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 Attention devant ! [Libre]

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MessageSujet: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeJeu 5 Mai 2011 - 3:52

« Ça va aller mad'moiselle  ? »
« Oh oui oui, ne vous en faîtes pas, je me débrouille ! Puis Droop serait capable d'ouvrir la porte tout seul, vu son envie de sortir dehors ... »


Les deux pattes sur les jambes de sa maîtresse, les yeux rivés sur sa main prête à ouvrir la portière, l'animal ne pouvait plus attendre. Il couinait à n'en plus finir. L'impatience de son chien fit rire Maud.« Mais oui tu vas sortir Droop, deux petites minutes encore ! ». Elle prit son sac qu'elle avait mis à côté d'elle, poussa légèrement son chien pour pouvoir le poser sur ses genoux et prendre son porte monnaie. « Combien je vous dois ? …  »

Une fois ceci réglé et après l'avoir remercié une énième fois de l'avoir mené à bon port, elle ouvrit enfin la porte du taxi. Son chien ne se fit pas attendre davantage et sauta par dessus elle, pour aller se dégourdir les jambes un peu plus loin. La jeune femme en profita pour sortir prudemment, une canne blanche et une laisse à la main, puis pour prendre sa valise à l'arrière. La voiture démarra, laissant Maud seule au milieu des grands buildings de New York. Une panoplie de sons différents lui parvenaient, elle était noyée dans ce gigantesque brouhaha. Mais qu'est ce qu'elle aimait ça ! Elle resta silencieuse un moment, à essayer de distinguer tous les sons possibles. Des bruits de pas réguliers, le cri de joie d'un enfant, la voix énervée d'une femme au téléphone, le marchand de montres au loin qui accoste tous les passants, les klaxons qui résonnent, les moteurs qui vrombissent …

« Droop ! J'ai besoin de toi Champion. »
Bien qu'il n'ait pas fini de faire le tour des environs, l'animal ne se fit pas désirer et vint s'assoir aux pieds de sa maîtresse. Celle-ci en profita pour accrocher la laisse au harnais du brave toutou, avant de lui ébouriffer le haut du crâne. « J'te suis ! »

L'animal avait l'habitude. Cela faisait bientôt 4 ans qu'il guidait Maud dans tous ses déplacements, elle avait une entière confiance en lui. Il était ses yeux. Le chauffeur de taxi ne l'avait pas déposée bien loin de sa destination finale, ce qui lui permettait de ne pas se perdre. Elle avait son numéro dans son portable, elle l’appellerait quand elle voudrait rentrer.
La jeune femme était à New York que depuis une poignée d'heures. Elle devait se rendre à l'Institut, mais avait opté pour un petit détour par Central Park. Elle voulait se familiariser avec sa nouvelle vie, cette nouvelle langue, ce nouveau rythme, ces nouveaux endroits. Et Central Park lui avait semblé être la meilleure place qui soit pour commencer.
Sa valise n'était pas grande, elle n'avait pris que le strict minimum. Elle la faisait rouler derrière elle, de la même main qui tenait la laisse. De l'autre, elle faisait balancer sa canne de droite à gauche devant elle.

Soudain, elle stoppa net sa marche. Et ce signe n'était pas anodin pour le chien, qui s'arrêta aussitôt lui aussi. Les yeux fermés, quelques secondes, Maud voyait ce qui allait lui arriver.

Prémonition : Un endroit rempli de personnes, qui grouillent dans tous les sens. Des gens stressés qui accéléraient la cadence. Elle était au milieu de ces hommes et femmes, qui étaient à deux doigts de la bousculer. Maud avançait, avançait … Et devant, ce qui paraissait être l'entrée du Parc à priori, une personne, qu'elle vit dans sa vision au dernier moment, de dos, lui rentra dedans.

Elle rouvrit les yeux. Et comme à son habitude, tint de suite son chien informé, comme si il comprenait exactement ce qu'elle allait lui dire. « Doucement Droop, on va heurter quelqu'un si on avance si vite. » Elle fit ensuite son maximum pour freiner l'allure de l'animal, pensant que cela suffirait à éviter le contact avec l'inconnu. Même si elle ne voyait rien à ce qui se passait autour d'elle, elle pouvait facilement l'imaginer, autant avec l'aide de sa précédente vision qu'avec les sons rapprochés qui lui parvenaient. Elle avait beau être un peu perdue et désarmée, elle en était pas moins effrayée. Elle aimait quand il y avait de la vie, de l'action.

Elle se permit de demander où se trouver l'entrée au premier qui voulut bien la renseigner, puis reprit sa route. Elle n'était plus qu'à quelques pas d'après ses dires, parfait. Seulement, Maud avait mal calculé son coup. Ce qu'elle avait vu arriva, elle heurta soudainement de plein fouet une personne, sans qu'elle ne puisse sans rendre compte à temps avec sa canne. Et ceci, juste devant l'entrée de Central Park.
Bien que surprise, Maud ne chuta pas. Elle perdit juste des mains sa canne sur le coup, qui tomba au sol à ses pieds. Un peu paniquée, elle tourna la tête vers ce qui lui semblait être l'endroit où se trouvait la personne qu'elle avait rencontrée, les yeux cherchant un repère auditif auquel s'accrocher. « Oh, excusez moi ! J'aurai du faire plus attention. Rien de cassé ? »

Elle attendait une réponse, sans être certaine qu'elle en aurait une puisqu'elle ne savait même pas avec certitude où se situait l'individu.

[HRP : Si quelqu'un veut bien jouer les auto tamponneuses =) Aucune préférence sur celui ou celle qui me bouscule !]
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Matthew Coffin
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeMer 18 Mai 2011 - 17:56

-Tout va bien, répondis-je, plus pour rassurer Yamamoto qui avait esquissé un geste pour dégainer son arme, que pour informer la jeune aveugle.
Mon regard ainsi que la relative froideur dans ma voix empêchèrent l'homme de main d'achever son acte.

Même si cette époque était désormais du passé, Tokyo l'avait marquée. Les Etats Unis, qui avaient ramollis plus d'un yakuza, n'avaient pourtant pas réussis à entamer la droiture naturelle de Yamamoto Isoroku. Comme si j'étais quelque oyabun, Yamamoto s'inclinait encore lorsque je descendais de voiture ou que j'entrais dans une pièce, il me présentait toujours ses hommages, et j'étais persuadé que sur mon ordre il aurait été capable de se trancher une phalange...

Dans mon domaine d'activité on ne sort pas indemne d'un passage au pays du soleil levant. Chez les yakuzas règne la loi du plus fort, entrainant une perpétuelle tension entre les membres d'un même clan, en une nuit la hiérarchie d'une famille peut être bouleversée. C'est avec cynisme que ces hommes cultivent l'appât du gain, niant la vie au point d'adorer la mort, pour mieux sourire à leur bourreau au moment où leur existence s'achève. Mais c'est ce qui fait d'eux la meilleur école du crime. Et Yamamoto avait été un excellent élève, quoi qu'un peu trop zélé...

Il faut dire que l'expansion que j'avais envisagée pour mes affaires pouvait le rendre suspicieux plus que de raison. J'en étais à la croisée des chemins, par un coup d'éclat j'avais remporté une bataille sur les italiens mais quant à la suite... La question se posait ainsi : allais-je être une de ces pâles figures du crime new-yorkais, absorbée par une nébuleuse plus importante, ou deviendrais-je le personnage incontournable de la ville pour faire son business ? Faire le larbin était aux antipodes de mon ambition. Mais on n'était plus dans les années 70 où n'importe qui pouvait passer les portiques d'aéroport avec deux malles cabines remplies à ras bord de cocaïne. J'étais obligé de la jouer en finesse.

