Le Rat et le Loup (Pv: Vermine)

Il y avait de cela maintenant plusieurs semaines, Ernest s’était retrouvé au milieu d’une fusillade en plain Manhattan. Ce jour là, il avait eu honte de lui. Dans les histoires qu’il se plaisait à écrire et dont il était généralement le héros, il se décrivait tantôt héroïque, tantôt monstrueux, mais toujours courageux. Or ce jour là, il ne fut qu’un gamin paniqué. C’était normal, il y a fort heureusement une frontière entre fiction et réalité mais le jeun mutant ne l’entendait pas de cette oreille. Lui qui vivait dans l’imaginaire voulait ressembler à ce personnage sur mesure créé pour lui par lui : Vermine. Le dit personnage était l’origine de son pseudonyme et il fut la raison qui, aujourd’hui, poussa l’enfant à s’imposer un test.

-J’suis un dur. J’suis sans peur. J’suis… Ernest prit une nouvelle gorgée d’alcool et s’essuya le museau d’un revers de manche. …un vilain. Ouais, le pire préado de la ville ! Une… Encore une gorgée de wiski. Voilà la bouteille vide. …une vraie terreur !

Vermine envoya la bouteille se briser contre le mur de l’immeuble. Alcoolique à 12 ans, c’était déjà peu glorieux et c’était justement pourquoi il l’était. Néanmoins, il n’en ressentait que peu les effets. Malgré la quantité bue, à peine un léger voile embrumait son esprit, juste assez pour ne plus avoir de réticence à faire ce qu’il allait faire. Aujourd’hui donc, Ernest avait choisit d’être le vilain. C’était midi, le soleil déjà chaud du printemps illuminait la cité d’une lumière crue. D’ordinaire, Vermine ne sortait jamais le jour, son apparence le forçait à se cacher. Aujourd’hui, il ne se cacherait pas, il n’utiliserait pas non plus la montre holographique qu’Evelyn lui avait offerte depuis peu, cela faisait partit du test. S’il avait poussé cette logique jusqu’au bout, il serait resté dévêtu comme dans les égouts mais il avait tout de même jugé bon d’enfiler quelque chose. Il portait donc un blouson. Couleur kaki et particulièrement sale, le vêtement était dix fois trop grand pour lui et pour cause, il arrivait jusqu’à ses chevilles. Rappelons-le, le semi-rat mesurait moins d’un mètre. Les manches, quand à elles, avaient été grossièrement raccourcies à coup de couteau. On aurait dit que Vermine portait une affreuse robe. L’avantage c’était qu’il nageait tant dans l’habit qu’au final ce dernier n’entravait pas ses mouvements. Pour parfaire son insolite apparence, Vermine rabattit sur sa tête animale l’ample capuche. Sous prétexte de se donner un style, il cherchait mine de rien à se dissimuler.

-Bon allez, c’est partit ! Vermine arrive !

Ernest monta sur le skate-board, trouvé abandonné dans une ruelle, et s’élança hors du parking où il se trouvait. Jusqu’où allait-il aller ainsi ? Le plus loin possible. Mais un simple trajet en skate n’était pas suffisant pour un test digne de ce nom. Il fallait faire plus, il fallait voler des choses au passage, quitte à les jeter dix mètres plus loin. L’hybride allait se prêter à une véritable démonstration d’agilité et de petite délinquance ! Tout allait être fait pour que son passage ne passe pas inaperçu.

Trois minutes trente plus tard…

-Salut la vioc !

Telle une flèche, le garnement sur sa planche à roulettes passa devant la vielle dame qui attendait pour traverser la rue. D’un geste vif, il lui arracha son sac et s’engagea sur le passage piéton. Le feu était vert, il y eut des coups de clackson, des crissements de pneus. Ce soudain vacarme couvrit les vociférations indignées de la mamie. Vermine était déjà loin. Toujours à bonne allure, il jeta un bref regard dans le sac puis le jeta en plaine figure d’un môme en vélo. Le pauvre se retrouva au sol et en larmes.

-Fallait éviter du con !

Voilà un fast-food en vue. Tant mieux, le rat avait un petit creux. Il se dirigea vers les tables devant le commerce. Il se demanda vaguement s’il allait pouvoir négocier ce dédale d’obstacles à sa vitesse mais c’était déjà trop tard pour freiner. Il aperçut juste en face un gars avec un hamburger. Voilà sa cible. Le rat bondit. Le skate passa sous la table et Vermine au-dessus. Sa main subtilisa le sandwich. Vermine retomba de l’autre côté de la table, pile sur son skate et passa sous une autre table. Lui-même avait peine à croire ce qu’il venait de faire. A coup sûr, la prochaine fois qu’il tenterait un truc comme ça, il se casserait la figure.

