Nouvelle Recrue... [ Pv Liora Shprinzel ]

Une drôle de journée pour la petite Liora aujourd’hui, n’est-ce pas ? Savoir qu’on serait une des rares humaines à enseigner dans une école de mutants avait de quoi … surprendre. Elle ne s’y serait jamais attendu. Elle ne l’aurait d’ailleurs pas cru non plus. Après tout, jusqu’ici, elle avait grandi sans réelles ambitions en réalité. Lorsqu’elle avait commencé à perdre la vue, elle s’était allé tourné vers la musique, c’était un fait. Plus sensible aux sons, elle était plus douée et avait appris plus vite également ; mais lorsqu’on n’a plus que ça, ce n’est pas si difficile. Du moins de son point de vue. C’était une occupation comme une autre. En faire son travail ? Cela ne lui avait même pas traversé l’esprit jusqu’à ce qu’on lui propose de bosser dans une école de mutants. Et elle était nerveuse. Il y avait de quoi. Déjà, elle n’avait jamais enseigné quoique ce soit, ou même tenter d’enseigner. Ensuite, elle était aveugle. Etre professeur était une chose : être un professeur aveugle pour une classe de voyant en était une autre. Car, humain, mutant, ou n’importe quoi d’autre, les adolescents restaient tous les mêmes. A quelques variantes près.

Voilà pourquoi elle s’était retrouvée assise à un arrêt de bus, tripotant anxieusement ses mains. Normalement, quelqu’un devait venir la chercher. Oui mais qui ? Une femme, un homme ? Vieux ? Jeune ? Et comment serait sa voix ? Son odeur ? Tout ces petits détails qui ne pourraient pas lui échapper ? Il y avait de quoi se poser quelques petites questions non ? Et tandis qu’elle s’interrogeait, le visage droit et le regard perdu dans le vide, elle ne se rendit absolument pas compte que son « accompagnateur » était déjà là. Certains aveugles tournent le visage vers leur interlocuteur, du moins, selon certaines rumeurs. Liora, elle, n’en faisait pas partie. C’était une habitude qu’elle avait fait exprès de perdre. Du moins, elle ne tournait la tête que lorsque cela lui chantait. Aussi, lorsqu’on lui demanda si elle était bien untel, elle tressaillit. Ho, après tout, elle entendait les gens passer, aller et venir sans s’arrêter, et rien n’aurait pu la prévenir de cela.

« Oui, c’est moi » se contenta-t-elle de répondre doucement. « Et vous êtes ? »

Après tout, même si c’était bien lui qui devait l’amener, savoir son nom ne serait pas du luxe. Quitte à travailler quelque part, autant être capable de mettre un nom sur chaque voix. Ce ne pouvait être que lui, qui devait l’accompagner de toute manière. Peu de gens seraient venus l’aborder ici, notamment en la questionnant pour savoir si elle était bien Liora Sphrinzel.

Il répondit, se présentant. Trop formel peut-être. Il devait être aussi jeune qu'elle, mais semblait déjà si... inflexible. Comme si observer des règles faisait partie intégrante de sa nature. Rigide, peut-être. Le genre d'homme qui semblait très pointilleux sur chaque chose. Elle l'imaginait bien droit, trop droit au point d'en paraitre peu naturel. Ou peut-être était-il simplement nerveux, espéra-t-elle. Mais la suite de la conversation lui fit hélas penser le contraire. Anxieux ? Non, juste trop poli. Oh, elle n'avait rien contre les hommes polis, bien au contraire. Elle s'en méfiait juste un peu. Les gens trop courtois avaient un énorme défaut : la franchise. Du moins, elle n'arrivait jamais à savoir ce qui pouvait leur traverser l'esprit. Difficile de faire confiance lorsqu'on est ignore le véritable avis de l'interlocuteur : et elle avait besoin de pouvoir faire confiance. Et finalement, il lui demanda la permission de pouvoir lui serrer la main, confirmant ainsi ce qu'elle pensait.

