Ca manque de dératisation ! [PV Vermine]

Ce jour là, Vermine ne lisait pas. Il avait terminé son dernier roman, une histoire policière, et n’avait pas encore eu l’occasion d’aller chercher de nouveaux ouvrages. Ce jour là, Vermine n’écrivait pas non plus. Rédiger ses propres aventures l’amusait moins depuis quelques jours. Sans doute était-ce la faute d’une panne momentanée d’imagination. Ce jour là, Vermine n’était pas en train de faire peur aux gens. Dehors, il pleuvait à grosses goutes et il n’avait pas spécialement envie d’être trempé d’autant plus qu’il n’avait plus rien à se mettre sur le dos. Enfin si, il avait toujours son sac à dos mais ce dernier n’avait pas vocation à braver les caprices du temps. Ce jour là, que faisait donc Vermine me demanderez-vous ? Et bien, il picolait. Lors de sa dernière sortie, il n’avait peut-être pas trouvé de livre, mais il avait mis la main sur plusieurs bouteilles de Rhum. L’alcool était devenu chez lui une mauvaise habitude. La faute à sa peine et au besoin de transgression des conventions. Fort heureusement, la particularité d’Enrest lui épargnait la majorité des désagréments incombant à la manie de la bouteille. Tout juste arrivait-il à être ivre de temps en temps sans passer ensuite par la case « gueule de bois ». L’Altérium était-il le miracle des ivrognes ?

Aujourd’hui donc, l’enfant rat buvait. Et il se promenait aussi. L’odeur du Rhum flottait autour de lui, ajoutant une nouvelle nuance à son odeur corporelle nauséabonde. Il était à peine éméché. Il fallait dire qu’il était en train de vider sa première bouteille seulement. Arriverait-il à être incapable de marcher comme quand il avait séjourné dans la cave d’un vendeur de vins ?

Un cri… des cris… ils résonnaient dans les conduits… Stupéfait, Ernest s’immobilisa et abaissa sa bouteille quasi-vide. Qui diable pouvait provoquer se vacarme ? Une femme sans doute à en croire la voix hystérique qui parvenait jusqu’ici. Le mutant devait aller voir ce qui se passait, sa curiosité l’y obligeait. Alors il s’approcha en toute hâte, abandonnant au passage sa bouteille pour lui permettre d’aller à quatre pattes. Bientôt, il vit une dame toute de rose vêtue en train de trucider d’innocents rats à coup de poignard. Un instant, Vermine resta figé devant cette scène aussi révoltante qu’étrange. La révolte l’emporta vite sur l’étrange et le demi-rat s’avança, toutes griffes dehors. L’alcool avait occulté la crainte que cette action pouvait susciter. Il fallait quand même reconnaitre qu’approcher une folle n’était pas sans risque.

-Arrête ! Ils ne t’ont rien fait !

L’inconnue remarqua Ernest et, dans un hurlement presque digne d’une comédie, elle prit la fuite. Hors de question de la laisser s’en sortir comme ça. Elle devait payer pour son crime ! Enfin, payer, c’était un bien grand mot. Vermine n’était pas violant. Il voulait juste d’avantage faire peur à la fautive afin de lui faire quitter les égouts et de lui faire passer l’envi d’y retourner. Il entama donc la poursuite, une poursuite qui ne dura guère. La dame en rose, après s’être réfugiée dans un conduit voisin, opta pour l’affrontement. Dans un nouveau cri, elle tenta de poignarder Ernest qui venait à elle. Le garçon avait de bons réflexes mais même s’il n’en avait pas eu l’attaque aurait été voué à l’échec car l’adversaire, peu à l’aise sur ses talons aiguille, trébucha et s’effondra. L’arme blanche disparue dans l’eau vaseuse. En dernier recours, l’inconnue essaya de toucher Vermine qui, d’un bond, prit ses distances.

On venait d’essayer de le tuer… Ernest n’était peut-être pas violent mais il savait qu’en ce monde frapper était parfois une nécessité. La dame l’avait bien cherchée, point de remord à avoir. L’hybride rat, en un éclair, fondit sur Ashley, la gueule ouverte. Ses dents tranchantes allèrent se planter dans le bras de la jeune femme. Il avait déjà mordu des gens, il savait qu’à chaque fois quelque chose de curieux se produisait. C’était à cause de l’Altérium qu’il transmettait par ses morsures, mais il l’ignorait. Il se retira, prit un minimum de distance et, adoptant une pose qui se voulait menaçante, il s’exprima de nouveau.

-Ça t’apprendra miss moche ! Casses-toi d’ici et va apprendre à t’habiller !

Bon, d’accord, Vermine n’était peut-être pas très bien placé pour envoyer des répliques de ce genre, étant moche et dévêtu, mais là n’était pas l’importance. Il trouvait que la tenue moulante rose était d’un mauvais goût certain et ne cherchait pas plus loin.

