Entre bêtes à poils (Le fauve)

-Woâh ! C'est vachement grand, ici !

Pour la première fois depuis qu'elle était élève à l'institut Xavier, Neko venait de mettre les pattes dans la bibliothèque du manoir. Pourtant, elle aurait dû y venir plus souvent comme elle aimait lire, mais en général elle aimait surtout les mangas et les romans, choses qu'elle n'imaginait pas trouver ici. Elle prit son sac de cours à la main et s'avança entre les grandes étagères. C'était vraiment gigantesque, il y avait des bouquins sur tout, là dedans, surtout des ouvrages scientifiques, hélas. Elle serait sans doute déjà venue en consulter pour préparer ses interros si elle avait été une élève attentive. En fait, si elle était là, c'était parce que ce matin avant d'aller en cours elle était allée parler au professeur Xavier pour lui parler du cas de Vermine. Le professeur n'avait pas semblé vraiment opposé à ce que l'enfant-rat revienne à l'institut, sans doute avait-il vu à quel point elle l'aimait. Mais il avait tout de même posé quelques conditions, comme travailler plus sérieusement en cours, arrêter ses conneries (elle avait déjà fait plusieurs fois le mur pendant la nuit et même volé des trucs), et aussi donner quelques coups de main à l'Institut. C'est pour ça que cet après-midi, après les cours, elle était venue à la bibliothèque pour aider le professeur McCoy à refaire le classement de la bibliothèque. Elle n'avait jamais rencontré le professeur, juste lu et entendu son nom. D'après ce qu'elle savait, il enseignait les sciences, matière dont elle n'avait pas besoin pour ses études de cinéma audiovisuel.

-Professeur McCoy ? Youhou ! Vous êtez là ?

Et voilà une nouvelle semaine qui commençait : elle s'annonçait difficile.
Tous les six mois, je faisais l'inventaire de la bibliothèque, de ces immenses rayonnages qui croulaient sous les livres. A vrai dire, je me demandais comment est ce que nous allions faire tenir les nouveaux romans que nous avions reçu sur les étagères. Je me déplaçais dans les rayons, histoire de me faire une idée de ce que j'allais avoir à faire comme travail : il faudrait que j'aille parler à Charles de cette histoire de place.
Aujourd'hui, j'avais l'aide d'une demoiselle qui s'appelait Neko. Je ne l'avais jamais rencontré mais un des professeurs m'en avait parlé dans je ne sais plus quel contexte et on m'avait montré une photo de la jeune fille : une hybride chat. Elle devait m'aider à ranger une bonne partie de cette pièce.
Je baillais et d'un pas nonchalant je me dirigeais vers le bureau. A cette heure, il n'y avait presque personne. Je jetais un coup d’œil à ma montre : il fallait que je me dépêche si je voulais que tout soit prêt pour son arrivée. Une fois les feuilles imprimées, je descendis pour ouvrir la porte et laisser un mot sur l'étagère qui se trouvait juste en face. J'écris du mieux que je pus :

« Bonjour Neko,
Je suis enchanté de te rencontrer.
Lorsque tu arriveras, peux tu fermer la porte à clé et mettre le trousseau dans ta poche. Une fois cela fait, je te laisse retourner ce papier pour suivre la suite des instructions !
Bonne chasse aux trésors.
Le professeur McCoy. »

Et je partis.
Lorsque la voix de Neko retentit, je souris. La chasse commençait. En espérant qu'elle joue le jeu, la partie promettait d'être amusante.
J'avais plus ou moins compris qu'elle était là pour qu'un rat hybride revienne à l'institut : si mes souvenirs étaient bon, ce garçon s'appelait Ernest. Mais ce n'était pas la préoccupation du moment : j'avais l'intention que cette soirée soit inoubliable pour la jeune fille. Elle avait des tâches à faire, autant que cela soit fait dans la joie et la bonne humeur, et surtout, qu'elle reparte en ayant appris quelque chose.
J'espérais qu'elle avait trouvé mon message. A ce stade là, elle devrais être en train de lire le verso du message. Enfin, je l'espérais.