Quelle est la règle à suivre en terme de trafic de drogue ? La même règle que pour n'importe quel autre business : un produit meilleur de que ceux de la concurrence et, surtout, moins cher. Mais je ne pouvais pas foncer tête baissée, en Colombie, acheter cent tonnes de poudre et en arroser tout New York. Il fallait prendre en compte le transport qui prenait bien 45% des frais, ainsi que la douane un facteur important de dessous de table, sans compter les pertes éventuelles (qui pouvaient être dues au défaut technique d'un fournisseur comme à l'une de ces guerres entre narco-guerillos très communes)... Il fallait d'abord jouer petit, c'est pour cela que Yamamoto avait pris rendez-vous avec le Maroc, plus exactement avec le Rif, chef lieu mondial de la culture du chanvre.

Un Cheik reconnu là-bas avait accepté de me rencontrer. Une fois la marchandise achetée, le transport se ferait par Express Investment l'entreprise d'import-export dans laquelle j'avais des parts. La marchandise emballée dans des caisses estampillées "colis diplomatique" serait déchargée à l'aéroport La Guardia par nos hommes via le syndicat des bagagistes. Un système tentaculaire de docks et d'entrepôts avaient déjà été prévu afin de servir de coffres forts à un produit comme n'en aurait jamais connu New York. Un produit mettant à la rue les dealers qui ne souhaiteraient pas naviguer sous le "pavillon Coffin". Si l'ensemble du test réussissait cela signifierait la diversification de mes activités, de quoi énerver encore un peu plus Yamamoto...

Le japonnais, bien que constatant l’existence du malentendu ne se rassérénera pas complétement, la jeune femme ne l'ayant pas remarqué, ni lui, ni son attention de sortir son semi automatique en public, je ne voyais nulle raison de présenter Yamamoto -qui était en quelque sorte mon propre chien d'aveugle. J'avais donc ramassé la canne et posé ma main libre sur celle de la jeune aveugle.


-De toute façon, repris-je d'une voix plus rassurante en posant la canne entre ses doigts. Je ne regardais pas devant moi, je suis donc fautif en l'occurrence...

Lorsque les gens me bousculaient sans regarder ils se confondaient en excuses, ou se mettaient à pleurer si Yamamoto était plus rapide. Une seule émotion transparaissait dans les yeux des personnes que je connaissais : la crainte, à juste titre. Mais ce jour là, les yeux bleus qui me transperçaient sans pour autant me voir ne me renvoyaient qu'une seule chose : la joie de vivre. Ça changeait, et étrangement, j'avais envie que ce moment dure un peu plus longtemps.

-Seriez-vous d'origine française, demandais-je, parvenant enfin à identifier cet accent unique.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeVen 20 Mai 2011 - 4:08

Un homme pressé, ou vexé peut-être ? La froideur dans la voix qui lui avait répondu l'avait quelque peu surprise. Non pas qu'elle s'attendait à un accueil très chaleureux, mais tout de même. Elle resta un instant immobile, un peu sonnée par la réponse.

Puis, ne souhaitant pas le déranger plus longtemps, à supposer d'ailleurs qu'il soit toujours en face d'elle, elle s'apprêtait à passer son chemin, après avoir bien entendu, récupéré cette fichue canne qui devait être quelque part à ses pieds. C'était un objet qu'elle n'aimait pas, qui lui rappelait sans cesse sa situation. Mais elle n'avait pas vraiment le choix.
Contre toute attente, elle sentit une main sur la sienne. Elle stoppa aussitôt tout mouvement. Ce n'avait pas été un geste brusque, et tout s'enchaîna si vite ensuite qu'elle n'eut même pas le temps de songer à retirer sa main, ou même d'avoir peur simplement.

Cette même voix, distante quelques secondes plus tôt, s'était faite plus douce d'un coup. Maud leva les yeux vers lui, soudainement intriguée par le personnage. Elle n'avait pas vu dans sa vision à quoi il ressemblait, à vrai dire elle n'en avait pas eu le temps surtout. Mais elle l'imaginait plutôt grand, et peut-être brun, ou châtain … Une chemise blanche peut-être, ou bien même un costume ? Non, elle optait pour la paire de jean's et la chemise. Elle n'eut pas le temps de finir d'esquisser son portrait. Il lui glissa la canne entre ses doigts, ce qui lui fit hausser les sourcils, surprise, avant d'esquisser un sourire aussitôt en guise de remerciement.
Elle lui dessina un brin de sympathie dans le regard avant de lui répondre, en toute simplicité. « Oh dans une ville comme celle ci, j'imagine qu'il y a bien mieux à regarder que devant soi …  ». Elle-même noyée dans les bruits, elle pouvait imaginer sans mal combien de regards devaient se perdre dans les rues de New York.

À sa question, elle acquiesça vivement d'un signe de la tête. Maud se satisfaisait généralement de petits rien, et ce genre d'échange en faisait parti. Elle aimait les rencontres, les échanges, écouter, imaginer ... « Oui, c'est exact ! Une française qui essaie vainement de s'habituer au train de vie des New-yorkais, mais à priori j'ai encore des progrès à faire, à commencer par les ballades en ville ... »
Si il était vrai que la ville était magnifique, y habiter ceci dit semblait se révéler être le parcours du combattant. Mais Maud aimait justement cette difficulté.
« Je ne pense pas me tromper en affirmant que vous n'êtes pas d'ici non plus ? … De Méditerranée, non ? Espagne … ou Italie ? » Bien qu'il parlait d'un anglais impeccable, elle ne reconnaissait pas l'accent américain. Détail qui avait d'ailleurs influencer le portrait qu'elle faisait de cet inconnu.
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Matthew Coffin
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeVen 20 Mai 2011 - 11:05

-Je viens d’Italie, en effet, répondis-je en retirant ma main, presque à regret. Je pensais qu'après les années passées à pratiquer l'anglais mon accent des Pouilles avait pourtant disparu.

J'avais toujours considéré que l'Italie était le passé, comme le rêve d'une autre vie, l'histoire de Matteo Bara mais non celle de Matthew Coffin. En parler à nouveau faisait naître en moi un sentiment étrange, comme si j'avais laissé quelque chose d'inachevé derrière moi.

-Mais j'en oublie la politesse la plus élémentaire... Permettez-moi de me présenter : Matthew Coffin.

Avec l'aide de mes avocats, j'avais pu obtenir de véritables papiers d'identité à la place du travail de faussaire que je m'étais procuré au Japon. En tant qu'industriel faisant tourner le pays, les Etats Unis n'avaient pas été trop regardant sur les conditions de ma naturalisation, la preuve en était l'américanisation de mon prénom et de mon nom. C'était somme toute, une chose assez commune pour tous les chefs d'entreprise étrangers venus s'installer dans le "pays de la liberté". Pour moi ça avait été, là encore, le moyen de couper définitivement les ponts avec l'Italie, de renaître d'une certaine façon.

Certaines personnes considèrent qu'un meurtrier ne peut plus établir de lien avec les autres membres de son espèce dès l'instant où il tue. Il serait condamner à une misanthropie éternelle, devenu trop étranger à sa propre société il ne pourrait côtoyer uniquement d'autres meurtriers. En étais-je rendu à ce point ? Malgré le sang sur mes mains, pouvais-je encore apprécier le soleil sur ma peau, les rires d'un enfant ou même le sourire d'une femme ? La perspective de voir mon futur constitué de repas solitaires à l'Astoria, de sempiternelles réunions mafieuses et d'assassinats commandités dans des ruelles sombres ne me dérangerait pas si c'était le futur que j'avais choisis, et non pas un enchaînement de conséquences dues à ma nature.