-Merci mongole ! lança-t-il en s’éloignant.

Il faillit heurter une chaise, bouscula une demoiselle, évita de peu une poubelle et le voilà hors de la terrasse du fast-food. Poursuivant sa course folle, il mordit dans le hamburger de Carlos.

Bon sang ! Vermine n’avait rien vu venir. Rien de plus normal me direz-vous : il regardait devant lui, pas derrière lui. C’était préférable pour ne pas piquer une gamelle. Entièrement concentré sur sa course folle, il fut tout d’abord plus surprit qu’autre chose de se retrouver plaqué au sol. Qui était ce type qui osait gâcher son show ? Furieux, cessant de mâcher le sandwich dérobé, il fixa l’importun. Lors de son petit larcin, il n’avait pas vraiment eut le temps d’observer le visage de Carlos, mais aux répliques de ce dernier, il devina bien vite qu’il était le surnommé « mongole », le légitime propriétaire de l’hamburger. Zut alors ! Il n’y en avait pas beaucoup des gars qui se mettaient à courir pour un casse-croute bas-de-gamme. Toujours était-il que le type en question souleva Ernest comme si ce n’avait été qu’un fétu de paille. Point de gloire à cela, le jeune mutant était un poids plume. Et maintenant, que faire ? Vermine se débattait, sans grand résultat. Il lui fallait employer un autre moyen que la force pour fuir car il fallait fuir, c’était une certitude. Deux solutions vinrent à son esprit. La première consistait tous simplement à sortir de son blouson. En effet, « Mongole » l’avait agrippé par ce dernier et rappelons-le, le gamin nageait complètement dans cette pseudo-tenue vestimentaire. En une petite contorsion, il était libre mais ne serait plus vêtu que de sa fourrure. Bizarrement, cela représenta un problème à ses yeux. Son blouson était son déguisement, il ne voulait pas l’abandonner. Fuir de la sorte n’était pas un exemple de courage. L’autre solution était elle aussi très simple. Elle consistait à mordre le type et à attendre le résultat. Ce moyen, beaucoup plus agressif, lui plaisait d’avantage. N’ayant pas encore eu le temps d’avoir peur, le voile de l’alcool aidant à cela, Ernest fit son choix.

-Je pale aussi mongole. Je suis une hallucination créée par ta connerie ! T’es bon pour le psy ! dit l’hybride rat en réponse à la dernière réplique de Carlos.

Il s’était exprimé avec une irrévérence certaine, pour ne pas dire un total méprit. Vermine poursuivit.

-Tiens, j’te rends ce qui manquait à ton casse-dalle !

Sur ce, le petit mutant cracha en plain visage de l’homme ce qui lui restait dans la bouche. Profitant de l’effet de surprise, il se pencha subitement pour attendre le bras qui le tenait et le mordit à plaine dents. Cela allait sans doute faire un peu mal à Carlos mais le pire était à venir. En effet, par ce geste, l’enfant rat venait de transmettre l’Altérium qui courrait dans ses veines et habitait sa salive. La substance allait faire effet d’ici quelques minutes. Après, difficile de dire quel sera ces effets. Seule inconnue, de taille, quel seraient-ils ? Il fallait espérer qu’ils empêcheraient « mongole » de cogner. En attendant, Vermine ajouta :

-Et maintenant, t’as besoin d’un médecin !

Quelques personnes déjà observaient à distance respectable Carlos et Vermine, se demandant comment cela allait finir. L’un d’eux, un ado à l’allure rebelle, sortait son téléphone portable pour filmer la scène. Qui sait, peut-être que cela aurait du succès sur YouTube.

HRP : je t’invite à lire la section pouvoir de ma fiche (le lien est dans ma signature) pour prendre connaissance des effets de l’Altérium. En gros, c’est à toi de choisir. Optes pour quelque chose d’intéressant pour la suite.

Au début, Vermine fut plutôt enthousiaste du résultat obtenu. Mettre au sol un grand gaillard comme ça en une seule morsure, c’était la grande classe.

-J’suis trop fort ! fanfaronna-t-il en adoptant une pose de vainqueur vantard.

