Changement de latitudes [Libre]

Assise à l’arrière d’un vieux taxi New-Yorkais, Louise Saavedra frissonnait. De froid et de consternation. Ce n’était pas son jour et c’était pas peu de le dire…D’abord, elle avait eu à subir l’air climatisé de l’aéroport et c’était un vrai miracle qu’elle n’ait pas attrapé un rhume pendant qu’elle récupérait ses bagages. Puis quand elle était sortie pour prendre un taxi, l’air frais et chargé d’humidité l’avait littéralement agressée, la gelant jusqu’au os. Et maintenant, la course en taxi ne l’épargnait pas le moins du monde…Le chauffeur filait sur les chapeaux de roue, toutes vitres baissées, ce qui allait finir inévitablement par la transformer en véritable glaçon.

« Dites, vous pourriez pas mettre le chauffage ? »
« En panne. »

L’homme avait répondu d’un ton sec. Zut. Louise n’aimait pas ça. Elle venait du sud, elle, de climats plus chauds et bien plus cléments et décidément elle supportait mal les basses températures… Elle resserra sa veste et se cala contre la banquette, croisant ses bras contre sa poitrine pour se réchauffer.

Suivant la route des yeux, elle se perdit dans ses pensées. Quelques semaines auparavant, quand Magnéto lui avait proposé de rejoindre la Confrérie, elle n’avait pas hésité, peu désireuse de croupir le reste de son existence dans le petit garage d’un quartier de seconde zone de Buenos Aires. Pas qu’elle regrettait d’y avoir vécu…La capitale avait été sa fratrie pendant son adolescence. Elle aimait ses rues, la chaleur de ses gens et leur accent si particulier. Elle en ressentait même un petit pincement au cœur en y pensant et commençait à regretter d’être partie…
Elle se morigénera. Non, il ne fallait pas penser comme ça. Elle avait besoin de changement. Et puis elle aurait vite fait de s’habituer à son nouvel environnement. Dans quelques temps, cette arrivée ne serait plus qu’un mauvais souvenir.

Elle espérait juste…Chose puérile et un peu stupide…qu’on lui laisserait la possibilité de se charger des véhicules. Son ancien garage, aussi minable soit-il, lui manquait déjà, il fallait l’avouer. Elle regrettait de ne plus pouvoir toucher à ses chères machines… Elle avait hâte de replonger ses mains dans le cambouis, de laisser sa sueur à réparer et bichonner ces bêtes de métal.

Elle repensa à sa première rencontre avec la Confrérie. La mutante à l’étrange apparence qui s’était présentée à elle sur son lieu de travail comme une cliente…Une femme blonde égarée et affolée, dont le véhicule était soi-disant tombé en panne dans les environs de la ville. Louise l’y avait suivie sans méfiance. Des touristes en rade, elle en avait aidés des dizaines auparavant. Et la surprise avait été de taille lorsque la métamorphe s’était soudain transformée, lui révélant sa véritable apparence…cette peau bleue luisante, ces iris perçants et cette démarche féline...Une fois le choc passé et après quelques explications houleuses, les deux femmes avaient rejoint Magnéto qui s’entretenait déjà avec d’autres personnes…Un groupe de mutants, sans exceptions.

La Confrérie recrutait…Après avoir écouté un beau discours flamboyant sur la suprématie du gène X, Louise était arrivée à la conclusion que Magnéto était certes un redoutable mutant mais qu’il avait des idées quelques peu loufoques. Haïr les humains était une chose, vouloir dominer le monde, c’était quand même un peu différent… Elle, elle cherchait juste vengeance et action...Le douloureux souvenir d’avoir été abandonnée attisait encore parfois sa colère…

En y repensant bien, c’était peut-être là la raison principale qui l’avait poussée à accepter de rejoindre les rangs des rebelles... Et peu lui importait à quelle mission vengeresse Magnéto et Mystique lui demanderaient de se joindre ou à quel entrainement strict il lui faudrait se plier, elle était prête à accepter.

