Muette mais pas bête ! (Neal)

Il était bien deux heures et demie du matin. La salle commune était plongée dans une obscurité seulement éclaircie par la pâle lueur de la lune qui entrait par les grandes fenêtres, et le halo chaud du feu qui mourait lentement dans la cheminée. Rien ne bougeait, même pas le seul être vivant qui occupait la salle pour l'instant. Maëlys était tellement immobile qu'au premier abord elle aurait pu passer pour un étrange animal empaillé, ou une peluche géante posée sur l'un des grands fauteuils faisant face à la cheminée. Elle fixait les flammes de ses yeux aux couleurs dépareillées, de façon assez lugubre, comme une somnambule. Elle était nue sous sa robe de chambre bleu électrique. L'ouverture du vêtement trop ample baillait sur ses côtes saillantes. Qu'est-ce qu'elle avait maigri durant ces derniers jours !
Sur une petite table à côté de son fauteuil était posée sa petite ardoise Veledda, avec son feutre. Depuis qu'elle avait vu son frère rentrer avec le corps inanimé de son amoureux dans les bras, elle n'avait plus dit un mot. Selon les médecins, ce n'était pas une vraie aphasie provoquée par quelque chose de physiologique, mais plutôt un blocage psychologique. Elle se remettrait à parler un jour, avaient-ils dit, mais il n'y avait rien à faire pour accélérer le processus. Il y avait tout de même un progrès : au début elle ne communiquait que par grognements, mais depuis la semaine dernière elle semblait avoir retrouvé la faculté d'écrire, et communiquait en couvrant sa petite ardoise d'une écriture enfantine qui ne ressemblait pas à celle qu'elle avait avant l'incident.
Elle dépérissait, son passage au studio de Death Mask Production avait laissé un grand désordre dans son esprit, déjà ébranlé par les cruautés qu'on lui avait infligées au cours de sa vie à cause de son apparence, et son tiraillement entre Léo et Vermine. Elle semblait avoir régressé. Son esprit était tombé à six ans d'âge mental, mais sans l'innocence et la joie de vivre qu'on avait normalement à cet âge-là. Elle ne sortait plus du manoir, et refusait toute aide. Mais si on ne la repêchait pas elle coulerait rapidement, c'était un fait.
Un bruit de pas parvint à ses oreilles, mais elle ne réagit pas. Pourtant le fait de ne plus être seule dans la pièce la confortait quelque peu.

Son affaire avec Shadowcat avait été rondement menée. Finalement les soucis avec le jeune marseillais, Jack Colter n'étaient plus qu'un mauvais souvenir, et celui qui l'avait blessé avait agi par mégarde. Neal avait terminé de taper le rapport de l'affaire, dont une partie serait envoyée aux parents de l'élève pour les rassurer et leur montrer que leur fils était, malgré le danger, entre de bonnes mains. Il avait écrit cela depuis son ordinateur portable et était descendu au secrétariat, alors fermé pour imprimer tout ceci. Le texte passerait le lendemain entre les mains des professeurs de l'institut et serait signé par Charles Xavier. Membre des X-men, Neal aidait parfois ceux qui officiaient ici comme professeurs. Entre les entrainements et les différentes missions, ils devaient tous s'entraider pour offrir aux élèves un enseignement de qualité. Il agissait plus comme grand-frère dans cet immense manoir. Beaucoup de résidents aidaient aussi malgré eux les plus jeunes à réaliser qu'ils pouvaient vivre plus ou moins normalement, qu'en tout cas l'institut pouvait facilement devenir une grande famille pour eux.

Il venait de passer devant une porte entrouverte. La salle de détente était rarement vide, même à cette heure tardive... Surtout à cette heure tardive. De nombreux faux somnambules s'y retrouvaient et essayaient de profiter d'une nuit entre amis à refaire le monde et regarder la télévision en douce. Mais cela ne marchait jamais car les adultes des lieux ne faisaient qu'aller et venir dans les couloirs. Chacun d'eux avait des horaires assez libres et il était difficile de prévoir à l'avance qui serait présent à l'institut, qui y dormirait, etc etc. Neal ouvrit la porte et vit avant tout l'obscurité malgré les flammes de la cheminée. Puis il remarqua la lune. Il entra dans la pièce et se dirigea vers la fenêtre pour en fermer les volets. Il passa devant un des fauteuils et aperçu une forme féline. Il mit quelques secondes avant d'être sur qu'il s'agissait bien de Maëlys Duval et non d'une peluche géante. Il oublia la lune et prit place dans un fauteuil juste à côté du sien.
Il avait eu vent des soucis qu'elle présentait pour parler depuis peu. Mais les détails étaient restés secrets. Les membres qui présentaient une certaine autorité savaient juste qu'elle avait subit de douloureux moments et qu'elle en était revenue choquée.

« Tu sais je me suis toujours demandé... Tu y vois comme une chatte ? Ou tu as gardé ta vision humaine ? »

Il pointa du doigt les flammes et une étincelle de plasma, pas plus grosse que son doigt fut précipitée vers les flammes, les ravivant un peu, augmentant alors un peu la luminosité dans la pièce.

« Tu me vois certainement mieux que moi.... Alors... comme ça on discutait avec la lune et les flammes ? Et qu'ont-elles d'intéressant à dire ? Enfin si ça me regarde, peut être qu'elles voulaient confier leurs secrets à toi seule. »

Il lui adressa un sourire et attendit une réaction de sa part, certainement pas orale. Il avait trouvé un moyen de lancer la conversation et d'en détourner un peu le véritable enjeu. Elle ne devait pas le connaître beaucoup, ou alors principalement de vue. Elle devait parfaitement comprendre son anglais, car en cette heure tardive il ne faisait plus trop attention à son accent indien, roulant plus les « r » anglais, découpant alors plus facilement les mots pour une francophone. Il était habillé d'un sweat-shirt à capuche beige sur un t-shirt noir et un jean lambda.

« Tu sais je me suis toujours demandé... Tu y vois comme une chatte ? Ou tu as gardé ta vision humaine ? »

L'homme lança une sorte de petite boule de feu dans la cheminée, ravivant le foyer. Maëlys ne bougea d'abord pas, puis lentement tourna la tête pour dévisager d'un regard sceptique le nouvel arrivant. C'était un des Xmen, de type indien, elle n'avait jamais été fichue de retenir son nom (et en même temps elle ne lui avait jamais parlé sauf pour dire bonjour en passant dans le couloir).

« Tu me vois certainement mieux que moi.... Alors... comme ça on discutait avec la lune et les flammes ? Et qu'ont-elles d'intéressant à dire ? Enfin si ça me regarde, peut être qu'elles voulaient confier leurs secrets à toi seule. » dit-il en souriant.

Enfin Maëlys se décida à réagir. Elle attrapa l'ardoise Veledda et commença à griffonner dessus. Puis elle montra le message à l'indien : "Je vOis coMmE humAine maIs jE vois daNs le Noir". En effet, l'écriture ressemblait plus au gribouilli d'un enfant de 6 ans qu'à la belle écriture stylisée et souvent agrémentée de petits dessins qu'elle utilisait jusqu'alors (une écriture de mangaka, comme elle la définissait elle-même). Elle montra l'ardoise un moment, le temps que le Xmen ait le temps de lire, puis elle la remit sur ses genoux, l'effaça et se remit à écrire dessus. Le nouveau message fini, elle le remontra : "La luNe et les Flames paRlent pas" .