Le Jour X

Partie 1
Violence et renommée




BEHEMOTH ! BEHEMOTH ! BEHEMOTH ! BEHEMOTH !

*En coulisse, le trac monte. Markus était conscient qu'à chaque fois qu'il descendait cette rampe et qu'il montait sur ce ring, il mettait sa vie en jeu. C'était le genre de détail à la con qu'on finissait par oublier une fois que le public scandait le nom de son champion. Ils l'aimaient tous, éperdument, parce qu'il était le meilleur dans ce qu'il faisait. Il était le visage du catch européen, l'avenir du divertissement sportif et son nom, Markus Ford, résonnerait bientôt au-delà des murs de ce stade pour conquérir le monde... il ne pouvait pas avoir le trac, il était le meilleur, il était l'icône, les femmes ont envie de lui, les hommes ont envie d'être lui. A 17 ans à peine, Markus est au sommet du monde, il est ce que l'humanité et la virilité a à offrir de mieux. Il était le Béhémoth*

- Ca va, tu vas pas trop te chopper le melon mon vieux ?
- Hey Jean, je pensais que j'allais pas te voir avant que les hostilités ne commencent.
- Nan, sans déconner, comment tu comptes gérer ? T'es le catcheur le mieux payé de toute la FCE, donc de toute l'Europe, il paraît que des fédérations américaines comptent te racheter.
- Me racheter ? Je suis pas une pute, ma poule, je catche où j'ai envie de catcher, pas là où est le fric.
- Ca te tente pas les Etats-Unis ? Les gonzesses sont cent fois plus chaudes là-bas qu'ici. Et les salaires sont dix mille fois plus chauds.
- Ouais, on verra ça... je comptais arrêter la FCE de toute façon, dès que mon contrat est fini, dans un mois et demi.
- Ben pourquoi tu ferais ça ?
- C'est compliqué, c'est à cause d'une fille qui...
- Une fille ? Te fous pas de ma gueule, t'as dû te faire une quinzaine de nanas, rien que cette semaine.
- Ouais mais elle, elle a un truc de différent.
- Les meufs, c'est toutes les mêmes, beau gosse, tu vas ruiner ta vie à suivre les sirènes comme ça.
- Mais je te dis que...
- Tiens donc, le Béhémoth...

*Autant Markus et Jean étaient les meilleurs amis du monde ici à la FCE. Ils ont même été de grands champions en équipe. Autant, Markus entretenait une haine sans limite à Luis Cervantes, le catcheur le plus corrompu de cette partie du globe. L'espagnol avait failli se faire virer après qu'un de ses complots visant à estropier Markus à vie avait été découvert. Il ne doit sa place qu'à ses nombreuses relations, dont le nombre n'a d'égal que le statut hiérarchique*

- Alors, on remet el titre en jeu, cabron. Tu as intention de tricher ou tu vas perdre ce soir ?
- Je n'ai jamais triché, je n'ai rien sur la conscience, paëlla. Il est prévu que je perde mon titre ce soir, c'est la décision de la direction, je ne m'y suis même pas opposé.
- Je connais, je connais. Le héros plus beau quand le héros il tombe. Et le héros plein de lumière quand lui se relève.
- Va apprendre à parler français, pauvre tâche et profites-en pour relire le Code Civil.
- Luis, au moins, sait lire.

*Cette remarque fit monter une bouffée de rage dans la gorge de Links et son poing se serait abattu sur le visage de Luis si Jean ne s'était pas interposé. Rien ne blessait autant que la vérité. Markus n'avait pas eu une enfance normale. Privé d'un père et d'une mère, il a été élevé par une organisation ou plutôt des organisations interdépendantes qui n'ont jamais jugé utile de lui apprendre à lire, écrire ou compter. Quand on se sent le roi du monde, on aime pas se faire rappeler qu'on ne maîtrise pas le savoir d'un enfant de 8 ans*

- L'écoute pas Links, l'écoute pas.
- C'est ça. Suerte, Behemoth di mierda.
- Monsieur Ford, ça va être à vous dans cinq minutes.
- Je dois y aller Jean, on se voit après le match.
- Ouais et tu me raconteras pour cette fille.
- Sans faute. Allez, à plus.

*Markus gravit les marches qui menaient sous le Titantron, l'écran géant qui surplombait le début de la rampe. Il attendit patiemment la fin de l'annonce du match par le présentateur. Il n'avait encore jamais affronté son adversaire mais les directeurs voulaient booster les nouveaux venus et la meilleure façon de les rendre crédibles, c'était de leur faire gagner un match contre le grand, le puissant, l'invincible Béhémoth. Markus jeta un coup d'oeil dans le public derrière le rideau. Il ne la vit pas. Elle était forcément là, elle ne ratait aucun de ses matchs de championnat, elle l'avait dit. Et elle se débrouillait pour toujours être au premier rang. Ils allaient sûrement se voir ce soir... toutes les autres filles étaient devenues insipides après Lady. Markus revint brutalement sur terre quand il entendit un son qu'il ne connaissait désormais que trop bien : des bruits de pas. Il devrait faire son entrée dans 10 secondes. Il enfile son manteau de fourrure, met ses lunettes de soleil, prend sa ceinture sur son épaule. 4... 3... 2... 1...*

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