Entretien déterminant [pv xavier]

Daniel regardait Amara Aquilla s'éloigner. Il la couva longuement du regard, elle avait quelque chose qui lui plaisait, non pas physiquement mais psychiquement. Elle avait cette saveur nostalgique du passé qui n'était pas sans éveiller en lui des souvenirs du passé, des couleurs et même des odeurs oubliées. Il espérait vivement la revoir autour d'un verre un de ces jours afin d'en apprendre plus sur elle et sur son charisme étrangement attractif.
pour l'heure il dirigea son regard avec appréhension sur la porte qui lui faisait face. Comment était_il ? Froid ? Chaleureux ? et surtout avait-il les réponses a ses questions et les certitudes à donner sur le sens de sa vie ? Il était temps de pousser la porte et d'avançer une fois de plus dans un monde qui se voulait de plus en plus déstabilisant.
Il toussota un peu et nerveusement joua une fois de plus avec sa montre en or à l'intérieur de la poche de son veston.
enfin, il se décida à frapper à la porte se sentant finalement plus intrigué que franchement anxieux.

Daniel cacha sa surprise, camouflant son trac et ses interrogations sous le masque pratique de l'individu pragmatique et détaché. Il observa d'abord les lieux avant de reporter son attention sur le Professeur, le voilà enfin. Il ne s'attendait pas à cela, mais il se mit à sourire machinalement : a quoi s'attendait-il en fait ? Rien de vraiment précis. Il fallait l'avouer, même cloué sur sa chaise, l'homme avait un net charisme et une prestance qui le rendait admiratif. Daniel avait lu certaines de ses interventions mais n'avait pas poussé ses investigations au delà de la curiosité inhérente à sa propre soif de compréhension sur son état.
Il s'avança et salua avec courtoisie son hôte qui l'invita à prendre place et à lui exposer les raisons de sa venue. Il s'installa et chercha ses mots pendant quelques secondes où le silence pesant vint plomber légèrement l'atmosphère.

Merci de m'accorder un peu de votre temps, Professeur Xavier..je ne suis pas homme à venir sans prendre au préalable rendez-vous mais sincèrement, je ne savais pas comment vous présenter ma démarche au téléphone...parce que ca me paraissait des plus incongru et parce que j'avoue ne pas aimer plus que ca les technologies dites "modernes".

Il fit une légère pause histoire de retrouver son souffle. Le trac le rattrapait un peu.

Je me nomme, Hopes..Daniel Hopes et je résides à New York, j'exerce le métier de libraire expert en littérature ancienne et œuvres d'art. J'ai ouvert il y a quelques année une boutique non loin du Bronx..
Ma démarche va peut-être vous sembler étrange..je suis un mutant et je n'ai pas de problème avec ce fait...je suis agé de 116 ans et j'ai la faculté de ralentir le temps dans un périmètre bien définit..ce "don" agit aussi sur mon métabolisme, ralentissant mon vieillissement...
Jusqu'ici..je vivais en retrait de ce monde, l'observant et n'y intervenant que rarement, comme un individu lambda..cependant, je juge que cette situation a assez durée..j'ai vu de quoi les humains sont capables à travers deux guerres et de nombreuses horreurs...le climat de défiance envers notre ..je n'aime guère le mot.."communauté"..me pousse à me questionner et à agir. J'ai eu connaissance d'une prise de position..plus..extrémiste que la votre, j'aimerai vous entendre m'expliquer de vive voix votre idéal..je veux juste comprendre avant de prendre part...je ne vous poserai que deux questions.
Pourquoi maintenant ? je veux dire..cette accélèration des évènements dans le monde nous conduisant à l'escalade.
Comment voyez vous le futur ? constituant ma seconde interrogation.

Daniel écoutait attentivement les dires du professeurs. Ses arguments allaient dans son sens, certes mais les inquiétudes ne disparaissaient pas pour autant. Il soupira comme pour marquer une grande lassitude et caressa inconsciemment sa montre en or dans sa poche. Il se pencha murmurant presque.

Pacifique ? pacifique.... j'ai déjà entendu ce mot, en 1919 lorsque la Boucherie de la vieille Europe a cessée, on croyait à la paix universelle et le pacifisme, mais les conditions du Diktat de Versailles contenaient déjà en filigrane la seconde guerre qui s'avançait. J'ai encore entendu ce mot en Allemagne lorsqu'on a commencé la politique de discrimination avec le port de l'étoile jaune. ..je l'ai entendu tellement de fois que je n'arrive même plus à en saisir le sens...Pensez-vous que l'homo sapiens puisse un jour mettre de coté sa tendance autodestructrice et ses instincts meurtrier pour accepter la différence ? Voyez vous le monde d'un oeil optimiste ? je ne sais pas..moi j'en doute.

Il laissa échapper un silence comme s'il se remémorait quelques souvenirs terribles.

Un jour en 1940 j'étais en mission dans l'armée Anglaise près de Dunkerque...nous étions avec trois personnes et nous avons arrêté un jeune homme sur le chemin...Au début la tension était palpable, mais rien de véritablement "mauvais"..en fouillant son bagage, nous nous sommes aperçu qu'il s'agissait d'un allemand qui avait caché son uniforme pour fuir le combat. Il nous a expliqué dans un anglais approximatif qu'il voulait "rentrer chez lui"..notre capitaine lui a fait remettre son uniforme, puis les autres l'ont abattu sans sommations. je suis resté là..sans agir, complètement atterré par ce que je voyais..ce gamin voulait juste rentrer chez lui, il e constituait pas une menace..quand j'ai demandé au gradé pourquoi il l'avait fait se rhabiller et pourquoi ils l'avaient tué il m'a répondu ceci

Il se pencha en avant comme pour mieux faire comprendre l"emprunte qu'avait laissé ce souvenir sur lui.

Sans l'uniforme, il était comme nous..avec l'uniforme, il devenait l'ennemi, visible et désigné, c'était plus facile à détester et même à tuer.
....
Professeur, j'ai peur qu'un jour, on arrive à nous demander de sortir de l'ombre et a nous faire recenser aux yeux des autres, notre "étoile jaune" leur donnera la légitimité pour que la haine se déchaine et que..et que..vous comprenez, n'est-ce pas ?