Atterrissage [Liam]

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New-York City. Cela faisait longtemps que Matthew rêvait d'y faire un tour, sans pour autant savoir ce qui l'attirait exactement. Il n'était en effet pas passionné par les grandes villes, préférant la discrétion et la solitude. Mais New York avait quelque chose. Les dizaines de publicités sur la ville qui ne dort jamais avaient dû bourrer son crâne! Il revenait tout juste d'un road trip en Irlande, et avait réussi à voler une personne suffisamment riche pour pouvoir se permettre d'acheter un billet d'avion. Un aller simple. Le jeune homme descendit de l'avion, il n'avait pas de bagages, mis à part un vieux sac qu'il jetait avec désinvolture sur ses épaules, sorti de l'aéroport, s'alluma une cigarette et regarda autour de lui. Il était près de 23 heures et il était censé faire nuit, mais les centaines de lumières de la ville ne laissait même pas apparaître le ciel noir. L'agitation était impressionnante... Gigantesque. Matthew se sentait déjà mal à l'aise, et c'est en grognant qu'il commença à marcher sous une pluie battante, à la recherche de tout ce qui pourrait attirer son attention : cinéma, boîte de nuit, bar, hôtel...

Il choisit le bar. Une grande enseigne "Interdit de fumer" était affichée sur l'entrée. Il grogna à nouveau, jeta sa cigarette par terre et entra. Matthew balaya la pièce du regard, des ivrognes squattaient le comptoir en sirotant toutes sortes d'alcool forts, des gamins se trémoussaient sur une piste de danse, une bagarre avait éclaté dans le fond, un pied de chaise vola d'ailleurs dans sa direction, il le frôla et terminé finalement sa course sur les pavés de la ville. Personne ne semblait étonné. Matthew haussa les sourcils, avant de commander une bière et de s'asseoir dans un coin un peu plus calme du bar. Il était tard, l'agitation régnait et un vacarme presque assourdissant empêchait le jeune homme d'écouter le flash spécial qui passait à la télé non loin. Le flash montrait des images amateurs d'une violence extraordinaire : des mutants profitant de leurs pouvoirs pour faire régner le chaos. Sûrement une attaque de la Confrérie. Matthew était persuadé que ce n'était pas la solution, même s'il ne portait pas spécialement les humains dans son cœur. Comment tant de mutants pouvaient penser que c'était la solution? Que l'extermination leur permettrait de mieux vivre? Matthew soupira, avant de sortir une cigarette de sa poche, et l'alluma avec un briquet qu'il ne quittait jamais. Et tant pis pour la réglementation, le barman était déjà suffisamment occupé entre les verres brisés par les jeunes, le couple qui se battait et les ivrognes qui vomissaient un peu partout. Le jeune homme se mit plus à l'aise en s'adossant à son siège, et regarda cette scène comique avec un léger sourire sur ses lèvres. Un sourire. Cela faisait des semaines qu'il n'avait pas souri. En fait il ne se rappelait même pas la dernière fois... Il haussa les sourcils lorsqu'une femme totalement ivre poussa violemment son mari, qui recula et glissa dans le vomis d'un ivrogne allongé par terre. Shepard explosa de rire. Quoi qu'il puisse dire sur New York City et son agitation, il sentait qu'il allait malgré tout passer un bon séjour!

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Un soir de plus dans un bar sans nom, un soir de plus que je passais à boire et fumer, rien que de normal pour un médecin, sensé donner l'exemple à ses patients... Mes journées éprouvantes n'étaient pas étrangères à mon relâchement nocturne, et le fait que je ne subisse pas les effets néfastes de ces produits grâce à mon extraordinaire métabolisme n'arrangeait rein à l'affaire, m'incitant peu à faire des efforts.

Il commençait à se faire tard, mais je ne décollai pas de ce bar miteux, dans un coin paumé de NYC, m'enfilant un énième verre d'une boisson alcoolisée commandée au hasard. L'avantage quand on peut éliminer l'alcool au rythme qu'on souhaite, c'est qu'on peut essayer des mélanges qui assommeraient un éléphant. Le désavantage, c'est qu'on peut facilement y prendre goût, et que c'est pas bon pour le porte-feuille...

