Le filou félin [PV Dim]

-Non.

Voilà le genre de réponse simple et précise dont avait le secret madame Mayor. Prononcé d’un ton sans réplique et avec un fort accent allemand, cet unique mot était comme une claque en plaine face. Aussi courte que puisse être cette réponse, elle voulait pourtant en dire long. « Non, arrête, ma patience est à bout. Si tu continues, je t’expulse à coups de pieds dans le cul ! » Voilà quelle aurait été la version explicite mais, il fallait le reconnaitre, moins marquante que cet effroyable « non ». Un mot pour définir une personne ; un mot pour souligner une réalité…

La personne, c’était donc Gertrude Mayor. Tenancière d’un bar perdu en plain milieu des bas-fonds de New York, elle était connue pour imposer au dit bar une discipline de fer. Ici, pas de mobilier détérioré, ici pas de cochonnerie jonchant le sol, ici c’était « Chez Mayour » : le bar le plus impeccable du Bronx. Mais impeccable ne voulait pas dire bien fréquenté ou même sans danger. Gertrude, tel un féroce chien de garde, protégeait son affaire pas ses clients. « Massacrez-vous si vous amuse mais interdiction de casser un verre », c’était à peu près sa devise. Mesurant moins d’un mètre soixante mais pesant plus de cent kilos, elle représentait un imposant poids lourd derrière son comptoir. Tout en elle était dépourvu de grâce. Son visage était dur, elle avait un léger duvet au menton, ses cheveux noirs étaient coiffés en un chignon serré, elle portait des lunettes carrées à mouture d’acier et la chance de la voir sourire un jour devait être proche du néant. Sa façon de s’habiller laissait croire qu’elle se rendait sur un chantier. A ce stade, on pouvait aisément deviner qu’elle le faisait exprès d’être ainsi. Il fallait aussi savoir que de sales rumeurs tournaient autour de madame Mayor, des rumeurs à faire froid dans le dos. Selon elles, Gertrude était cannibale, oui, rien que ça. On entendait aussi qu’elle possédait le gène X et qu’elle cachait au milieu de son énorme ventre une bouche béante munie de tentacules. Enfin, jusqu’à preuve du contraire… ce n’était que des rumeurs…

Grim, presque ébranlé par ce refus catégorique, battit en retraite. La mine dépité, il revint à sa place, devant son verre vide. Ce « non » soulignait sa réalité : il était ruiné. Maudit soit le Violoniste, cet assassin buveur de jeunesse et virtuose de musique avec qui l’hybride félin avait cru bon de s’associer. Maudit soit Icare, cette proie dont la réticence avait conduit le Violoniste à changer ses plans. Une tentative de meurtre dans l’entrepôt de Grim, le B.A.M. qui débarque… Le chat enrageait encore en y repensant. Il avait dut fuir, abandonner son magasin de jouets, abandonner son appartement, abandonner sa tranquillité… Le voilà devenu fugitif, sans emploi, sans domicile fixe… quelle misère… Et puisqu’un malheur n’arrive jamais seul, ses ennemis en avaient profité pour l’enfoncer d’avantage. Comment leurs en vouloir ? Grim en aurait fait autant et d’ailleurs, il l’avait déjà fait par le passé. Lui-même se plaisait à dire que le malheur des uns faisait le bonheur des autres. Il ne fallait pas chercher bien loin pourquoi il avait tant d’ennemis. Ceux-ci lui étaient tombés dessus le soir même de sa fuite. Ils l’avaient dépouillé de pratiquement tout ce qu’il avait emporté, non sans l’avoir avant passé à tabac. Oui, en voulant trop gagner, en multipliant les magouilles, Grim avait tout perdu. Cela faisait à présent une semaine qu’il était à la rue.

En cette soirée, Grim, de son vrai nom Théodore Madvati, arborait une apparence qui cachait plutôt bien sa médiocre condition. Son épais pelage raillé gris et noir était propre, bien brossé. Il portait un t-shirt peut-être trop grand pour lui et un pantalon tout aussi exagérément ample retenu par une ceinture. T-shirt et pantalon étaient blancs comme neige. A ceci s’ajoutait son éternel bandeau, également blanc, porté autour du front afin d’éviter que ses longs poils ne tombent devant ses yeux jaunes. Il n’était pas chaussé, il ne supportait pas de l’être. Avec sa petite taille d’enfant et son corps encore un peu grassouillet, il persistait à ressembler à une peluche, une adorable boule de poil. C’était là sa plus grande arme et il en était parfaitement conscient. Le jour durant, il apitoyait les passants ou les faisait rire avec ses pitreries afin de gagner quelques dollars. Voler aurait été plus simple, plus efficace mais aussi plus dangereux. Privé de soutien et de réelle cachette, Madvati ne voulait pas faire un faut pas qui pourrait lui être fatal. Bon, d’accord, les vêtements qu’il avait sur le dos, il ne les avait pas vraiment payé mais c’était ça ou gaspiller une fortune pour se vêtir ou bien encore rester en loque ce qui casserait son image. L’argent, il en avait trop besoin, il devait l’économiser, il n’en aurait jamais assez… La preuve : il n’avait plus de quoi se payer à boire. Alors comment allait-il pouvoir se payer sa drogue ? C’est qu’il commençait à être en manque avec tout ça…

