Y a pas de mal à se faire du bien

Lisbeth avait ressenti l’impérieux besoin de sortir de l’Institut. Rester enfermer dans un dortoir avec d’autres personnes, c’était encore, et pour l’instant, trop lui demander. Elle longeait actuellement l’Hudson, savourant sa dose de nicotine tardive. Le sol, encore trempée de la dernière averse, faisait résonner ses pas dans la nuit, elle était seule, personne n’errait par ici la nuit tombée, le quartier était, paraissait-il trop malfamé pour une jeune fille seule. En tout cas, les malfaiteurs devaient être en congé, elle sentait le poids rassurant de son revolver dans son sac, et de son canif dans sa poche. Elle n’avait jamais aimer être prise pour une fillette, elle était frêle, certes, mais elle détestait être sous estimé.
Elle leva la tête, la lune était pleine ce soir, elle jeta un regard dans l’eau, et c’est sans surprise qu’elle ne vit aucun reflet ; du bout de sa chaussure elle envoya un caillou dans l’eau, et resta là, à observer un instant les ondes. Elle jeta son mégot dans l’eau, puis laissa son regard errer sur le paysage.

Elle reprit sa marche, et aperçut une silhouette au loin, vaguement familière. Elle s’avança, et finit par reconnaître le jeune homme, qu’elle avait rencontré quelques jours plus tôt dans le hall de l’Institut. Son instinct lui souffla de faire demi-tour, de faire comme si elle ne l’avait jamais vu. Pourtant, elle refusait de fuir, fasse a l’inconnu, après tout, il ne lui avait donné aucune raison concrète de le craindre. Lorsqu’elle fut assez proche, elle articula clairement. Sa voix semblait résonner dans le silence nocturne, juste ponctué par le clapotis de l’eau.

-Bonsoir Mr Holmes. N’est-il pas tard pour les ballades ?

-La nuit tout est plus calme. Et moins bruyant.

Décidément l’impression de malaise en sa présence ne s’était en rien dissipée. Peut-être avait-elle quelques penchants paranoïaques, mais l’odeur du sang flottait dans l’air, elle la reconnaissait entre mille, elle ne partait pas, s’incrustait dans chaque fibres, de chaque vêtements, et emplissait l’air des heures durant. Elle la connaissait bien pour l’avoir senti le jour ou elle avait tuer son père. Pourtant, il n’y avait aucune trace de violence, Jack Holmes, était calme, parfaitement passif. Il avait du charme, un charme étrange, un charme malsain. Qui faisait se sentir coupable la personne qui était sensible. Elle porta la main à son sac, elle n’avait vraiment aucune confiance en lui. Le décor lui-même, paraissait plus lugubre depuis qu’elle l’avait remarqué. La lumière des lampadaires, plus blafarde, l’eau plus trouble, même l’air paraissait plus putride. Un parfum de mort, et de folie émanait de cette étrange scène.

-Qu’est ce qui t’amènes dans le coin Jack ?

Cette phrase, ce tutoiement, et cette familiarité ne lui semblaient pas naturels, et un accent ironique se fit ressentir dans la question. Elle ne réussit pas à le brider. Elle ressorti machinalement une cigarette, qu’elle alluma. La nicotine avant ce merveilleux pouvoir apaisant, et lui permettait de ne pas trahir sa nervosité.

Le coucher de soleil ? Non, ce n’était vraiment pas son genre. Elle était la pour prendre l’air, pour allumer une cigarette sans s’attirer les foudres d’un élève. C’était juste l’envie d’un moment de solitude qui l’avait poussé dans cette direction. Longer un cour d’eau, était toujours apaisant. Elle entendit la remarque de Jack sur les professeurs et les emplois du temps, elle haussa simplement les épaules. A son arrivée, elle avait affirmé qu’elle irait le voir, cependant elle n’avait jamais prit la peine de le consulter. Elle n’abhorrait qu’on lui donne des leçons, que l’ont songe en savoir plus sur elle, qu’elle-même. Comme Freud, elle était seule maîtresse de son subconscient, elle n’avait aucune impulsion chaque chose qu’elle entreprenait était au préalable réfléchit et soupesé. Pourquoi se fier au hasard, lui ne se fiait pas à vous.

-Le coucher de soleil m’importe peu, il le fait tous les soirs. Que veux-tu savoir sur l’Institut, exactement ?