L'agitation ambiante commençait à me taper sur le système, même si je m'étais placé à l'écart afin d'avoir un peu la paix. Finissant mon verre, j'en recommandai un autre d'un signe de main au barman, habitué à ce genre de requête silencieuse. Un nouvel arrivant pointa le bout de son nez, esquivant au passage un projectile provenant d'un coin de la salle où une rixe avait encore éclaté. La troisième de la soirée... Il commanda une bière et vint s'installer non loin de moi. Avant d'éclater de rire lorsqu'une dispute de couple dégénéra. Le meilleur moyen de recentrer la hargne des imbéciles éméchés de la salle, ça.

Il n'avait pas l'air d'un mauvais bougre, aussi décidai-je d'accomplir ma bonne action du jour hors horaires de consultation. Commandant deux whisky, je me levai après les avoir reçus et les apportai à sa table. En posant un devant lui, je lui adressai quelques propos bien pesés, gardant l'esprit clair en éliminant les quelques traces d'alcool subsistant dans mon organisme:

« Si tu tiens à vivre suffisamment longtemps pour avoir une descendance profuse, éviter d'attirer l'attention des saoûlards qui t'entourent peut être une option valable. Bois, évite à tout pris cet éclat de bonne humeur, ça a tendance à rendre ces âmes en peine jalouses, et je tiens pas à devoir m'occuper de toi par la suite, parce que ça me ferait un travail monstrueux vu leurs habitudes... »

Sur ce bon conseil, j'avalai d'un trait le contenu de mon verre, et levai un sourcil interrogateur, dans l'attente de sa réponse.

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Un homme s'approcha de Matthew. Ce dernier fronça les sourcils, n'aimant pas trop la compagnie ni discuter avec des inconnus - ou avec qui que ce soit -. Il fit mine de se lever pour s'écarter et faire comprendre à l'homme qu'il n'était pas le bienvenue, il préférait encore affronter le New York nocturne et ses ruelles incertaines plutôt que devoir faire acte de politesse avec une personne qu'il ne connaissait absolument pas. Mais Matthew pensa subitement à ses nouvelles résolutions. Il n'était pas venu dans une ville si grande pour fuir le contact d'autrui et rester dans son coin, ce qui était de toute façon impossible dans une ville de cette ampleur. Il pensa à Hegel et toute sa philosophie sur autrui. "L’homme n’est humain que dans la mesure où il veut s’imposer à un autre homme, se faire reconnaître par lui." Matthew retint un sourire, qu'est ce que le philosophe pourrait en dire à propos des mutants? Il abandonna donc son mouvement de recul, d'autant plus que l'homme n'avait pas l'air bien méchant, et que surtout il avait dans sa main un verre de whisky. Ce dernier posa le verre sur sa table avant de prendre la parole, et de le mettre en garde. Matthew haussa les sourcils avant de répondre d'une voix amusée :

« Je pense n'importe lequel de ses soûlards, en admettant qu'il arrive à tenir debout, n'arriverait même pas à m'atteindre sans tomber dans un coma profond! Mais ne t'en fais pas pour mes "éclats de bonne humeur", j'suis pas trop du genre à rester de bonne humeur plus de quelques minutes! »

A peine eut-il terminé sa phrase qu'un ivrogne réussit par miracle à se lever en prononçant des paroles incompréhensibles. Il avança en titubant vers Matthew, évitant difficilement les différents obstacles qui étaient sur sa route. Ses efforts étaient assez honorables, mais ils se soldèrent hélas par une chute assez pathétique. Il essaya de se relever avant de tituber vers le comptoir, où il commanda une vodka.

Matthew eut un sourire amusé, finit sa bière, leva le verre de whisky et hocha la tête en signe de remerciement avant de le boire d'une traite. C'est problématique, l'alcool, surtout dans un bar avec cette ambiance. Matthew ne croulait pas sur l'or et n'était pas venu spécialement pour boire, mais on venait de lui offrir un verre, et les règles de la politesse faisait qu'il se devait à son tour de lui offrir quelque chose. Bon dieu qui est l'idiot qui a inventé ce concept de politesse? Le jeune leva le bras à l'attention du barman et lui finit comprendre avec difficulté qu'il souhait deux autres whisky. Lorsqu'il les apporta finalement, Matthew se tourna vers l'individu pour entamer une conversation.

