Trop tôt pour boire à moins qu'il soit trop tard [Célestine]

La veille, quelques heures auparavant, il apprenait qu'il était de ceux qu'on appelle mutants. Ainsi Caracole était, si ce n'est brisé, au moins totalement perturbé. Toute une existence emplie de vaine croyances balayée en une minute, sans fracas ni tumulte. Seulement ces flammes, qui l'espace d'un instant, avaient révélée posséder le don d'un autre mutant. Il entendait désormais les tambours, ce son profond et sourd, annonciateur d'une toute nouvelle ère qui l'éloignerait peut-être enfin de la misère. Finit le temps des combats sans nul autre raison que l'argent, pour contenter son portefeuille, un peu son orgueil, mais surtout tout ces gens. Ces hommes perfides, avides, désireux de violence, regardant ce battre les chiens affamés tout en remplissant leur panse. C'était un nouveau monde qui s'ouvrait devant lui, ou peut-être seulement celui qu'il avait fuit. Après tout si l'autre disait vrai, cet Apocalypse qui se prétendait si parfais, alors tout était désormais de l'ordre du possible et ses anciennes peurs seraient bientôt risibles.

Mais tout ça n'est que le futur promis par En Sabah Nur. Des possibilités auxquelles il ne pouvait encore pensé, bien trop occupé qu'il était à paniquer. Car c'était bien ce que faisait le petit Dorian, assis devant ce bar à enchainer les manhattans. Tout ce qu'il avait put lire ou entendre sur les mutants, la puberté, ces pouvoirs qui vous surgissent lorsque vous êtes adolescent. Tout ces petits détails devaient être erronés puisque son adolescence était depuis longtemps passée.
Il commanda un autre verre, accompagné cette fois d'une bière.

"Ch'ais pas si j'suis un mutos, mais pour sûr je donne dans le pathos."

Une phrase à peine murmurée alors qu'il prenait une énième gorgée. Pour lui c'était clairement le temps de boire, celui de réfléchir posément viendrait plus tard. Et si il se mettait à changer peu à peu ? Chaque fois qu'il toucherais l'un d'eux ? Non, il ne fallait pas penser à ces choses là, mieux valait noyer tout ça. Profiter de ce moment exquis qui commençait à venir, où sous l'effet de l'alcool les problèmes ne se font plus sentir. Oui, Caracole devait se concentrer sur cet instant avant qu'il ne soit, comme toujours, emporté par le temps.

Pourtant il ne fallut qu'un regard, lointain, sur la glace derrière le bar, pour qu'il soit pris d'un sursaut, pour replonger la tête sous l'eau. Ce ne fut qu'un vague reflet éphémère fruit de son esprit emplit de bière, les yeux profond, ne dégageant que vice, de cet être nommé Apocalypse. Sans lui peut-être aurait-il eut un espoir que peu des siens avaient, celle de vivre une vie banale, la sienne, comme si de rien n'était. Mais pourtant il était désormais là, toujours présent, son épaisse main posée à jamais sur l'épaule de son descendant. Ce mutant ancestral à la cruauté abyssale était devenue le destin de ce garçon qui jusqu'alors avait cru pouvoir vivre sans prétentions. Il était son passé et son avenir, à la fois une promesse du meilleur et du pire.

Si seulement Dorian n'avait pas tant désiré le suivre, si il avait trouvé le courage de le fuir. Mais la vérité était là, malgré lui, en quelques instants il avait été séduit, pire encore, soumit. Quand bien même se refusait-il à la croire, s'efforçant de prétendre ne pas la voir, cette vérité était là, déjà il avait perdu ce combat. Il serait celui que ce monstre désirait, celui qu'au fond il savait que déjà il était.
Mais l'acceptation viendrait bien assez vite, forcément trop tôt, pour le moment il lui fallait boire et de préférence trop.

Malgré son sursaut de frayeur, cette sensation qui lui soulevait le cœur, Dorian tenta de nouveau un regard vers le miroir. Mais cette fois-ci nul monstre ne s'y cachait, seulement cette brune qui dans le bar pénetrait. Le regard dissimulé sous de sombres lunettes, ses formes à peine cachée par sa noire jaquette, cette femme semblait soudain posséder ce lieu, attirant le regard de presque tout ces messieurs.
Il fut drôle de la voir maitriser sans effort les ardeurs déplacées d'un porc. Pourtant quelque chose d'évident n'allait pas, jamais elle n'aurait du avoir le dessus sur cet homme là. Certes la dame était loin d'être frêle, mais elle aurait dut être plus faible. Soit la belle cachait ses muscles magnifiquement, soit elle était, comme Caracole, de la race des mutants. Peut-être Dorian aurait bientôt la réponse à ses interrogation, la dame s'installant à ses côté pour l'assaillir de questions.