« Neko,
Une carte de la bibliothèque se trouve sur une des cinq étagères se trouvant devant toi. Elle s'est glissé dans un livre de voyage et notre ami Gulliver pourrait te montrer la voix.
Sur cette carte sera indiqué un emplacement, je t'attends là.
A tout de suite.
Le professeur McCoy. »

Je m'assis sur le fauteuil et attendis patiemment l'arrivée de mon élève.

Personne ne répondit.

*Il n'est peut-être pas encore là.* se dit-elle

Elle renifla un peu l'air. La bibliothèque sentait un peu le renfermé, comme toutes les bibliothèques, mais il flottait aussi un tout autre parfum, plus musqué. Une odeur...bah...de fauve ! Difficile de dire pourquoi ça sentait comme ça dans la bibliothèque d'une école, mais en tout cas ce n'était pas rassurant. Elle ne mit pas longtemps à trouver le mot sur l'étagère d'en face. Elle le prit et lut. C'était bizarre. Pour tout dire, aujourd'hui, en faisant un travail de classement avec un professeur de l'Institut, elle ne s'attendait pas à devoir jouer au chat et à la souris. Elle ferma donc la porte, mit les clés dans sa poche et retourna le papier. Un livre de voyage ? Gulliver, hein ? Les voyages de Gulliver, elle n'avait jamais lu le bouquin, mais connaissait de nom. Maëlys posa donc son sac près de l'entrée et se mit à chercher dans lesdites étagères, en commençant par le bas. Bien sûr, le livre recherché n'était pas à un niveau où elle aurait pu l'attraper du haut de sa taille de puce. Elle sortit ses griffes, et escalada les rayonnages, priant pour que le meuble soit assez lourd pour ne pas basculer sous son poids. Après quelques recherches en altitude, elle trouva enfin son affaire : une vieille édition reliée cuir des Voyages de Gulliver.

-Trouvé !

Sans lâcher prise, elle prit le livre et en sortit un papier plié. Elle remit délicatement le livre à sa place (en prenant soin de ne pas se casser la gueule), et redescendit avec la carte. Une fois le sol sous ses pattes, Neko ouvrit la carte.

*Finalement, c'est moins grand que ça en a l'air !*

Elle trouva l'emplacement marqué au stylo et commença par essayer de voir où elle était avant de bouger. Une fois sa position localisée, elle put déduire le trajet qu'il lui restait à faire, et sans attendre s'élança à la recherche du prof perdu. Courant à quatre pattes pour aller plus vite, elle zigzagua entre les rayons et rapidement arriva à destination. Quand au coin d'une étagère elle tomba nez à nez avec une grosse bête bleue tenant à la fois du singe et du félin assise nonchalamment dans un fauteuil, elle eut d'abord un peu peur. Stoppant net, elle recula en feulant, le poil hérissé. Puis, le choc de la surprise passé, elle se calma et se releva, pour finalement se fendre d'un large sourire. Maintenant elle comprenait pourquoi le professeur Xavier l'avait envoyé ici et pas ailleurs.

-Bonjour, professeur McCoy.