« T'occuper de moi par la suite? Tu es médecin? »

Il sortit son paquet de cigarette, en alluma une avant d'en tendre une autre vers l'homme assit en face de lui.

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Après un instant qui lui sembla une éternité, où l'homme sembla sur le point de m'envoyer paître, j'eus l'agréable surprise de le voir accepter le verre que je lui tendais, alors qu'il me répondait de façon pour le moins sybilline.

« Je ne parle pas d'un soûlard, je parle de l'ensemble des clients présents actuellement, qui sous leurs airs chamailleurs n'aiment rien de plus que se liguer contre l'étranger qui fait un pas de travers. C'est comme ça les foules, leur intelligence est inversement proportionnelle à leur nombre. Et l'alcool n'arrange rien. La bonne humeur n'est pas une mauvaise chose, mais pas en ce genre de lieu.»

Un hurluberlu complètement beurré réalisa alors un numéro d'équilibriste particulièrement honorable, au vu de l'état dans lequel il se trouvait, oubliant en court de route ce qu'il avait prévu de faire, et cherchant du réconfort au bar, dans un verre supplémentaire.

Ceci arracha un nouveau sourire à mon interlocuteur, qui semblait définitivement ne pas se soucier d'avoir une tonne d'imbéciles sur le dos. Tant mieux pour lui, en un sens. Son action suivante m'étonna, il commanda deux nouveaux verres de pur malt. Et m'en offrit un. Un geste pour le moins rare en ces temps de crise, chacun ayant tendance à privilégier son petit confort avant de commencer à penser aux autres. J'acceptai, esquissant un léger sourire à mon tour, avant d'en boire quelques gorgées et de répondre à la question qu'il me posa.

« Tout à fait, bien qu'en ce genre de circonstances, avec autant de comas éthyliques potentiels ou de bagarres pouvant mal tourner dans le coin, je le regrette presque... »

Acceptant la cigarette qu'il me tendait, je lâchai un laconique « faites ce que je dis, pas ce que je fais » avant de l'allumer avec son briquet.

« Et toi, tu fais quel genre de boulot? Au fait, moi c'est Liam. »

Reprenant une gorgée de whisky, je contemplai quelques instants le chaos ambiant avant de reporter mon attention sur mon compagnon de boisson. Et sur le sac posé à ses pieds.

« Tu viens d'arriver en ville? Erf, pas de chance, c'est pas vraiment la meilleure période pour débarquer, tout le monde est sur les nerfs en ce moment. Et si tu cherches un job, va falloir t'accrocher... Mais je parle, je parle, et on a fini nos verres, j'ai le gosier sec, et je m'aime pas cette sensation.»

Je recommandai aussitôt une nouvelle tournée, et me recalai dans la chaise, savourant ma boisson tout en espérant que la soirée ne dérape pas comme elle en avait en général la fâcheuse habitude lorsque je ne désirais rien de plus que rester peinard jusqu'à ce que je me décide enfin à rentrer.

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Matthew hocha la tête pendant que son interlocuteur lui parlait de foules, d'alcool et de bonne humeur. Le jeune homme n'était pas particulièrement doué en relations sociales, et il n'avait pas réellement conscience de ce qu'il faisait. Ainsi il était dans ce bar l'étranger, et il n'avait pas songé une seule seconde que ce statut puisse lui nuire. Cependant Shepard n'avait pas grand chose à craindre des humains, car s'il n'aimait pas les conflits physiques voire les conflits tout court, il arrivait toujours à s'esquiver discrètement grâce à son pouvoir, d'où une certaine assurance dans ces gestes. Bien sûr ceci serait différent s'il y avait des mutants ayant des pouvoirs importants dans le bar. Matthew balaya à nouveau la pièce du regard... Et parmi tous ces soûlards, s'il y avait un mutant, il aurait déjà probablement fait l'erreur d'utiliser son pouvoir malgré lui. Après quelques secondes de réflexion il décida enfin de répondre à son interlocuteur :