J'ai regardé New York, cette ville toujours en ébullition. Central Park était réputé pour être un oasis de paix au sein de cette continuelle agitation. Son histoire était singulière, souvent délaissé, il avait été pourtant l'endroit où ceux frappés par la crise de 1929 avaient pu trouver refuge. Central Park, le refuge... J'ai délaissé les hauts building de l'Upper West Side, symboles de puissance et de richesse, je me suis détourné de ces hommes et de ces femmes, de ces familles arpentant le trottoir sans me remarquer, pour reposer enfin mes yeux sur la jeune femme. Pouvait-elle, pour un temps du moins, me faire sentir plus humain que d'habitude ?

Sombre présage, au dessus de son épaule, dans la perspective de l'avenue, j'ai aperçus la limousine blanche. Celle-ci décéléra progressivement jusqu'à s'arrêter à mon niveau. La réalité semblait me rattraper.


-Monsieur, commença Yamamoto, la voiture est prête...
-< Eh bien prends-la >, rétorquais-je, plus froidement encore que précédemment, préférant même l'usage du japonais à l'anglais.

Dans ces conditions aucun de ses arguments ne seraient valables, et Yamamoto le savait. Alors, la mine contrite il se résigna à ouvrir la portière et monta dans la limousine, celle-ci redémarra avant de disparaître au premier virage. J'étais enfin seul avec quelqu'un pour la première fois depuis longtemps, et ce n'était ni un contrat à liquider, ni un ex-mafieux des pays de l'est spécialisé dans le dépeçage de cadavres. Ça changeait, et ce n'était pas pour me déplaire.


-Pour me faire pardonner, je me propose de vous offrir l'une des meilleures glace de toute l'ile, c'est un marchand ambulant situé près du manège de Central Park qui les fait. Ça vous tente ?

J'ai cru que ces mots n'arriveraient jamais à sortir de ma gorge...


Dernière édition par Matthew Coffin le Dim 29 Mai 2011 - 20:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeSam 21 Mai 2011 - 11:22

« Matthew Coffin …Vous pouvez bien apprendre toutes les langues du monde, votre accent ne vous quittera pas. Il fait parti de nous, il s'invite tout seul dans nos valises... il nous suit partout ! » Elle lui avait confié cette belle fatalité sur un ton léger et jovial. « Quant à moi, je me nomme Maud Loiseau. »

Elle répéta son nom dans la tête. Matthew Coffin … Cela ne sonnait pas très Italien. Une voix inconnue et surgissant de nulle part, fit sursauter la jeune femme. Elle fronça les sourcils, essayant de comprendre ce qui se passait. Le timbre de sa voix ne lui inspirait guère confiance étrangement. Mais qui était-il ? Et qu'est ce qu'il faisait là ? S'adressait t il vraiment à Matthew ?
Ce dernier confirma ceci en lui répondant d'ailleurs aussitôt, sur un ton aussi froid que la première fois. Un frisson parcourut le dos de la jeune femme, qui resserra son poing sur l'embout de la laisse de son chien. Son accent des Pouilles, qui rendait son anglais si chantant et léger quelques secondes plust ôt, était soudainement devenu dur et tranchant. Mais à qui donc avait-elle à faire ? Il lui semblait avoir deux hommes en face d'elle. Elle n'arrivait pas à croire que la même personne puisse être aussi prévenant un instant, puis devenir de glace la seconde d'après.

Bien qu'elle n'ait pas compris ses propos, elle entendit la portière claquer et le moteur s'éloigner. Elle n'aimait pas, ne pas comprendre, se sentir dépasser, avoir une longueur de retard. Sur le coup, elle ne sut dire si ils n'étaient d'ailleurs pas partis tous les deux. Elle lui en voulut même de ne pas l'avoir présenté. Jusqu'à ce qu'il lui propose une glace. Elle marqua une courte pause, le temps de retourner la tête vers lui, essayant de remettre tous les morceaux dans l'ordre. Son changement d'humeur était déstabilisant. Et pourtant, quelque chose la poussa à accepter. Elle ne sut dire quoi cela dit. « Oh. J'en serai ravie ! Mais n'ébruitons pas l'idée ou tout New York va vouloir vous bousculer. »

Elle retrouva son sourire et son regard plein de malice. Maud tendit la main vers le bas, à la recherche de la tête de Droopy, qui vint se mettre de lui même dans la paume de sa maîtresse. Elle n'avait pas peur, non. Elle se méfiait juste. Elle redoutait le côté froid et autoritaire de son interlocuteur, mais devait bien avouer qu'elle appréciait sa compagnie et son discret accent chantant.
Elle donna les consignes à son compagnon à 4 pattes, ne sachant pas où est ce que ce merveilleux marchand de glace se situait, elle lui demanda de suivre Matthew.
« Vous êtes ici depuis longtemps ? » Désirant en savoir plus sur lui, elle ne fit toutefois aucune remarque sur ce qui venait de se passer. Elle craignait qu'il se braque et puis son japonais lui faisait vraiment froid dans le dos.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeMar 24 Mai 2011 - 13:54

Je souriais. Personne, même pas elle ne pouvait s'en rendre compte. Tout en prenant garde à ce que Maud ne se trompe pas de chemin, j'ai commencé à avancer. Plus je la regardais, plus je trouvais que ce petit bout de femme possédait une force incroyable. Ses mots dansaient dans mes oreilles comme les paroles de quelque chanson sicilienne, si douce et si tragique à la fois. Rien ne semblait pouvoir l'atteindre, rien ne semblait pouvoir entamer sa bonne humeur. Même si j'avais bien remarqué que l'intervention de Yamamoto avait été passablement remarquée. Maud voulait être en confiance, et sauter d'un interlocuteur à l'autre en changeant de langue ne m'aiderait pas. C'est pour ça aussi que j'avais souhaité congédier l'homme de main. Cependant, si je voulais un jour pouvoir me regarder dans une glace sans me demander qui était l'homme que je voyais, je devais m'ouvrir un minimum. Il n'était pas question de parler à la jeune femme de mes activités, seulement de ma vie. Mon périple à travers le monde n'était un secret pour personne après tout...

-Je suis aux États-Unis depuis environ quatre ans, dis-je en voulant être le plus détaché possible. Mais avant cela j'ai déjà passé près de douze autres années au Japon.

Nous approchions de Sweedish Village. Les rires d'enfants, les dérapages furieux sur le gravier, parfois des pleurs, quelques voix d'adultes mêlées au brouhaha de vie. Tant de vie. J'ai songé un moment à Maud et au supplice de Tantale qu'elle se devait de supporter chaque minute, tout entendre mais ne rien voir. De quoi devenir fou.

-Mon véritable nom est Bara, Matteo Bara, confiais-je. Je l'ai fait américaniser en débarquant à New York, il semblerait que cette citée favorise les apparences au détriment des qualités humaines...

