Face à face imbibé [PV]

Y avait-il en cette ville bar plus sordide ? On était en droit de se le demander. Relégué dans les tréfonds de la cité, presque caché au détour d’une ruelle non moins sinistre, le commerce était là avec sa porte branlante et ses vitres sales. Bien malin celui qui était encore en mesure de lire le nom effacé sur la pancarte tenant au mur par dieu sait quel miracle. Ainsi ce bar demeurait anonyme, « le bar sans nom ». Quelque part, c’était mieux comme cela, donnant au moins à l’affaire un brin de mystère. Sitôt la porte franchie, on se retrouvait dans la pénombre et la fumée ; la pénombre car sur les quatre néons chargés de l’éclairage seuls deux fonctionnaient encore ; la fumée car ici le respect de la loi antitabac était digne d’une utopie. Le barman était à l’image de sa clientèle, patibulaire. Ce lieu était un repaire de fripouilles, de misérables, d’escrocs, de criminels.

Au dehors, c’était la nuit noire. La vielle horloge murale, un objet qui sans payer de mine devait avoir une certaine valeur sous sa couche de poussière et de crasse, affichait onze heures passée. Ce n’était toujours pas assez tard pour que la grande salle se vide. Elle résonnait du vacarme des bavardages enflammés et des rires gras. Pas de bagarre ce soir, étrange. Pourtant l’alcool coulait à flot. L’alcool, justement, c’était la raison de la présence d’Ernest. L’enfant-rat ne pouvait pas dire qu’il en manquait. Cérès pourvoyait à ses besoins. Non, c’était autre chose qui lui manquait. Sans trop savoir quoi, il avait quitté la Confrérie et avait laissé ses pas le guider. Le voilà ici. Malgré sa mémoire envolée, il avait la conviction qu’il connaissait bien ce lieu et sitôt qu’il eut passé la porte, il comprit ce qu’il était venu y chercher : son ambiance inimitable. Boire en un pareil endroit était délectable. Alors, il était bien décidé à boire.

La présence d’un mutant dans ce lieu dépravé n’était pas un événement mais plutôt une banalité. Vermine passa inaperçu, d’autant plus que beaucoup le connaissait de vue. Il ne suscitait même plus la moindre question chez les autres. L’envie de les questionner afin de tenter de remédier à son amnésie ne lui traversa même pas l’esprit. Il se sentait bien ainsi, c’était ce qui comptait. Il prit place au fond, dans un angle sombre. Il était si petit qu’au lieu de s’assoir, il s’accroupit sur la chaise afin de gagner quelques centimètres plus qu’appréciables. Il portait une curieuse tenue d’un vert uni constituée d’un t-shirt, d’un short et d’un veston. Le tout semblait propre et relativement neuf. Cependant, l’hybride rat sentait la sueur et le fauve. Il était pieds nus. Peu de chaussures étaient adaptées à ses pattes griffues. Du coup, ces dernières devenaient vite affreusement sales, un témoignage de l’état de nos villes. A ceci s’ajoutait un poil quelque peu gras. Bref, le garçon mutant donnait de lui une impression mitigée. Il était négligé, c’était certain.

Devant lui, un verre, une bouteille : de la vodka. Il avait de quoi en payer bien d’autres. Le verre, il l’avait déjà vidé deux fois. Il se resservit, en silence, avec calme. Personne n’était assis à ses côtés, pour l’instant. Alors, d’un regard rêveur, il observait les autres. Son visage apaisé contrastait avec la situation. Ce n’était pas un être banal.

Quelqu’un allait-il lui tenir compagnie ? Si c’était le cas, l’expérience ne manquerait pas de piments.

Sujet: Re: Face à face imbibé [PV] Sam 26 Nov 2011 - 20:37

Un concert de malade !

