[Un invité dans la maison du Tout Puissant...[Pv Cole]

Spoiler:

Encore vêtu de sa soutane noire, William Stryker remontait d’un pas vif l’allée centrale de sa paroisse, bordée des rangées de bancs qui chaque semaine accueillaient les fidèles. Quelques heures auparavant, l’église avait résonné de sa forte voix, de chants religieux et de murmures chrétiens. Après la fin de la messe, le silence s’était de nouveau abattu quand les braves et assidus chrétiens avaient quitté l’église. William avait officié, il leur avait fait cette morale sainte, il les avait mis en garde et il leur avait dicté les bonnes conduites à tenir. Une attitude qu’ils ne tiendraient évidemment pas et qu’ils s’empresseraient de venir pardonner en confessant leurs stupides péchés dès la semaine suivante. Lui ne s’en souciait guère, il avait d’autres chats à fouetter. Ce n’était qu’une façade qu’il leur montrait, à ces pauvres bougres.

Derrière lui, dissimulés sous des habits du clergé, quatre de ces hommes lui emboitaient le pas. Alors qu’ils avançaient, Stryker jetait un coup d’œil aux alentours. Tout avait l’air parfaitement en ordre comme à l’accoutumée et il ne pouvait que s'en féliciter. Soudain, en atteignant l’autel, son oreille fine nota un bruit dérangeant. L’un des amplis émettait un léger bourdonnement…Sans doute un problème technique mineur, mais qui dérangeait le silence monacal de l’église. Sans s’arrêter, William fit signe à l’un de ses sbires qui le suivaient.

« Faites venir le technicien et arrangez-moi ça. »

Il n’aimait pas que le calme de la demeure du Seigneur soit troublé et surtout, il ne voulait pas d’éléments défaillants dans son entourage. Une pièce en mauvais état, c’était souvent l’élément déclencheur pour entrainer la lente chute de toute une structure, de toute une organisation. Et cela pouvait s’appliquer à n’importe quel détail matériel, même le plus insignifiant. Le reste du raisonnement était logique…Quand on ne voulait pas que tout s’effondre, il fallait s’assurer que tout soit bien en ordre. Comme les engrenages d’une machine…Ils devaient être parfaitement huilés pour que le mécanisme fonctionne du mieux possible…

La partie de l’église interdite au public était accessible depuis une porte située derrière l’autel. Perdu dans ses pensées hautement philosophiques et ignorant ses hommes, Stryker s’y engouffra, avant de rejoindre la salle qui lui était réservée. Là il se changea, délaissant sa robe de révérend au profit de vêtements plus confortables, un simple costume sombre. Puis il rejoignit de nouveau ses hommes et les mena à la pièce où l’on entreposait le matériel. Aussitôt, l’un de ces acolytes se dirigea vers le mur du fond et enclencha un mécanisme discret et habilement camouflé. Dans un doux feulement, une porte convenablement dissimulée coulissa et l’homme s’effaça pour lui laisser l’accès au sombre escalier qui venait d'apparaitre sous leurs yeux.

Les locaux souterrains étaient une partie méconnue de l’église pour un grand nombre, bien évidemment. Les gens croyaient la paroisse dédiée à un simple culte du Seigneur, la réalité était toute autre. Dans les bas fonds de la demeures du Tout-Puissant vivait son armée personnelle…Ses hommes mangeaient, dormaient et s’entrainaient dans les sous-sols, dans des installations somme tout assez modernes, coupés et méconnus du reste du monde.

Après avoir traversé les couloirs étroits et obscurs, William parvint à son bureau, suivi par ses quatre sbires qui se postèrent dans l'entrée dans le plus grand silence. Sans perdre de temps, il prit place et d’un geste bref, mit aussitôt son ordinateur en route. Puis pianotant rapidement sur son clavier, il retrouva le fichier qu’il avait mainte fois consulté depuis maintenant plusieurs semaines.

