Y a d'la joie... • Jack et Ashley •

L'institut était calme. La seule véritable agitation se trouvait à l'extérieur des murs, dans le parc où sur la terrasse. La fin d'après midi était belle, et les élèves ne se faisaient pas prier pour en profiter. Rien de mieux après une journée de cours que de décompresser autour d'un match de basket mutant ou allongé dans l'herbe à discuter de tout et de rien avec ses amis. L'endroit paraissait presque idéal. Pas de perturbation. Pas de dispute. Pas même de haussement de voix. Les seuls bruits étaient des rires ou des encouragement. L'air sentait le bonheur, et rien que de l'inspirer rendait de bonne humeur. A croire que la vie à l'institut était une vie idyllique. Le pire c'était que certaines personnes devaient y croire à ça...

Le ballon rebondit un peu trop fort. Dans un bon majestueux il quitta le terrain de basket pour venir atterrir dans l'herbe. Il roula quelque temps, mais fut interrompu dans sa course lorsqu'il heurta un obstacle. Deux pieds étaient sur sa route. Et ses deux pieds l'avaient gêné. Désormais il gisait là, immobile en attendant d'être récupéré. Il n'attendra pas longtemps. Les rires des joueurs se rapprochaient, signifiant que quelqu'un venait chercher cette pauvre balle perdue. L'individu en question fini par arriver, surgissant à toute vitesse de derrière un buisson. Il souriait et pourtant subitement son sourire disparut. Sur son visage désormais demeurait une grimace presque méprisante et moqueuse. Il ne courrait plus d'ailleurs, il marchait. Lorsqu'il arriva à la hauteur du ballon il se pencha en avant, se saisissant rapidement de la balle orange, relevant ses yeux vers le propriétaire des deux pieds; Alexandre. Lui aussi, il le dévisageait, braquant sur cet élève qu'il ne connaissait pas son habituel expression accueillante. Un air que celui-ci ne parut pas apprécier. Peut-être eut-il peur puisqu'il se hâta de s'en aller. Imbécile. Alexandre élargit la fente de ses lèvres en un sourire victorieux. S'intégrer qu'on lui demandait. Ah qu'il avait eu envie de faire exploser le ballon à la tête de ce mutant. Ah qu'il aurait aimé l'envoyer balader par la suite. Mais il ne pouvait pas. C'était sa dernière chance, et il n'était pas à l'abri d'un Ghinzu colérique et cruel. Il avait déjà assez donné pour l'instant. Il n'avait pas l'intention ni véritablement la volonté de se faire briser quoi que ce soit d'autre. Pas avant les prochaines semaines en tout cas...

La main du gamin s'ouvrit, libérant le vieux chien à ses côtés de son étreinte qui ne perdit pas une seule seconde de plus à s'élancer à toute vitesse vers le parc. Ce qu'il aimait voir son chien heureux de la sorte. Il y en avait au moins un qui s'amusait ici, et qui ne se prenait pas sur la figure dès qu'il tentait de le faire. Soupirant, le gamin se retournant. Ses bras plâtrés sagement déposés dans les manches de son gilet il se mit en route en boitant. De temps en temps il grimaçait. Son genoux lui faisait encore mal lorsqu'il insistait trop dessus, et ses côtés, bien que moins douloureuses, le faisaient encore souffrir lorsqu'il bougeait trop. Il ne tarda pas à rejoindre l'entrée, ignorant sur son passage le regards des autres. Depuis l'altercation avec l'autre fille les regards des autres élèves sur lui avaient augmenté d'intensité. Et les ignorer était la seule chose qu'il lui restait à faire pour éviter de péter les plombs, encore une fois. Il devait aussi s'efforcer à penser à quelque chose de positif, afin que son pouvoir ne s'énerve pas pour lui. Une chose bien compliqué lorsque la plupart de nos pensées sont tout sauf positives. Nouveau soupire lorsqu'il atteint le bout du couloir. L'ascenseur s'ouvrit. Il y entra, se plaçant malgré le fait qu'il soit seul, contre les murs et y appuya sa tête. Ses yeux descendirent vers ses deux bras. Automatiquement il plissa ses yeux d'un air pensif et agacé. Puis, soudainement il se retourna, frappant violemment de rage contre la paroi de l'ascenseur de son poing gauche. Aussitôt une vive douleur l'envahit, suivit d'un tas d'insulte qu'il lançait à lui même. Ça faisait affreusement mal, mais qu'est-ce que ça pouvait faire du bien. Il plaqua son front au mur et resta immobile jusqu'à la réouverture des portes.