Après tout, avant d’y mettre les pieds, elle avait fait énormément de recherches sur ce lieu, elle s’était renseigné, et avait gardé en mémoire, le nom de chaque personne importante. La nature l’avait pourvu d’une remarquable mémoire photographique, elle n’oubliait jamais un visage.
Elle prit place sur une caisse non loin, face à lui, et recracha une dernière volute de fumée bleuté, avant d’écraser un nouveau mégot, il ne lui restait plus qu’une seule cigarette, et elle en avait besoin pour le lendemain matin.
Lisbeth laissa son regard dérivé vers le fleuve, observant les lumières de la ville s’y refléter, si elle trouvait cela si magnifique, c’était sûrement parce qu’elle-même ne pouvait prétendre laisser son image éphémèrement imprimer la surface de l’eau.

Lisbeth tourna la tête vers Jack, planta ses yeux dans les siens. Elle avait des réponses, toute faite et préfabriqué, par les élèves qu’elle avait entendu parler. Elle n’allait nulle part sans se renseigner.

-C’est un refuge, pour les mutants qui ne savaient pas où aller. Quand aux X-men... C’est une bande, la plupart sont les professeurs de l’Institut. Ce sont des genres de justiciers, qui luttent contre quelque chose nommée la Confrérie, qui elle souhaiterait apparemment annihiler les humains non mutants, se considérant comme le nouveau stade de l’évolution qui doit primer sur le globe. A l’école, ils rêvent apparemment, d’une cohabitation pacifique entre humains et mutants. C’est une espèce de petite société utopique, un cocon qui protége du reste du monde, ceux qui sont les plus affectés par leur mutation.

C’était en très condensé ce qu’elle avait pu apprendre sur l’Institut du professeur Xavier. Elle remarqua que cela faisait relativement longtemps, qu’elle n’avait pas autant parlé, son malaise avec disparut. Elle ne se sentait pas en pleine confiance face à cet interlocuteur pour le moins mystérieux, mais elle contrôlait de nouveau la situation. En y repensant, elle avait oublié de faire des recherches sur lui. Une question lui brûla les lèvres, une envie de savoir, ce n’étais pas impoli, c’était de la curiosité, pourtant cela pouvait expliquer qu’elle n’agisse pas réellement comme elle en avait l’habitude lorsqu’elle était en sa présence.

-Quelle est, exactement, la nature de ta mutation ?

Immortel, le mot résonna dans son esprit longuement. Cela expliqua au moins l’aura de mystère qui entourait cet homme, et aussi le fait qu’elle ne parvenait pas à mettre un âge sur ce visage. Elle se demanda un instant quel âge il pouvait avoir. En faisant quelques recherches elle avait vu que plusieurs mutants répertoriés avait largement dépassé la centaine d’année. Ce ne devait pas être une situation facile à vivre. Plongé dans ses pensées sur l’immortalité elle sursauta presque lorsqu’elle entendit le compliment. Belle ? Elle ? Ce n’était pas l’adjectif qui revenait le plus souvent. Quelconque, glauque, ou effrayante, était les épithètes que les garçons de son âge lui donnait plus fréquemment. Un instant elle se demanda si c’était une moquerie, mais elle n’en décela aucune trace dans son ton, ni dans son attitude. Elle préféra donc, en faire abstraction et se concentrer sur la seconde partie de la phrase, sa mutation, elle prit le temps de formuler convenablement ses idées, elle n’était pas très simple a expliquer.

-Je suis indétectable, mon image ne se reflète dans aucun miroir, ni sur une aucune pellicule, je ne peux même pas laisser d’emprunte digitale, mon épiderme est entièrement lisse. Les systèmes de sécurités ne me détectent pas, et apparemment les mutants détecteurs non plus ne ressentent pas ma présence. Un peu comme si j’étais morte.

Elle haussa les épaules, son pouvoir, elle le trouvait particulièrement inutile, si ce n’était si l’ont voulait s’ouvrir à une vie de larcin. De plus, elle avait plus d’une fois remarqué, que même lorsqu’elle chapardait des objets munis d’antivols, à la condition seule qu’elle les touche, aucune alarme ne se déclenchait. Il lui avait demandé de parler, d’elle, mais elle n’en avait pas l’habitude, et préféra renvoyer la conversation dans son sens.

-Ce n’est pas dur à porter l’immortalité ? Et, si ce n’est pas indiscret, quel âge as-tu ?

Apparemment, ce n’était pas la solitude qu’on faisait rimer avec éternité qui semblait peser sur ses épaules. Il s’était parfaitement accoutumer à son état, et ne devait avoir aucune attache. Un peu comme elle. Si ce n’était Bug, personne ne pouvait se vanter la connaître ou d’avoir pu lui soutirer des informations. Généralement elle était une tombe. 240 ans… c’était une très longue vie, elle n’aurait pas su comment la remplir, peut être aurait-elle finit par se donner la mort, la vie lui paraissait si terne. Un brusque passage avant que le rideau ne tombe. Elle ne s’était jamais fixée de but, elle savait que fonder une famille, ce n’était pas pour elle. Enfin de compte, c’était peut être pour rompre la monotonie dans laquelle elle s’était engourdie qu’elle était venue à l’Institut. Même voler, n’apportait pas grand-chose, lorsqu’on était certains de ne pas se faire prendre.

