L'Aigle et la Murène se complètent comme le ciel et la mer

J’avais préféré rentrer à pied plutôt que par la voie des airs. Je n’avais pas le vertige ni rien mais je voulais marcher, penser à autre chose, chasser tout cela de mes pensées, m’évader. Les mêmes images ne cessaient de tourner dans mon esprit. Je voyais toujours ce corps sans son bras, je voyais toujours la bestialité et l’aisance du duo, la mort qu’ils avaient semés non sans dégâts finalement mais également les plumes blanches. Ces plumes d’une pureté sans égale qui appartenaient à un mutant. Après réflexion, j’étais la seule à ne pas avoir dévoilée mes pouvoirs et pour cause, je ne le pouvais tout simplement pas. Sans point d’eau suffisamment profond je n’étais qu’une simple humaine sans pouvoir.

Tirant légèrement sur mes manches pour avoir moins froid je marchais d’un bon pas en compagnie de Warren. Il avait eu la gentillesse de m’accompagner, à moins que cela ne soit de la pitié. Je n’avais pas envie que l’on me voit ainsi. Oui j’étais faible et je ne savais pas me battre mais je vivais très bien ainsi. Mon sac contenant les courses que j’avais effectuées avant d’arriver au bar commençait à se faire sentir de manière plus intense à présent. Je marchais au radar, je ne savais pas ou j’allais mais j’y allais. J’avais été incapable de retrouver ma route en y prêtant attention, peut-être qu’en laissant aller mes pensée je trouverais d’instinct.

J’ai tourné la tête vers lui, avant d’ouvrir la bouche pour parler.Je l’ai finalement refermée résignée. Que pouvais-je donc dire ? Je n’avais rien d’intéressant à dire, mis à part merci de raccompagner la pauvre quiche que je suis ou alors vous êtes vraiment génial parce que vous avez vu je ne supporte même pas la vue du sang cool pour une confrériste ! Enfouissant mes mains dans mes poches j’ai continué d’avancer, regardant le sol. Après une dizaine de minute, j’ai levé la tête pour regarder ou j’étais arrivé avant qu’un léger sourire n’éclaire mon visage. Je venais d’arriver dans ma rue. Finalement je n’étais pas un cas désespéré à ce point-là. D’ailleurs la pluie s’était enfin calmée à présent. Mes cheveux gouttaient légèrement et je commençais à avoir réellement froid. Me retournant vers le beau blond je lui ai souri timidement

« Merci. Merci pour tout monsieur. De m’avoir raccompagné et de ne pas m’avoir jugé… à voix haute… »

M’asseyant sur les marches menant au hall je me suis enfin détendue du mieux que je pouvais, libérant en partie la pression que j’avais essayé de garder sur moi. Je ne devais pas craquer devant cet inconnu, je devais me montrer forte, même si c’était difficile en ce moment, même si je n’y arrivais plus. La lune pointait le bout de son nez, tandis que les nuages lui laissaient une place dans l’étendue du ciel noir. Ils étaient nombreux mais semblaient s’éloigner de nous, emmenant avec eux le sang de cette soirée.

Relevant lentement ma tête, j’ai voulu attraper le regard de cet homme avant de poser cette question qui me brulait les lèvres. Elle ne m’empêchait pas de réfléchir mais occupait mes pensées. Je voulais une réponse.

« Pourquoi avoir voulu me raccompagner ? Parais-je donc faible à ce point-là ? Soyez franc je vous prie… »

Je n’avais plus envie d’être protégée mais je voulais de l’honnêteté. Je voulais de la franchise et de la sincérité et rien de plus ni moins. Je voulais absolument connaitre l’image qu’il avait de moi et la changer si cela était en mon pouvoir. Je ne savais pas si j’aurais la force de lui monter la femme que j’étais avant de subir les effets collatéraux de ma mutation mais je voulais au moins essayé. Au moins lui montrer que je pouvais être souriante quand j’étais vraiment en confiance et que ce sourire pouvait être sincère.