Comme première contribution, l’homme qui contrôlait le métal lui avait demandé de leur fournir un véhicule pour ramener tout le monde à bon port. Voler ne lui importait pas, elle avait satisfait ses exigences. Elle en revanche n’était pas partie tout de suite. Quelques affaires à régler. Mais maintenant, elle était enfin à New-York. Aux Etats-Unis.

Elle fit stopper le taxi à quelques kilomètres de son but. Pas question de faire arrêter le véhicule devant les portes de la Confrérie…A New-York comme dans le reste du monde, les délinquants devaient rester discrets.
Il ne lui restait plus qu’à tout faire à pied. Charmante perspective.

Après une heure de marche sur des routes désertes, les bâtiments austères apparurent soudain dans son champ de vision. Un sourire se dessina sur le visage de la jeune femme, soulagée d’être enfin arrivée. D’un bref mouvement de l’épaule, elle réajusta son sac. Il commençait à lui peser lourdement et à cet instant précis, elle aurait volontiers échangé son pouvoir mutant contre une force exceptionnelle. Rapidement, elle franchit les derniers mètres qui la séparaient encore de l’entrée.

La porte était fermée. Par un mécanisme…électrique. Louise sourit en pensant qu’elle était née à la bonne époque. Dans ce siècle nouveau, la plupart des choses de la civilisation restait sous son contrôle.
La jeune femme tendit la main… Elle adorait faire ça. Elle sentit l’électricité fluer de la serrure en veille…
Mais une légère résistance s’imposa à elle. Pendant un très court instant, elle se demanda ce qui pouvait bien faire ainsi obstacle, lorsque soudain, dans un simple déclic, la porte s’ouvrit et le hall d’entrée lui apparut.

[Parfaite l’édition de ton post ! ^^ J’ai également modifié la fin du mien.]

Devant la porte ouverte, Louise souriait encore bêtement, l’air satisfait. Finalement cette satanée porte s’était ouverte. Apparemment les Confréristes, confiants d’être assez bien cachés, n’avaient pas cru bon de protéger leur entrée … Pourtant pendant un très bref instant, elle avait cru que c’était le cas… A moins tout simplement que quelqu’un n’ait commis l’imprudence de mal « refermer » cette porte….

La jeune femme haussa les épaules. Qu’importe ce qui avait bien pu se passer dans cette serrure, l’important était qu’elle soit maintenant ouverte. Elle franchit le seuil, pressée de se retrouver à l’intérieur, à l’abri de l’air frais. Mais à peine eut-elle posé le pied sur le carrelage de l’entrée qu'une curieuse impression l'envahit soudain… Elle fronça les sourcils et se concentra pour tenter de l’identifier. Curieusement, cette sensation étrangère lui était vaguement familière...
« Qu’est-ce que… »

L’impression s’intensifia soudain et un flux d’électricité lui apparut... elle le sentit plus qu’elle ne le vit. La seconde d’après elle aperçut une jeune femme brune de petite taille, aux traits latinos et à la silhouette fine. L’inconnue marchait à vive allure vers elle, le regard noir et l’air peu engageant. Sa main était tournée dans sa direction, dangereusement menaçante. Louise baissa le regard vers la main tendue…pour y voir des arcs électriques qui ondulaient le long de sa paume et de ses doigts...

Louise écarquilla les yeux sous l’effet de la surprise. Elle savait que son arrivée n’était pas attendue mais elle ne s'attendait pas à avoir un comité d'accueil aussi peu aimable. Voilà qu’on la prenait pour une intruse ! Apparemment cette fille n'avait pas apprécié son entrée...par effraction certes, mais était-ce vraiment utile d'être si agressive?

L’espace d’une demi-seconde, quelque chose, dans le coin de son cerveau, lui souffla d’utiliser la négociation et la prudence. La jeune femme pouvait stopper les flux d’électricité, mais elle ne connaissait pas la puissance de la nouvelle venue ni ses autres hypothétiques talents cachés. Dans le doute, la prudence aurait été de mise…

Mais son inconscience naturelle prit le dessus, une fois de plus. Loin d’adopter une posture réfléchie, elle leva aussitôt la main, paume en avant et doigts écartés, prête à se défendre…Et avec la ferme intention de faire regretter son audace à cette fille s’il lui prenait l’envie de s’attaquer à elle. Après tout son adversaire ignorait également tout de ses pouvoirs...