Un autre aurait pu dire "je voudrais vous serrer la main" ou "j'aimerais" ou "serrons-nous la main". Il y avait beaucoup de façons de lui serrer la main et ce dernier s'était contenté d'un "je peux vous serrer la main ?". Un homme rigide et anxieux. Ou pas. Comment savoir ? Elle ne pouvait se baser que sur ce qu'il disait. Il pouvait bien lui sourire, elle ne faisait guère la différence pour l'instant. Elle souhaita juste que tous les autres professeurs seraient différents : autrement elle risquerait d'avoir du mal à se sentir totalement à l'aise. Le bus ou pas ? Bah, ce serait sans doute plus pratique en effet. Du moins, ce serait un repère fiable.

"Je préfère le bus", répondit-elle, souriant timidement sans bouger le visage.

Avant de lui tendre la main. S'il n'y avait que ça pour lui faire plaisir... Et puis, elle aimait bien serrer les mains. Ainsi, elle pouvait savoir beaucoup plus de choses sur son interlocuteur. S'il avait des mains moites par exemple, ou si c'était une poigne ferme. Au moins, elle en saurait plus sur ce dernier.

Finalement, il semblait réellement très anxieux, et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle était pourtant faible, et surtout, n'était qu'une femme quelconque, comme tant d'autres. Il avait la main moite. Donc, peut-être pas aussi rigide que cela. Et pourtant, c'est elle qui aurait dû être angoissée. Un nouvel emploi, une nouvelle "maison", de nouveaux gens. Trop de nouveautés, sans doute. De nouveaux reperes à prendre, de nouvelles habitudes aussi. Mais elle s'adaptera. Comme toujours. Elle avait bien dû apprendre, lorsqu'elle avait été atteinte de cécité. Au début, c'était difficile. Elle s'était cognée un peu partout, se prenant des meubles et de murs. Aujourd'hui... cela allait bien mieux. Même lorsqu'elle se retrouvait dans une maison inconnue, elle arrivait à se déplacer à tâtons sans trop de dégâts. Devenue moins brusque, elle se déplacait avec délicatesse. Et elle apprenait vite pour cela.

A son grand soulagement, le bus arriva. Il était difficile de ne pas l'entendre. Ou ne pas le sentir. Elle n'aimait pas vraiment le bus en réalité : il lui donnait la nausée. Et puis, il y avait trop de bruits en général à l'intérieur. Ca papotait, et on n'y comprenait plus rien. Et puis surtout, il y avait trop de parfums, trop d'odeurs qui se mêlaient. C'était abominable à son avis. Et après ? Ce n'était rien du tout finalement, si on relativisait correctement les choses. Ce serait même mieux pour elle non ? Au moins, elle aurait un job, et elle ferait autre chose que se balader bêtement à l'aveuglette. Comme disait sa grand-mère, il faut savoir s'intégrer dans la société actuelle. Et bien voilà : elle serait professeur de musique pour des mutants. Elle, l'humaine. Si l'homme qui était venu la chercher, peut-être par curiosité ?, l'aida à prendre place quelque part dans le bus, il ne put se retenir de lui poser quelques questions. Cela l'amusait. Finalement, il n'était sans doute pas aussi froid et rigide qu'elle l'avait cru : juste curieux et nerveux.

"Je ne sais pas", répondit-elle dans un premier temps. Avant d'ajouter ensuite : "parce que c'est un des rares boulots qu'on m'a proposé... et que j'ai l'impression que je serai plus utile comme ça. Je suis pianiste... Et professeur de musique, désormais."

Comment enseigner la musique.... Lorsqu'on avait jamais appris quoique ce soit à de jeunes élèves jusqu'ici ? En particulier lorsqu'on était aveugle ? Ce serait délicat, et difficile, surtout que le professeur Xavier l'avait prévenue : il s'agissait souvent d'adolescents mal dans leur peau, qui se sentaient perdus. Elle n'aurait pas intérêt à oublier comment elle, elle avait vécue cette période : mutants ou humains, elle était persuadée que cela restait la même chose. Car après tout, l'esprit restait le même... non ?

"Je ne sais pas", répondit-elle dans un premier temps. Avant d'ajouter ensuite : "parce que c'est un des rares boulots qu'on m'a proposé... et que j'ai l'impression que je serai plus utile comme ça. Je suis pianiste... Et professeur de musique, désormais."