Spoiler:

[HJ: suite de: Fables de l'ours, du serpent, de la murène et de l'aigle]

Ayant remis son manteau sur ses épaules; Warren marchait tranquillement aux côtés de Faith. Il répondit à son sourire timide, hochant la tête pour l'inviter à parler. Lui non plus ne savait trop que dire après cette étrange soirée, quoique si mais ce serait quand même inconvenant selon ses principes, du coup il hésitait fermement à dévoiler l'objet de sa curiosité. Finalement la dessinatrice prit la parole, mettant fin au silence reposant mais également pesant qui s'était installé entre eux.

-Même à voix basse, je vous assure que je n'oserai point vous juger mademoiselle. Quant à votre question. Pour rester franc donc... Je vous ai raccompagné parce que c'est la courtoisie élémentaire, parce que vous semblez effectivement fragile et fragilisé par ces événements ce qui est normal... Et que vous me paraissez fort aimable.

D'autres critères entraient sûrement en jeu comme l'habitude qu'avait le X-Man à vouloir protéger ceux qui l'entouraient mais n'en ayant pas vraiment conscience lui même, celui qui croyait avoir un coeur dur et viril de vilain garçon ne pouvait en faire part à sa compagne. Toutefois il ajouta quelque chose.

-Quoique vous êtes sûrement plus forte que vous le laissez paraître puisque vous exigez la vérité, la franchise, des choses que bien des montagnes de muscles redoutent...

Warren était intrigué par cette étrange jeune femme, il se demandait toujours si elle connaissait les deux autres mutants bien qu'il en doute fortement désormais, songeant en revanche que Lamia et Bob étaient venus en couple. La lumière n'était pas entièrement faite sur ce mystère là, et sans doute ne le serait-elle jamais, cependant l'ange comptait bien faire de son mieux et déblayer le maximum de décombres. Tant pis pour la convenance, elle voulait de la franchise? Alors allons y pour la question à 100 000 dollars.

-Pardonnez moi mais... êtes-vous également mutante?

Demanda-t-il tranquillement tout en gardant la voix basse, conscient que des oreilles pouvaient les écouter, sait-on jamais. Quant à la belle, elle n'avait rien à craindre de lui puisque Warren était également un porteur du gêne X. Dans cette petite ruelle il pourrait aussi essayer de profiter si on allait dans une autre sorte de paranoia mais non, le gentleman se tenait à bonne distance de la belle, lui proposant simplement son bras pour qu'elle puisse marcher à ses côtés avec un contact humain se voulant rassurant, uniquement si elle le voulait.

-Dessinez-vous depuis longtemps?

Le jeune homme avait en effet à coeur de parler d'autre chose que cette nuit étrange et déstabilisante avant qu'ils ne se quittent, cela adoucirait peut-être la fin amère de cette sortie, tant pour elle que pour lui qui commençait à en avoir assez de ne voir que de la violence.

La première réponse de cet homme me rassurait en quelque sorte. Mon impression qu’il provenait également de la haute société se confirma. J’étais fatiguée et même légèrement énervée suite à cette soirée et ces deux émotions liées me permettaient de rester alerte même si mon attention avait tendance à décliner légèrement de temps en temps. Je lui ai légèrement souri à l’évocation de montagne de muscle. Ce n’était effectivement pas du tout mon gabarit ni même mon caractère. Je n’étais qu’une frêle jeune femme et j’en avais bien conscience. Là où la moyenne s’en sortait avec les armes et la violence, j’étais sans défense et à la merci de mes opposants, un dilemme quand on y pense pour une confrériste. Je faisais une piètre recrue à vrai dire et je me demandais toujours et encore pourquoi est-ce que j’avais rejoint ces rangs.

Je paraissais peut être forte mentalement et c’était probablement parce que je n’étais pas aussi faible que ce que je voulais faire paraître mais ce n’était pas l’image que j’avais l’impression de renvoyer de moi avant tout. Vint ensuite la question fatidique, celle qui me faisait le plus peur et à laquelle je n’avais pas eu à répondre de toute la soirée. Pour mes trois acolytes de soirée la réponse était évidente puisqu’ils avaient tous dévoilés à un moment ou à un autre qu’ils n’étaient pas de simples humains. Seulement pour ma part, à aucun moment je ne l’avais montré et pour cause, je ne le pouvais tout simplement pas.