M'en restait-il ? J'avais fuis l'Italie pour échapper au crime. Paradoxalement j'avais passé par la suite plus d'une décennie à tuer pour le compte de la pègre. Dans ce domaine au moins on peut dire que j'avais excellé, au point d'y survivre. Les Etats Unis étaient très différents du Japon sur ce point, s'ils avaient moult lois condamnant avec sévérité le crime organisé, ils offraient également un nombre incalculable d'opportunités pour ce dernier. Mon regard s'est porté un moment sur Maud. Elle détenait maintenant un nom pour lequel en Italie des gens auraient payés fort cher, mais elle n'avait pas le profil d'une revendeuse d'information de ce genre de milieu. Elle semblait plutôt être quelqu'un d'honnête, c'est ce qui me plaisait chez elle, étrangement.

-Ici au moins j'ai réussis à faire ma place, à monter ma propre affaire dis-je en fixant un bref instant les immeubles surplombant la cime des arbres. Je n'ai l'air différent de personne, je suis juste un habitant de cette citée parmi d'autres...

J'ai doucement posé ma main sur l'avant bras de la jeun femme, lui signifiant que nous étions arrivé. En effet devant s'étirait nous une file d'attente d'une dizaine de personnes attendant avec impatience que l'émigré pakistanais qui s'activait dans sa camionnette les servent. Chandra était arrivé en Amérique avec quelques dollars en poche, il avait travaillé pour se payer des études, il avait même un moment songé à la restauration. Un rêve vite dissipé face au nombre de refus. Je l'avais rencontré dès mon arrivée en sol américain alors qu'il se brisait la santé dans un taxi hors d'age. Écoutant avec attention ma proposition il accepta finalement de tenir ma première blanchisserie : un camion de glace. Aujourd'hui, Chandra gérait trois dinners, cinq laveries automatiques et deux kebab. Mais il avait gardé le camion de glace. Chandra aimait les gens, il faisait ce qu'il faisait parce qu'il avait une famille restée au Pakistan et qu'il comptait bien la faire venir un jour aux Etats Unis. En attendant il travaillait dur et soignait les apparences dans sa petite camionnette. Il savait bien ce que le Groupe faisait, ce que je faisais. Mais parfois, on est tous amené à faire des choses qui vont bien au delà de notre propre devoir : ça s'appelle se sacrifier.

-Mais c'est Monsieur Coffin que j'aperçois avec la jeune demoiselle, s'exclama Chandra avec son accent inimitable. Approchez, Monsieur Coffin approchez, ça faisait longtemps.
Faisant fi de la queue qui nous devançait j'ai entrainé Maud jusqu'à la camionnette.
-Bonjour Chandra, dis-je en lui serrant la main. Je te présente Maud, Maud Loiseau. Une française qui vient tout juste d'arriver. Et peut-être une future habituée, qui sait ?
-Enchanté, Maud Loiseau, répondit l'immigré en appuyant chacune des syllabes composant le nom, feignant d'avoir un accent français. Ce ne sont pas des glaces que je fais mais de véritables petits morceaux de paradis, après les avoir goûté vous ne voudrez plus rien manger d'autre.

Joignant le geste à la parole il posa sur le comptoir deux petits pots contenant une crème glacée blanche et onctueuse dans laquelle une cuillère en plastique était plantée. Une présentation sans prétention mais je savais par expérience que se fier aux apparences menait à l'erreur. Je connaissais les talents de Chandra et il n'avait rien à envier aux glaciers de ma péninsule natale. Chandra se détourna de nous, retournant aux autres clients, ceux-ci commençant à râler.

-A votre tour Maud, demandais-je en plaçant dans la main de la jeune femme l'une des glaces. Pourquoi êtes vous venu en Amérique ?
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeMer 25 Mai 2011 - 4:04

Bercée par ces nouveaux bruits, cette activité monstrueuse autour d'elle, ce rythme fou … et sa voix. Maud adorait cela. Si il y avait bien une chose dont elle ne se lassait jamais, c'était celle ci : écouter. S'enivrer de sons. Pour pouvoir s'imaginer au mieux tout ce qui l'entourait : les visages potelés des enfants qui hurlent de joie, les belles voitures neuves que l'on regarde avec envie, tout comme ces belles femmes dont les talons tapent dans un rythme impeccable. C'était son monde à elle. Mais dans sa bulle, il manquait un élément. Matthew. Elle n'était pas encore parvenue à en esquisser les traits. Elle s'en faisait une idée générale mais rien de précis. Ce qui avait le chic pour rendre la jeune femme d'autant plus curieuse et intriguée.
« Au Japon … »avait-elle répété dans un murmure, complètement émerveillée. Elle rêvait de voyager, d'entendre ces bruits qu'elle n'entendrait nulle part ailleurs. « Quelle chance ! ». Elle fit d'ailleurs inévitablement le lien avec l'homme qui avait fait irruption auparavant. S'il n'était plus surprenant que Matthew sache parler japonais, il restait encore une ombre sur l'identité de son ami. Enfin, ami … Elle ne savait même pas si c'était le cas.

Elle revint sur Terre quand il lui confia son véritable nom. Maud ne put s'empêcher d'esquisser un sourire aux coins des lèvres, à la fois surprise et ravie qu'il lui donne cette information. Un beau prénom italien qu'elle trouvait fort plus chaleureux que Matthew. C'était sûrement la langue qui lui donnait cette impression. Il enchaîna sur ses affaires et son envie de faire partie de la cité, de passer inaperçu. Un homme d'affaires … Voilà un détail qui venait modifier sa toile. Elle le revêtit d'un costume. Sombre et élégant, à l'italienne.

Elle trouvait sa constatation plutôt triste. Vouloir à tout prix ressembler aux autres … Cela dit, elle n'arrivait pas à déceler dans sa voix si il y avait une pointe de regrets ou non. C'était frustrant. Un homme qui change d'identité pour pouvoir se fondre dans la masse, pouvait-il véritablement faire un trait sur son passé ? La jeune femme resta songeuse un instant. Elle n'eut pas l'opportunité de le rester longtemps, ils arrivèrent rapidement à ce fameux marchand de glace. Très vite, il se fit appeler. Une voix éloignée mais assez puissante, et un accent à couper au couteau. Maud ne saisit pas de suite d'ailleurs que c'était de Matthew qu'il s'agissait, son nom italien lui étant resté en tête. Il l'entraîna alors jusqu'à la camionnette où il fit les présentations. La chaleur de leur échange était agréable.

La prononciation exagérée de son nom la fit rire. « J'ai hâte d'y goûter dans ce cas. Ravie de vous avoir rencontré, Chandra. ». Elle lui fit un signe de la tête en guise d'au revoir. Matthew lui remit la si convoitée crème glacée entre les mains et Maud l'en remercia, un sourire aux lèvres. Elle remarqua d'ailleurs un détail, peu habituel chez les personnes qu'elle rencontrait généralement : il n'en faisait pas trop. Dès qu'une personne inconnue s'adressait à Maud, la jeune femme se sentait vite oppressée. De par sa situation, les gens avaient tendance à en faire trop, à vouloir l'aider pour tout et n'importe quoi, pensant sans doute qu'elle était incapable de se débrouiller et qu'il était important de lui venir en aide, fiers d'accomplir leur devoir de citoyen. Seulement, elle n'était pas de nature à se laisser faire, elle aimait se sentir indépendante. Et surtout, qu'on la considère comme tel. C'était très important pour elle, et elle avait justement cette impression avec cet homme.