« Tu as peut être raison. Je n'ai pas l'habitude de fréquenter des endroits de ce genre, c'est la première fois que je viens à New York. Je devrais peut être faire plus attention... »

Un mensonge qu'il avait caché de son mieux, car il ne pensait pas à ce qu'il venait de dire. Matthew but une gorgée de whisky et sourit à l'homme en face de lui qui n'avait pas réellement l'air d'aimer son métier. Son sourire disparut instantanément lorsque le dénommé Liam lui demanda quel genre de métier il faisait. Que faire? Prendre le risque de lui mentir? Lui dire la vérité au risque d'être prit pour un moins que rien? Shepard se dit qu'il était de toute façon trop tard, vu le temps qu'il mettait pour réfléchir à la question, Liam n'aurait aucun mal à distinguer la vérité du mensonge.

« Enchanté Liam! Moi c'est Matthew. Je n'ai pas de travail, et je ne cherche pas spécialement à en avoir. Je ne crache pas sur quelques petits jobs faciles de temps en temps, histoire de me faire un peu d'argent, mais ça ne m'intéresse pas. Le train train quotidien, travailler 5 jours sur 7, me lever tous les matins à la même heure, faire les mêmes activités toute la journée, rentrer, manger et me coucher aux mêmes heures... Profiter de quelques rares vacances avant de tout recommencer, et ce jusqu'à une retraite mal payée. Vivre dans un tel conformisme... Non, ça ne m'a jamais tenté! »

Conscient de l'ironie qu'il venait de faire, Shepard but une gorgée de whisky et ajouta :

« Cependant je doute que le métier de médecin soit aussi routinier que ce que je viens de décrire. T'as dû voir des trucs assez horribles... »

Matthew songea à ses cicatrices, ce qui le forcément le fit penser à son passé, sa mère... Sa tête commença à le faire souffrir, premier symptôme avant un probable évanouissement. Il ferma les yeux quelques dixièmes de secondes et se força à répondre à Liam, pour penser à autre chose et annihiler sa douleur.

« Oh, d'après ce que j'ai pu entendre sur New York, les gens sont toujours sur les nerfs! Jamais contents ces américains! »

Matthew sourit à nouveau lorsque Liam commanda deux autres verres. Il termina celui qu'il n'avait pas terminé et regarda à nouveau en direction de la télévision. Le flash spécial n'en finissait pas, des attentats éclataient un peu partout dans le monde, aussi bien causés par des humains que par des mutants.

« Rha putain, quelle merde... » laissa t-il échapper.

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Bien sûr qu'il devrait faire plus attention, le coin était loin d'abriter des enfants de coeur, mais habitué à devoir discerner le vrai du faux dans ce que me racontaient mes patients je tiquai, ayant quelques doutes sur sa sincérité, mais ne relevai pas et l'attribuai à sa jeunesse. Il ne devait pas se rendre compte de tous les tenants et les aboutissants...

Bon, j'avais obtenu un nom, et visiblement quelques informations sur son caractère, totalement anti-conformiste pour l'heure. Jusqu'à ce qu'il change d'avis d'ici une dizaine d'années, lorsque ses priorités auraient changé. Sa remarque suivante quant à mon métier attendait bien évidemment une réponse.

« C'est vrai que soigner apporte de nouvelles situations chaque jour, certaines plus surprenantes que d'autres, et c'est pour ça que j'aime exercer ce métier. Non, ce qui m'exaspère, c'est l'absence de limite de la connerie humaine, qui est souvent à l'origine des blessures dont je dois m'occuper par la suite... »

Je crus remarquer un léger malaise dans sa façon d'être, mais ce fut très bref, aussi n'en fus-je pas sûr et préférai-je ne rien dire.

« Oui, de vrais survoltés, c'est bien pour ça que je ne me suis pas établi dans New York même, mais un peu au nord »

La télé continuait de débiter catastrophe sur catastrophe, la plupart d'origine humaine. Matthew n'y resta d'ailleurs pas indifférent.