Sous la lumière move des néons, sous le regard sévère de madame Mayor, la vaste pièce du bar raisonnait du bourdonnement des voix. Ici, on avait plus tendance à chuchoter que hurler. L’ambiance était étrange, elle l’était toujours. Le type qui vendait la drogue était là, dans un coin. Les transactions se faisaient à la vue de tous. Le gars avait un accord avec Gertrude et il n’était pas le seul. La tenancière devait baigner dans pas mal d’affaires. Témoigner contre elle représentait un danger de mort. Avant sa chute, Grim pouvait se venter d’avoir lui-même un peu d’influence sur son entourage. Mais tout le monde l’avait lâché. Il n’était plus qu’un client fauché devant un verre vide fixant le dealeur avec envie. Il se demandait comment diable il allait trouver l’argent qui lui manquait. L’addiction à la drogue commençait à faire de cette interrogation une obsession. Il regrettait d’avoir consommé de l’alcool. Il n’en avait même pas bu assez pour être ivre et oublier. Mais bon, même sans ça, il n’aurait jamais eu assez… Un miracle, voilà ce qu’il fallait, un miracle… Théodore se sentait prêt à tout.

Plus les minutes passaient, plus l’attention de Théodore se portait sur l’inaccessible drogue monnayée à quelques tables de lui. C’était si porche et pourtant si loin de ses moyens. En son esprit fébrile, il tournait et retournait le problème dans tous les sens à la recherche d’une solution. Peut-être pouvait-il négocier avec le dealeur. Il le fréquentait depuis presque un an mais n’avait jamais vraiment fait connaissance. Quel manque de stratégie ! Il s’en voulait. Le dealeur ou bien quelqu’un d’autre dans ce bar devait certainement avoir besoin d’un coup de main pour X ou Y raison. Peu importait qui, peu importait le service, Grim voulait sa drogue !

Quand cet inconnu heurta sa jambe, il sursauta. Protestant avec une agressivité certaine, il foudroya l’individu de son jaune regard. Aussitôt, il se sentit braqué par madame Mayour depuis son comptoir et ravala donc les quelques jurons désirant ardemment sortir de sa bouche. Au lieu de faire l’étalage de sa grossièreté, sa curiosité naturelle le poussa à observer la scène plus en détail. Il remarqua le portefeuille, il remarqua l’argent… Un éclair de convoitise passa en ses yeux. L’inconnu s’excusa, récupéra ce qu’il avait laissé tombé et, l’air pressé, quitta le lieu. Grim le regarda disparaitre. Ce gars était plain au as, se disait-il. En plus, il ne paraissait pas très adroit. En temps ordinaire, l’homme chat se serait méfié. Lui-même avait organisé plus d’une fois des mises en scène de ce genre pour piéger des personnes trop crédules. Mais en cet instant, la sensation de manque commençait à embrumer ses pensées et à le pousser à l’action sans trop se poser de questions. Alors, il ne fut pas long à se lever à son tour. Dans sa poche droite, il sentait le poids de son cran d’arrêt. Allait-il s’en servir ? Il ne savait pas. Il verrait, il improviserait. Il n’était plus en état de calculer, un comble pour lui.

Une poignée de secondes plus tard, il était dans la rue. Il chercha l’individu du regard, le trouva et le rattrapa d’un pas à la fois rapide et discret. Même en manque, il restait félin. Ses vêtements, trop amples pour lui, flottaient dans sa course. Heureusement qu’il avait raccourcit son pantalon à coups de couteau sinon il aurait vraiment été mal à l’aise. Dans la pénombre nocturne, la pâleur de sa tenue faisait de lui presque un fantôme. Arrivé à proximité de l’inconnu, il s’adressa à lui avec amabilité cette fois.

-Heu… j’voulais m’excuser. Ouais, j’ai été agressif, c’est pas très sympa…

Quel minable prétexte ! S’excuser pour un simple petit cri, légitime qui plus est… Il aurait put trouver mieux mais faisait avec les moyens du moment. Il poursuivit, toujours aussi pathétique.

-Dis… heu… j’voulais aussi te demander un p’tit service. J’sus un peu en galère en ce moment, tu vois ? J’ai besoin « d’un peu » d’argent. J’rembourserais, hein. Ou j’peux rendre des services aussi. J’ai pas de fric mais j’ai plains de temps libre !

Ho, après tout, était-ce si pathétique que ça ? Il était parvenu à feindre la sincérité. L’approche directe était une méthode qui pouvait porter ses fruits. Et si ça n’aboutissait pas, Grim avant un plan B.


Mon téléphone sonne. Je dépose le dossier qui retenait mon attention et je décroche.

-Wells.
-On a du nouveau concernant Grim. Il aurait été aperçu en train de travailler dans un garage miteux du Bronx.
-L’information vient de qui ?
-Une déposition d’un certain Stephan Orson, inconnu de nos services.
-Bien. L’adresse du garage et le nom du gérant ?