La question semblait résonner en moi comme si elle n’était au final qu’une illusion auditive. Je savais bien que j’allais devoir y répondre mais c’était la première fois que j’allais dire de mon plein gré que oui j’étais différente, et que non je n’étais pas comme les autres. C’était la première fois que je prenais cette décision de mon propre chef. Ouvrant la bouche, j’allais lui dire que oui mais les mots restèrent sur ma langue, refusant de sortir. Soupirant devant tant de faiblesse j’ai serré légèrement mes poings avant de le regarder dans les yeux.

« Oui. Je suis une mutante et pas si différente de vous en réalité. Au contact de l’eau je me…transforme ? en murène léopard. »

Je ne savais pas vraiment si l’expression se transformer était la réalité mais c’était en tout cas ce qui s’en approchait le plus. Perdant le contrôle de mes jambes ses dernières se réunissaient avant de devenir une queue caractéristique des murènes. Le reste de mon corps suivait uniquement si je le désirais fort heureusement. Cela n’avait pas toujours été le cas et je me souvenais de mes premiers essais bien difficiles avant que je ne parvienne à maitriser cette semi transformation. Etrangement le fait de lui avoir dit que je n’étais pas une simple humaine ne m’avait pas plus dérangé que cela. Il y avait eu plus d’angoisse en anticipant simplement cette confession que de conséquence réelle derrière cela pour le moment.

Resserrant ma prise sur mon sac de course j’ai regardé le ciel tout en réfléchissant à sa nouvelle question. Depuis toujours était bien vaste mais c’était l’impression que j’avais. Faisant appel à ma mémoire j’ai tenté de me souvenir.

« Depuis…. Près de quinze ans il me semble, c’est à ce moment-là à peu près que je suis passées des gribouillis à quelque chose de plus terre à terre. »

L’air frais de la nuit commençait légèrement à me glacer sur place, mais je n’avais pas assez confiance en lui pour l’inviter à monter, ou du moins pour le moment. Malgré les apparences et ma blondeur je n’étais pas non plus dépourvue de bon sens. Le regardant à nouveau, je ne me suis pas retenue de poser la question qui m’était passée par l’esprit peu avant.

« Vous êtes quelqu’un d’important non ? Enfin je veux dire vous êtes à la tête d’une grosse entreprise ou quelque chose du genre peut être ? »

Je trouvais moi-même ma question étrange après avoir terminée de la poser mais tant pis. Me relevant de la marche, j’ai laissé le sac au sol avant d’enfouir mes mains dans mes poches. Il était déjà assez grand lorsque j’étais debout alors cela ne servait à rien d’accentuer cette différence en restant assise.

« Et vous, vous avez des passions, des hobbies dans la vie ou vous passez juste votre temps libre à aider des filles comme un ange gardien ? »

Warren fut légèrement surprit par l'hésitation de la jeune femme concernant le mot "transformation". Au final était-elle une murène ou non? D'ailleurs connaissant bien peu de choses sur le monde aquatique le jeune homme oublia vite son étonnement pour essayer tant bien que mal d'imaginer les dites bêtes. Il se rappela vaguement s'être intéressé à l'époque à l'univers sous marin, toutefois son désir de s'y intéresser de plus près avait rapidement été coupé par la pousse de ses ailes. Il ne fallait être sorcier pour deviner qu'à peine celles-ci avaient commencé à grandir, qu'il n'avait pu nager en piscine plus longtemps. Par chance cet intérêt passager n'avait pas été une passion, sinon Warren en aurait été bien malheureux.

-Il s'agit donc d'une murène avec euh... Des tâches? Pardonnez ma culture très pauvre dans le domaine mais il faut dire que malheureusement, l'eau est devenue mon ennemie sitôt ai-je accomplis mes 13-14 ans.

