Kiss Kiss, Bang Bang ! [libre] [Terminé]

C'était la sonnerie de son réveil qui l'avait réveillée. Ou alors les cris dans le couloir. Allez savoir, la tête encore le cirage, les neurones complètement déconnectées les unes des autres, c'était assez dur de réfléchir. Tout ce dont Ampère était consciente, c'était qu'un bruit désagréable l'avait tirée de son sommeil. Elle tendit l'oreille pour se rendre compte au bout de quelques secondes que c'était bel et bien le bruit de ses collègues qui était le responsable...Un réveil loin d'être inhabituel...Avec les loustics qui sévissaient dans les couloirs de la confrérie, criminels et autres individus peu fréquentables, les prises de bec musclées et les bagarres étaient monnaie courante. L'organisation était loin d'un école maternelle...Quoique, ils criaient sans doute autant qu'une foule de marmots et sans doute pour des raisons aussi futiles que les plus petits...

Enfin, cela dit, rien ne donnait à ces brutes épaisses le droit de lui réserver un accueil tellement peu agréable. Elle se serait volontiers levée pour leur crier dessus mais les draps l'attachaient inexorablement au lit. Étalée comme une loque, les muscles avec la consistance du fromage mou, elle peinait à s'arracher de l'emprise de son lit bien chaud...Et elle ne bougeait pas, préférant ignorer les cris...Jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus... Bordel, mais est-ce que c'était possible un tel raffut à une heure si matinale...A dix heures du matin! Oui tout à fait, matinale. Surtout quand on s'était couché à cinq heures du matin...

Rageuse, elle repoussa les couvertures et se précipita vers la porte, l'ouvrant d'un coup sec. Encore en nuisette très courte, le style qui aurait pu rendre Louise très sexy seulement si sa touffe de cheveux complètement décoiffée, ses paupières encore collées et sa voix endormie et rauque n'avaient pas cassé complètement l'effet...Bref, ce que virent arriver les fous furieux qui gueulaient dans le couloir près des dortoirs, ce fut une grande asperge à l'aspect complètement débraillée qui se mit à leur hurler dessus...

« P'TAIN MAIS VOUS ALLEZ LA FERMER, 'SPECES DE GLANDUS!!!!! »

L'effet fut immédiat, les types se turent aussi secs, surpris d'être interrompus de cette façon et se retournèrent immédiatement. Heureusement pour Ampère et son intégrité physique, son ancienneté dans la confrérie et son rang lui conféraient un certain pouvoir face au sbires de petite échelle. Elle n'eut donc droit qu'à de vagues protestations avant qu'ils ne finissent par dégager de devant la porte de son dortoir. Les gars n'étaient pas contents mais au moins, cela avait fait son petit effet et elle allait enfin pouvoir se recoucher et finir sa nuit tranquille...

« P'être qu'on va pouvoir se reposer tranquil' maintenant!»

Ah non, zut. Elle avait des responsabilités et du travail, elle ne pouvait pas retourner au lit. Avec l'agilité d'un paresseux sous lexomil, elle se traina donc jusqu'à la douche avec la ferme intention de s'y noyer dessous, avant de s'habiller tranquillement, enfilant une simple combinaison confortable et des bottes souples. Puis elle passa par la salle du réfectoire pour y manger un morceau, histoire de bien commencer la journée.

« Oh mais merde, vous pourriez refaire du café quand vous finissez la cafetière, c'est quand même pas si dur... »

C'est vrai quoi, le fait d'être de dangereux criminels, ça n'empêchait personne de savoir vivre un minimum en communauté quand même...Exaspérée, Louise se refit du café et attrapa un petit pain. Puis elle sortit illico de la pièce, sa tasse encore fumante dans une main et son pain dans l'autre. Et se mit à arpenter les couloirs en direction de la salle d'entrainement. Avec un peu de chance, la pièce serait vide le temps qu'elle finisse son petit déjeuner, avant qu'elle ne commence son entrainement. Ouais parce que quelqu'un avait dit un jour -encore un petit malin- que pour prétendre être un bon acolyte, il fallait quand même avoir un certain niveau physique et une excellente maitrise de ses pouvoirs...Chose qu'évidemment Ampère ne pouvait encore prétendre....Résultat des courses: l'entrainement était une étape non négligeable. Et surtout indispensable.