Je me munis de quoi écrire et note les informations que me communique mon collègue. Visiblement, la diffusion du portrait du fugitif commence à porter ses fruits. Mais la prudence s’impose. Les citoyens ont tendance à voir les criminels recherchés partout.

-Je vais voir, merci.

Je raccroche.

Ha, c’était terrible que de s’entendre et se voir agir avec autant de médiocrité ! Grim se maudissait pour cette faiblesse. Rien que d’avoir touché à la drogue c’était une belle connerie ! Il avait dut engloutir une petite fortune au profit des trafiquant et maintenant qu’il était fauché, cela le mettait dans une situation plus précaire encore. S’il continuait dans cette voie, s’il continuait de se faire dicter sa conduite par la sensation de manque qu’il ressentait, il était probable qu’on retrouve son cadavre dans un caniveau d’ici peu. A défaut de pouvoir renoncer à la drogue, Théodore se fit violence pour se ressaisir. Mettre un peu de clarté en son esprit ne fut pas une mince affaire. Il parut réfléchir à la demande de l’inconnu pendant de longues secondes.

Il aurait abordé l’homme autrement s’il avait fait se travail plus tôt. Néanmoins, maintenant qu’il s’était lancé, il était forcé de poursuivre de la même façon sans quoi il pouvait éveiller des soupçons. Cela ne l’empêchait pas de réorienter sa stratégie. Que paraissait désirer cet homme au portefeuille bien fourni ? La demande de Madvati, aussi directe qu’elle ait été, n’avait pas spécialement rebuté l’individu. Ce dernier, sous ses airs retissent, avait bel et bien achevé par une question, une question demandant à quoi était bon l’homme-chat. A ceci s’ajoutait évidement la mise en scène exécutée Chez Mayor. Ce gars n’était pas un maladroit. Non, il avait une idée derrière la tête. D’ailleurs, comme par hasard, il empruntait une ruelle discrète. Grim eut l’amère impression d’avoir mordu à un hameçon. Quoi qu’il en soit, deux cas de figure pouvait se présenter : soit l’inconnu avait vraiment besoin de quelqu’un pour faire une sale besogne et il désirait donc évaluer le candidat, soit l’inconnu cherchait juste à isolée sa proie pour la kidnapper ou l’éliminer ou un truc du même genre.

S’appuyant sur ce constat, l’hybride félin décida de jouer la carte de la prudence. Au bar, selon son propre avis, il avait eu le profile d’une proie, pas celui d’un candidat. Il se contenterait donc du portefeuille.

-Bah… j’sais faire plan de trucs ! commença-t-il à répondre sur le même ton.

Il illustra son propos avec un ample geste. Cela pouvait passer pour une habitude de parler en s’accompagnant des mains comme le font plus d’un grand orateur, mais en réalité, Grim profita de cette gestuelle pour glisser un regard dans son dos. Personne. C’était déjà ça : pas de complice en vu, pas de témoins gênant non plus…

-J’tenais un commerce avant. J’étais rudement bon ! Et puis j’ai fais un tas de magouilles. J’ai des noms, des adresses, des tuyaux...

Il ne mentait pas vraiment mais il se gardait bien d’entrer dans le concret. Il parlait pour qu’on l’écoute, juste pour ça. Un regard devant lui : personne non plus. Mis à part lui et ce type louche, la ruelle était déserte. Elle était également très mal éclairée. L’obscurité était raine. Le chat se sentait donc à son avantage. Lui, il y voyait comme en plain jour. Toujours au profit de sa gestuelle d’orateur, sa main droite s’approcha de sa poche droite.

-Pas mal de savoir faire dans pas mal de domaines, quoi. Et puis je blablate bien aussi. J’fais croire aux gens ce que je veux, c’est utile !

Peut-être se ventait-il sur cette dernière affirmation, surtout compte tenu de la situation, mais là n’était pas la question. La main du chat avait disparu dans sa poche. Elle s’était refermé sur le cran d’arrêt. La suite se passa en un éclair. Alors même que Grim achevait sa réplique, il bondit sur l’homme. Sa main réapparue, accompagné d’un froid déclique. C’était la lame du couteau qui jaillissait. Le félin visa la gorge. Une chose était certaine : il voulait frapper pour tuer. Sa rapidité, sa précision et l’expression de son regard soudainement assassin en disaient bien plus sur lui que ses mots.

[HJ désolé, un peu nul ><. Si tu veux tu peux toucher dim ou le jouer un peu dans le combat, ça ne me gène pas ^^. tant que tu m'arraches pas un bras non plus XD.]