J'étais dans un état d'euphorie et d'extase le plus total. Jamais, je crois bien, même dans mes souvenirs les plus lointains, je n'avais donné un concert aussi dément. Va sérieusement falloir que je revienne en donner un dans ce p*tain d'bar de New-York ! J'sais même déjà plus son nom, et ça, ça craint un max quand même. Faut dire, j'ai plus les idées très claires à une heure si tardive de la nuit. J'ai chiqué comme pas deux pendant le concert, vidant sans compter des pintes et des pintes de bière entre chaque chanson, sans compter toutes celles que l'ont m'a offerte avant et après. Bordel. Je sais plus trop où donner de la tête là.
J'viens de laisser tomber ma bande, sous prétexte que je devais rentrer à l'institut, enfin, chez moi... Car trop crevée, et parce que demain, soit disant j'ai un truc méga important à faire... Bien sûr, ils m'ont pas cru, mais m'ont laissé partir quand même sans rien vraiment demander. Ils le savent de toute manière que je suis... une mutante. Je remercie le ciel de m'avoir donné une équipe dans laquelle je puisse avoir pleinement confiance. Enfin... On est jamais trahi que par les siens comme on dit... Bref. J'ai attrapé ma veste en cuir noir et j'suis sortie quasiment en trombe par la petite porte de service, derrière le bar. Et j'ai vomit. A côté d'une poubelle où un rat et un chat prenaient la fuite... Oui, ba, c'est ce qui arrive quand on fait trop de mélange ! Et j'suis loin d'être infaillible.

Bref... J'avais décidé de rester dehors encore quelques instants. Pour prendre l'air, réfléchir et surtout me ressaisir. Je pouvais pas rentrer dans cet état à l'institut, même s'ils sont habitués, à force. Le pire dans tout ça, c'est que je savais pas vraiment où je voulais aller, alors je marchais, tandis qu'un certain mal de crâne commençait déjà à me marteler les tempes. Tout en marchant vers je ne sais où, je plongeais mes mains dans les divers poches de mon jean, complètement déchiré à des endroits stratégiques soit dit en passant, mais aussi les poches de ma veste pour trouver, comme si ma vie en dépendait mon paquet de cigarettes dont je ne me sépare jamais, en théorie. Quelques minutes plus tard, je le trouvais dans la poche de mon sweat... Le zippo quant à lui, était définitivement porté disparu. Help please... Clope au bec mais sèche, je déambulais dans les rues New-Yorkaise sans grande conviction. Aucun badaud auquel je demandais du feu ne me répondais par la positive. Bande de nazes. Personne fume à New-York ou quoi ? Ou alors m'a tête ne leur revient pas. Du coup, j'en profitais qu'une vitrine se présente à moi pour me mirer de tout mon être.

"P*TAIN !!"

Cet électrochoc. J'ai vraiment une tête de déterrée. J'comprends pourquoi les gens passent leur chemin. J'ai le teint livide, les yeux noirs, l'air aimable comme une porte de prison, jean déchiré,veste trop courte, string rouge apparent... On dirait une saloperie de junkie qui cherche sa dose. Les tatouages et les piercings n'aidant en rien... J'hausse les épaules. Rien à foutre. Je reprends ma route, cherchant une ruelle sombre, un truc glauque, y aura forcément des clochards qui se réchaufferont autour d'une poubelle flambante, je pourrais y cramer ma clope. Au final, je me rends même pas compte que je me dirige dans le Bronx. Peu importe, on risque pas de m'agresser, d'me regarder d'travers uais, surement. J'entends du bruit, des bruits de bouteilles qu'on cognent, des rires, des engueulades... J'entends les bruits d'un squatte et... je vois la lumière au bout du tunnel. La lumière salutaire qui viendra enflammer le goudron qui coulera dans mes poumons pour construire la route du Paradis. Aha. Qu'est-ce que je peux penser comme conneries quand j'suis à l'ouest. Je m'approche, dégaine se voulant rassurante, sociale, salut j'cherche pas la merde. C'est qu'un groupe de jeunes en fait, qui écoutent du rap, berk. Mais oké.