« Tu vois, quand je te disais que c'est la bêtise humaine qui me surcharge de travail... »

Et la bêtise humaine semblait décidément ne connaître aucune limite. En témoignait le silence plus ou moins relatif qui tomba dans la salle, après la dernière remarque du jeune homme en face de moi. Le problème avec la boisson, c'est que chez les personnes normales elle obscurcit le jugement, et les fait souvent démarrer au quart de tour.

C'était une fois de plus manifestement le cas ce soir, quelques oreilles traînant ayant du prendre la remarque de Matthew comme une attaque personnelle sans chercher à comprendre plus avant, et quelques malabars éméchés commençaient donc à s'approcher, formant un cercle autour de nous.

« Et voilà, c'était trop calme pour durer... »

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Matthew se préparait à commander deux autres verres d'un quelconque alcool lorsqu'un silence assez angoissant envahit la salle, contrastant avec le brouhaha infernal qu'il y avait quelques instants plus tôt. Quelques hommes s'approchèrent de Matthew et de Liam, formant un cercle assez menaçant.

« Ouaip. J'aurais peut être dû faire plus attention... »

L'alcool aidant, les individus avaient probablement mal interprétés les dires de Matthew. Ou peut être qu'ils n'aimaient tout simplement pas les nouveaux, comme l'avait suggéré Liam... Quoi qu'il en soit le jeune homme faisait face à un dilemme. Essayer de régler ça sans violence, ou faire preuve de violence pour se débarrasser de ces imbéciles. Ils étaient tout de même une dizaine, et certains n'avaient pas hésité à retrousser leurs manches pour exhiber leurs muscles assez... Intimidants. Le jeune homme jeta un regard à Liam, qui semblait lui aussi hésiter quant à la situation qu'ils devaient prendre. Matthew prit la parole d'une voix qui se voulait rassurante :

« On ne cherche pas de problèmes. Si un de mes propos vous a blessé je m'en excuse, ce n'était pas dans l'intention de vous provoquer. »

Tant de politesse le faisait presque vomir, il n'était pas habitué à réagir de la sorte, mais il s'était promit de changer. Il y a quelques temps il n'aurait même pas prit la peine de prendre la parole, il serait passé à l'action. L'homme le plus musclé s'approcha un peu plus, il semblait être le "chef" de la petite bande, ou du moins celui était le plus respecté. C'était aussi le moins ivre de tous, probablement celui qui tenait le mieux l'alcool. Il cogna son poing sur la table avec violence, faisant voler les verres, avant de rapprocher son visage de Matthew. Ce dernier eut un mouvement de recul.

« On aime pas les mecs de ton genre, ici. Toi et ton petit copain vous allez regretter d'avoir foutu vos sales pattes ici, ça j'peux vous l'assurer. » dit le colosse d'une voix rocailleuse.

Okay. La solution pacifique n'était pas de mise ici, c'était évident. Le barman ne semblait pas disposé à aider les deux hommes, il les ignorait avec dédain sans même avoir le réflexe d'appeler des secours, ou bien même d'accomplir son rôle de barman dans ce genre de situation : s'interposer. Tant pis. Ça ferait une bonne raison de ne pas payer les consommations! Le colosse s'approcha un peu plus et eut un sourire édenté. Matthew soupira et s'alluma une clope avant de se tourner vers Liam :

« Voilà comment je "gagne ma vie". C'est peut être pas très glorieux et relativement facile, mais j'ai pas trouvé mieux! »

Les yeux bleu pâles de Matthew passèrent au gris, il souffla la fumée de la cigarette sur le visage du colosse en souriant, et utilisa son pouvoir. Il se baissa juste à temps pour éviter le poing que l'homme lui avait balancé, prit Liam par le poignet pour lui faire comprendre de le suivre, et profita de la fumée dégagée par sa cigarette pour la multiplier encore et encore. Il multiplia aussi son opacité, et tout le bar fut bientôt totalement envahit par une fumée noire, sans aucune toxicité. Alors que la panique régnait, que les femmes criaient au feu et que les verres et bouteilles se brisaient un peu partout, Matthew se déplaçait avec prudence en guidant Liam du mieux qu'il pouvait. Ils évitèrent le cercle maintenant désorganisés des hommes, et se dirigèrent vers le comptoir, avant de rejoindre la sortie.
Une fois dehors, Matthew se gratta la nuque et regarda Liam avec ses yeux redevenus normaux, il craignait vraiment la réaction de l'humain... Même si celui ci semblait bien plus tolérant que la moyenne. Peut être même trop tolérant pour en être un...