Au chant de l’acier contre l’acier, les masques tombaient. Grim ne fut qu’à moitié surpris de se heurter à la garde de l’intriguant personnage. Ses doutes se confirmaient, en partie tout du moins. Etait-il une proie ou un candidat ? Il n’allait pas vraiment chercher à l’apprendre. Au risque de louper une opportunité, il était toujours fermement décidé à tuer, tuer pour sa survie, tuer pour la liasse de billets dans le portefeuille. Aussitôt, il songea à se dégager, à prendre ses distances. Il se savait trop faible physiquement pour se risquer à un corps à corps prolongé. Il préférait de loin tirer profit de sa grande mobilité afin de harceler. Il effectua un premier bon en arrière, mettent entre lui et son ennemi deux bons mètres. Là, il fut en proie à une hésitation. L’homme, tout en parlant, contre-attaquait. C’était prévisible mais la feinte qu’il commençait à exécuter le rendait si vulnérable que Madvati songea un instant à en profiter. Cet instant d’incertitude fut de trop. Il trahissait sans doute une lacune en matière d’improvisation, à moins que ce ne soit simplement le fait d’une mauvaise concentration. Le chat n’était pas dans son assiette. Toujours était-il qu’il fut prit de court alors qu’il ne l’aurait pas dut. Il exécuta en catastrophe un second bond en arrière. Dans l’air, quelques poils volaient. L’une des lames de l’homme était vraiment passée près, si près d’ailleurs que le bandeau du félin s’en retrouva sectionné. Il tomba mollement sur ses épaules, comme une pathétique petite écharpe. Dans le même temps, la « chevelure » de l’hybride s’abattit devant ses yeux. Le voilà gêné, pas assez heureusement pour être complètement aveuglé.

-Raclure… je vais te saigner comme un porc !

Théodore laissait éclater sa rage. D’une main vive, il mit son bandeau dans sa poche puis il se rua dans une fulgurante attaque directe. Elle fut sans doute trop directe car elle ne donna rien. A nouveaux, le chant de l’acier s’éleva. L’instant d’après, Grim s’était dégagé. Il recula pratiquement jusqu’à se trouver dos au mur. Là, il grogna à la façon du félin qu’il était et secoua rageusement sa tête dans l’espoir vain de chasser ses poils de devant son regard. Tout compte fait, aller chez le coiffeur aurait peut-être été utile. Ce serait con de mourir à cause d’une fourrure trop longue. Se jurant de se donner quelques coups de ciseaux sitôt qu’il en aurait l’occasion, Madvati répondit à la dernière réplique de cet homme au comportement presque dément.

-La dernière fois que j’ai bossé pour un maboule, j’me suis retrouvé à la rue ! Non, stop, j’ai assez donné ! Pour ce fric, j’vais égorger une personne, toi !

Ainsi il était candidat ? Peut-être mais pour l’instant la proposition ne lui plaisait guère. Il se sentait toujours capable de vaincre et c’était l’essentiel. Sa réplique achevée, il passa aux choses sérieuses. Il bondit encore en arrière mais cette fois il se réceptionna sur le mur. Il sembla défier les lois de la gravité en prenant appui et exécutant un saut bien au-delà des facultés humaines. Il se retrouva sur le mur d’en face, à plus de trois mètres de hauteur, pratiquement au-dessus de son ennemi. Là, sans avoir besoin de prise pour se maintenir en place, il lança son couteau, visant la tête de l’homme. La lame fendit l’air à une vitesse folle. La seconde d’après, le chat lui-même plongeait. Qu’il est touché ou non sa cible, il voulait récupérer son arme et prendre ses distances.

Lentement, après son rétablissement au sol qui témoignait comme le reste de l’acrobatie de sa souplesse, Grim se redressa. Il fixait l’arme à feu pointé sur lui. Il hésitait encore à s’avouer vaincu. L’adrénaline avait chassé pour un temps les brumes de son esprit. Ce dernier, de nouveau vif, était redevenu une machine à calcule. Il quantifiait ses chances de prendre de vitesse l’homme. Ce dernier avait déjà fait preuve d’un incroyable talent. C’était presque à croire qu’il vivait pour le simple plaisir de se battre. Il jouait sa vie avec démence. Il était un adepte du « ça passe ou ça casse. » Une chose était sûr, un jour il se louperait, un jour ça allait casser et ce jour là, il trépasserait avant même de s’en rendre compte. Ne serait-ce pas là une fin superbe ? Mais ce soir, non, il ne mordrait vraisemblablement pas la poussière. Il avait prit l’avantage et ne semblait pas du genre à ne pas en profiter. Le chat était fait, il dut bien l’admettre. Lui était plus raisonnable, plus résonnait peut-être également. La fierté ne valait pas un trou dans la cervelle. De plus, l’individu réitérait son offre, disant avec un job pour le félin.

-Ok…ok… t’as gagné, lâcha Théodore, plutôt bon perdant.

Il mit en évidence ses mains afin de joindre le geste à la parole. Son cran d’arrêt était quasiment à ses pieds mais il ne se risqua pas à vouloir le ramasser. Il poursuivit, se voulant calme. Intérieurement, il flippait un peu. Ce gars avait un petit quelque chose de dérangeant.

-C’est quoi ton job ? Si t’es réglo, je le serais aussi. Si tu payes bien, je fais tout ce que tu veux… enfin presque.