À sa question, elle marqua un temps d'arrêt, soudain rattrapée par la réalité. Pourquoi était-elle en Amérique ? … Parce qu'elle arrivait à faire des choses anormales et qu'elle souhaitait comprendre. Parce qu'elle voulait rencontrer des gens comme elle, partager leurs expériences, et qui sait, peut-être se rendre utile ? Parce que ces dons, bien que très utiles, l'intriguaient grandement et que le décès de sa mère avait été comme un déclic pour prendre sa vie en main.
« Je suis étudiante en langues étrangères. Je suis ici pour améliorer mon anglais déjà, évidemment. Puis pour apprendre le chinois ...  »

Malgré toutes les bonnes raisons qu'elle avait, Maud en inventa une de toute pièce. Enfin, inventer à moitié. C'est vrai qu'elle étudiait les langues étrangères et qu'elle était une passionnée. Qu'elle aimait apprendre de nouvelles cultures, un nouveau vocabulaire et les expressions. Et qu'elle aurait aussi sûrement voulu trouver du temps pour étudier le chinois. Mais ce n'était sûrement pas sa principale motivation. « J'aurai pu le faire en France mais j'avais besoin de … prendre l'air. De voler un peu de mes propres aux ailes. » Expression qu'elle aimait tout particulièrement, faisant référence à son nom qui lui correspondait bien. Le hasard faisait parfois bien les choses.

Même si quelque chose la poussait à lui faire confiance, elle redoutait en fait sa réaction. Seuls ses amis proches et sa famille avait été mis au courant … Et en plus de cela, tout le monde avait une opinion bien précise vis à vis des mutants. Elle eut soudain peur qu'il fasse parti de ceux qui en disaient du mal. Ou qu'il la considère comme un monstre. Peut-être en était-elle un après tout … N'aimant pas toutes ces questions laissées sans réponses, elle changea de sujet.

« C'est indiscret de vous demander quelle type d'affaire vous avez monté ? » avait-elle fini par demander, en levant les yeux vers ce qui lui semblait être la bonne hauteur de son visage.

Doucement, elle détacha ses doigts un à un pour parcourir le contenant de la crème glacée. Elle passa ensuite sa main libre au dessus et fut ravie d'y trouver une cuillère, qu'elle apporta à ses lèvres et dégusta avec gourmandise. Un petit coin de paradis … Et ce n'était en aucun cas de la publicité mensongère.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeVen 27 Mai 2011 - 20:35

Indiscrète... J'ai souris en pensant que la police n'avait pas ces mêmes considérations envers des gens de mon espèce.

-Je suis le Président Directeur Général de Pierce & Carlson, société de courtage ainsi que de Taxon, une chaîne agence immobilière située sur l'ile de Manhattan. Je possède également quelques parts dans une entreprise d'import export.

Je lui avais sortis la version officielle, ce de façon extrêmement formelle, presque froide. Maud pouvait être en droit de douter de la véracité de mes explications ou de deviner que je dissimulais certaines choses, tout comme j'avais senti qu'elle-même ne me racontait pas toute la vérité. Chacun avait ses secrets. Mais si j'appréciais sa compagnie, lui donner mon véritable nom ce n'était rien en comparaison du trafic de stupéfiants, du racket et des meurtres. Le crime organisé avait toujours eu une publicité négative -c'était aussi sa force- mais je devinais sans peine la tête qu'elle aurait fait si je lui avait narré mon véritable passé au Japon, la signification des tatouages qui parcourraient mon corps, sans oublier le trafic d'influence dont j'usais à New York. Personne n'était assez solide pour entendre des choses pareilles. Il suffisait de voir les protestants BCBG de la City se réunir en associations puritaines pour permettre la réinsertion des anciens détenus et en contre partie vomir sur la pègre...

Qui construisait les hôpitaux, les écoles ? Qui permettait à Kenwood, General Motors ou même à Prada de faire des marges colossales sur ses ventes ? Qui les habillait, construisait leur maison, qui les nourrissait ? Certainement pas l’État de Droit. Ce n'était rien de plus qu'un vieux tronc mort, souverain en rien, sur lequel un lierre robuste avait poussé au point de le remplacer. Si un paysan texan manquait subitement d'ouvriers en plein mois d'aout il ne s'adressait pas à une coopérative agricole hors de prix, il ne se plaignait pas non plus à un lobby. Non, le paysan texan faisait appel aux passeurs mexicains. Aujourd'hui plus un seul américain ne ramassait le maïs, il n'y avait que ces hommes, ces femmes, parfois ces enfants au dos courbé, la tête au soleil et les deux mains plongés dans la terre. Tout comme à Naples, lorsque Gucci faisait un appel d'offre pour trois cents robes, c'est la Camorra qui répondait avec des entrepôts remplis à ras bord d'immigrés chinois travaillant sans s'arrêter sur des machines à coudre. Les exemples ne manquaient pas...

Il y avait eu donc un peu d'amertume dans ma voix. Mon travail imposait une certaine distance avec le reste de mes congénères, je m'en rendais de nouveau compte en marchant aux côtés de Maud. Le sang collé à mes doigts finirait toujours par gâcher n’importe quelle amitié, n'importe quelle histoire d'amour. C'est aussi pour cela, à regret je l'avoue, que je souhaitais me fondre dans la masse, ne plus apparaître aux yeux des autres que comme un simple visage au sein la foule. Maud m'avait pourtant tiré de cette masse, sans que je m'en rende compte. Sélectionné par une aveugle, ça ne manquait pas d'ironie.

Un bruit attira mon attention, ainsi que la plupart des gens autour de nous. Une trentaine de personnes venaient d'apparaître au détour d'un chemin, parlant fort et brandissant des pancartes. L'ancien maire de New York avait mis durant son mandat sa politique de la "tolérance zéro", et si le NYPD était la police qui enchainait le plus de bavures il fallait bien reconnaître que des endroits comme Central Park, un lieu où les meurtres et les viols avaient atteint jadis des seuils inquiétants, étaient aujourd'hui sûrs pour tout le monde. Ce qui, paradoxalement, permettait à nombre de manifestations ayant pour traits la violence urbaine de s'y dérouler. Ce jour là la cible c'était les mutants. Cris, tracts, affiches, tout était bon pour scander des slogans qui auraient fait frémir de peur James R. Crowe lui-même.


-Les racistes sont des gens qui se trompent de colère, soupirais-je en empruntant les mots de Senghor.
-Sauvez votre peuple, sauvez votre race, répétaient inlassablement trois hommes qui zébraient la file d'attente, en quête d'un pécule pour leur combat inutile.
Peu nombreux furent les donateurs, l'extrémisme étant lui aussi desservi par une publicité négative. Cependant cela n'arrêta pas les individus.

-Monsieur, vous êtes humain ? me demanda sottement l'un deux, sans vraiment attendre de réponse. Alors venez à notre prochaine assemblée générale, vous aussi mademoiselle, tout est indiqué dans le tract sur le danger mutant.
L'imbécile posa sa main sur mon épaule et tenta de fourrer de force ses bouts de papiers dans les mains de Maud. Ma patience avait atteint ses limites.
-Après, poursuivait-il sur un faux ton de confidence. Vous pourrez décider en toute connaissance de cause de soutenir notre effort...

Ma glace venait de tomber dans l'herbe... Ses tracts enfoncés dans sa propre bouche lui empêchèrent de terminer sa phrase. Vif comme peu de coup de couteau, mon poing droit se referma, ne laissant dépasser que les premières phalanges de l'index et du majeur. Le poing en entier fusa sous une de ses côtes. Le manifestant couina un peu, un son atténué par la boule de papier. Le choc le fit vaciller au point de mettre un genou en terre. Seule Maud aurait pu voir mon coup de poing, la file d'attente derrière la victime ne put que constater sa chute.