Bref. Pas de chance. La salle était déjà occupée par un homme qu'Ampère n'avais jamais vu. Ou peut-être bien que si, au détour d'un simple couloir...En tout cas, la jeune femme ne savait même pas son nom. En silence, le pain dans la bouche, en train de le mâchonner négligemment, Louise l'observa tirer une dernière fois...Impossible de déterminer quel était le pouvoir de l'homme mais ça avait l'air intéressant. Appuyé avec nonchalance près de la porte, elle prit soudain la parole alors que le bruit des impacts prenait fin.

« Arf c'est pas passé loin...Dis t'en as encore pour longtemps ou je dois me chercher une autre salle d'entrainement? »

Une gorgée de café et elle enchaina, un petit sourire flottant sur ses lèvres.

« Et sinon, ça te dérange que je reste pour voir, ça a l'air drôlement sympa de dégommer des cibles... »

Ampère était loin d'être une femme prête à prendre la mouche, surtout après tous ces mois passés en compagnie d'individus peu commodes. L'air presque blasée, elle se contenta de hausser les épaules à ses paroles et prit son temps pour engloutir la derrière bouchée de son petit pain. De toute façon, ce n'était pas elle qui allait chercher des poux pour rien...Après tout, elle ne savait rien de cet homme, ni de son caractère. Déjà, il était un peu plus grand qu'elle, et bien plus musclé...

« Bah comme quoi faut pas désespérer. Regarde des phrases entières et t'es encore debout...On t'appelle comment maintenant du coup? Pipelette?»

Elle se redressa d'un coup, s'éloignant brusquement du mur, et se dirigea vers son interlocuteur tout en prenant soin de ne rien renverser. La journée avait débuté difficilement, inutile de continuer, n'est-ce pas?. En s'approchant, elle se contentait juste d'observer l'homme. Ce n'était sans doute pas l'homme le plus beau du monde mais il avait un charme certain. Regard tranquille et presque captivant, l'homme banal qui semble cacher une personnalité hors du commun...A découvrir alors? Hummm...Du cahier de doléances de l'homme, elle ne s'intéressait que très vaguement, se faisant simplement la réflexion qu'il devait encore s'agir d'un illuminé...Ce qui ne la changeait pas du tout du reste.

« Rien d'autre? Bah ouais, manière de voir les choses quoi. Si tu veux, y'a le ménage, le repassage, la cuisine et j'en passe. Si tu trouves toujours pas ton bonheur, t'as les départements qui recrutent et qui ont besoin de gens pour tout organiser, soit dit en passant...Dis moi tu tombes d'où au juste? »

A la réflexion, l'homme, sans aucun doute, aurait pu faire un parfait collaborateur sous les ordres de Maiween, au département de recherche. Enfin, restait à savoir ce que ce type valait, s'il savait obéir aux ordres, s'il était plutôt bourrin ou plutôt du genre subtil...Apparemment, le type était discret et visiblement peu sociable...Bah oui, sous les ordres de Maiween, il aurait fait fureur...

Elle tendit la main vers lui et annonca d'un ton posé.

« Ampère. »

Louise tiqua puis se mit à rire. Bon, au moins, l'homme avait de l'humour, c'était déjà ça. Il était potentiellement un type dangereux et criminel, puisqu'on l'avait jugé suffisamment bon pour rejoindre les rangs de la confrérie, mais il semblait rester calme et maitre de soi. On ne pouvait vraiment dire que c'était le cas de tout le monde ici...Enfin, bon point pour l'homme qui, petit un, ne s'était pas énervé comme un dingue pour un oui ou pour un non, ou parce qu'elle l'avait dérangée, petit deux, il était plutôt agréable à reluquer regarder, petit trois, il semblait capable d'aligner trois mots correctement et puis petit quatre...Bon, pas de petit quatre à priori mais c'était déjà pas mal...