Il n’y avait rien de plus à dire, ni à faire, si ce n’était attendre d’en savoir plus. Madvati laissa retomber ses bras le long du corps. Malgré sa crainte, il avait tout de même l’habitude d’avoir un flingue braqué sur lui. Et honnêtement, il avait déjà vécu des situations bien pires que celle-ci.


J’entends la détonation résonner dans le garage. Ensuite, c’est la douille qui fait son petit bruit métallique en heurtant le sol à mes pieds. L’effet est juste superbe. Décidément, ma laideur s’accorde à merveille avec mes manières. Le garagiste est un grand gaillard et pourtant, je le sens prêt à faire dans son froc.

-Mais… mais vous êtes malade ?! se met-il à balbutier.

La balle a frôlé son visage avant d’aller mourir dans le mur de béton. Il a dut sentir l’air siffler à son oreille car il se la touche pour vérifier qu’il ne l’a pas perdu.

-Monsieur, mon temps est précieux, alors je vous serais gré de ne pas me le faire perdre, dis-je, glacial.

Je me complais à jouer le rôle de cet être terrible fait d’inflexible et d’incapable, un rôle qui me va comme un gant. Je poursuis sur ma lancée. Je m’engouffre dans la brèche.

-Je vais vous reposer une dernière fois ma question, monsieur. Je sais de sources sûres que vous avez embauché de manière frauduleuse un mutant répondant au pseudonyme de Grim. Est-ce que la mémoire vous ait revenue ?
-Mais vous êtes qui ? Un mercenaire ? Un flic ?
-Ce n’est pas la bonne réponse. Dommage.
-Attendez, attendez ! Oui c’est vrai, ce type a travaillé pour moi aujourd’hui. Voilà, vois êtes contant ?

Il cherche à sauvegarder sa fierté mais il n’en mène pas large. Il est pathétique.

-Reviendra-t-il demain ?
-Non, j’crois pas. Il a pas arrêter de râler en disant qu’il était pas fait pour la mécanique à cause de ses poils. Faut dire qu’il s’est sacrément sali.
-Savez-vous où il loge ?
-Nulle part. Il est à la rue. J’crois pas pouvoir vous en dire plus. On a pas discuté des masses tous les deux.

J’hésite un instant à continuer à le questionner mais je crois qu’il est sincère. Il a eu si peur… Je rabaisse mon arme et je la range.

-Ce sera tout.

Je tourne les talons et je me dirige vers la porte. Alors que je franchis cette dernier, je jette par-dessus mon épaule un billet vert. Il plane en zigzag à la façon d’une feuille morte.

-Pour le dérangement… je dis en disparaissant.

Grim, droit, détendu, observait de son jaune regard les agissements de l’homme. Il ne perdit pas un détail. Il nota notamment le sang effacé sur la lame du couteau avec aisance. Il constata aussi l’étrangeté des ombres de ce manteau dans lequel avait disparu le pistolet. Il ne parvenait pas à percer le regard de l’individu, lui-aussi perdu dans l’ombre. Humain ou mutant ? Pour lui, il n’y avait déjà plus de doute. Les artifices de Dimitry pouvait passer inaperçu face à des yeux ordinaires mais il en allait autrement face à des yeux félin, aussi attentifs qui plus est. Sans le savoir, il s’était déjà trahi. Théodore vit le sourire bien sûr, et l’expression qui allait avec, il entendit les mots. Et plus cela allait, plus il se disait avoir affaire à un dément. Cela le dérageait. Il préférait de loin les employeurs d’aplomb car il ne savait que trop bien où pouvait mener des associations douteuses. Il avait déjà tout perdu à cause du Violoniste. Enfin, tout, non, il était encore en vie et c’était l’essentiel. Il tenait à le rester aussi longtemps que possible. A présent, il avait l’argent en poche, une belle somme. C’était déjà ça. Quand il répondit, ce fut avec une assurance déconcertante.

-Effectivement, ton discours, je l’ai entendu souvent. Alors ne gaspille pas ta salive en paroles inutiles. Avec moi, va droit au but. Tu gagneras du temps et peut-être que tu seras plus convainquant.

Sur ce, sans brusquerie, le chat s’empara de son cran d’arrêt et, bien en vu de l’homme, il remit en place la sécurité. Son ouïe était aussi fine que son regard perçant. Il avait constaté l’omission qu’il supposait volontaire et par ce geste de rectification il faisait une petite démonstration d’attention. Non, il n’était pas de ceux qu’on trompait avec aisance. Il remit en place l’arme blanche et reprit la parole.

-Je me surnomme Grim. Puisque tu me le demandes, beaucoup d’armes sont passées dans mes mains : pistolet, fusil à lunette, explosifs… Je suis quand même plus doué pour l’élimination rapide et discrète que pour la destruction de masse. J’ai pas le gabarie d’une armoire à glace, tu vois. J’peux espionner et surveiller pour toi. J’peux intimider et humilier aussi. Délivrer des messages, saboter, chercher quelque chose… j’peux en faire des trucs. Sache quand même que ma tête est mise à prix. Le BAM me recherche parce que justement, mon ancien employeur était un connard imbu de lui-même, incapable de mesurer les risques. J’te jure que si t’es comme lui, j’te lâche illico presto.