Mes yeux se rouvrirent lorsque Neko me salua : ses instincts primitifs avaient laissé place à son humanité lorsqu'elle s'était habitué à ma présence. Je souris et, sans un mot, l'invita à prendre place sur le fauteuil se trouvant juste en face du mien. Je croisais ensuite mes doigts, et plantais mon regard dans le sien :
« Es tu prête ? »
Je mis mes lunettes et d'un ton neutre mais les yeux emplis d'une flamme qui montrait que j'étais motivé et sur de moi, je continuais :
« A partir de maintenant, tu viendras passer toutes tes soirées libres à m'aider à différentes tâches jusqu'à ce que tu sois prête à continuer à avancer sans moi. Ne joue pas avec le feu, Neko, je saurais bien assez vite si tu me mens sur les disponibilités de tes soirées. Sois franche avec moi, je le saurais avec toi !
Toi et moi nous savons pour quoi et qui tu es là. Toutefois, es tu venue pour lui seul ? Je ne te demande pas de répondre à cette question tout de suite, nous aurons bien assez de temps pour apprendre à nous connaître plus amplement lorsque nous travaillerons ensemble, et à trouver ce que tu es venue chercher.
Je ne te le cache pas : j'ai une méthode d'enseignement un peu... disons, particulière mais elle s'adapte à l'élève que j'ai en face de moi. Néanmoins, je te laisse le choix : partir ou rester. Si tu pars, je demanderais au professeur Xavier de te trouver un autre mentor, si tu restes, il ne sera plus possible de reculer lorsque nous aurons commencé.
Un jour, il faudra arrêter de se chercher, et d'accepter pleinement ce que nous sommes, Neko... »
Seules mes lèvres avaient bougé durant cette tirade dure mais véridique.

Je sortis une enveloppe de ma poche : elle était un peu froissée et sentait le mystère à plein nez. Je la laissais lentement glisser sur le sol en direction de mon interlocutrice et lorsqu'elle fut à ses pieds, je me levais, et lançais avant de partir :
« Si tu me suis, ouvre l'enveloppe, elle te permettra de te préparer à la tâche que nous allons accomplir ce soir. Si tu retournes voir le professeur Xavier, tu as le trousseau de clés dans ta poche : tu le laisseras sur la porte, j'irais le récupérer plus tard dans la soirée et tu laisseras l'enveloppe sur ton fauteuil. »
Je me faufilais entre les étagères, faisant des tours et des détours pour que, si elle décidait de me suivre à l'odeur, bon nombre d'allées puissent témoigner de ma présence.
Au dos de l'étui qui contenait le message, j'avais noté :
« Je me suis mis d'accord avec moi même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible ! » Eugène Frometin.

-Qwâ ?

Maëlys eut un peu du mal à comprendre le discours du professeur McCoy, mais il avait l'air de savoir, lui. Il était question de Vermine, et de chercher quelque chose... Elle ramassa sans se démonter l'enveloppe que le fauve avait simplement laissée tomber par terre.

-Si tu me suis, ouvre l'enveloppe, elle te permettra de te préparer à la tâche que nous allons accomplir ce soir. Si tu retournes voir le professeur Xavier, tu as le trousseau de clés dans ta poche : tu le laisseras sur la porte, j'irais le récupérer plus tard dans la soirée et tu laisseras l'enveloppe sur ton fauteuil.

Ensuite, il repartit à travers la bibliothèque se cacher on ne sait où. Neko essaya d'abord de remettre à l'endroit les dernières informations qu'elle avait dû emmagasiner. Pour une entrée en matière, c'était une drôle d'entrée en matière. Finalement, c'était rigolo. Elle ouvrit donc l'enveloppe, pour sauter dans le trou avec le lapin blanc.

« Je me suis mis d'accord avec moi même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible ! » Eugène Frometin.

Ouais, c'était fun, mais en fait ça voulait dire quoi ? Sans trop comprendre, Maëlys parcourut la bibliothèque en cherchant un bouquin d'Eugène Fromentin. Un peintre et écrivain français, si c'était pas un clin d'oeil... Mais elle avait beau chercher, sans indications et avec les rayons en désordre, c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

"Bon, je fais quoi, là ? Je trouve paaaaaas ! lança-t-elle en espérant être entendue du professeur. Siouplais, je peux pas avoir un indice ? Juste un p'tit, un tout p'tiiiiit !"

Non, les énigmes c'était pas son fort à la féline. Elle qui était au départ là pour un simple travail de classement... Mais elle n'était pas non plus du genre à abandonner, et le trousseau de clés était parti pour dormir encore un moment dans sa poche.