-La vie t’a fait un beau cadeau.

« Mais il doit caché une bien sombre malédiction », elle ne prononça pas cette phrase, qui traversa ses pensées. La vie ne donnait rien sans rien. C’est pour cela, qu’elle ne croyait en rien, et n’attendait rien. Elle était un sphinx, qui enterrait tout ses secret sous un masque figé d’impassibilité. Qui, elle le souhaitait, ne se fissurerait jamais.

-Tu es pourtant bien sombre, pour quelqu’un pleinement satisfait de son sort.

Jack avait l’air surpris, pourtant si ce n’était elle-même, Lisbeth n’avait jamais vu une personne qui donne si froid dans le dos. Il avait l’air si sur de lui, si complètement maître de lui même, comme si il avait déjà tout vécut. Mais après tout en 240 ans, il avait dû vivre plus de chose que la plupart des gens. C’était peut être normal qu’il dégage une impression si étrange, qu’il fasse ressentir un certain malaise. Lisbeth comprenait mieux, et tout cela la rassurait, les informations s’étaient remises en marche, et tout s’emboîtaient de nouveau, sa précieuse logique n’était pas endommagée. Et elle n’agissait plus aussi étrangement, dans le cas uniquement où la distance de sécurité qu’elle s’était imposée avec le reste du monde n’était pas franchie. Dans le cas contraire, elle avait tendance à paniquer, et de ce fait à ne plus contrôler ses actions. C’était sa tendance légèrement paranoïaque qui reprenait le dessus. Mais elle avait si soigneusement forgé sa carapace, que d’apparence, elle ne paraissait jamais réagir au contact de l’extérieur.

-Je suppose que tu as raison. Pardonne mon ignorance. Je n’ai vécut que 18 ans sur cette planète.

Un léger sourire se forma, la phrase était ironique, pas agressive, une simple constatation et quelque part sûrement un peu d’autodérision.

-Je n’ai aucun doute sur cela.

Finalement, cet inconnu, qui maintenant n’en n’était plus un, n’était guère impressionnant, c’était sans doute sa longue vie qui lui conférait cet aura si particulière, tout s’emboîtait parfaitement. Lisbeth observa à nouveau le visage taillé au couteau de Jack, elle ne pouvait s’ôter de l’esprit que quelque part, l’odeur du crime l’entourait. Une odeur de sang et de meurtre comme lorsque elle-même avait mis fin aux jours de son géniteur. Elle leva légèrement la tête vers le ciel la lune était déjà haute, il devait être tard, elle n’avait pas vraiment envie de s’enfermer dans son dortoir, les nuits par ici semblaient douces, même si dans le ciel, couvait quelques sombres nuages, qui annonçait un orage, qui éclaterait sois pendant la nuit, soit durant la matinée. Elle baissa a nouveau les yeux sur la silhouette devant elle.

-Tu as du voir beaucoup d’horreur à travers le temps. Comment as-tu découvert que tu étais immortel ?

La guerre, c’était sans doute, une des pires conneries inventées par l’humanité, elle n’avait jamais compris ce que les hommes trouvaient dans cette activité. Ce jeu auquel, la plupart du temps, des milliers d’innocents étaient confrontés et perdaient lamentablement la vie, pour ne plus devenir que des statistique dans un stupide journal, ou même dans un manuel scolaire dans lequel des étudiants jetaient à peine un regard morne. Et cet homme avait participé à ces hécatombes, la légère folie et l’aura meurtrière qui émanait de lui venait sans doute de là. Une fois encore, tout s’emboîtait. C’en était presque décevant, en tout cas le personnage ne manquait pas de surprise, et il était plaisant de pouvoir lui parler, il paraissait de ses personnes inaccessibles, qui intimide le commun des mortels. Elle sorti de son petit sac noir, son paquet de cigarette et son briquet. Elle en profita pour s’allumer à elle aussi une nouvelle cigarette, et ferme les yeux avec délectation en savourant la première bouffée de nicotine.

-Tiens. Les hommes ont du mal à intégrer que la mort peut leur tomber dessus à chaque instant. Ils vivent sans s’en soucier.