En deux jours deux fois on l'appelait par son véritable nom, quand durant des mois nul n'avait osé lui faire cet affront. Dorian Anderson était un vestige du passé, un souvenir que Caracole s'efforçait d'oublier, et ce en ce jour plus encore qu'avant, maintenant qu'il était un mutant.
Il aurait put réagir avec démesure, sortir son arme et commettre une bavure. Mais il préféra jouer la prudence et, de la joute verbale, entamer la danse.

"J'suis jamais assez saoul pour ça, mais j'sais qu'c'est pas pour boire qu't'es là."

D'un signe négligé de la main il appela le barman dont il avait besoin.

"On va dire qu'aujourd'hui j'suis un type galant alors dis moi donc ce que tu prends."

Il avait une folle envie de fumer, normal avec tout cette alcool ingurgité. Puis la visite de la demoiselle n'aidait pas à arranger cette envie puisqu'on le recherchait rarement pour lui faciliter la vie. Au fond il n'y avait de probable que deux possibilités, soit elle était flic soit un ancien client l'avait chargée de le trouver. Dans les deux cas ça ne lui plaisait pas.
Alors la regardant à travers la glace, osant, d'un sourire, lui faire la grâce, il se permit de demander, avant de commander.

"Alors j'suis en état d'arrestation ou juste recherché par un quelconque patron ?"

Au barman il commanda une autre bière, ayant déjà vidé la dernière. Puis il attendit que la belle dise ce qu'elle désirait, avant qu'elle n'avoue ce qu'elle lui voulait.
Prétendant de chercher de l'argent dans ses fringues il vérifiait qu'il avait bien son flingue. Mais il ne put que constater son oubli, qui cette fois lui couterait peut-être la vie. Fallait dire qu'il n'avait pas toute ça tête et qu'en partant de chez lui il n'avait voulut que faire la fête.

Quand la belle demoiselle exprima sa volonté, Dorian s'empressa de la lui commander. D'un signe rapide au patron, c'est en double qu'il réclama la boisson. Après tout il ne laisserait pas boire seule la femme qu'il l'enverrait peut-être dans son linceul.
C'est après ça qu'enfin il se tourna vers elle, souriant comme si il n'y avait nulle querelle. Après tout il connaissait ce genre de milieu et savait qu'elle ne s'exécutait pas par jeu. Et puis autant se montrer des plus courtois, puisque de toute façon il n'y échapperait pas.
Bref, la commande enfin passée, de sa poche il sortit une liasse de billets.

"Je suppose que là je n'ai pas assez pour réussir à de faire changer d'idée."

Il déposa alors une centaine de dollars, assurant au barman un joli pourboire. Il lui en restait près de neuf cent, qu'il rangea négligemment. Puis il accepta la cigarette, non sans faire risette. Tendant même un peu le nez, pour que la belle puisse l'allumer.

"Si tu pouvais éviter au moins de m'enculer... Me tuer déjà, pour ce soir ça suffira."

Tirant une profonde bouffée de la cigarette, il recracha la fumée avec l'air un peu bête de ces gens qui aime le tabac et qui de la journée, fumés n'ont pas. (tour de passe passe pouetique)

"On fera ça à l'extérieur, il ne faudrait pas leur faire peur. C'est que les cris et le craquement des os, ça ne rentre pas très bien dans le tableau."

Il leva alors son whisky et d'un ton guilleret dit.

"Aux nouveaux amis et ma dernière biture, à la violence qui ma vie clôture."

C'est qu'il commençait à être un peu trop torché, pour, de son sort, réellement s'inquiéter. Et puis au fond toute cette affaire, le sortait d'une véritable galère. Plus besoin d'accepter quoi que ce soit, de se torturer à faire un foutu choix. Un choix qui en plus ce serait avéré mauvais, puisque peu à peu c'était vers l'indépendance qu'il penchait. Alors cette exécution quelque peu sommaire, lui éviter finalement l'enfer. Celui d'une vie passer à survivre, simplement parce qu'il voulait être libre.
Buvant une bonne gorgée de son breuvage, il dit d'une voix qui trahissait finalement son jeune âge.