Warren eut un petit sourire malicieux suivit d'un clin d'oeil, il semblait lui dire implicitement de ne pas profiter de cet aveu de faiblesse pour l'asperger d'eau si elle en était capable bien sûr. Quoiqu'il en soit l'idée était d'amuser la mutante, pas de calculer ses capacités.

-Important je ne sais pas... ça dépend de la définition! Un artiste unique en son genre est important car unique. Une "star" de la finance bof, il y en a plein. Oh zut, je viens de me révéler... Et bien voilà vous savez tout ou presque. En fait je suis le PDG et propriétaire de la Worthington'Industries.

Warren était un des hommes les plus riches d'Amérique, beaucoup de personnes connaissaient l'entreprise si ce n'était tout le monde en fait sauf les étrangers qui venaient d'arriver. Sa société était implantée partout, dans chaque secteur que ce soit électroménager, nouvelles technologies, voitures-via des partenariats, les véhicules ne portaient pas son nom.- l'aviation- très rentable ironiquement car les gens semblaient avoir confiance envers cette compagnie dont le propriétaire était littéralement pourvu d'ailes.- etc. Cependant il ne souhaitait pas se vanter et passa la description longue, ennuyeuse et surtout très vantarde des produits mis en vente par la Worthington'Industries.

-Mais pourquoi cette question? Et comment avez-vous déduit cela? J'espère que je ne ressemble pas à un de ces hommes d'affaires prétentieux rien que dans l'allure que décrivent les clichés. J'en serai chiffonné voyez-vous?

Riant des propres stéréotypes qui le concernaient et auxquels il correspondait parfois malgré lui-pour le côté beau gosse blond fils à papa riche comme crésus.- Warren esquissa une légère mine boudeuse. Il était habituellement assez formel mais cette soirée l'avait mené à revoir son comportement normal, car évidemment tout était différent! Y compris ce petit brin de fille agréable qu'il aurait peut-être essayé de séduire un peu si il n'y avait pas eu un certain Lucas engoncé dans son crâne. Toutefois par réflexe Angel la charmait légèrement sans aller plus loin. Ne cherchant pas à rentrer dans son appartement puisque la demoiselle ne semblait pas si confiante, s'apprêtant à partir sans rien demander de plus, le jeune mutant s'inclina légèrement devant elle avant d'ajouter en souriant.

-Hélas demoiselle, les passions n'ont pas beaucoup de droit de passage dans ma vie. J'ai toujours beaucoup de travail et cette soirée de... Disons... de "sensée" détente était une exception. Quant à sauver les demoiselles en détresse cela m'arrive parfois. Ou bien ce sont elles qui me sauvent, allez savoir. J'essaye d'être le gardien de ces anges, car il est bien connu que seules les femmes peuvent postuler pour ce titre, les hommes n'étant que de bas et vils démons.

Bien sûr il n'allait pas avouer avoir pisté un criminel potentiel à la base. Il était connu comme Mutant par le gouvernement mais pas comme X-Man, bien qu'on le savait également sympathisant de l'institut Charles Xavier, et pour cause une partie de sa fortune servait à financer l'endroit.

-Je vous poserais bien la question, à savoir si le dessin est votre unique talent où si votre esprit se tourne également vers d'autres activités, mais je ne voudrais pas abuser de votre temps. Quoiqu'il en soit, merci à vous pour avoir rendu à cette soirée sa signification première, soit "agréable". Finalement je n'aurai pas perdu mon temps. Oh et je vous laisse mon numéro... N'ayez crainte, je ne me permettrais pas de tenter quoique ce soit, et surtout pas de manière aussi... rustre. C'est juste au cas où si vous avez besoin de parler à quelqu'un un jour, que vous avez un souci ou autre.