Le couloir était désert. Parfait. Il n'aurait pas à faire semblant. Il marchait doucement, fixant le sol. A vrai dire il ne savait même pas où il se rendait. Mais peu lui importait. Il profitait d'ailleurs de ces quelques instants de solitude, malgré l'envie irrésistible de crier qu'il ressentait. Mais non. Il criera, certes, mais plus tard. Inutile de ramener du monde et de se montrer de nouveau en spectacle.
Devant lui désormais une porte était ouverte. « Salle de Détente » était clairement gravé sur une petite plaque. Un rapide coup d'œil lui apprit qu'il n'y avait personne. Très bien. Il ne perdit pas un seul instant de plus et s'y engagea. Ses yeux ne se baladèrent pas sur ce qui l'entourait, car il s'en fichait. La décoration, les distractions qui étaient proposées, tout cela ne l'intéressait pas. Il passa à la hauteur d'une table où un livre sans doute oublié par un élève s'étant crut à la bibliothèque se trouvait. Naturellement il s'en saisit. Tant pis pour son propriétaire, il n'avait qu'à pas l'oublier. Puis il se dirigea vers un coin de la salle. Après avoir mis en contact son dos avec le bois il se laissa doucement glisser vers le sol, tentant d'atténuer sa chute pour ne pas avoir trop mal. Non. Il ne voulait pas utiliser les fauteuils mis à disposition. Le sol lui était bien plus agréable. Calmement il tendit ses jambes, gémissant lorsqu'il tendit son genou. Puis il déposa le livre qui désormais lui appartenait sur ses cuisses. Il regarde quelques instants la couverture. On pouvait y lire « Stephen King, Brume ». Il l'ouvrit, commençant par arracher la première page, puis la seconde. La troisième enfin, puis la quatrième. Et ainsi de suite. Une expression mauvaise régnait sur son visage. Ce n'était que peu de déchirer un livre, mais il aimait.

Notes sur l'auteur. Remerciement. Chapitre un. Page une. Deux. Trois. Quatre. Dix. Chapitre deux... Tout y passait. Chacune des pages étaient ôtées du livre dans leur ordre d'apparition. Chaque déchirure était accompagnée de la douce mélodie d'un papier s'arrachant. Certes il y avait d'autre choses à faire. Certes Alexandre aurait put occuper son temps à quelque chose de plus intéressant. Mais il ne voulait pas. Il préférait rester dans son coin, assis sur le sol, à s'occuper de ce roman qui depuis quelques minutes lui appartenait. Oui. C'était le sien. Les feuilles recouvertes de caractères écris en Times new roman venaient s'échouer aux côtés du gamin. Certaines s'en allaient un peu plus loin, glissant avec légèreté et grâce sur le sol. Pourtant il ne prenait même pas le temps d'apprécier ce spectacle qui n'en était pas vraiment un. Non. Ses yeux restaient rivés sur le bouquin tendit que les doigts de sa main gauche s'appliquaient à la tache qui leur était confiée. Pauvre gosse qu'il était...
Alexandre ne se rendit même pas compte que quelqu'un était entré dans la salle tant il était concentré sur son activité du moment. Il ne remarqua cette personne que bien plus tard, lorsqu'elle s'approcha de lui pour lui lancer un « Je ne penses pas que les livres soit fait pour cela. ». Dans un premier temps il n'y eut aucune réaction de sa part. Il ne releva même pas son regard vers l'origine de cette voix masculine. Il n'était pas curieux de découvrir son interlocuteur, tout comme il ne souhaitait pas entamer une quelconque discutions.

« Pense en silence. Merci. »

Son ton n'avait pas été agressif. Il trahissait juste un certain agacement. Alexandre soupira. Dans le doute qu'il s'agisse d'un membre du personnel, voir un professeur il releva sa tête vers l'être humain. C'était bien un homme, et franchement il n'avait rien d'enviable. Le fait qu'il portait une cigarette à sa bouche l'informa sur le fait qu'il ne travaillait pas ici étant donné que logiquement il est interdit de fumé à l'intérieur des locaux d'une école. Il ne devait s'agir que d'un vulgaire résident. En l'observant d'avantage - ou plutôt en le dévisageant - il eu l'étrange sensation que les traits de cet individu ne lui étaient pas inconnus. Un léger frisson le parcourra, mais il n'y prit pas garde, en venant à la conclusion qu'il avait dut l'apercevoir dans les couloirs. Un nouveau soupire s'évada de ses lèvres. Alors qu'il allait reporter son attention sur le livre quelque chose l'y en empêcha. Un bruit. Il y avait quelqu'un d'autre. D'un rapide coup d'œil il aperçut l'élément perturbateur. C'était elle. Encore elle. Toujours elle. A croire qu'elle faisait exprès de le suivre. Ne comprenait-elle pas qu'il avait besoin d'un espace vital assez largement étendu et que sa simple présence dans celui-ci avait le don de l'énerver profondément? Nouveau soupire. Inutile de s'attarder sur cette personne sans intérêt. Ne reposant pas au passage son regard sur l'homme qui lui faisait toujours face, le gamin se replongea dans le déchirement de son livre.