[I]Madvati s’était éloigné de l’homme. Tourné face à lui, il l’avait menacé de son index griffu. Il avait perdu l’affrontement mais semblait ne plus en prendre compte. Il traitait avec l’individu sur un pied d’égalité. En un sens, cela montrait qu’il avait du cran, beaucoup de cran. Car il en fallait pour se comporter ainsi face à cet homme étrange emprunt d’ombre et de folie.

-Et toi, toi qui joue avec les ombres et qui cherche à le cacher, toi qui veut te faire passer pour homme et qui efface jusqu’à la moindre trace de son passage, comment je dois t’appeler ?

Et tac ! Voilà un nouveau message fort envoyé à l’individu. Grim n’était assurément pas le plus grand es combattant mais il devenait très clair qu’il était doué d’un sens de l’observation et de l’analyse assez remarquable. Dimitry avait mis la main sur quelqu’un d’exception. A mille lieux d’être un vulgaire hybride, Théodore avait bien des atouts.


Je pousse la porte de Chez Mayor. La petite clochette s’anime, annonçant mon arrivée. Quelques visages se tournent vers moi. Je retiens un peu l’attention mais pas tant que ça. Ici, les mutants sont nombreux et ma laideur passe plus inaperçu. Evidement, tout le monde me prend pour un mutant, ça je le sais bien et d’ailleurs, j’en ai tiré profit à plusieurs reprise. Je m’avance droit vers le comptoir. Madame Mayor est là, elle me voit venir. J’ai déjà entendu paré d’elle. On la soupçonne d’être détentrice du gêne X et son nom semble lié à bon nombre d’affaires. Elle a des contacts, des alliées, des soutiens. C’est, je peux aisément le supposer, une figure importante du Bronx. Peut-être qu’un jour, le BAM s’occupera d’elle, encore que j’en doute un peu. Elle est rusée même si on ne le voit pas forcément au premier regard. Elle a déjà vendu des infos aux autorités en échanges de leur bienveillance. Elle ne balance pas tout, seulement ce qui l’arrange. Alors je tente ma chance.

Je m’accoude au comptoir et, pour la forme, je commende une bière. Sitôt Gertrude à proximité, je m’adresse à elle à voix basse.

-Un mutant à l’apparence féline. 1,20 m, gros, un pelage raillé gris et noir, yeux jaunes, il répond au surnom de Grim ; vous l’avez vu récemment ?
-Vous êtes flics ?
-Je suis du BAM.

Je joue la carte de l’honnêteté. Je sais que je peux me le permettre avec elle et qu’elle devrait apprécier. Visiblement, j’ai eu raison.

-C’est possible, fait-elle avec un sous-entendu évident.

L’air de rien, je fais glisser quelques billets verts sur le comptoir. Il y a bien plus que le prix de la bière. Elle hésite un peu. Elle doit vouloir plus d’argent. Alors j’ajoute :

-Plus la prime s’il est arrêté grâce à vos informations, cela va de soit.
-En liquide et discrètement dans ce cas, monsieur l’agent.
-Alors ?
-Vous l’avez raté de peu. Il était là mais un type l’a accosté. Le type est sortit, le chat l’a suivit. Si vous vous dépêchez, il est peut-être encore dans les parages.
-Merci.

Je sors sur bar, la bière en main.

Il faut croire que j’ai un don pour arriver quand on me désire le moins. L’espace d’un instant, pensée fugace, je me mets à la place des criminels que je traque et qui me voit apparaitre tout d’un coup au pire instant. J’ai en mémoire quelques visages qui se décomposes, quelques espoirs qui se brises. Je n’en tire aucune satisfaction. C’est juste un fait. Pour l’heure, je chasse cette intolérable réflexion. Rien ne doit interférer avec ma mission. J’ai retrouvé la trace de Grim. Je l’entends discuter dans la ruelle avec quelqu’un d’autre. Ainsi Gertrude Mayor ne m’a pas menti. Intéressant. Je ne me montre pas. Ecouter peut se révéler très instructif. L’autre individu m’intéresse presque autant que le fugitif. Je viens d’apprendre de lui, d’après les dires du chat, qu’il joue avec les ombres et efface toutes les traces après son passage. Encore un instant et un pseudonyme tombe : Black. Peu après, le duo de mutant s’apprête à sortir de la ruelle. Je les attends mais je me dois d’être prêt.

Je suis un homme qui va s’opposer à deux mutants. Je n’hésite pas longtemps avant de me saisir d’une seringue provenant de ma sacoche. D’une main, je repousse ma veste. J’ai tant l’habitude de la manœuvre que je m’administre l’injection à travers la chemise. Ceci fait, je replace la seringue vide dans ma sacoche tout en réajustant ma veste. Enfin, j’attrape mon arme de service.