Angel attrapa la main de la demoiselle et la baisa délicatement toujours avec cette habitude de charmer un peu sans rechercher à aller plus loin. Il attendit ensuite de voir si la jeune femme le congédiait ou avait envie de le voir rester. Il comprendrait les deux situations! Dans la première cela signifiait que Faith souhaitait se reposer et préférait ruminer son chagrin seule, dans le second, qu'elle avait besoin de parler, de se laisser aller, et lui dans ce cas serait présent pour l'écouter.

Le sourire qui figurait sur mon visage depuis le début de l’échange s’agrandit lorsqu’il parla de l’aspect physique de la murène et je ne pus retenir un léger éclat de rire devant son hésitation ainsi que la petite mimique qu’il fit. Plus le temps passait et plus je commençais à me sentir plus à l’aise en sa compagnie. Pour l’aider à mieux visualiser, je me suis décidée à lui venir en aide et à lui décrire brièvement l’apparence du poisson.

« Lorsque je prends la forme de la murène, ma peau devient jaune pâle, et des tâches brunes parsèment tout mon corps, les murènes léopards sont appelées ainsi tout simplement à cause de leur ressemblance avec le pelage du grand fauve. »

Mon sentiment s’expliquait peut être par le fait que plus nous parlions et plus je découvrais qu’il n’était pas si différent de moi et que ce qu’il avait vécu dans sa jeunesse était peut être pire que la mienne psychologiquement. Je suis restée sans voix lorsque la lumière se fit sur son identité. Je me disais bien que son nom ne m’était pas totalement inconnu et qu’il me rappelait quelqu’un. Mon père n’avait cessé de me bassiner avec ce jeune prodige durant toute mon enfance, m’ordonnant de le prendre en exemple pour devenir quelqu’un d’important, son digne représentant et successeur mais tous ses beaux espoirs s’étaient envolés par la suite. De plus le monde des affaires ne m’avait jamais intéressé et plus le temps passait et plus cela se démontrait.

Ainsi donc monsieur travaillait beaucoup mais cela ne me surprenait, pas, hochant lentement la tête d’une manière compréhensive alors qu’il m’expliquait qu’il ne disposait pas de beaucoup de moment de repos, j’en suis presque venue à regretter que sa soirée se soit passée ainsi. Un moment de détente transformé en règlement de compte, il y avait définitivement mieux pour s’occuper.

« Vous êtes alors, monsieur Worthington, le plus gentil démon que j’ai eu la chance de rencontrer jusqu’à présent je vous le garanti »

Ai-je affirmé avec douceur avant de saisir la carte qu’il me tendait. La regardant rapidement j’ai relevé la tête avant de soupirer doucement. Je ne savais pas vraiment quoi faire, si l’inviter à entrer ne paraissait pas trop ambigu, en tout cas nous n’allions pas rester dehors toute la nuit non plus. Il fallait certes se méfier des inconnus mais il y avait une limite entre la méfiance et la paranoïa, limite que je ne franchirais pas. Préférant converser encore un peu avant que je ne prenne ma décision, j’ai répondu à la question que j’avais voulu éviter un peu plus tôt. Je ne voulais pas me montrer grossière mais je me suis promise d’être franche avec lui en toute circonstance, je lui devais bien cela.

« C’est à moi de vous remercier et non le contraire. Pour ce qui est de votre question de tout à l’heure, comme vous le savez j’ai le coup d’œil et il y a quelque chose en vous qui vous démarquait des autres, ce n’est certes pas écris sur votre front mais toutes les personnes issues de grandes familles ont un petit quelque chose de différent. Pour en avoir fréquenté toute ma vie, c’est presque instinctif pour moi de les reconnaitre mais ne vous inquiétez pas, je n’ai aucun préjugé puisque je suis moi-même issue d’une famille certes pas aussi riche que la vôtre mais je connais ce milieu. »

Quoi de plus vrai que cela ? Pas plus tard que la veille, ma mère me parlait d’une soirée mondaine à laquelle elle voulait absolument que je participe, bien qu’elle sache que je n’appréciais pas trop ce genre d’évènement, elle savait aussi que j’avais du mal à lui dire non lorsqu’elle me prenait par les sentiments. Un miaulement se fit entendre dans la rue avant qu’un gros persan écaille roux ne vienne se frotter contre les jambes de Warren avant de poser ses deux petites pattes avant sur ma jambe. Souriant tendrement, je me suis penchée pour l’attraper, le tenant dans mes bras avant de caresser doucement sa tête