L'odeur de la fumée de cigarette fini par arriver à ses narines. Ce qu'il détestait cette odeur. Sans prendre la peine de faire quoi que ce soit pour annoncer son geste, la cigarette explosa, décrochant au passage un sourire aux lèvres du jeune mutant qui jusque là n'exprimait que peu de choses. Exploser des choses lui faisaient toujours autant de bien.

« On fume pas ici. S'il arrive quelque chose ça va me retomber dessus. J'ai assez donné! »

D'un geste rapide il réajusta la manche de son bras droit sur son plâtre avant de se redresser tant bien que mal à l'aide de son bras gauche tout autant handicaper. Il laissa tomber le livre à terre et ne chercha pas à le ramasser. Une fois sur pied il fit exploser celui-ci. Cette distraction ne lui plaisait plus. Il s'en était lassé. Boitant il se dirigea vers une des tables contenant des jeux de société. Il resta quelques secondes immobile à les observer avant de passer son bras gauche dessus afin de pousser l'un des jeux vers le bord du meuble dans le but de le faire tomber à terre...

Quelque chose ressemblant fortement à un grognement métallique se fit entendre. Intrigué, Alexandre se pencha sur le côté, découvrant avec surprise ce qui en était la source. Un chien robotique. Étrange. Jugeant cependant que cela ne lui apporterait rien, le gamin se reporta à son activité du moment, continuant de pousser à l'aide de son coude le premier jeu qui était à sa portée. Se contentant le plus simplement du monde d'ignorer l'action en cours.

« Vous allez bien ? »

A l'entende de cette interrogation posée par la jeune demoiselle qui était jusque là restée en retrait, le gamin releva sa tête dans la direction des deux individus. Ce ne fut qu'à cet instant qu'il remarqua la position de l'homme. Il était penché sur la table, les mains fermement posées devant lui. Il reprenait son souffle, semblant presque se remettre d'une émotion intense. De plus en plus bizarre celui-là. Une expression vint figer quelques instants le visage du gamin. Légère grimace qu'il aurait été bon de traduire; « N'importe quoi! »
Voilà maintenant que l'étranger se laissait tomber sur une chaise, avant de commencer à le regarder.

« Ne refait jamais cela, tu m'entends. Jamais. »

Une menace? Non, plutôt une sorte de demande. Presque étonné, Alexandre releva les épaules. Ce n'était qu'une petite explosion. Seul la cigarette s'était détruite, l'homme n'avait pas été touché. Soumis à l'incompréhension la plus totale - ce qu'il n'appréciait guère il faut bien l'avouer - le gamin s'avança de quelques pas, se rapprochant un peu de la chaise et ainsi de Ashley. Cependant il n'accorda aucune attention à celle-ci. Leur rencontre passée s'était bien mal terminée. Et il doutait sincèrement qu'il puisse garder son calme avec elle dans les parages. Boitant il s'avança encore. D'un air calme comme s'il ne se passait rien, Alexandre commença à dévisager l'individu, scrutant le moindre traits de son visage. Ce regard. Cette tête. Elle lui disait vaguement quelque chose. Sans se soucier de savoir s'il se sentait mieux ou non, le gosse fronça ses sourcils et plissant légèrement les yeux, signe qu'il réfléchissait.

« On ne se serait pas déjà v... »

Ses yeux écarquillèrent. Un frisson traversa son corps en entier tendit que l'image d'un homme fonçant dans sa direction la main tendue vint monopoliser son champs de vision. Bien entendu qu'il le connaissait. Il l'avait même affronté. Alexandre ignorait son nom mais il se souvenait très bien de son pouvoir. Il pouvait trancher. Découper en un seul geste tout ce qui se trouvait à sa portée. Il en avait lui-même subit les frais. Ses pieds se mirent en route, le forçant à reculer. Il se s'arrêta que lorsqu'il sentit le bord de la table contre son dos. Aussitôt il releva son bras gauche en signe de menace. Chose inutile puisqu'il n'en avait plus besoin, mais c'était une façon de s'encourager et de se rassurer.

« Tu... Tu... Je peux me défendre! »

Sa voix trahissait une certaine haine. Mais où était-il tombé?