Black est le premier à émerger de la ruelle. Il est le premier à me voir sitôt après qu’il est bifurqué. Je suis là, non loin de lui, face à lui. Dans la pénombre nocturne, je sais que je peux aisément impressionné. Je suis plutôt grand, je suis parfaitement droit. Je porte un costume noir dont on remarque principalement la longue veste. Elle me donne une certaine élégance. Je suis botté et ganté de cuir sombre. Mon visage contraste par la blancheur de ma peau. La nuit, nul besoin de porter un chapeau. Mon crâne ridé ainsi dévoilé n’en est que plus laid. Quand on me voit pour la première fois, non ne pense pas à un agent. Non, on me prend toujours pour un criminel ou tout du moins un mercenaire. Je n’ai vraiment pas la tête de l’emploi. Dans mon poing droit, il y a mon pistolet, un gros calibre.

Je ne dis rien. Je pense que Grim va me présenter de lui-même. Alors je me contente d’observer Black de mon regard d’acier. Sur mon visage est affichée une froide neutralité, le visage du tueur. A son tour, l’hybride quitte la ruelle. Mon regard tombe sur lui. Lui me voit et se fige.

-Merde, fait-il.
-Bonjours messieurs, dis-je à mon tour. Je m’adresse au deux.

Ma voix est à l’image de mon regard, glaciale mais si calme. Le félin semble déjà vouloir partir. Je me suis trompé, il ne va pas plus parler. Il me faut le faire à sa place.

-Je me présente : agent Wells du B.A.M.. Enchanté de vous revoir, monsieur Grim, et de faire votre connaissance, monsieur Black.

Difficile d’être plus sarcastique. Je soigne mon effet. Je continu sur ma lancée.

-Comment procédons-nous ? Allez-vous être raisonnable et me suivre. Ou allons-nous tomber dans le laçant jeu du policier et des voleurs ? Me concernant, j’ai toute la nuit devant moi s’il le faut.

Grim, que je devine de nature moqueuse, semble sur le point de répliquer mais il s’abstient. Il m’observe autant qu’il observe Black. Il n’a vraisemblablement pas encore choisi sa stratégie.

Ce fut pour le moins rapide. Bien que blessé, Blake grâce à l’usage de ses dons mutants, s’était volatilisé. Et évidement, Grim n’avait pas demandé son reste, il en avait profité pour filer à l’anglaise. Sitôt émergé de l’irréelle obscurité, j’ai quitté ma position défensive que j’avais immédiatement adoptée après avoir porté mes attaques au corps à corps. J’ai braqué mon arme dans les divers directions où les fugitifs auraient put partir mais je ne les ai pas aperçu. Dresser l’oreille pour tenter de percevoir des bruits de pas précipités ne fut pas d’avantage fructueux. Alors, lentement, j’ai abaissé mon arme. L’idée d’entamer une poursuite m’efflora l’esprit mais je l’ai vite balayé. Autant Grim que Blake devaient mieux connaitre le Bronx que moi. J’ai vu dans quelle direction l’homme-chat s’était enfuit mais il comptait déjà une confortable avance. Même en supposant que son collègue l’avait rejoint, mes chances de les retrouver étaient minces, voir nulles. Je me suis donc rapidement décidé à me contenter de ce que j’avais obtenu : des informations utiles pour les dossiers du BAM et, cerise sur le gâteau, des échantillons de sang, don cd’ADN, que je me suis empressé de récupérer. Il se trouve que ma maladie me pousse à avoir constamment sur moi quelques outils bien utiles pour m’acquitter de cette tâche délicate. Ce fut rapide. Bientôt, je me redresse, l’échantillon en poche, bien en sécurité dans l’emballage plastifiée prévu à cet effet. Sans un mot, j’ai tourné les talons et quitté la rue. Mon enquête était loin, très loin d’être achevée.


L’hybride chat, certes méfiant, avait suivi à la lettre les instructions de Blake. Le voilà à présent accroupis au côté de son employeur. Il dressait l’oreille, il scrutait la ruelle… cinq bonnes minutes passèrent. Aucune trace de l’effrayant agent Wells. Passé ce délai, le félin brisa le silence. Il s’exprima à voix basse tout en s’installant plus confortablement.

-Ce type, cet agent Wells, a arrêté mon précédent employeur. Ce dernier était pourtant un mutant plutôt redoutable. Il était capable de vampiriser la jeunesse des gens pour rallonger sa propre existence et accroitre ses facultés. Bref, maintenant il doit croupir dans la prison du BAM.

Madvati observa une petite pause. Il observait Dimitry que cet événement imprévu lui avait permis de mieux juger. Son nouvel employeur était doué de compétences très intéressantes mais il semblait avoir le même défaut que le Violoniste. Cette balle dans l’épaule n’était pas une mauvaise chose. Peut-être aiderait-il Blake à se rendre compte qu’à force de jouer avec sa vie, on finissait par la perdre. Un grand potentiel ne dispensait pas de lucidité. Mais Grim n’était pas là pour faire la morale à qui que ce soit. Son idée, il s’était contenté de la sous-entendre. A son employeur d’être à la hauteur, il n’allait pas l’aider. Lui, son rôle, c’était de rendre des services, voilà tout. Du moment qu’il était payé, du moment qu’il ne prenait pas lui-même de risques excessifs, tout lui allait bien. En attendant, il avait une furieuse envie de retourner « Chez Mayour » pour y acheter sa drogue et enfin avoir le loisir de déconnecter. La sensation de manques, qu’il était parvenu un temps à combattre, avait profité de cette attente silencieuse pour revenir en force. Grim tremblait, il avait de plus en plus de mal à le cacher et ça l’ennuyait. La dépendance à la drogue, c’était une faiblesse qu’il aurait préféré gardé secrète. L’air de rien, il reprit.