[HRP : j’ai préféré ne pas être touché pour l’instant. Tu es le premier personnage contaminé à l’Altérium, bravo ! ]

Bon dieu ! Comme dit plus haut, Ernest savait que des choses étranges se passaient lorsqu’il mordait les gens mais là, c’était au-delà de ce qu’il s’attendait. En même temps, difficile de prévoir l’imprévisible. Sa « victime » se muait en un chat, sans toute fois perdre de sa taille. En d’autres termes, la demoiselle devenait un prédateur géant dévoreur de rongeurs en tout genres. Allait-elle céder à l’instinct de sa nouvelle forme ou sa raison ferait-elle barrage ? Autre question non moins importante, la jeune femme avait-elle seulement de la raison ? A en juger par ses précédentes actions, la réponse risquait d’être négative. Bref, inutile de s’attarder. Courageux mais pas fou, Vermine prit la poudre d’escampette, soucieux de ne pas devenir le repas d’autrui.

-J’ai trop bu, je suis sûr que j’ai trop bu ! Ouais, c’est l’alcool qui me monte à la tête, j’hallucine complément ! se dit-il à lui-même, mais sans parvenir à se croire.

Non, tout ceci était réel. Il avait transformé un humain en chat, rien que ça. Et dire qu’il pensant ne posséder qu’un pouvoir de peu d’envergure. Peut-être était-il puissant en fin de compte. Enfin, puissant… il fuyait le résultat de son propre don, difficile de prétendre à une quelconque puissance après ça. Mais quand même, il avait fait quelque chose, ce n’était pas rien. Jusqu’à présent, la plus impressionnante des conséquences de ses morsures était une invasion de pustules ou encore une démence passagère. Un cap était franchit !

Le hasard mena le jeune mutant jusqu’à une échelle grimpant à la surface. Il jeta un coup d’œil derrière lui et ne vit personne. La chatte mastodonte l’avait-elle prit en chasse ? Bon, allez, ça fait un petit moment que j’ai pas prit l’air. Et puis j’dois chercher de quoi lire, se dit-il pour justifier cette sortie imprévue. Il gravit donc l’échelle et n’eut même pas à faire coulisser la plaque de la bouche d’égout car elle n’était pas en place. C’était sans doute à cause de lui. Parfois, il était pressé et oubliait de refermer après un passage. Il bondit à l’extérieur et fut accueillit par une pluie battante ainsi que par un hurlement accompagné d’aboiements agressifs. Une veille dame et son insupportable caniche venait de l’apercevoir.

-Salut la vioc ! fit-il en s’éloignant.

Je hais les caniches, songea-t-il ensuite.

En effet, qui avait-il de plus détestable que ces petites boules de poiles hargneuses de bruyantes ? Par chance, le destin allait conduire Ashley face à la même grand-mère, crèverait un œil à cette dernière et égorgerait son animal de compagne. Bien fait pour lui. Pour la vielle dame, en revanche, Ernest n’aurait pas apprécié mais il n’était pas là pour le constater. Il gagna rapidement une ruelle moins fréquentée. Sortir à cette heure du jour était de la folie. Finalement, ce n’était pas un mal qu’il fasse un temps de caniche… enfin de chien, excusez-moi. Il y avait moins de citadins dans les rues mais c’était toujours trop.

Ça se trouve, y’a personne à la libraire. J’auras même pas à entrer par effraction, pensa-t-il en s’appuyant contre le mur d’un buildings. Mais la librairie, elle est par où ?

Ici, c’était un cartier commerçant qu’il ne fréquentait guère. Les trajets, il les faisait dans les égouts généralement alors une fois à la surface, il n’était pas rare qu’il se perde. Il fit tout de même un effort de mémoire pour s’orienter. Hélas, sa tentative fut brusquement interrompue par l’arrivée d’Ashley. C’aurait été trop beau que la féline toujours de rose vêtue s’intéresse à quelqu’un d’autre ! Et cerise sur le gâteau, une horde de chats, attirée par les miaulements de la métamorphosée, se joignit à la fête. Voila Vermine cerné de toute part. Du haut de son petit mètre, il pouvait facilement tenir tête à un chat ordinaire mais contre toute une meute, c’était une autre paire de manches. Et encore, c’était sans compter sur un adversaire déjà trop gros pour lui. Bref, l’enfant rat ne faisait pas le fier. Il jeta un regard affolé autour de lui. Mais quelle galère ! S’il s’en sortait, il aurait de quoi écrire une nouvelle aventure, c’était le côté positif de la chose. Mais en attendant, il fallait s’en sortir. Un lampadaire retint son attention. Sans perdure une seconde, il bondit dessus et l’escalada en un clin d’œil. Une fois au sommet, se pensant hors d’atteinte, il s’installa et commença à narguer les matous.

-Alors bande de loosers, ça vous fais quoi de rien pouvoir faire cotre Mr THE Rat ? Et toi, miss moche, tu sais que t’es plus belle comme ça qu’avant ? Et pourtant, les chats c’est moches, c’est dire !