Intéressante réponse qu’elle venait de donner. Il avait toujours voulu savoir ce que pensaient les humains des mutants, concrètement, avec leurs propres mots. Il était intéressé de voir une femme comme Liora, accepter un tel emploi avec les idées qui couraient les rues sur les mutants. En plus de cela elle semblait une femme de confiance et lui-même restait confiant pour l’institut, qu’il voyait comme le lieu le plus sûr pour ces jeunes mutants en mal de conscience. Il pouvait désormais rester serein à ce propos, ce qui lui valut de tourner la tête vers la fenêtre pour regarder le paysage.

Même si cette ligne de bus prenait un chemin plus long, elle offrait un paysage magnifique, passant dans des orées de foret, traversées par des rayons de soleils envoutants. Dommage que Liora ne pouvait pas voir ces merveilles… mais il se dit que rien que le fait de travailler à l’institut allait lui changer pas mal de choses dans sa vie. Puis il se retourna vers elle et ne pu s’empêcher de lui communiquer de nouvelles informations.

- Vous allez vous sentir à l’aise avec nous. Si vous avez besoin d’une aide quelconque n’hésitez pas à venir me demander, je suis aussi professeur, spécialement de Géologie et de Pilotage… Nous avons une bonne équipe j’espère que vous allez biens vous entendre avec tout le monde. Faites en sorte de ne pas les voir comme des personnes différentes et je pense que tout se passera bien –

Il lui lança un nouveau sourire étincelant même si elle ne pouvait pas le voir, tant pis c’était une habitude. Il regardait l’extérieur et reconnu quelques éléments qui disaient qu’ils s’approchaient de l’institut :

- Voilà nous sommes presque arrivés. –

Il se leva pour appuyer sur le bouton d’arrêt du bus.

Durant un court instant, elle se laissa bercer. Se laisser aller, quelque fois, c'était agréable, ne le niions pas. Ne pas penser à comment cela passerait là-bas. Comment les jeunes mutants la percevraient-ils. Ce genre de détails. Cela dit, l'homme qui l'avait contacté inspirait la confiance : alors son séjour là-bas devrait sans aucun doute se dérouler correctement, n'est-ce pas ? Il n'existe aucuns raisons pour cela ratent... Du moins, elle l'espérait. Car ainsi, elle aurait réellement le sentiment de prendre une place quelque part, de participer à quelque chose qui en vaille la peine. Et puis, comment seraient les professeurs ? Les élèves n'auraient peut-être pas toujours envie de suivre des cours de musique. Autant de petites choses qu'elle devrait apprendre à gérer. Curieusement, c'était à la fois angoissant et excitant pour elle.

En revanche, le conseil qui lui donna était quelque peu inutile : elle le savait déjà. Et puis surtout, avant qu'elle puisse réflechir à une réponse, il lui signala qu'ils étaient arrivés, et elle se leva, attrapant la manche de ce dernier. Un petit reflexe, pour qu'il l'aide à sortir du bus. Certes, la plupart du temps, elle n'aimait pas qu'on la guide ; mais lorsqu'elle le voulait, elle le faisait savoir à sa manière.

Alexander avait pris l’initiative d’appuyer sur le bouton d’arrêt du bus pour indiquer au conducteur qu’il fallait s’arrêter, et c’est en descendant la marche qu’il sentit qu’on lui tirait la manche. Il s’agissait de Liora qui semblait avoir besoin d’aide pour descendre du bus… il n’était décidément pas habitué à prévoir l’aide qu’il pouvait apporter ou non à une aveugle, alors il se résigna à tendre la main pour qu’elle se tienne pour descendre. Arrivés sur le trottoir, ils durent marcher quelques instants avant d’arriver devant l’énorme portail d’entrée de l’institut. C’est alors qu’il s’arrêta obligeant Liora à s’arrêter elle aussi. Il lui dit alors, contemplant la façade qui s’offrait devant lui :

- Alors nous voici arrivés à l’institut… l’entrée n’est pas très loin de l’arrêt de bus comme vous pouvez le remarquer. Avant d’accéder au bâtiment, il faut passer par le parc. On a aussi un gymnase, un bois et un hangar… puis les salles de cours etc.… mais je vous expliquerais une fois arrivés à l’intérieur… -

Il lui mit la main sur l’épaule comme pour l’inviter à avancer, et se lança dans le parc, foulant de ses pas les graviers des chemins mis en place dans le parc. L’air était frais et agréable, c’était une bonne occasion pour faire visiter les lieux…

- On peut passer par le gymnase si vous voulez bien…-

Il lui avait proposé ce choix afin que la visite soit logique, sans avoir besoin de faire des allers-retours incessants pour la première visite.