-Ce n'est rien, dis-je en le relevant. Le monsieur a glissé, voilà tout.
Les yeux embués de larmes, l'intéressé cracha ses tracts et retourna à son groupe en clopinant, sans vraiment comprendre ce qui venait de lui arriver.

Senghor n'aurait jamais réagis comme ça. J'avais clairement manqué de sang froid. Une catastrophe pour moi si on m'avait remarqué, c'était bien la peine de faire effectuer le sale boulot par Yamamoto si c'était pour me mettre à me battre en plein jour, devant témoins qui plus est. Mais je passais peu d'instants comme celui-ci à déguster calmement une glace avec quelqu'un, alors le voir gâcher par de tels personnages. J'espérais que Maud n'avait pas tout cerné...


-Ils ne comprennent pas, repris-je avec regret. On ne lutte pas contre l'évolution. Faudrait-il qu'ils aient des enfants mutants afin de comprendre que ceux qu'ils décrivent comme leurs ennemis sont au contraire la nouvelle humanité ? Lutter ne sert à rien : dans la guerre qui opposa l'homo sapiens au néandertalien, on en connait le vainqueur. Aujourd'hui ça recommence, et l'espèce obsolète c'est nous.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeVen 3 Juin 2011 - 3:11

Maud n'avait su comment réagir à l'approche du manifestant. Anti-mutant ... C'était bien la première fois qu'elle devait faire face à ce genre d'individus. Aussi entreprenants en tout cas ! Elle ne vit pas le coup de poing partir évidemment, mais vu la proximité à laquelle se tenaient les deux compères, elle n'eut aucun mal à deviner que l'un avait frappé l'autre. En particulier avec le couinement du manifestant.

Même si elle n'approuvait pas son geste, elle fut rassurée d'entendre l'intrus s'éloigner. Son interruption l'avait paralysée, il s'était agrippait à eux, les avait à la limite, harcelé pour leur donner son bout de papier. Elle s'était sentie en danger, surtout que c'était elle qui était visée indirectement.
Ceci dit, même après son départ, elle en restait sans voix, ne sachant plus quoi penser de celui qui se tenait juste en face d'elle. Un homme à priori fort respecté, vu le nombre de responsabilités qu'il avait. Il s'était montré aussi prévenant et charmant … Et pourtant, il venait de donner un coup dans un inconnu. Pourquoi ? Et pourquoi n'avait-elle pas peur de lui ?
Quant à sa pensée ensuite, Maud l'écouta sans bouger. Il ne la considèrerait donc pas comme un monstre. Enfin, pouvait-elle croire en ces mots ? Elle était perdue.

Et pour compléter le tout, un flash.
Elle se retrouvait dans une rue de New York, aux côtés de Matthew. Elle le voyait enfin. Élégant, mystérieux … Le portrait qu'elle en avait dessiné n'était pas loin de la réalité. Mais elle n'eut pas vraiment l'occasion de l'observer, plusieurs types vinrent se joindre à la fête et ce n'était sûrement pas pour bavarder. Deux d'entre eux avaient des battes, un autre un couteau qu'il brandissait fièrement devant lui, puis deux autres avec une bouteille de verre brisée ... Il y en avait peut-être encore derrière, mais la vision n'était pas nette. Matthew se fit vite encerclé avant qu'une des battes ne frappent de plein fouet son crâne.

Comme si elle se réveillait d'un cauchemar d'un coup, elle attrapa de sa main libre, le bras de Matthew d'un geste franc sans être brutale toutefois. Juste de quoi l'arrêter et être certaine de se faire entendre. Ses yeux bleus plongés dans les siens sans pourtant pouvoir les voir. « Il va revenir. Avec d'autres manifestants ou des amis à lui, … Ils vont être nombreux, 5, 6 … peut-être 8 même. Avec des battes, des couteaux … Vous ne pourrez rien faire, ... Il faut qu'on s'en éloigne ! »

Avec un peu de chance, ils pouvaient disparaître de leur vue et ne pas être suivis. Sa voix trahissait son inquiétude. Elle n'avait même pas réfléchi à comment lui annoncer. Aurait-elle du ? C'est seulement après lui avoir dit ces quelques mots qu'elle saisit l'ampleur des dégâts qu'elle venait peut-être de causer d'un coup. Elle le connaissait à peine, … C'était une chose de considérer les mutants comme une espèce supérieure, ça en était une autre d'avoir à faire à un des leurs en face de soi. Et elle ignorait si il avait déjà été confronté à ce genre de situation.

Les bruits autour d'eux la rassuraient cependant. Il y avait du monde, de l'activité … Il ne leur arriverait sûrement rien ici. D'une voix qui essayait péniblement de faire oublier le ton alarmant plus tôt, elle sur-enchérit. « Enfin j'imagine … Je ne pense pas qu'il vous laisse tranquille après le coup que vous lui avez donné. »

Peu importe ce qu'il pensait d'elle, ce qui tracassait réellement la jeune femme était le fait qu'il allait se faire piéger. Et qu'avec une réaction comme la sienne, elle l'avait peut-être plus effrayé qu'autre chose. Il ne la prendrait pas au sérieux et là était le réel soucis.
La main sur son bras était hésitante, Maud voulait la retirer mais souhaitait aussi le pousser à disparaître, à le faire changer de place. Elle finit par la retirer pour de bon et serrer le poing, comme pour s'empêcher de recommencer. « Ils sont encore là ? »

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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeLun 6 Juin 2011 - 20:16

Ce fut à mon tour de poser ma main sur son bras. Mais ce n'était pas pour la rassurer, juste pour m'en emparer. Mon geste était ferme, presque violent. Mes doigts semblaient s'être transformés en un étau que rien au monde n'aurait pu desserrer. Alors je suis parti en avant, entrainant la jeune femme dans mon sillage.

-On y va, assenais-je d'une voix implacable, coupant court à n'importe quelle protestation.

La glace s'était reformée sur mon visage. J'avais voulu oublier ce que j'étais, ne serait-ce qu'une heure, et voilà ce que ça avait donné : un immense gâchis. De ma seule main libre, je me suis emparé de mon téléphone portable, appelant à la rescousse le seul homme qui pouvait la sortir de là.


-Sois sur la 65ème rue, à hauteur de Central Park dans cinq minutes, déclarais-je lorsque Yamamoto décrocha.

Je devinais dans quel état allait le mettre cette situation. Même s'il ne comprenait pas le fin mot de cette histoire il serait là à temps, ponctuel comme un trader à l'ouverture de Wall Street. Je lui faisais confiance. Comme je faisais confiance à la vision de Maud. Elle n'était pas la première mutante que je rencontrais, et encore moins la première médium. Les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte, celle que je connaissais avait jadis prédit ma mort dans Central Park ; quelle ironie... Alors j'ai accéléré la cadence, faisant fi du chien d'aveugle qui peinait à suivre, de la valise bringuebalée sur le chemin de terre. Dans cette fuite pas le temps de poser la canne sur le sol, Maud devait me faire confiance.


-C'est lui !

