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| Sujet: Quand torpeur rime avec noirceur ~ {Niana} Lun 23 Fév 2009 - 23:58 | |
| Dès son plus jeune âge, Gabrielle fut initiée à l'art du combat. Vivre dans la rue, au milieu de violeurs, gangsters, dealeurs et autre obligeait à savoir se défendre dans un monde où la survie était rude et ostentatoire. Elle a appris à ne jamais reculer, à ne jamais se rendre. A l'âge de sept ans, elle quitta le taudis insalubre qu'elle devait appeler "Maison" pour aller à la rue et, ainsi donc, entrer dans un monde de violence, de haine et de sang. Un caractère forgé par l'endurance menée à la rue avait forcé la jeune fille à se battre, l'avait affamée, l'avait poussé à voler et s'il le fallait, à tuer. Entrainée à ne montrer ni peur, ni douleur, ni pitié. Sans cesse mise à l'épreuve, jetée dans la nature, seule avec son intelligence et sa volonté face à la fureur du monde. C'était son initiation, ce temps dans la nature sauvage des quartiers mal fréquentés de Paris où elle vivait. Les gens qui venaient l'emmerder tournaient autour d'elle. La nuit, dans le froid hivernal et l'obscurité. Des couteaux noirs aiguisés et acérés. Les cheveux sombres comme la nuit. Des yeux rougeoyants tels des rubis sortis tout droit du gouffre de l'enfer. Ce Démon humain, comme Gabrielle les appelait, renifle, savourant l'odeur du festin à venir. Et maintenant comme alors, ce n'est pas la peur qui la tient, juste un sens plus aigu des choses. L'air froid dans ses poumons, les arbres courbés par le vent dans la nuit qui tombe. Ses mains sont fermes, sa position parfaite, elle frappe... Ainsi donc, la fillette devenue jeune femme oubliée de tous revient. Elle revient pour cracher son venin à la gueule des autres. Aujourd'hui, celui sur lequel va tomber son poison n'a pas encore de nom. Cela fait plus de quatre ans depuis les ruelles et les hivers glacials. Et maintenant, comme alors, une jeune femme à l'esprit féroce approche, patiente et confiance, savourant le festin à l'avance. Mais cette jeune femme est faite de colère et de rage, de vengeance et d'amertume. Un esprit vaste et tordu au delà de l'imaginable, prête à dévorer quiconque se mettra en travers de son chemin. Prête à détruire le seul exemple au monde de raison et de bonté. La jeune femme approche et c'est sa vie pourrie elle-même qui l'a provoquée...
Elle avait daigné aller à sa chambre. À la base, elle aurait préféré éviter, mais si elle voulait dormir ailleurs que sous les ponts, elle n'avait d'autre choix que de s'installer. Le seul truc vraiment emmerdant au final, c'était les colocataires. Elle ne savait pas qui ils étaient, de toute façon, elle ne voulait pas le savoir. Mais ils avaient intérêt à faire profil bas, elle ne les supporterai pas bien longtemps. La tolérance n'était pas son point fort, le partage et la convivialité non plus. Ils pourraient s'estimer chanceux si ils s'en sortaient indemnes. Mais tout dépendrai d'eux, après tout... Dortoir qu’elle ne fréquenterait qu’occasionnellement, lorsque la priorité de dormir supplanterait le dégoût que les autres lui inspirait. Ses semelles claquaient contre le sol tandis qu'elle remontait le couloir. Les portes se succédaient, numéros pairs à droites, numéros impairs à gauche. Ça avait quelque chose de psychotique ce corridor blanc, entre l'hôpital et l'hôtel. Impersonnel au possible, aucun des pensionnaire n'avait mis sa touche de personnalité, pas un FUCK gravé au couteau ou les photo d'un quelconque groupe. Non. Juste cette succession de portes et de nombres croissants. C'aurait pu mettre mal à l'aise, mais Gaby ne fonctionnait pas comme ça. La seule chose qu'elle ressentait à cet instant, c'est un agacement certain. Oh et puis merde, aller sa balader en rue valait toujours mieux que de rencontrer les personnes qui lui boufferaient son espace vital les prochains mois. Et c’est parti pour une journée probablement aussi pitoyable que celle qui l’avait précédée.
Néanmoins, unique point positif, le ciel se faisait menaçant. Et la seule chose que Gaby aimait plus qu’elle-même, c’était l’orage. Le vrai orage, celui qui fait trembler les vitres et gémir les rivets extérieurs, qui vomit de ses entrailles la fureur de la nature. Certes, on n’en était pas encore là, mais l’apparence nuageuse laissait à présager la détérioration escomptée. C’est avec cette idée prédominante dans la tête qu’elle passa la journée dans sa solitude bienheureuse, hors de cette école, loin de la faune de celle-ci. Perdues dans les méandres escarpés de ses pensées, suivant les chemins d’une folie douce qui poussait sa réflexion à un aboutissement qu’elle seule pouvait discerner. Encore une journée à rien faire, seulement songer silencieusement sous la chape écrasante d’un ciel menaçant. La nuit était tombée bien avant que le soleil n'ait franchi l'horizon. Une nouvelle pleine lune avait fait son apparition. Grosse, blanchâtre, seule accrochée au milieu de ce grand rideau de velours qu'était le plafond couleur ancre du ciel nocturne qui clignotait et scintillait de tous côtés. Une nuit sombre, silencieuse et mystérieuse. Une nuit somme toute banale. Une nuit comme toutes les autres... Du moins, en apparence.
Mais ruminant ses pensées, elle finit par arriver à hauteur d'un banc saccagé par les années sur lequel elle se laissa tomber lourdement. Laissant échapper un faible soupir, elle resta plantée là, à regarder la banalité de l'endroit, les sourcils froncés d'un air peu coopératif. Elle roula les yeux vers le ciel, s’affala un peu plus contre le dossier, faisant grincer les baleines maltraitées de son corset. Peu à peu, elle retrouvait de son énergie, prêtant une oreille plus attentive à ce qui l’entourait. Et elle commençait à s’ennuyer. Mais elle n'eut pas le temps de buguer longtemps, puisqu’il lui semblait entendre quelqu’un approcher… Le rictus qui déformait son faciès s’agrandit, mettant en évidence l’éclat sadique qui brûlait dans ses pupilles. Passant rapidement la langue sur ses lèvres de la même façon qu’un serpent aux aguets, elle braqua son regard vers l'endroit d'où venaient tous ces bruits... |
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