Le plus grand des voleurs... [Ghinzu-Enora-Kurkaru]

J'avançai lentement dans le couloir qui menait aux chambres des filles. Ma future chambre. Les professeurs Hopes et Haller m'avaient expliqué comment m'y rendre. Cependant, Daniel avait tenu à venir me voir quelques secondes après mon arrivée. Etant donné qu'il pouvait manipuler le temps, j'avais pris ses paroles à la lettre. Ma valise avait du y arriver avant moi par un quelconque moyen qui m'échappait littéralement pour le moment. j'avançai donc dans ce couloir bien éclairé.

Lorsque j'arrivai devant la porte que l'on m'avait indiqué, j'entendis un remue ménage terrible. Je me pétrifiai devant la porte. Le seul mouvement que je pus faire fut tendre l'oreille et écouter attentivement. A en entendre les cris de joie, les rires ainsi que des objets se heurtant au sol, je frémis. Quelqu'un semblait s'amuser dans la chambre. Ma chambre. N'avait-on pas appris à cet intrus les bonnes manières et que l'on entrait pas dans une chambre sans la permission de son dormeur ? L'idée que cette chambre pouvait être à quelqu'un d'autre m'effleura pendant quelques secondes. Cependant, j'avais suivis à la lettre les indications que les deux professeurs m'avaient donné. Il n'y avait donc aucun doute. Je pris une grande inspiration et ouvris la porte à la volée.

J'eus l'impression que ma mâchoire se décrochait au moment où je constatait avec horreur la scène qui se déroulait dans la pièce. Une substance verdâtre encore non identifiée avait recouvert la quasi totalité de la pièce. Les murs étaient recouverts de couleurs mais de façon organisée. Il y avait là une espèce de grand dessin ainsi que... des écritures ? Ma valise avait été ouverte et je sentis une colère nouvelle me parcourir le corps des pieds à la tête. Je tentai de reprendre mon calme quand l'auteur de tous ces délits se tourna vers moi.

- Kikou ?

Ma colère s'évanouit pour me laisser dans une stupéfaction totale. Bon dieu, n'arriverais-je donc jamais à controler mon humeur ? J'avais devant moi un individu de petite taille, tel un enfant. Cependant, sa peau était verte et il était chauve. En l'observant un peu plus, je me rendis compte de ce qu'il portait sur la tête et je rougis, de façon purement mécanique. non seulement ce nain ridicule avait fichu un bazar monstre dans cette pièce et avait éventré ma valise mais il considérait mes culottes comme un chapeau de fortune ! S'en était trop. Je me détendis complétement et éclatai de rire. Un rire purement nerveux, certes, mais il fallait reconnaitre que cette situation était on ne peut plus comique. Je me repris peu à peu, pris soin de raccrocher ma mâchoire et osai enfin sortir mes premiers mots qui étaient jusque là restés coincés dans ma gorge.

- Excusez-moi euh... Monsieur... J'peux savoir comment vous êtes entré ici ? Et surtout, pourquoi vous avez fouillé dans mes affaires de la sorte ? Vous avez interet à avoir une sacrée bonne raison pour expliquer vos actes parce que je risque de redevenir facilement de mauvaise humeur...

Tandis que je prononçais ces mots, mes pensées s'affolaient de nouveau et la colère revint lentement.

*Ne pas faire une démonstration de tes pouvoirs... Calme toi Enora... N'étrangle pas cette pauvre... créature.*

Hopes était en retard, il avait été intercepté par plusieurs élèves ayant perdu leur chemin dans le dédale de couloir de l'Institut. Déjà qu'il n'avait pas eu le temps de prendre sa dose de caféine à cause du retard qu'il avait prit dans le traitement administratif du fonctionnement de l'Institut, le voilà courant dans l'escalier franchissant les marches quatre à quatre afin de montrer sa chambre à sa charmante petite Enora. Une jeune demoiselle compatriote du Time tricker et dont la verve pouvait faire écho à la sienne si elle n'était pas doublée d'une espièglerie certaine.
Alors qu'il maudissait les Ases et les Vanes d'avoir crée la paperasserie, il s'engagea dans le couloir du dortoir des filles espérant ne pas attirer sur lui les foudres de la pudeur juvénile et cependant légitime des jeunes filles y ayant pris quartiers. Arrivé devant le chiffre attribué il s'étonna de voir la porte grande ouverte et d'entendre les dernières bribes de conversation de la jeune fille.