"Yop les d'jeunes, j'peux vous taxer un peu d'feu pour ma clope ?

Ils acquiescent, non sans quelques réflexions des plus romantiques et sexistes. Oké, clope allumée j'me tire, j'ai repéré un bar dans l'coin, on peut même pas y distinguer son nom, mais bon, je m'en fiche, tant que j'peux m'changer les idées. J'connais absolument pas ce bar, c'est justement une bonne occasion d'faire connaissance, son zinc et moi. J'pousse les portes du bar, c'est limite si elles tombent pas au moindre pas qui fait trembler le plancher. Bar miteux. Y a pas à dire. L'ambiance me va. J'aime même, presque. Y a trop d'bouseux, j'passerais inaperçue, j'suppose. Le most dans tout ça, c'est que j'peux garder ma p*tain d'clope !! J'me dirige non sans mal vers le comptoir et commande 1L de bière. Le temps qu'le barman m'fasse ça, je m'adosse au zinc, et parcours du regard l'assemblée. 'Tin, y a même pas une table de libre, c'est quoi cet endroit. ils sont tous plus murgés les uns que les autres... J'crache ma fumée avec celle des autres, une truie retrouverait pas ces petits dans ce merdier. Ma chope claque le zinc, j'lance un regard noir au barman qui fait tomber au moins 1/4 de bière à côté... Mais me ravise, je voudrais pas finir dehors non plus, pas tout de suite, en tout cas. J'prends ma chope et repère une table, un seul type attablé trois chaises autour, ça va le faire. Plus je m'approche et plus je le trouve intriguant d'ailleurs. On dirait qu'il est pas comme le reste de la populace... Etrange. Mais je m'assois quand même, sans vraiment lui demander son reste. Je dézippe ma veste et me met à l'aise, débardeur noir, tatouages visibles et compagnie. Pour le minimum syndical de politesse quand même, je prends deux secondes pour m'adresser à mon voisin de beuverie.

"J'espère que ça te gêne pas, y a pas de place ailleurs !

Sujet: Re: Face à face imbibé [PV] Dim 27 Nov 2011 - 19:47

-Non, ça ne me dérange pas.

Cette voix, autant le ton que le timbre, fut en ce lieu comme étrangère. C’était un peu comme rencontrer un enfant de cœur au milieu d’un sanglant champ de bataille. Une voix jeune, une voix calme, presque douce. Certes, ce n’était pas la plus belle des voix. Quelque peu nasillarde, elle témoignait de plus d’une certaine étrangeté en son expression. Une parodie d’innocence, en quelque sorte.

Ernest, paisible, s’était contenté de tourner la tête vers la nouvelle venue. Il la considérait avec neutralité. Elle semblait quelque peu dépravée, mais il était mal placé pour juger qui que ce soit. Son regard s’accrocha aux tatouages. Il les aimait bien. Et s’il s’en faisait faire ? Idée plaisante que celle de transformer son corps en œuvre d’art. Mais quelle représentation souhaiter ? Voilà Vermine parti dans ses réflexions. Son regard devint vague.

Machinalement, il vida un verre de vodka supplémentaire. Il buvait cela comme du petit lait. D’une façon générale, son apparence et son attitude contrastait énormément avec sa voix. Outre sa face de rat, au sens propre du terme, le fait qu’il soit borgne, le fait qu’il soit ici, le fait qu’il soit en train de boire plus que de raison, tout ceci prouvait qu’il n’était décidément aussi « jeune » d’esprit. Et puis, encore une fois, un détail en lui dérangeait, pouvait mettre mal à l’aise.

-Jolis tatouages, reprit-il avec sincérité. Puis-je savoir ce qui vous a poussé à vous en faire ?

Curieuse question. Il fallait savoir que l’enfant-rat était tout à fait disposer à s’engager sur des terrains tels que la philosophie ou la sociologie afin de creuser son interrogation. Sur ce, il se remplit un nouveau verre.

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