Il savait qu’on le regardait et c’était bien pour ça qu’il extériorisait autant sa fierté. Mine de rien, il était redoutable à sa manière. Ouais, il était vraiment une terreur ! Mais bon, redoutable ou pas, vu l’amplitude de son blouson crasseux, il aurait put accomplir les actes les plus incroyables et adopter toutes les glorieuses postures qui lui passait pas la tête, il aurait toujours ressemblé à un sac à patates kaki. Tant pis. Comme on dit, ce n’est pas l’habit qui fait le moine.

-Tu as trouvé ton maitre ! ajouta-t-il en croisant les bras et en adressant un sourire en coin au gars filmant avec son portable.

Puis, la satisfaction d’Ernest laissa la place à la curiosité. Oubliant les gens observaient la scène, il reporta son attention sur de type à l’hamburger. Ce dernier commençait à se transformer. Le petit mutant crut à tord que tout était dut à sa morsure. Il ignorait bien sûr qu’il avait à faire à un autre mutant.

-Bah ça alors… lâcha-t-il alors que sa victime devenait plus animal que lui.

Métamorphoser quelqu’un, jamais encore cela ne lui était arrivé. Une fois, il avait couvert une grand-mère acariâtre de pustules ; une autre fois, il avait fait pousser un troisième bras à une grande gueule binoclarde ; là, ce qui se produisait était au-delà de tout ce qu’il avait provoqué. Jusqu’où cela pouvait-il aller ? Vermine ne se posa pas longtemps cette question. Les quelques mots de Carlos aidant, il se rendit pleinement compte qu’il était face à un loup gigantesque qui le fixait avec une inquiétante convoitise. Autour, c’était la panique, ce qui ajoutait encore au dramatique de l’ambiance. Le canidé, tout en s’en prenant aux imprudents qui passaient à sa portée, avançait lentement vers l’enfant-rat. Et ce dernier, reculait à la même allure.

-Heu… couché Médor, couché ! hasarda-t-il, d’une voix soucieuse.

Le monstre montra les crocs. A la vision de cette carnassière dentition, un passage d’une célèbre histoire vint à l’esprit de Vermine. « Ho, comme tu as de grands dents ! dit le chaperon-rouge. C’est pour mieux te manger mon enfant ! répondit le loup. » Ernest déglutit avec difficulté. Ce passage n’était que trop de circonstance. C’était dans ce genre de moment qu’on regrettait d’avoir de l’imagination. Celle-ci ne faisait que souligner le danger qui s’annonçait. Cette fois, alcool ou pas, le petit mutant sentit la trouille l’envahir.

-Ho et puis zut ! Va faire mumuse avec quelqu’un d’autre ! lança l’hybride en tournant les talons.

Sans demander son reste, il s’élança à toute allure, faisant ainsi comme tous les gens des environs. Dans sa précipitation, il faillit heurter un poteau qui se trouvait à proximité. Après l’avoir frôlé, il aperçut sa planche à roulettes gisant à côté du trottoir. Sans cesser de courir, il l’attrapa au passage et la lança à l’aveuglette dernière lui. Avec un peu de chance, le loup la prendrait en plaine gueule, mais ce ne serait évidement pas assez pour l’arrêter. Le semi-rat courait vite mais il était conscient que le monstre allait très vite le rattraper. Je suis dans la merde, se dit-il. Je te l’avais dit, fit une petite voix dans sa tête. Inutile de nier quand montant sur le skate-board quelques minutes plus tôt, il était à peu près certain que les choses tourneraient mal. Voilà, c’était fait. Maintenant, il s’agissait de s’en sortir en un seul morceau. Heureusement, la peur n’empêcha pas Ernest de réfléchir. Il se dit qu’il devait impérativement quitter la rue et gagner un endroit où sa petite taille serait un avantage. Il pensa alors aux égouts mais les conduits n’étaient pas assez étroits et de plus, ils étaient en ligne droite, exactement ce qu’il ne fallait pas. Alors où aller ? Le gamin balaya les environs d’un regard précipité. Le mieux qu’il trouva fut de se rendre dans un immeuble. Justement, à une dizaine de mètres, quelqu’un allait se réfugier dans un building, il avait franchit la porte et allait la refermer dans un instant. Vermine, qui pourtant pensait déjà aller à sa vitesse maximale, accéléra encore. Pour passer à temps, il plongea à travers les battants qui claquèrent juste derrière lui. Après une belle glissade à plat ventre sur le sol du hall, il se releva et se précipita dans les escaliers.

-Fêtes pas attention à moi ! dit-il à l’intention de celui qui lui avait involontairement permit d’entrer.
-Au secours ! Un monstre ! répliqua ce dernier.

