Une rencontre pas du tout fortuite (PV Ampère)

Ce soir là, Ampère était une nouvelle fois de sortie, pour le travail, mais cette soirée avait sans aucun doute avait quelque chose de spécial. Oubliées la tenue de cuir, les fouets et la panoplie qu’elle arborait habituellement, le lieu de rendez-vous où l’attendait son contact n’était pas un vieux bar mal famé d’une ruelle quelconque mais un restaurant de luxe. L’Odémir, plus précisément, où l’étiquette était plus qu’importante. Les restaurants chics n’étaient pas des lieux où elle avait l’habitude de mettre les pieds, étant plutôt habituée aux repas mangés sur le pouce, souvent dans le modeste réfectoire de la Confrérie. Pas le temps de s’arrêter à manger un repas complet ni même équilibré, l’emploi du temps d’une confrériste occupée n’en laissait pas le luxe. Mais cette fois-ci, la donne changeait. La jeune femme allait pouvoir profiter de mets délicieux, sans doute goûter d’un excellent vin…Ce soir, on mettait les petits plans dans les grands, c’était le cas de le dire. Et qui disait standing, disait également apparence à la hauteur. Ce soir-là, Ampère n’avait pas lésiné sur les moyens…ceux qui la connaissaient auraient sans doute éprouvé quelques difficultés à la reconnaitre. Juchée sur des escarpins noirs, vêtue d’une robe noire sobre mais élégante, et plutôt bien échancrée, les poignets et le cou ornés de beaux bijoux, cadeaux de Wanda, et enfin les cheveux ramassés dans un chignon compliqué...Cheveux dont elle avait d’ailleurs changé la couleur pour reprendre le temps d’une soirée celle d’origine, histoire de ne pas attirer l’attention sur elle. Sa tête était mise à prix et ses cheveux verts la trahissaient ouvertement…Sans compter qu’on lui refuserait peut-être l’entrée avec un tel aspect. Elle s’était également maquillée, sans trop exagéré pour éviter de ressembler à rien, mais assez pour se métamorphoser. On ne se rendait pas assez compte, mais le maquillage, ça vous changeait une femme. Et là, Ampère n’était pas belle, elle était tout simplement magnifique.

La demoiselle avait rendez-vous avec un homme, son apparence pouvait lui donner quelques avantages mais cet argument restait à voir. Elle n’allait pas voir n’importe quel homme mais Maximilien Fray, un malfrat à l’air angélique. Un visage de gamin auquel on aurait sans doute donné le bon dieu sans confessions, le genre à faire craquer les minettes adolescentes s’il avait décidé de s’engager dans une carrière à Hollywood, mais qui cachait bien son jeu. Trafiquant, dealer, corruption, détournements de fond…dieu seul savait de quoi d’autre il pouvait être coupable mais Ampère n’hésitait pas à rajouter à la liste le crime. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas vraiment l’air de l’homme qui appuie sur la gâchette mais plutôt de celui qui tend la mallette de billets au professionnel. Peu importait. Il n’était pas dans son camp mais il n’était pas non plus ennemi. La soirée s'annonçait pour le moins...intéressante.

Sa voiture était aux mains d'un larbin en costume de pingouin quand elle passa le seuil du restaurant, la tête haute et la démarche assuée. Le maitre d'hôtel la salua aimablement et elle le gratifia d'un simple sourire, avant de lui indiquer la table qu'elle désirait rejoindre et où l'attendait son contact. Puis elle le suivit. L'instant d'après, elle se retrouvait face à Maximilien Fray.

« Monsieur. Ravie de vous revoir. »

Ce n’était absolument pas vrai mais il fallait y mettre les formes. Elle avait également pris soin de ne pas prononcer son nom, pour ne pas compromettre leur soirée, au cas où des oreilles indiscrètes traineraient…Tranquillement, aidée par le maitre d’hôtel qui lui faisait prendre place en lui tenant galamment la chaise, elle s'installa.

« Merci… Avant de se retourner vers Maximilien. Oui vraiment ravie…Je dois dire que ça faisait longtemps qu’un homme ne m’avait pas satisfaite à ce point. »

Elle eut un petit sourire.

« Enfin les conseils d’un homme, vous voyez de quoi je parle. »

Confortablement installée, elle jeta un coup d’œil circulaire dans la pièce. L'endroit était chic, un peu différent que dans ses souvenirs. Et oui, c'était dur à croire mais Ampère avait déjà foulé le sol de l'Odémir, bien qu'en cette première occasion, elle l'avait fait pour un rendez-vous plus galant.

« Je dois avouer que le lieu de rendez-vous que vous avez choisi est bien plus attrayant que le dernier... »

Le sourire aux lèvres, Ampère laissa le serveur leur servir le vin. Il semblait que Maximilien avait déjà tout prévu, planifiant la soirée dans les moindres détails, même les commandes, et devançant ses désirs. Pour que tout soit parfait? Visiblement, c'était un homme habitué à y mettre les formes et à se comporter face aux dames, elle pouvait même se l'imaginer déjà flirter avec une belle secrétaire blonde ou une réceptionniste à la poitrine généreuse. Sans doute en faisait-il un peu trop ce soir là mais Louise trouvait cela distrayant...presque amusant. Néanmoins, la jeune femme se doutait bien que derrière cette façade, l'homme avait toujours une idée derrière la tête. Le pouvoir, l'argent, voilà des valeurs qui faisaient vibrer le cœur des hommes, et ce bien plus que les courbes féminines.

Laissant de côté ces considérations, elle l'écouta parler et eut un simple sourire de remerciement quand il la complimenta sur son apparence. Était-il sincère ou simplement poli et beau parleur, peu importait, un compliment était toujours bon à prendre. Ce soir là, Louise avait prouvé qu’elle pouvait être et se comporter en belle femme, les regards que lui avaient lancés certains clients du restaurant en disaient long, les mots de Max ne faisaient que confirmer.