« J'suis désolé pour tout ça... »

Il sortit de son sac une bouteille de whisky qu'il avait volé au passage.

« Tiens, pour me faire pardonner! »

Matthew attendit sa réaction avec une certaine appréhension. Ce premier jour à New York promettait d'être pour le moins étrange!

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« Bah, de toute façon, vu le genre, ils auraient toujours trouvé à redire, hein... »

Matthew tenta une approche pacifique, plutôt bien menée, afin de désamorcer le conflit et calmer les esprits, mais une brute épaisse ruina tous ses efforts. Frappant la table de son poing fermé, il renversa tout et lança sa réplique primitive, démontrant bien de quel côté la nature avait compensé sa force impressionnante. Un véritable Brody, j'aurais juré qu'il appartenait à la même famille. Petite tête vide sur un corps trop musclé, et cherchant les embrouilles pour le plaisir de fracasser des nez...

« C'est malin, j'avais pas fini mon verre... »

Bon, là je l'avais pas ramené franchement, tout juste murmuré, pas la peine d'aggraver la situation, même s'il me semblait que je venais encore de me fourrer dans un merdier infâme. Je décidai donc qu'il n'était plus temps de se détendre, et éliminai donc les derniers résidus d'alcool présents dans mon sang avant de voir ce que me réservait la suite. L'action suivante de Matthew me parut pour le moins étrange, tout autant que la déclaration allant de paire. Mais les événements les suivant leur donnèrent tout son sens. La fumée qu'expira le jeune homme prit rapidement des proportions gigantesques, semblant se multiplier sans limites, et apporta son lot de confusion dans le bar déjà agité.

Presque aveuglé, je sentis quelqu'un saisir mon poignet et m'entraîner à sa suite. Manifestement il devait s'agir du tout nouveau new-yorkais, sinon j'aurais déjà eu l'occasion de recevoir un poing dans la figure. Me laissant guider, j'atteignis la sortie après un trajet pour le moins sinueux. Visiblement gêné, Matthew me présenta des excuses, ce qui me fit sourire. En même temps que je lui répondais, je lui fis signe de me suivre, afin que nous nous éloignâmes un peu du bar et filions dans les ruelles, évitant ainsi de croiser nos détracteurs.

« Si tu es désolé pour avoir trop pris à la légère ces demeurés, ce sont des choses qui arrivent. Trop souvent à mon goût, d'ailleurs, mais passons. Si c'est parce que je ne pourrais visiblement pas remettre les pieds dans ce bouge avant quelque temps, ce n'est pas très grave, je m'en remettrai. Finalement, il n'y a guère que si tu es désolé d'être différent que ça me dérangerait. La différence se cultive, ne se renie pas, même s'il est vrai qu'avec une bonne partie des gens mieux vaut garder profil bas. »

Je préférai refuser la bouteille qu'il me tendait, expliquant ainsi ma décision:

« C'est gentil, mais comme je te l'ai dit tu n'as rien de bien méchant à te reprocher. Et puis pour être honnête, ça ne me fait pas grand chose, j'en bois plus histoire de passer le temps qu'autre chose, je n'en suis pas rendu à chercher frénétiquement de quoi consommer. D'ailleurs je n'en arriverai jamais là. Bon, si tu viens d'arriver, tu dois pas être bien frais, passe-moi tes mains. »

N'attendant pas réellement de réponse de sa part, je les pris dans les miennes, et laissai agir mon don. Je fis ainsi éliminer à son organisme tout l'acide lactique stocké dans ses muscles, le soulageant d'une bonne part de sa fatigue physique, et re-régulai sa production de mélatonine afin de lui éviter les effets du décalage horaire qui l'auraient sûrement touché le lendemain après son voyage. Je lâchai ensuite ses mains et fis un pas en arrière.

« Considère ça comme un cadeau de bienvenue, et une indication de la porte où aller frapper si jamais tu te fais amocher malgré tes cigarettes extra-productives. »

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