Nom d’un chien, il était déterminé le molosse !Vermine n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que la bête n’avait pas renoncé. Les sons qui lui parvenaient étaient explicites. Dans l’immeuble, un vent de panique soufflait déjà. Raison de plus pour ne pas trainer. Ernest gravissait les marches si vite qu’il en perdait halène. Dans sa précipitation, il allait parfois sur deux pattes, parfois sur quatre. Mais il n’était toujours pas assez rapide. Pourquoi diable était-il si petit ? Il avait beau être vif et agile, il ne pouvait rivaliser avec un loup surdimensionné. S’il ne faisait rien, il était fait. De la même façon qu’il avait désiré quitter la rue, il voulu quitter la cage d’escalier. Alors il tenta d’ouvrir les portes qui se présentaient à lui. Il y allait avec tant d’empressement qu’on aurait cru qu’il voulait les défoncer. Evidement, il en était incapable. A force d’heurter des portes verrouillées, il finit presque par être étourdit. Heureusement, il finit par en trouver une qui n’était pas fermée à clef. Ce fut juste à temps pour échapper une nouvelle fois de peu à Carlos.

Parcourant comme un fou le couloir, Vermine se retrouva bientôt dans la salle de bain. Quelle horreur ! Il détestait cette pièce ! Il détestait se laver ! En plus, la fenêtre était trop haute et trop petite pour qu’il puisse rapidement s’en servir.

-Et merde ! lâcha-t-il, affolé.

Sans attendre, il retourna dans le couloir et emprunta une autre porte. Maintenant, il se trouvait dans la cuisine. Là, la fenêtre, tout à fait conventionnelle, lui offrait une échappatoire salvatrice. Peu importait qu’il se trouvait au neuvième étages, l’enfant rat était un as de l’escalade. Une fois à l’extérieur, le loup ne pourrait pas le suivre. Ce dernier était bien trop lourd et trop grand pour profiter des prises qu’offrait la paroi de l’immeuble. Le soulagement gagnait Vermine. Il bondit sur la table positionnée juste à coté du mur et de la fameuse fenêtre. Dans un instant il l’aurait ouverte, dans un instant il serait hors de portée…

-A plus Médor ! fit-il, sur le point de disparaitre.

Le plus drôle dans cette affaire, c’était que l’appartement où se trouvait Ernest n’était pas vide. Une étudiante l’habitait. En ce moment, la demoiselle se trouvait dans sa chambre en train de danser au son surélevé de ses écouteurs plaqués sur ses oreilles. Le monde aurait put s’écouler à côté d’elle, elle ne s’en serait même pas aperçu.

Bon dieu ! Mais c’est qu’il avait bien faillit se faire bouffer là ! Et à cette pensée, il avait bien faillit se pisser dessus ce qui, avouons-le, aurait définitivement froissé son amour propre. Heureusement, il n’en fit rien et alors que la situation semblait sans issue, la chance lui sourit enfin. Le gars au sandwich reprenait forme humaine. Après un petit instant de trouble, Vermine, vif comme l’éclair, saisit cette opportunité. D’un bond, il se releva. D’un deuxième bond, il fut sur la table. Et après un troisième bond, il atterrit sur le rebord de la fenêtre. Alors, tournant la tête, il s’autorisa encore une fois de narguer son adversaire.

-Ho, Médor, t’as bousillé tes fringues ! C’que t’es mimi presque à poil ! Bon allez, c’est pas tout, mais j’ai d’autres loups à fouetter moi ! A jamais !

Sur ce, Ernest disparut de la cuisine. Se retrouvant à l’extérieur, il s’agrippa à la paroi de l’immeuble et entreprit de descendre. Cette fois, l’enragé de service ne pourrait pas le suivre, ce serait suicidaire ou bien trop long. Carlos devrait repasser par les escaliers. Inutile de dire que là aussi ce serait trop long. En moins d’une minute, l’agilité et l’adrénaline menèrent l’enfant-rat sur le trottoir. Déjà, il entendait les sirènes de police et n’en fut pas surprit. Après tout le bordel qui avait été commit, c’était inévitable que les flics s’emmêlent. Mais ça, ce n’était plus son affaire, juste celle de son poursuivant. En effet, en quelques instants, Vermine gagna une bouche d’égout et s’y engouffra.

-Merde alors. J’crois bien que j’ai foiré mon test… marmonna-t-il amèrement et galopant dans les conduits souterrains…

HRP : si tu n’as pas les moyens de me rattraper, ceci est mon dernier post.