Son expression se figea un instant lorsqu'il constata avec une certaine lassitude mais tout en gardant son flegme les dégâts qu'avaient commis l'épouvantable Nain Vert. Il n'était pas sans le connaitre, ayant compulsé une bonne partie des archives d'admission de l'Institut à la recherche de "potentielles recrues". Kurkaru était un mutant "non exploitable", non pas qu'il était quantité négligeable aux yeux du professeur mais qu'il ne pourrait sans doute jamais prendre les armes pour défendre sa vie. Il avait trouvé refuge à l'Institut car il était surtout par son inconscience et son inconstance un danger pour lui même (et soyons franc, une source d'embarras pour les autres.).
Il fixa ses bras le long du corps les mains posées sur les hanches en une pause réprobatrice et haussa les sourcils.
Il s'adressa d'abord à Enora en Français pour la compréhension fut instinctive.

- Enora...du calme, ce n'est que matériel, rien de grave de toute façon vu la proximité de notre jeune ami, tu ne pourrais pas lui faire grand mal...il annihile les pouvoirs des mutants.
Il ne faut pas lui en vouloir, c'est une sorte de gros gamin joueur et un peu primaire...il ne voit pas le mal.
S'il t'a abimé certains effets personnels ils te seront remplacés à nos frais.

Son attention se reporta sur le fautif mais sa voix était moins cassante qu'on l'aurait cru..presque douce en fait.

Kurkaru...peux tu m'expliquer tout ceci ? dépêche toi car si tu ne le fais pas, Mademoiselle Lacourt et moi même allons nous munir de tes précieux stabillos pour barbouiller ta chambre, tes affaires et peut-être même te dessiner un charmant maquillage...

La scène dépassait vraiment toute imagination. Ce petit truc vert et animé avait l'air tout heureux d'avoir fait ses bêtises et je ne sus vraiment pas ce qui me retint de l'étrangler pour avoir saccagé ainsi ma chambre. Peut-être le fait que je ne voulais pas faire mauvaise impression dès mon arrivée ? ou bien l'idée de me salir les mains (au sens littéral du terme) me repoussait légérement. Je compris alors que c'était l'air attendrissant qu'il avait adopté qui m'empêcha de le malmener. "tout ce qui est petit est mignon". En l'occurence, ce proverbe ne s'appliquait que dans certaines conditions avec cet individu.

Dans son langage qui était réellement primaire, il m'informa qu'il était entré par la fenêtre et avant que je ne puisse lui faire remarquer que mise à part en ayant la capacité de voler ou de sauter plus haut que la normale, il n'aurait jamais pu atteindre cette distance, il me signala qu'il avait escaladé le mur. Je fus un peu plus stupéfaite quand, d'après mes souvenirs, la paroi du mur semblait assez lisse. Etait-ce là le pouvoir de ce mutant ? Grimper au mur avec une facilité déconcertante ? Il devait avoir de sacrées notes en cours de gym ! En reposant mes yeux sur lui, je rayais cette dernière réflection, me disant qu'avec une telle apparence, ce pauvre nabot ne devait pas sortir beaucoup d'ici. Quand il m'annonça que, pour lui, son crime était un jeu, je compris alors que l'éducation du petit nain vert avait été délaissée. Après tout, n'importe qui d'autre dans sa situation en aurait certainement fait de même... Ou pas.