L’historique de l’individu auquel il avait eu accès était plutôt succinct. Le personnage était connu mais nul doute qu'il n'avait pas toutes les informations en main. Néanmoins le peu qu'il savait sur lui le rendait particulièrement attrayant aux yeux de Stryker. Mais cet homme savait se cacher, et lui mettre la main dessus n'avait pas été évident, élevant sa quête au rang d’une véritable traque. Au fil des mois et après un nombre important d’échecs de pattes généreusement graissées, ils avaient fini par retrouver sa piste, et lentement, avec patience, avaient remonté le fil jusqu’à lui. Heureusement pour lui, William ne s’avouait jamais vaincu. Cet allié potentiel était sacrement doué et puissant mais lui non plus n’était pas en reste. Et puis ses hommes étaient bons, il avait lui-même choisi les meilleurs pour retrouver cet étrange personnage.

Restez à savoir si ses hommes réussiraient à le convaincre. Ils n’avaient qu’un seul message à transmettre, unique et simple : William Stryker, révérend médiatique et militant anti-mutant, recherchait Cole Batholomey. Les raisons données seraient vagues mais l’homme était sûrement assez intelligent pour comprendre que certaines informations devaient rester cachées, au risque de tomber dans d’éventuelles oreilles trainantes…Il fallait se méfier de tout, encore une fois. L'enjeu était bien trop important pour se permettre de prendre le moindre risque.

D'ailleurs, l'idée de s’associer avec Cole Bartholomey lui avait demandé pas mal de réflexion et beaucoup de maux de tête. Après tout, son groupe était officiellement reconnu comme une organisation terroriste et leur alliance, en admettant qu’elle aboutisse, devrait rester secrète. Bien que reconnu comme militant actif, William gardait une certaine image d’intégrité…Pas de crime, pas d’attentat connu dans son curriculum, il avait su rester discret dans ses actions.

Son téléphone sonna et il décrocha aussi sec.

« Révérend, il est là. »

« Bien. »

Le message était court et simple. Pas de nom donné au téléphone, ni d’informations compromettantes, il avait bien formé ses hommes. Prendre tant de précautions pouvaient paraître le fruit d'une paranoïa aiguë mais dans son cas, on n’était jamais trop prudent…Il leva les yeux vers les quatre hommes qui lui faisaient face.

« Il arrive. Laissez-moi, je veux le voir seul à seul. Mais restez près de la porte.. »

On ne pouvait jamais faire confiance à un inconnu, surtout quand il était de la caste de celui-ci. Son arme de poing était toujours à portée de main dans son bureau et il l’entrouvrit le tiroir discrètement pour pouvoir l'attraper plus facilement en cas de danger. L’homme n’était pas censé lui faire mal mais il valait mieux toujours assurer ses arrières.

Tout semblait prêt pour recevoir son invité...Dans un souci de perfection, il réarrangea une dernière fois son bureau, même si c’était parfaitement inutile. L’ordre qui régnait sur le meuble était absolument parfait, comme dans le reste de la pièce. La décoration restait sobre, à l'image celui qui occupait les lieux. Des couleurs sombres et éteintes, de rares bibelots religieux, et bien évidemment, pas le moindre signe de son passé militaire, ni de ses activités actuelles…Seule une inscription gravée sur le mur « Suscipiat Dominus sacrificium de manibus tuis , ad laudem et gloriam nominis Sui, ad utilitatem quoque nostram totiusque Ecclesiae sanctae » *, lui rappelait ce pourquoi il est là aujourd'hui...Une motivation bien plus que suffisante...

Maintenant, il entendait du bruit à l'extérieur, le moment qu'il attendait depuis longtemps arrivait enfin. En parfait hôte, il se leva et alla ouvrir la porte de son bureau. Après tout, l’homme méritait bien un traitement de faveur de sa part...



* "Que le Seigneur reçoive de vos mains le sacrifice, à la louange et à la gloire de Son nom, ainsi que pour notre bien et celui de toute son Église sainte"

Lorsqu’il aperçut son invité s’approcher, William ne put retenir un sourire de satisfaction. Même si ses hommes lui avaient annoncé sa venue, même si au fond de lui, il n’avait jamais douté que l’homme parviendrait jusqu’à lui, le voir en chair et en os était on peut plus rassurant. Voir ces dizaines de semaine de recherche à nouveau soldées par un échec aurait certainement vaincu sa persévérance. La longue traque avait mis à rude épreuve son sang-froid et ces derniers jours, il avait senti cruellement le manque de calme. Et ce n’était que grâce à l’aide du Tout Puissant qu’il était parvenu à garder un semblant de calme et de self-control, et qu'il avait évité que sa patience ne s’effrite pas trop.