Le cri m'alerta, sans pour autant réduire mon rythme de marche. Ils devaient être une dizaine, les pancartes qu'ils tenaient cachaient mal les barres à mine et les tessons de bouteilles, le petit énervé que j'avais remis à sa place était à la tête de la troupe, me pointant furieusement du doigt. J'ai serré les dents et pris une direction opposée, plus question de marcher il fallait courir. Les manifestants nous emboitèrent le pas, se transformant en poursuivants. Une bouteille explosa contre un arbre, à moins d'un mètre de nous. Instinctivement mon bras s'enroula autour de la tête de Maud, la protégeant des éclats. La sortie n'était qu'à quelques mètres. Malheureusement au croisement de la cinquième avenue et de la soixante cinquième rue, trois piétons avaient eu la bonne idée de se faire faucher par un bus. Paralysant la circulation pour un bon moment, et empêchant Yamamoto, que j'apercevais derrière une vitre de la limousine, de nous récupérer. A la façon dont j'ai traversé l'avenue sans regarder -ce qui provoqua jurons et klaxons- le yakuza devina que l'évènement imprévu était à prendre au sérieux. Derrière nous, les poursuivants choisirent de faire profil bas, sans pour autant abandonner la traque. Yamamoto ne fut pas dupe, j'ai sorti mon portable en le voyant dégainer son arme.

-Pas ici, le prévins-je quand il répondit. Récupère-la trois rues plus bas, en face de l'épicier coréen.

Je connaissais le coin par cœur. Le haut des building était habité par les sociétés, tandis que les petits commerçant possédaient une partie du rez de chaussé. C'était dans les ruelles de ces immeubles, aux pieds des empires financiers, que les pires crimes avaient lieu.

C'est justement dans une de ces petites rues obscures, composées de bennes à ordure et de chats de gouttières, que j'ai emmenée Maud. Derrière nous, la meute gagnait du terrain, mais aussi des membres. La troisième ruelle était coupée en deux par une porte grillagée, au bout j'aperçus enfin la limousine. Yamamoto bondit hors du véhicule l'arme à la main, je lui fis signe de rentrer. Un coup de feu signifiait l'arrivée de la police, ce que je voulais absolument éviter. Mais Maud me ralentissait et à trop traîner aucun de nous n'arriverait à temps. Les jurons que lançaient l'attroupement semblaient de plus en plus proches.


-Je vais vous lâcher, dis-je froidement à Maud. Vous allez courir aussi vite que vous le pouvez, tout droit, sans vous arrêter. Un homme va vous récupérer, vous monterez avec lui et vous lui direz de faire le tour de l'immeuble et me prendre de l'autre côté.

Ma main libre se posa sur le grillage, le mouvement de recul imprimé par mon bras pour faire pivoter la porte failli faire sauter celle-ci de ses gonds. Dans l'ouverture pratiquée, j'ai poussé Maud d'un coup de coude.

-Maintenant. Courrez.

J'ai refermé la porte. J'aurais voulu bloquer celle-ci, coincer une poubelle devant ou la barricader avec les planches et les palettes qui trainaient, impossible : une batte de base ball vint frapper mon crâne de plein fouet.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeLun 13 Juin 2011 - 23:39

Maud n'entendait plus que les battements de son cœur bourdonner dans ses oreilles. Elle était à bout de souffle, en plus d'être complètement perdue. Alors qu'il ne l'avait pas lâchée depuis le début, il venait de le faire en la poussant d'un coup de coude. Courir ?
Sa vision lui revenait sans cesse en tête, elle allait se réaliser, elle allait se réaliser … Un coup de batte dans la tête. Il allait se prendre un coup de batte dans la tête, et Maud elle, ne pouvait strictement rien faire.

Si, elle pouvait courir. Espérer aller dans la bonne direction, ne pas tomber. Aller à la rencontre de celui qui pourrait alors lui venir en aide. Seulement, courrez les yeux fermés dans un endroit inconnu. En plus de craindre à tout instant de rentrer de plein fouet un obstacle, il ne fallait pas omettre le pourcentage de chance de trébucher. Elle devait courir vers l'inconnu, s'éloigner de son seul repère. Son chien n'était même plus là, elle ignorait l'endroit où il avait perdu leurs traces. Elle se retrouvait seule et c'était bien la chose qui l'effrayait le plus sur cette Terre.
Les manifestants ou qui que se soit d'autres qui leur courraient derrière, s'approchaient à grand pas, à vrai dire elle n'avait plus aucune notion de distance, tous les bruits qui lui parvenaient étaient décuplés, formant un brouhaha inaudible. Seule la voix de Matthew avait résonné assez clairement, et pourtant c'était peut-être cette phrase qu'elle n'aurait pas voulu entendre.
Elle fit un pas en avant, vers la sortie. Inspira un grand bol d'air, bien qu'elle tremblait comme une feuille. Puis elle se mit à courir, les poings serrés, les yeux fermés à s'en fendre les paupières. Droit, tout droit. Elle lui faisait confiance mais avait réellement peur de se planter.

Puis un bruit. Le bruit qu'elle redoutait. Maud s'arrêta net. Le coup sec, le grillage qui tinte. Matthew venait de se faire assommer. « Matthew ! » Elle s'était retournée instinctivement. Elle s'était arrêtée de respirer, elle n'entendit plus rien un instant. Le vide complet. Elle était tétanisée,
Son chien la sortit de son absence en aboyant. Il était au bout de la rue, derrière elle. Il l'avait retrouvée. Maud se remit à respirer à toute vitesse, puis à tourner à tâtons sur elle même pour effectuer un demi-tour prudemment et repartir en courant.
Un homme la réceptionna de plein fouet, freinant aussitôt sa course. Elle ne réfléchit même pas, dans sa tête ça ne pouvait être que l'homme dont Matthew lui avait fait mention plus tôt. Elle ne perdit pas un instant. Elle se dégagea pour se tenir en face de lui et lui agripper le bras pour être certaine d'attirer suffisamment son attention. « Matthew, Monsieur Coffin, il est dans cette rue derrière moi, il a besoin d'aide, vite ! Il devait vous retrouver de l'autre côté de l'immeuble mais il vient de se faire assommer ! Il faut aller le chercher ! Appelez la police ! »

Elle avait parlé à toute vitesse, sans prendre la peine de respirer. Sa voix trahissait forcément son état de panique. Elle tremblait de la tête aux pieds, mais son regard pourtant était fixe. « Je vous en supplie, faîtes quelque chose vite …  » Elle avait ajouté ça à demi-mots, ne prêtant même plus attention à ce qui se passait autour d'elle.
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MessageSujet: Re: Attention devant ! [Libre]   Attention devant ! [Libre] Icon_minitimeDim 19 Juin 2011 - 15:46

Le ciel venait de me tomber sur la tête. Sous la violence du choc, celle-ci tenta même de quitter mes épaules. Je ne me sentis même pas percuter la benne à ordures, ni m'égratigner les mains sur le sol infect de cette ruelle. Mes paupières papillonnèrent quelques secondes, ma vue se troubla, tirant sur le rouge. Il me fallut poser un doigt sur mon sourcil gauche pour comprendre que le sang coulait abondamment. Dans le combat qui l'avait opposée à la batte de base-ball, mon arcade avait perdue. Les sons m'environnant étaient lointains et distendus, mêlés dans un brouillard obscur. Les cris éloignés de Maud se mêlaient aux hurlement bestiaux de mes agresseurs. L'un d'eux me donna un coup de pied qui m'envoya sur le grillage. Ce n'était rien comparé à ce qui m'attendait. Ils avaient de l'expérience dans ce genre de passage à tabac, probablement délégueraient-ils à deux membres de leur groupe de me tenir pour que tous puissent me frapper à loisir. Des petits jeunes surexcités m'auraient déjà sauté dessus et roués de coups dans le chaos le plus complet.

-On fait pas chier le Human Race Klan ! me beugla l'un d'eux, armé d'une batte ensanglantée tandis que je m'accrochais au grillage pour me relever. On va te démonter, après on va retrouver ta copine et on va la faire chialer !