« Bon, je crois que cette petite à faim et qu’elle trouvait le temps long… Je vous présente Evren »

Me dirigeant vers mon sac de course que j’avais laissé à l’abandon sur les marches de l’escalier je l’ai ramassé avant d’ouvrir la porte à digicode. Tenant la porte ouverte avec mon pied, mon chat qui ronronnait déjà et qui était affamé je lui ai désigné l’intérieur du bâtiment

« Vous voulez entrer ? Nous pourrons poursuivre la conversation au chaud autour d’un café ou autre si vous le voulez »

Evren sauta de mes bras et se dirigea en trottinant vers mon appartement, bien décidée à rentrer le plus vite pour pouvoir enfin manger puisque mes poissons ne pouvaient figurer à son menu et elle le savait bien.

-Oh, et bien! Je n'imaginais même pas que de telles bêtes puissent exister, ce doit être beau à voir...

Warren essaya vaguement de s'imaginer un gracieux ruban vivant vêtu de ce "pelage" chatoyant. Il avait entendu dire que les murènes étaient de longs poissons aux crocs acérés, pour le reste il n'en savait guère plus hélas, très peu informé sur ce monde que sa mutation lui interdisait. Dommage car la mer était un espace merveilleux qui restait encore à découvrir, y compris pour les exégètes de cet environnement. Enfin bon, au moins lui disposait des cieux pour mener ses investigations et ses rêveries si tentées qu'elles aient le temps d'intervenir dans son emploi du temps chargé! Néanmoins le soir, Warren se ménageait parfois du temps libre, ce qui était le cas aujourd'hui, c'est donc avec plaisir qu'il accueillit le fait que belle dessinatrice se montre moins méfiante, ce qui était plus commode pour discuter c'était certain.

-Ce milieu à ses bons côtés et ses inconvénients, certes. L'un d'eux consiste à rapprocher les familles qui se connaissent souvent, quel est donc votre nom? Peut-être que mon père a côtoyé le votre? Ce dernier était sévère, intransigeant mais certainement pas hautain. La somme du compte en banque n'était pas un critère pour discuter selon lui et heureusement il a eu la sagesse de tâcher de me l'enseigner. Ainsi suis-je "gentil démon" en partie grâce à lui. Je ne le remercierai jamais assez pour ne pas m'avoir passé mes caprices et m'avoir enseigné la véritable valeur de l'argent.

Soudain Warren sentit quelque chose s'enrouler autour de ses jambes. Par réflexe il sursauta légèrement mais n'abbattit heureusement pas son pied sur la "chose", sachant encore se contrôler. Il découvrit donc un chat qui lui faisait des "mamours" puis de retourner vers sa maîtresse.

-Oh, enchanté demoiselle Evren!-Il esquissa une courte révérence face au petit félin en souriant, allant même jusqu'à prendre sa patte avant pour faire semblant de l'embrasser.- En général les chats ont tendance à me prendre pour un "prédateur" ou un casse-croûte géant. ça fait plaisir d'en voir un qui est doté d'un aussi bon jugement. Ne dit-on pas que l'animal est le reflet du propriétaire après tout? Oh je vous remercie pour le café. L'usage voudrait que je refuse mais ne soyons pas hypocrite, j'avoue mourir d'envie de prolonger cette conversation au chaud.