Avec résignation, il l'aida à descendre, et elle s'en senti presqu'honteuse. A peine arrivée, elle demandait déjà un peu de soutien. Est-ce que finalement elle ne serait pas trop un poid pour les gens présents ici ? Elle pouvait encore faire demi-tour après tout... songea-t-elle. Mais la voix d'Alexander coupa court à ses intentions de fuites, lui expliquant avec soin l'endroit où ils se trouvaient, et leur environnement. Se détachant un peu de lui, elle marcha un peu ici et là, prenant déjà quelques réperes avec sa canne blanche et ses mains, touchant la grille d'entrée. Puis, il continua son explication, posant sa main sur son épaule.

"Le gymnase ? Ce me va... " répondit-elle, hésitant à se tenir de nouveau à lui pour avancer.

Bah... Elle n'était pas non plus handicapée à ce point... Elle avait déjà suivi des gens en se basant sur le bruit de leurs pas ou sur leur voix. Et puis, ainsi, elle pourrait mieux se concentrer pour établir mentalement un repère des lieux. Ecoutant le bruit qu'elle faisais en se déplacant, tentant de trouver des indices pour mieux se situer.

Alexander foulait de ses pas les graviers qui recouvraient les chemins traversant le parc. Ce bruit donnait l’impression d’être dans un endroit calme et serein, presque Zen, malgré le bruit des jeunes qui passaient leur après-midi là, à jouer avec un ballon ou tout simplement venus pour discuter. Le temps se prêtait à ce genre d’activité, ce qui rendait la visite d’autant plus agréable… et Alexander comptait bien donner une image parfaite de l’institut à Liora, nouvelle recrue, enseignant la musique à de jeunes mutants. Ils continuaient de marcher, arrivant finalement devant la porte d’entrée du gymnase. Il attendit quelques instants Liora qui semblait à la traîne mais il comprit qu’elle se créait des points de repères, qu’elle écoutait les bruits probablement, ou d’autres choses de ce genre. C’est lorsqu’elle s’arrêta près de lui qu’il ouvrit la porte en disant :

- Nous voici dans le gymnase. Ici se tiennent les entraînements des élèves, les activités sportives etc.… tout au fond il y a une régie, avec le matériel et les accessoires qui sont mis à la disposition des élèves. –

Il la laissa alors prendre ses marques, écouter les bruits des élèves qui jouaient au volley-ball à l’intérieur, entendant le bruit des chaussures déraper sur le sol… des bruits résonnants dans le bâtiment… Quelque instant plus tard il lui proposa de ressortir pour reprendre la route vers l’institut lui-même. Il referma alors la porte pour fouler à nouveau le gravier, et se dirigea vers l’entrée de l’institut. Il lui dit alors :

- Voilà les marches qui mènent à l’entrée. En général il y a pas mal de jeunes qui s’assoient ici, pour manger un sandwich, ou pour se reposer tout simplement.

Il monta les marches une par une en restant près d’elle dans le cas où elle aurait eu besoin d’aide, et c’est arrivé devant la porte qu’il ajouta :

- Nous entrons dans le vif du sujet. –

La lourde porte s’ouvrit et laissait entre voir quelques groupes de jeunes mutants qui se promenaient ou qui allaient en cours. Certains jetaient un œil sur la nouvelle arrivante, d’autres usaient de leur pouvoir, avant de voir le regard d’Alexander leur demandant de cesser ce genre de comportement. Des mots résonnaient dans le hall… signe de vie quotidienne dans cet endroit que Liora était sur le point de découvrir.