Elle la toisa de haut en bas, le regard rempli d’arrogance et de cynisme, avant de lui lancer la première pique qui lui traversa l'esprit.
« Hey, du calme ! Tu risques de te faire mal avec ça!»

En voyant la réaction de la jeune femme, Louise se dit qu’elle aurait peut-être mieux fait de se taire. Sa remarque effrontée n’avait rien fait de plus que provoquer son interlocutrice et la rendre encore plus agressive. Son adversaire avait de la répartie, c’était le moins qu’on puisse dire. Et un tempérament plutôt…électrique… Cette inconnue, avec qui visiblement elle partageait certains talents, lui bloquait l’entrée, de tout son corps, la mettant au défi de tenter quelque chose.

Ampère hésita un bref instant, partagée entre le désir de lui renvoyer une réplique bien sentie et le sursaut de conscience qui lui recommandait d’adopter un profil bas…Finalement, elle opta pour la seconde option. Elle était tête brûlée mais pas non plus totalement suicidaire et ses vieux réflexes de survie revinrent, lui enjoignant la prudence. Illustrer son premier jour dans la Confrérie en commençant par une bagarre n’était peut-être pas recommandé…D’autant plus que la jeune femme en face d’elle n’avait pas vraiment l’air de plaisanter.

En outre, elle commençait à se sentir lasse, la montée d’adrénaline des minutes précédentes perdant rapidement de son ampleur. La fatigue du voyage lui pesait de nouveau, son corps n’était plus que douleurs et elle aurait donné n’importe quoi pour pouvoir reposer ses muscles sur un bon lit. Lorsqu’elle reprit la parole, ce fut d’une voix trainante.

« Ecoute, je suis claquée, je viens de trop loin pour me disputer avec toi et je veux juste poser mon sac si ça te dérange pas ? »

C’était la stricte vérité…mais elle doutait fort que la femme se contente de cette réponse. Sans attendre la réaction de son interlocutrice, elle continua d’un ton plus amical.

« Magnéto et Mystique m’ont recrutée il y a quelques semaines. Ils m’ont simplement dit de me présenter ici et…me voilà. Je m’appelle Lou…Ampère, mon nom est Ampère. »

Et elle tendit la main à la jeune femme.

Louise soupira intérieurement quand elle vit l’électricité disparaître de la main de la jeune femme. Son changement d'attitude et ses paroles avaient visiblement calmé son opposante. Mieux, elle lui tendait la main à son tour, l’air plus engageant, et se présentait.

Tazer ?…Oui, après ce qu’elle venait de voir, le nom semblait totalement approprié.

Une fois les présentations achevées, la mutante – Tazer, puisque c’était son nom - se proposa pour l’accompagner à l’intérieur, avant de s’effacer pour la laisser passer. Louise s’avança, suivant les indications de son nouveau guide.

Elle se retrouva face au couloir, le regard de la femme braqué dans son dos. Tazer l’avait-elle laissée passer par simple souci de politesse ou au contraire par manque de confiance ? Elle n’aurait su dire… La mutante avait encore de bonnes raisons pour se méfier d’elle après cette entrée peu convenable. Louise aurait bien voulu lui démontrer sa bonne foi, lui prouver qu’elle avait bien sa place ici, mais sans aucun leader de la Confrérie pour en témoigner, elle se retrouvait bien en peine. Son recrutement avait été seulement verbal, ce n’était vraiment pas le genre d’accord qu’on consignait sur une feuille de papier.

Mais elle ne s’en faisait pas trop, à vrai dire. Si elle se tenait à carreau, Tazer n’aurait plus aucune raison de l’affronter de nouveau. Ou du moins elle espérait que ce serait le cas…

Quand la mutante lui indiqua la direction des chambres, elle fut tentée de s’y rendre et de s'écrouler sur le premier lit venu. Mais son estomac la rappela soudain à l'ordre, la contraignant à renoncer à son projet. Peut-être qu'un petit en-cas la remettrait sur pied avant de s'installer enfin dans une des chambres.

Pour le reste...Seul l'avenir le lui dirai et elle espérait qu'il soit plein de surprises.