Ils étaient jeunes, le crâne rasé, arborant fermement des tatouages nazillons et des barres à mines. C'est ce qu'a trouvé l'homme depuis la nuit des temps pour répondre à la peur qui s'insinue en lui de manière viscérale quand il est confronté à l'inexplicable ou à la différence. Alors, quand ces deux facteurs sont réunis c'est un cocktail explosif qui donnent naissance à une myriade de réactions violentes motivées par la crainte. Mordre par peur d'être mordu. J'observais donc ces individus detaillant leurs cicatrices, leurs tatouages, leurs armes, la peur les aveuglait. Elle avait réussie à leur faire oublier qu'il existait encore des monstres parmi les humains. Des hommes qui n'avaient pas besoin de cracher du feu ou de briser un esprit par la pensée pour faire le mal. Des humains dans ce qu'il y avait de plus simple.

Ma main droite s'est soudainement agrippée au bout de la batte que mon agresseur agitait sous mon nez. D'un vif mouvement du bras je l'ai attiré vers moi, la main gauche vint alors se loger violemment sous sa mâchoire, le forçant à couper sa propre langue. Sous la douleur il lâcha le manche de son arme. En un rapide mouvement du poignet celui-ci atterris entre mes doigts. L'instant d'après je pulvérisais son maxillaire sous la puissance du bois. Il tomba a mes pieds comme une masse, déversant de sa bouche déboitée un peu de sang.

J'ai desserré mon étreinte et la batte est tombée sur le sol dans un bruit sec. Alors je les ai tous fixé droit dans les yeux. Leurs visages s'étaient complétement liquéfiés, leur rage et leur haine les avaient quittés. Ils étaient de ces groupes extrémistes connus pour faire sauter les dents de ceux qu'ils ne jugeaient pas purs. Nul doute qu'ils avaient plus de passants innocents sur leur tableaux de chasse que de terrible mutants mangeurs d'hommes. Mais malgré mon coup d'éclat il n'était pas question pour eux de reculer. J'avais porté la main sur l'un des leurs, j'allais devoir le payer. Profitant donc du temps qu'il leur fallait pour rassembler leur courage j'ai enlever mes chaussures, ôté ma veste et déboutonné ma chemise. Je voulais qu'ils sachent tous qui ils s'apprêtaient à frapper. Pas un mutant, mais juste un homme normal, un humain. Cependant, les tatouages que j'arborais en disaient plus long sur mon degré de dangerosité que n'importe lequel des leurs.


-Vous avez souvent tendance à oublier que parmi nous il existent encore des hommes que nous craignons, dis-je en commençant à m'approcher du groupe. De tous ces individus je suis l'un des pires.

J'ai serré les poings puis je me suis lancé dans la bataille.

*

-Je ne vais rien faire, répondit froidement Yamamoto.

Yamamoto Isoroku était fier d'une chose, depuis qu'il travaillait pour Matthew Coffin, il n'avait jamais remis en question une seule fois la parole de son patron. Isoroku était un yakuza de l'ancienne école, prêt à mourir à tout instant pour le Groupe. Il savait où était sa place et ce que l'on attendait de lui. Matthew Coffin était conscient de la confiance aveugle du japonais, c'est pourquoi il l'avait mis dans sa valise en quittant le pays du soleil levant. Quand il avait fallu bâtir l'Organisation en partant de rien, Yamamoto avait été seul dans les rues les plus mal famées de New York. Mais pour Coffin, il n'avait jamais reculé. Pas même quand Matthew lui avait ordonné ce jour là de ne pas intervenir. Yamamoto bien qu'étant un homme d'action plutôt impulsif, était loin d'être idiot. Un coup de feu serait la fin de tout, pas en pleine rue, pas avec une voiture aussi reconnaissable.

En voyant l'aveugle tituber vers lui, en apercevant par dessus l'épaule de cette dernière son patron s'affaisser contre le grillage, Yamamoto avait sentis son cœur se serrer et sa gorge se nouer. C'est avec une peine immense qu'il avait prononcé ces mots à Maud. Serrant les dents, il posa sa main sur la tête de la jeune femme l'invitant à monter dans la limousine, sans grande délicatesse il attrapa son chien et le jeta dans l'habitacle. Il y pénétra en dernier se forçant de toute ses forces à ne pas regarder dans la ruelle ce qui arrivait à Matthew.


-Gordon, fais le tour pour arriver de l'autre côté, lança le yakuza au chauffeur.
-Mais le patron est resté...
-Le patron a dit qu'on devait faire le tour, coupa sèchement Yamamoto. Alors on fait le tour.

Il souffla violemment et sortis son arme, faisant rapidement pivoter la culasse dans un bruit sec et métallique. Isoroku ne voulait pas le reconnaître, mais ses mains tremblaient.

*

Il ne regardait que moi. Crispé, il rassembla ses ultimes forces dans un assaut suicidaire, brandissant son marteau assez haut au dessus de sa tête. Trop haut même. Prenant appuis sur ma jambe valide je me suis jeté en avant, lui lançant en pleine figure le bout de planche que je tenais. Il se décala, ce qui me permis de lui carrer un direct au foie. Pris de court il se courba, me permettant de lui faire les présentations avec son genou. Enfin, il tomba.

Mon regard balaya la rue, pas un ne tenait encore debout. Ceux qui n'avaient pas perdu connaissance se roulaient en boule, laissant échapper de leur bouche des gémissements pitoyables. Ma main descendit sur ma cuisse, rencontrant un manche dépassant de ma chair. D'un coup sec j'ai retiré le tournevis qui y avait été planté, aiguisé de façon artisanale pour le transformer en poignard. J'ai clopiné jusqu'à l'endroit où j'avais laissé mes vêtements. J'ai remis ma chemise et ma veste sans pour autant les boutonner, laissant à loisir le sang imbiber les tissus, ma côte fêlée me faisait trop mal pour envisager de les enfiler convenablement. L'œil le moins boursouflé que j'avais me permis de repérer le premier des assaillants, celui avec la batte. Du bout du pied je l'ai retourné sur le dos.


-C'est moi qui t'ai démonté et qui t'ai fait pleuré, lui dis-je, la bouche pleine de sang. Ne m'oublie pas.

Sans vraiment savoir s'il avait pu me comprendre je m'en suis allé, commençant à retraverser la ruelle. J'aperçus alors la limousine blanche stopper pile en face de l'impasse. Yamamoto en est sortis en trombe, la pétoire à la main, comme toujours.

-Range ton arme, lançais-je au yakuza. Et ramasse la valise de Maud, elle l'a fait tomber au bout de la ruelle. Met-la dans le coffre.

Le yakuza s'exécuta avant de revenir en courant à mes côtés. Je lui fis clairement comprendre que je n'avais aucune envie d'un bras où m'appuyer -tant mon épaule était douloureuse. Juste d'un hôpital et, chose que je pensais impossible depuis ce temps, d'une cigarette... Mais ce qui m'était arrivé aujourd'hui m'avait inspiré dans mes affaires d'une façon incroyable. Peut-être que j'avais été trop longtemps éloigné du terrain, que le pragmatisme que j'aimais appliquer réclamait cette part d'action brute et violente.

-Demain tu vas contacter l'Institut Xavier, ordonnais-je à Yamamoto en montant dans la limousine.
La voiture démarra doucement, laissant derrière nous cette ruelle de malheur. Du bout des doigts j'ai touché ma pommette, espérant que celle-ci ne soit pas trop éclatée.

-J'aurais aimé te dire ça autour d'une glace, Maud. Mais : bienvenue à New York...
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