Je fus interrompus dans mes réflections par l'arrivé de Daniel qui coupa court à ma réponse de l'invitation que venait de me lancer cette petite créature. Son visage figé et son regard posé sur l'intrus me firent comprendre que mes réflections n'avaient pas été trop décalées. Un mince sourire vint se poser sur mes lèvres lorsqu'il me parla français. Moi qui pensais que j'allais améliorer mon côté bilingue en venant ici, je fus heureuse de savoir que je pourrais continuer à parler dans ma langue natale avec quelqu'un pour me comprendre. Cependant, mon sourire s'effaca rapidement, laissant place à la stupéfaction.

Ce nabot minable et infantile était capable d'annihiler les pouvoirs mutants ? Cela signifiait donc qu'en sa présence, plus de champs de forces ? Sans réellement savoir pourquoi, je me sentis alors jalouse et pris une moue boudeuse. Même si je ne m'étais pas contenue, rien ne se serait passé ? Ce fut bien la première fois que j'étais mécontente d'une telle chose. Je perdis mon propre fil d'humeur et de pensées pour revenir à la conversation. Je m'approchai du reste de mes affaires. Je ramassai rapidement le livre auquel je tenais tant, dernier souvenir français que j'avais emporté. A mon grand soulagement, il était entier et comme neuf. Cependant, un de mes paquet de vêtement avait été éparpillé un peu partout dans la chambre. Je me retournai vers Daniel, mon livre contre moi.

- A première vue, il n'a pas eu le temps de fouiller véritablement dans mes affaires si ce n'est qu'il m'a massacré quelques vêtements... Enfin, mis à part ce détail là.

Je désignai alors la tête de l'enfant (enfin, le nain) où tronait toujours une de mes culottes. Cette comédie ressemblait à une vilaine blague mais, sachant maintenant comment se comportait véritablement cet individu, je sus que ce carnage n'était qu'un "jeu". Daniel s'adressa ensuite au petit homme en lui adressant quelques menaces auquel le dénommé "Kurakaru" répondit en une description de ses "oeuvres". Il n'avait donc aucune réelle compréhension de ce qu'on attendait de lui ? Je suivais la description, cherchant le dessin exprimé dans celui réalisé et ne voyant aucun rapport. Puis, il répondit aux menaces du professeur Hopes par une envie certaine d'aller décorer sa chambre avec nous. Je le regardai avec une mine déconfite et poussai un long soupir. Jamais je n'aurais cru que de tels mutants pouvaient exister. Je regardai Hopes et me demandai comment il allait réagir face à une telle provocation aussi inconsciente soit elle.

Hopes le regarda un instant d'un air assez décontenancé. Évidemment parler de manière moralisatrice et posée avec quelqu'un n'ayant pas conscience du mal, c'était complètement absurde. Le professeur se laissa aller à un rire bref en secouant la tête puis son sourire s'élargit alors qu'il jetait un regard malicieux à Enora. Il prit une posture à mis chemin entre l'homme pensif et celui qui va dire une chose importante.

Rien ne me ferait plus plaisir que de jouer avec toi mon garçon. Mais nous ne pouvons pas. Tu viens sans le savoir de faire une terrible boulette, gamin. Tu sais qui, elle est cette demoiselle ? Non ? et bien tu devrais...

Daniel fit semblant de faire une révérence appuyée devant Enora avant de lui dire en français assez rapidement.

Joue le jeu ou demain on y est encore.

A l'attention de Kurkaru.



Il s'agit de la princesse Kislapete ! Elle vient du Royaume magique de ceux qui ne rient plus du tout. C'est un genre d'ambassadrice.

Daniel adressa un sourire narquois au nain purulent avant de chuchoter.

Tu connais leur pouvoir, n'est ce pas ? Ils sont réputés pour transformer ceux qui ne leur plaisent pas en sushi qu'ils mangent. Ils n'aiment pas qu'on touche à leurs affaires..et surtout...Il déteste les pirates voleurs !!!

Daniel prit l'air accablé.

Mon Dieu !! Majesté !! Tant de désordre ! Chauve à Roulette Premier votre père va se mettre en colère et nous changer en nourriture pour votre peuple.

A Kurkaru.