« Je vous retourne le compliment, Mr Fray. »

Une pause, le temps de boire une gorgée du succulent vin qu'avait choisi son interlocuteur. Puis elle passa furtivement le coin de sa serviette sur ses lèvres et enchaina.

« Cela ne sert à rien de partir faire la guerre sans préparation aucune. Après chaque bataille, il faut le temps d'analyser ses erreurs, se réorganiser, briefer les nouveaux...Je suppose que vous êtes familier avec ce genre de campagne...Pour le reste, disons que nous sommes dans une période de...réflexion? »

Doucement, elle replia une de ses longues jambes sur l’autre et posa délicatement ses coudes sur la table, son menton posé sur ses mains jointes. La mine gentille qu'elle affichait ne trompait personne. Max cherchait sans doute à lui soutirer la moindre information pour en profiter. Elle commençait à connaitre le personnage, Fatale lui avait dit de s'en méfier...Et c'était le cas, elle était loin de lui faire confiance.

« Très bien, Mr Fray, vous avez demandé à traiter la confrérie. Pourquoi ne pas en venir directement à ce dont vous désirez me parler? »

Femme fatale certes mais confrériste avant tout. L'instinct de survie prenait le pas sur le reste. Ampère n'était pas là pour un dîner bien agréable, et encore moins un rendez-vous galant, mais bel et bien pour affaires. Elle n'allait très certainement pas perdre cet objectif de vue...

Sous ses airs d’homme poli et distingué à la gueule d’ange, Maximilien semblait être comme tous les autres, agressif et inquiétant. Pas très conciliant quand une personne décidait de ne pas aller dans la même direction que lui. Quand elle l’avait rencontré, l'homme se faisait passer pour un simple employé…Une version à revoir, il se comportait plus en despote tyrannique qu’en petit employé modèle. Requin aux dents longues et sans doute sans beaucoup de conscience, Ampère n'aurait sans doute pas voulu obéir sous ses ordres. Au moins avec Wanda, avait-elle trouvé un modèle à suivre mais aussi un mentor et une amie. Pas un simple chef qui menait la barque comme il l'entendait.

Elle garda le silence et à son tour, se servit un toast, prenant bien son temps pour le couvrir du caviar, dans un geste et une délicatesse féminine appliquée. S'ils avaient été ailleurs, autre lieu, autres circonstances, moins de témoins, elle lui aurait sans doute montré quelle genre de femme elle pouvait être, non seulement rapide mais aussi violente. Les hommes qui se permettaient de lui parler ainsi ne vivaient jamais très vieux. Seulement la mutante savait Max fort et malin, plus qu'il ne laissait paraitre et elle s'en méfiait. Mieux valait jouer son jeu.

« Je vois. Personnellement, je préfère régler mes affaires avant tout. Conscience professionnelle sans doute, mais j’aime avoir l’esprit clair pour le travail. Je réserve le plaisir et la tranquillité pour la fin, quand tout est réglé. Je trouve cela plus reposant et on profite mieux du moment, vous ne pensez pas? Mais bien sûr, nous pouvons jouer avec vos règles ce soir, si tel est votre plaisir...Vous verrez, je suis une élève appliquée. »

Elle se fendit d’un sourire sensuel et séduisant, ses dents blanches bien alignées véritables joyaux entre ses lèvres pulpeuses colorées d'un rouge pâle. La demoiselle avait snobé délibérément le commentaire peu élogieux et très déplacé sur son décolleté et pour toute réponse, elle se pencha encore plus en avant. Du rentre dedans avec la subtilité d'un camionneur pour montrer qu'elle ne disait rien mais qu'elle n'en pensait pas moins, et qu'il avait intérêt à se tenir à carreau.

« Voilà, comme ça, vous aurez le beurre et l'argent du beurre... »

Se redressant quelque peu, elle croqua doucement dans le minuscule toast, s'efforçant d'en prendre la moitié là où une simple bouchée aurait largement suffi pour tout avaler sans s'étouffer. Le règles du jeu de la haute société, où le paraitre était bien plus important que l'être...C'était d'un ridicule achevé mais c'était les règles.

« Alors Monsieur Fray, parlez moi donc de vous, qu’en est-il de votre vie ? Je ne vous connais pas du tout et j'avoue que cela m'intrigue. Êtes-vous marié, fiancé… ? Je ne vois pas d’anneau à votre main mais peut-être l’enlevez-vous pendant vos heures de travail ou quand vous donnez rendez-vous à une femme...A moins que vous ne soyez du genre volage ou célibataire endurci, un de ces workalcoholic comme on trouve aujourd'hui ? »

Elle plongea son regard dans le sien, gardant un air neutre. Si elle se fichait de ce qu'elle lui demandait? Non, pas vraiment, cela pouvait toujours être intéressant d'en connaitre plus sur l'homme.

« Vous êtes bien mystérieux Mr Fray. »

Un simple mouvement de ses jambes parfaitement contrôlé lui fit frôler celle de son interlocuteur tandis qu'au dessus de la table, son visage ne montrait pas le signe d'un quelconque changement. Comme si deux jeux opposés se jouaient dans la pièce, l'un innocent à la vue de tous, l'autre plus dangereux caché aux yeux du monde.

« Et j’aime les hommes mystérieux. »

Était-elle en train de lui proposer de finir le dîner dans un lieu plus intime? Était-elle le genre de femme à aller jusqu'au bout? Rien n'était moins sûr...Les règles du jeu étaient différentes et Ampère n'avait pas encore dévoilé toutes ses cartes...