"J'ai bien aimé ta façon de m'aborder, tu as sur rester civilisée. Alors je veux que tu n'aille pas trop vite, histoire qu'au moins un peu tu profites. Autant trouver un peu de plaisir dans ce travail où on oublie souvent de rire."

Il aspira de nouveau la toxique fumée de cette clope étrangement parfumée, alors que dans son esprit passait furtivement, une pensée pour cette femme qui lui avait laissé son appartement. Une pensée furtive, fruit d'un esprit à la dérive, à la suite de laquelle il termina son verre sans autre forme de manière.

Les coups au visage pour lui c'est une habitude, c'est que pour lui la vie avait été rude. Mais ce coup là Caracole s'en souviendrait, ça avait été vite, violent et bien fait. C'est comme si soudainement il avait été plongé dans le coton, tout les bruits étaient sourd, de la musique au conversations. Il voyait trouble également, comme après un abus de stupéfiants. Mais cette douleur lancinante qui lui prenait la tête, c'est bien le signe qu'on lui faisait sa fête. Et encore on en était qu'à l'intro, le pire se pointait à grand galop. C'est qu'elle était forte la donzelle, bien plus qu'une simple demoiselle. Sans effort elle leva Caracole de son tabouret, le trainant jusqu'au lugubres cabinets. Dans la salle aucune protestation, pas même un petit haussement de ton. C'était bien là le monde que connaissait le criminel en sursis, trop plein de tout ces lâches couplés d'abrutis.

La suite se fit donc dans les chiottes après que la belle en ait évacué toutes les fiotes. Ce fut au moment où il commençait à reprendre ses esprits, qu'elle frappa de nouveau le replongeant dans sa léthargie. Puis un autre coup en plein dans les gencives, dire qu'elle semblait si peu agressive. Cette fois ci le sang était versé, et c'était loin d'être terminé. Un nouveau coup s'en suivit tout aussi puissant, faisant cette fois ce rencontrer le poing et la source du sang. Sonné, pour ne pas dire assommé, Caracole ne se rendit pas compte dans l'immédiat que des coups il supportait mieux le fracas. Mais son esprit trop loin égaré l'empêchait encore de riposter. Par la suite ce ne furent que ses instincts qui lui évitèrent l'appellation de défunt. Huit ans de sa vie à boxer avec l'expérience d'un pro, ça vous apprend à encaisser les coups même les plus gros. Mais même en évitant le plus gros des dégâts, il se faisait tout de même passer à tabac.

Cinq, dix, quinze minutes étaient passées ? Ou bien était-ce une éternité ? Mais la pluie de coups prit fin, pour un instant tout au moins. Il sentait sur son col la prise de la dame qui s'apprêtait à mettre fin à ce drame. Il aurait dut être inconscient ou si près, mais à la place, crachant son sang, il souriait. L'alcool associé à ce pouvoir tout juste dupliqué, la douleur, avaient grandement atténués. Enfin pas exactement mais au moins était il conscient. Pliant sous sa jambe sous elle, d'un coup il repoussa la belle, la faisant sortir de l'étroite cabine pour rencontrer de son dos la cloison trop fine (ça veut pas dire grand chose Oo). Puis, non sans difficultés, il parvint à se relever, crachant un peu de sang encore en regardant celle qui l'avait presque mit à mort. De toute évidence, de sa forme il n'était pas au mieux, se soutenant à peine, comme un vieux.

"'as de blaichir bour 'oi mais moi ch'm'éclate à m'en fair' béter la rate."

Sur la paroi de la cabine il s'appuya, et par mégarde la broya. Il avait donc prit la force de la belle tout comme les flammes du mutant de la veille. Ce fut comme si un rouage de son cerveau c'était huilé, si il n'avait jamais eut de pouvoirs c'était parce qu'il les copiaient. Et dans les deux cas il lui avait fallut verser du sang, la première fois ses poings, ses gencives maintenant. Il avait un potentiel c'était une évidence, pour l'apocalypse était une providence. Si tel était vraiment son pouvoir ceux de tout les mutants pouvaient lui échoir (?).

"'our le rechpect ch'était acquis ma 'elle, mais faut me're fin à ch'te querelle."