Warren n'était pas spécialement frileux d'habitude, ses plumes le protégeaient efficacement des trop grands froids ou des pics de chaleur mais son manteau gâchait le rôle qu'avaient ses plumes cantonnées sous le tissu, plaquées contre ce dernier. Le jeune homme était peut-être également épris d'un rafraîchissement psychologique car son envie de trouver un petit nid douillet tranquille pour discuter sans prendre de risques, sans être toujours en alerte était grande, cela déclenchait donc ce sentiment de froid. La nature de l'homme était vraiment complexe et lesm mutants n'y échappaient pas même ceux dont l'apparence laissait entendre qu'ils n'étaient plus le moins du monde humain. Tout ceci n'était qu'une façade, la plupart du temps, les êtres les plus modifiés étaient les plus profondément humains car ils s'accrochaient à leur esprit pour ne pas sombrer dans la folie que voulait bien leur offrir ce corps dépareillé.

Quant à lui ou Faith, ils étaient entre deux, disposant d'une partie humaine et d'une autre plus ou moins animale même si Warren ne s'était jamais vu comme un hybride oiseau. Sa mutation était plus complexe que cela. La régénération par le sang n'était pas l'apanage de ces bêtes, ni l'utilisation correcte du cerveau avouons le. En pensant à Beck -loin d'être stupide aussi remarque.- un hybride poulet qui avait vu son corps totalement couvert de plumes et l'apparition d'un bec qui lui avait valu son surnom, il se voyait difficilement être considéré comme un hybride. Surtout qu'il ne pouvait pas non plus se transformer en aigle ou autre... En revanche son ossature, ses poumons, sa vue aiguisée jusqu'à la membrane transparente qui recouvrait ceux-ci en hautes altitudes laissaient penser à un croisement avec l'animal. Ange ou simple mésange? Telle était la question!

Quant à Faith, il se demanda vaguement si elle pouvait rentrer dans un aquarium et si elle en avait un chez elle. Quelle taille faisait-elle sous forme animale? Se confondait-elle avec une véritable murène ou bien était-elle géante des mers? La dessinatrice avait déjà vu les abysses peut-être... Des trésors, des épaves enfouies! Combien de temps pouvait-elle rester murène? La transformation faisait-elle mal? D'habitude l'homme d'affaires n'était pas aussi curieux que cela, il savait que ça pouvait être gênant, peinant lui même à raconter sa mutation alors qu'il était plutôt à l'aise avec ce sujet en général. Toutefois Faith était un cas à part! Elle était loin de ces mutants contrôleurs d'eau qui pullulaient, abordant le sujet plus délicat de l'hybridation auquel lui même pouvait s'apparenter, peut-être. Avait-elle un instinct animal à combattre ou avec qui se concilier chaque jour? Bref, de nombreuses interrogations qu'il laissa au placard tout en suivant Evren qui ouvrait la voie vers l'appartement, visiblement affamée.

-J'avais pensé prendre un chien un jour... Mais je ne sais pas si j'aurais le temps de m'en occuper. Quant aux oiseaux n'y songez guère, je n'aime pas cela. Je les trouve criards, remuants et pour la plupart peu intelligents. Mais surtout, il n'y a pas plus triste à mes yeux que d'en voir un en cage. Je ne peux le supporter... Un chat? Trop vagabond, et aiment rester dans les environs, le pauvre avec mes voyages ne se satisferait pas quant le chien est content du moment qu'il est avec son maître. Et vous, comment en êtes-vous venue à adopter cette petite créature?

La discussion s'allégeait, peut-être deviendrait-elle rude ou resterait-elle ainsi... Peut-être que part habitude Warren la charmerait un peu et si ça allait plus loin, ce serait uniquement sous insistance de la jeune femme. Ce n'était pas cela qui l'intéressait de prime abord chez elle et gâcher une amitié naissante pour une coucherie d'un soir, hors de question! Pour l'instant l'idée ne lui venait pas en tête, il voulait juste prendre un café. Quant à la demoiselle il se demandait si elle n'avait adopté qu'Evren ou si un petit chanceux n'aurait pas également trouvé grâce à ses yeux mais comme pour la mutation il se tu, ce serait inconvenant de demander ces choses et peut-être inquiétant pour la demoiselle qui le penserait alors à l'affût.

[HJ: cette histoire se passe avant le retour de Lucas^^. ]

» Sage moment, que le ciel t'emporte... [ PV Kitty ]