En face de lui, l’homme était aussi singulier que ce qu’il avait pu s'imaginer. Les informations erronées sur l'individu ne manquaient pas et il avait été dur de distinguer le vrai du faux. Côté physique, l’homme était impressionnant. Plus grand que lui, le visage et le corps dissimulés sous un lourd manteau…L’élément le plus déroutant restait évidemment son bras, caché sous ses longues manches. La partie métallique n’était pas visible, seulement suggérée...De toute façon, l'amputation de l'homme n'était un secret pour personne et le révérend pouvait seulement en voir une lumière bleuté dont il ignorait complètement la signification.

L’homme ne venait pas seul, bien évidemment. De toute façon, Stryker n’avait jamais pensé qu’il se jetterait dans la gueule du loup sans prendre de précautions. Comme lui, qui gardait ses quatre sbires devant la porte, l’individu avait de la compagnie...Une femme, dont le visage était également caché. Comme pour le bras de Bartholomey, on devinait une faible lumière sous le tissu...A croire qu'ils étaient bâtis sur le même modèle. L’étrangère était somme toute aussi étrange que son patron…Et même un peu plus inquiétante, pour tout dire.

L’individu fit un signe à son escorte et la femme stoppa aussitôt…Une sbire efficace apparemment. Sans attendre, elle se posta près de ses hommes. Ne restaient plus que Bartholomey et Wtryker dans la course. Le reste se ferait dans l’intimité ou presque…C’était sans compter sur les micros habilement dissimulés dans son bureau. Si les choses tournaient mal, ses hommes en seraient les premiers avertis et n’hésiteraient pas à prendre l’initiative pour venir le défendre…

Mais de toute façon, il n’y avait aucune raison que la situation tourne au vinaigre, n’est-ce pas ? Il tendit la main à son invité dans une poigne forte et chaleureuse…Enfin, à celle de son bras valide…

« Entrez donc, Mr Bartholomey. Et appelez moi donc William. »

Il l’invita à rentrer dans son bureau et lui désigna le grand et confortable fauteuil qui attendait son invité. La négociation demandait du temps et de la patience...Rester debout n'était pas de mise...Tandis qu'il refermait soigneusement la porte derrière lui, il lui lança d'une voix aimable:

« Je pense que vous et moi, nous avons beaucoup de choses à nous dire, alors autant se sentir plus à l’aise n’est-ce pas? »

Alors qu’il parlait, il s'approcha de son bureau et avança la main vers son téléphone. L’index en l’air au dessus de la touche d’appel, il observa son compagnon.

« Je peux vous proposer quelque chose à boire, peut-être ? Un café, un thé ? Une petite collation ? »

Évidemment, c’était tourner autour du pot. Les petits mots, les petits verres entre amis, tout cela n’était que pure tactique. Un semblant de civilité, de politesse feinte. Bien sûr, il aurait pu jouer la carte de la franchise, lui exposer directement ses idées, mais c’était plus un jeu qu’autre chose. Il avait l'habitude de ce genre d'affrontement...Cela permettait de tâter le terrain. Entr’apercevoir son adversaire avant de lui dévoiler ses cartes.

« Vous savez…Je suis heureux que vous ayez accepté de venir… Vous avez dû trouver que mon invitation était des plus…mystérieuses…et gênantes. Et je tiens à m’en excuser. Même si je ne doute pas que vous ayez compris les véritables motivations de ma discrétion… »

La conversation était lancée. Maintenant, les deux hommes se faisaient face. Autant d’expérience, autant de qualités et de talents dans chacun des camps. C’était à lui de jouer fin maintenant pour parvenir à convaincre cet individu. Et s’il réussissait, nul doute qu’il aurait gagné un puissant allié…