-Bref, en tout cas, sympa ton pouvoir. A présent, c’est quoi la suite du programme ? On pourrait retourner Chez Mayour, non ?

-Rien, me faut rien, répliqua Grim avec une agressivité mal dissimulée.

Il niait l’évidence mais la perspective d’exposer cette faiblesse à son nouvel employeur lui était tout simplement insupportable. Restait à savoir qui, de cette perspective ou de la sensation de manque toujours plus forte, seraient le plus insupportable. Ses tremblements, de moins en moins discrets, lui donnait un aspect maladif. Son regard, également, pouvait le trahir, peut-être encore avec d’avantage de netteté. Voilà bien pourquoi il détourna le visage pour faire comme s’il se replongeait dans l’observation de la ruelle en contrebas. Wells, il ne s’en méfait plus. Il se contentait de l’exécrer. Non contant de l’avoir mis à la rue, l’agent du BAM le privait à présent de son injection salvatrice ? Ha, s’il pouvait… s’il pouvait il lui ferait payer ! Dans une vaine tentative pour penser à autre chose qu’à son mal être, l’hybride chat répondit à la première question de Blake.

-Ouais, j’l’ai déjà rencontré ce Wells de malheur. J’tenais alors un magasin de jouets, une p’tite affaire qui marchait bien. En fait, c’était surtout une couverture pour mes magouilles mais moi, au moins, je savais être discret. Personne ne soupçonnait rien ! J’étais un putain de citoyen model américain… ou presque. Si tu veux tout savoir, mon précédent employeur, il se surnommait le Violoniste. Il a plus de 300 ans et vu ses manières de tapette, il était issu d’un milieu aisé, très aisé même. Du fric, il en avait le gars et pas qu’un peu. Bref, un employeur plain au as qui payait grassement, que demander de plus ? Je devais l’aider à camoufler ses crimes, à lui trouver des coins discrets. Je me débarrassais des cadavres aussi. Au début, ça marchait du tonnerre de dieu. Sauf qu’évidement, le Violoniste, du haut de ses 300 ans et de son égo surdimensionné, il m’écoutait pas, il prenait pas en compte mes conseils. Il a fait un faut pas, c’était inévitable, et il m’a entrainé dans sa chute.

Le félin marqua une pause. Il se força à se remémorer la scène. Il revit le Violoniste, il revit Icare, il revit Wells… Pour lutter contre ses tremblements qui commençaient à agiter ses mains, il crispa ces dernières l’une contre l’autre.

-Le Violoniste a voulu utiliser l’entrepôt de mon magasin pour vampiriser une nouvelle victime. Pas de bol, le BAM était sur le coup. Wells a débarqué dans ma boutique, avec des flics en civils. Il n’y avait alors aucune preuve contre moi mais en trouver allait être un jeu d’enfant. Et en attirant le regard du BAM sur moi, c’est toutes mes magouilles qui allaient être mis à jour. J’me suis enfuis. J’ai tout perdu à cause DE CE CONNARD !!!

Les derniers mots, Théodore les avait presque hurlés. Au fur et à mesure de son récit, on avait sentit sa colère monter, colère rendu plus vive par son mal être. En guise de conclusion, il envoya contre le béton un coup de poing qui ne manqua pas de lui faire mal. Brusquement, il refit face à Blake et le pointa d’un indexe tremblant.

-J’espère que ton égo, toi tu arrives à le plier en quatre dans ta poche ! T’as l’air intéressant Blake, mais en voulait faire le malin, tu t’es déjà pris une balle. J’t’avertis, à la prochaine connerie, fait une croix sur mes services.

Il était clair que le manque de drogue rendait Grim beaucoup moins diplomate. Ceci dit, il arrivait encore à garder à peu près la tête sur les épaules. Il exprimait des pensées non troublées d’une façon excessivement directe. Dimitry ne paraissait plus être pour lui un véritable employeur, avec le lien de subordination qui va avec, mais un simple collaborateur qui devait être mis à l’épreuve.

-Bon, j’vais pas passer la nuit là, perso.

Sur ce, il bondit dans le vide. Son don, son altération de la gravité, lui permettait de ne pas se soucier de la hauteur. Il aurait très bien put faire de même du toit d’un gratte-ciel ou même depuis un avion. Pour lui, le parachute était totalement inutile. Avec légèreté, il se réceptionna dans la ruelle. Là, il reprit.

-Au fait, faudra qu’on se trouve un moyen de communiquer facilement. Ce sera plus pratique.

Il avait dans l’idée, à présent, de partir et de se procurer seul sa drogue dont il avait tant besoin.