Il semblait tellement certain de chaque mot qu’il prononçait, cela aurait pu agacé la jeune fille, mais l’expérience de sa longue vie forçait le respect. Il en savait sûrement plus sur ce sujet qu’elle-même, elle n’était jamais morte après tout, mais si elle en présentait certains aspects, même si elle avait côtoyé celle-ci de prés. Cela ne pouvait qu’une expérience de plus, l’ultime, sauf pour Jack Holmes. En y songeant, si sa mutation l’avait rendu immortel, elle serait sans doute devenu faible, après tout était né pour lentement se détériorer, mourir et pourrir. Même elle, si jeune et fraîche, malgré les journées devant son portable, était condamné à flétrir. Cela ne lui faisait pas peur, l’idée même de la mort ne l’effrayait pas, cela devait arriver, elle espérait juste que cela soit rapide et sans douleur.

-Le néant peut-il être une illusion ? Je veux dire, rien ne peut être illusion, c’est assez paradoxal de dire que la mort est une fable, sauf pour toi, bien évidement.

Elle tira à nouveau sur le fin cylindre, sentant ses poumons se gonfler de fumée noire, puis elle recracha les volutes bleutées. Fumer, était bel et bien une chose dont elle ne pourrait se passer, c’était un plaisir bien trop simple pour qu’elle y renonce.

Le temps c’était rafraîchit et elle frissonna lorsqu’une légère brise se leva. Même si elle paraissait parfaitement insensible, sa peau, elle ressentait les changements climatiques bien plus fort que quiconque.

Cette approche de la mort, très romantique, très baudelairienne, fit sourire légèrement la jeune fille. Une conception si douce de cet instant si cruel, ne pouvait être ressenti que par un immortel, ou un génie torturé. Elle, voyait la mort comme une fin de tout, des fonctions cérébrale, un arrêt sur image, qui ne reprenait jamais sa course. On pleure un bon coup et on oublis, à son sens, l’oubli est pire que la mort. Qui avait pleuré son père ? Elle, ne l’oublierait jamais, elle vivrait avec son souvenir, son image au moment ou il rendait son dernier soupire était encore imprimé dans sa rétine.

Cette impression de puissance et de folie. Malgrès la mort, le monde continue à tourner. Qu’elle est tuée son père n’y a strictement rien changé. Qu’elle fut rejetée par sa mère, qu’elle avait aidée, qu’elle fut exploitée par son beau père, qu’elle eut vécut n’importe qu’elle expérience dans sa courte vie, importe peu. Elle était un insecte, un insecte particulièrement doué en informatique, et peut-être un peu plus intelligent que la moyenne. Elle attendait juste patiemment que son prédateur naturel mette fin à ses jours. Elle était peut être un peu blasée par tout ce que la vie pouvait lui offrir. L’amour, elle n’y croyait pas, l’amitié… c’était une bonne façon de trahir. Elle avait peu confiance en l’humain, il était trop faillible. C’était sans doute pour cela qu’elle s’était tournée vers l’informatique.

-C’est rien, j’aime assez t’écouter parler, c’est reposant quelqu’un de si calme, et qui ne bavasse pas inutilement sur des sujets futiles. Tu parles de ce que tu connais, et c’est agréable, même si le sujet est plutôt morbide.

Elle avait pour habitude de ne jamais beaucoup parler. Cela revenait à s’ouvrir, et à donc devenir vulnérable, cela là répugnait. C’était une manière de se préserver, de ne pas accorder sa confiance, et d’éviter d’être blessée. Et elle n’était pas prête à s’exprimer, à raconter sa propre histoire, ses craintes et ses envies. Jack Holmes, faisait parti désormais des rares personnes à avoir entendu le son de sa voix, et des très rares personnes à avoir entendu plus que des monosyllabes. Lui demander en plus, d’elle-même faire la conversation, était une lourde épreuve, mais une étape de franchis sur le long chemin de la sociabilité.

-Je ne parle jamais beaucoup. Je préfère écouter.

Lisbeth ne se trouvait ni intéressante, ni particulièrement éloquente. Sa vie se résumait à un enchaînement plutôt désastreux d’horribles coïncidences malvenues. Et elle doutait que quiconque y prête une oreille attentive et désintéressée, ce n’était pas dans la nature de l’homme, c’est une des raisons qui lui faisait haïr les psys de tout acabit.

-Je ne suis pas une personne intéressante, désolée.

Elle frissonna à nouveau, le vent se levait, et rapportait les odeurs d’eaux sales de l’Hudson. Elle regretta de ne pas avoir pris de veste, mais elle n’avait pas prévu de s’arrêter afin de bavarder avec cet homme, si inquiétant. Ni avec n’importe quel autre inconnu d’ailleurs. Sa promenade était censé durer une heure au grand maximum, mais elle s’éternisait, sans que cela ne l’agace, ce qui était en sois un miracle.

-Toi, ta vie, ta longue vie, est sûrement plus passionnante, tu as vu tant de chose apparaître ton regard sur les choses doit être différent en tout point de celui des gens de cette époque.