charmante demoiselle et plus le temps passait, et ma peur s'accroissait parallèlement, ce qui n'était absolument pas pour me plaire, bien au contraire, j'étais persuadé que dans très peu de temps j'allais finir par regretter jusqu'à la rencontre même de cette femme, or elle n'avait rien de mauvaise, ni Angel ni la rencontre, et c'eût été regrettable pour moi d'atteindre ce stade-là. Car paradoxalement à ce que j'avais écrit plus haut, la présence même de cette personne écartait légèrement mes peurs, et même si elles ne me quittaient pas totalement, elles étaient rejetées. Or même en excluant toute idée de peur, je trouvais cette demoiselle dotée d'une sympathie rendant ces instants mutuels agréables, car même si ma timidité extravagante rageait au sein de mon esprit, et m'empêchait tout à la fois de lancer de grands sujets de conversation, un détail que je trouvais étonnement curieux alors que d'ordinaire j'adorais discuter de sujets sérieux, elle ne me faisait pas passer pour une personne inutile et me portait tout de même une certaine attention malgré mes graves défauts. Ce simple fait, dans une ville telle que New-York me donnait l'impression qu'elle se démarquait des autres personnes, car bien que j'en avais rencontrées quelques unes déjà, et que celles-ci m'avaient bien adressé la parole, je trouvais toujours cela curieux de voir qu'elles se montraient toutes généreuses de se disposer à me parler. Même avec ce comte qui fit tomber les orages les plus violents dans mes oreilles et mon esprit !

Et elle avait dû voir juste dans mon esprit, car le café était pour moi presque un endroit de rêve après les bras de Lore. L'ambiance y était dans la quasi-totalité des cas toujours chaleureuse, et ainsi que l'ambiance réchauffait l'âme, les chocolats chauds que je portais en extase réchauffaient mon corps. Soit, j'en sortais la plupart du temps prêt pour la journée, car c'était tous les matins presque exclusivement que j'y allais, afin de me préparer aux journées de cours, dans le temps où j'allais encore étudier à l'université avant que ne me frappe ce malheur qui ne s'est pas encore dissipé, et dont j'avais crainte qu'il n'empirât par la suite… Enfin, il me fallait encore répondre par l'affirmative, car elle allait commencer à s'impatienter de ma lenteur d'esprit, ou principalement de mon manque de vivacité dans la réponse, mais c'était un détail que moi-même je jugeais comme une qualité, bien qu'on ait pu bien souvent me le reprocher, principalement en cours, mais également dans les cercles d'amis, fort peu étendus à vrai dire. Je saisis l'ordinateur et allais pour taper lorsque tout à coup… une odeur désagréable agressa mes narines, et je fus saisi de peur. Je savais par quoi cela était causé, et j'en fus presque terrorisé. Cet homme avec qui je craignais avoir à faire était désormais trop près de nous pour être esquivé, et mon estomac se comprima à cause du mélange d'odeur nauséabonde et de peur qui tourbillonnait en moi-même. Non je ne vis pas ma vie défiler sous mes yeux, mais j'appréhendais le futur proche, car après tout, je n'étais que français, et mon anglais n'était pas au mieux, alors quant à comprendre un homme sous l'étreinte endiablée de l'alcool, cela me dépassait totalement.

Enfin je ne souhaitais pas non plus que Angel ne fut importunée, alors lui mimant quelque chose pour faire comprendre que je ne pourrai pas m'adresser à lui à cause de mon mutisme involontaire, je la laissai quelques instants plus avancée vers lui que moi vers lui mais ayant pris garde de ne pas être dans sa vision à elle, je déposai l'ordinateur après m'être accroupi et sentis à nouveau le mélange de chaleur et de froid parcourir mes bras et se canaliser dans mes mains, qui se modifièrent immédiatement, sous les yeux ébahis de nulle âme car la demoiselle ne pouvait me voir, et l'homme avait la vision un peu trop brouillée pour se soucier des détails. J'écrivis alors sur ma main gauche : « L'homme doté d'une barbe crasseuse et totalement répugnante, vêtu de haillons à carreaux tout droit venus d'une autre époque, à l'odeur plus infecte que celle des rejets naturels, oublie soudainement la demoiselle aux yeux d'un bleu fort profond ainsi que l'homme l'accompagnant pour une durée de deux minutes seulement, et prend une direction totalement différente le long de la rue ». Comme prévu, le même effet me saisit, et immédiatement je fus saisi d'amnésie, faible certes, et temporaire, mais présente. Le sans-abri s'éloigna comme je l'avais écrit, mais je ne me souvenais plus de ce que m'avait demandé cette demoiselle, ne me restait que le souvenir que j'allais répondre positivement. Aussi m'empressai-je de lui répondre avant que l'effet ne s'estompe : « Je ne me souviens pas de la teneur de votre question, or je peux vous affirmer que je suis entièrement d'accord. » Cette phrase allait lui paraître étrange, on n'a pas idée d'être amnésique subitement. Je lui fis un large sourire bien que gêné à cause de mon trouble de mémoire, et patientai poliment.

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