Et voilà, tu vois..il ne faut pas jouer avec n'importe quoi, par ta faute...on va tous disparaitre...tu te rends compte ??

Se tournant vers Enora avec un clin d'œil appuyé.

A moins que Mademoiselle Kislapete ne puisse nous sauver la mise ? Que pourrait-on faire pour y échapper ? Moi je suis vieux...pas grave, mais ce pauvre Kurkaru...finir mangé, quelle horreur !!

Je ne compris pas tout de suite où voulait en venir Hopes. Après tout, c’était normal. Je n’étais pas là pour jouer, je voulais juste voir ma chambre. Cependant, lorsqu’il me fit une révérence en sortant une rapide petite phrase en français, je compris. Un jeu. La petite chose verte voulait jouer donc il allait tourner la situation en jeu. Un petit sourire en coin se dessina sur mon visage. Il s’effaça tout aussi tôt pour prendre une mine désabusée devant le nom que le professeur me donnait. La princesse Kislapete… Ca resterait inscrit dans ma tête dans la rubrique « je note, je note… ». Le royaume magique de ceux qui ne rient plus du tout… Là encore, je dus faire un effort monumental pour ne pas sortir un mot de trop ou même simplement éclater de rire. Cette situation était manifestement le genre de situation qu’on ne rencontre pas à chaque coin de rue.

Ne pas rire. C’était là un challenge impossible devant la quantité de sottises que sortait le professeur Hopes. Mais je commençais à voir où il voulait en venir. Infliger une punition à Kurkaru mais en jouant. J’allais donc avoir le privilège de le transformer en sushi pour le manger… Charmant ! Ou alors, de trouver un châtiment autre pour préserver le nain vert d’une mort certaine donnée par mon peuple. Euh… Par les gens de l’histoire. Je m’apprêtai à donner mes consignes en tant qu’ambassadrice d’un royaume imaginaire quand l’enfant ouvrit la bouche pour sortir une nouvelle phrase. Quelque jeu de mots sur princesse tout en parlant de nourriture, le tout en chantant. Je n’eus pas le temps de voir la petite bête me sauter dessus. Juste celui d’hurler de terreur tandis qu’une substance gluante se rependait dans mes cheveux.

« Enlevez-moi çaaaaaaaaaaaaaa ! »

Oui. Kurkaru était passé en l’espace de quelques minutes de « monsieur » à « ça ». Certes, il l’avait un peu cherché. Je me débattais du mieux que je pouvais contre l’infernale créature qui semblait vouloir poser ses narines sur n’importe qu’elle portion de ma peau. Finalement, il perdu l’équilibre et se rattrapa à mon T-shirt qui ne mit pas longtemps à tirer la tronche. Un nouveau cri de surprise m’échappa. La situation devait être risible. Il ne manquait plus qu’un « Kikou » poussé par l’abominable petit nain vert à l’attention du professeur pour que le tout ressemble à un numéro de cirque. Pressée de me débarrasser de ce fardeau désagréable, j’attrapai ses pieds situés autour de mon cou et fit basculer le monstre. J’observai rapidement l’étendu des dégâts avant de lâcher un nouveau regard furibond sur le bonhomme

La colère qui s’était emparée de moi était telle que je voyais rouge. Un nabot venait de saccager ma future chambre, me massacrer quelques vêtements, me sauter dessus, me bousiller mon T-shirt, me ridiculiser en public et me recouvrir d’une substance non identifiée quoique totalement répugnante. Chez moi, ça suffisait pour se prendre de la prison à perpétuité. Me souvenant que mes pouvoirs ne seraient d’aucune efficacité devant cette chose ignoble, j’en revins à la bonne vieille méthode qu’était la force des poings.

« Espèce de sale monstre, tu vas voir. Refais un pas de plus et je te massacre ! »

Non, je n’étais pas violente. Cependant, la colère m’était montée à la tête si vite qu’elle m’aveuglait fortement. D’ailleurs, si Hopes n’intervenait pas dans les 10 secondes suivantes, je n’aurais aucune hésitation à frapper Kurkaru.