Quant à son petit nom, il ne lui donnait absolument rien. Ni sur son pouvoir, ni sur rien du tout d'ailleurs...Rancune? Voilà un petit nom qui aurait pu lui convenir à elle même, rongée qu'elle était par le souvenir de sa famille qui l'avait lâchement abandonnée. et ce qui l'avait poussé à rejoindre les rangs de Magnéto, ça et la volonté de changer de vie. D'opter et d'espérer une vie meilleure, et de pouvoir prétendre à monter de standing, et d'obtenir enfin une certaine reconnaissance. Et même l'organisation criminelle et ses membres était mieux que le petit quartier minable de Buenos Aires d'où elle venait...Elle haussa les épaules.

« Perso, tu t'appellerais Balayette, Papier Toilette ou Machin Chose, ça me ferait ni chaud ni froid, tu vois?...C'est juste histoire de pas te dire "Eh toi", faut avoir un minimum de standing quand même, on est pas des ploucs...Enfin pas totalement...Donc allons-y pour Grudge...»

Elle resta immobile, tandis que déjà son esprit s'emparait du système électrique de la pièce, cherchant l'endroit le plus adpaté pour tout couper. Petite impulsion et la totalité de la pièce se retrouva plongée dans le noir pendant quelques secondes, avant qu'elle ne relâche sa brève concentration.

« Pour ce qui est de mon don...Bingo, ça concerne l'électricité même si c'est un peu différent à ce que peut faire Mewen...Quant aux emmerdes, ça dépend de toi exclusivement, mais si on tient compte que je suis dans l'une des organisations criminelles de New York, je dirais qu'à priori ouais, y'a un minimum de risques à considérer...»

Elle en rajoutait peut-être un peu trop mais c'était pour faire genre...Ils étaient dans le même camp, quelle raison aurait-elle eu à s'opposer à lui?

« M'enfin vu qu'on est du même côté, je dirais que ça devrait aller...Au pire, je couperais le chauffage du ballon d'eau chaude pendant ta douche...»

Nouveau sourire...

« Alors pourquoi tu es là? Des comptes à régler?.»

Quand il avait matérialisé son arme, Louise avait sourit et elle avait observé, l'air intéressé. C'était un pouvoir peu commun que ce type avait là, un peu le genre à la Mystique, même s'il n'avait changé que sa main. Qui était devenue une arme, soit dit en passant, c’était à la fois assez fascinant et terrifiant pour que cela vaille le coup d’œil. Quand elle était rentrée dans la salle d'entrainement quelques instants plus tôt, Louise n'y avait pas porté spécialement attention. Elle l’avait vu tiré contre les cibles mais elle ne s’était pas attardée sur cette arme tellement spéciale…Ou plutôt sur le fait que son arme et une partie de son corps ne semblaient ne faire qu’un. D’ailleurs, il s’agissait encore d’une autre différence avec la dame à la peau bleue. L’homme se servait de ce pouvoir qui paraissait autre qu’une simple illusion. Bien plus mortel, quoique si on comparait à Mystique…dans son genre, la mutante n’était pas le genre enfant de cœur. Enfin passons. Un pouvoir sympa. Un peu sordide dans son genre mais sympa. Restait à savoir s’il pouvait faire ça avec le reste de son corps, s’il était un métamorphe à proprement parler…

Ensuite, elle avait écouté son récit en silence, immobile face à cet homme. Sans montrer le moindre signe de compassion, seulement un air sérieux. L’histoire de cet homme était triste mais elle n’était pas unique…La violence contre les mutants était un fait, l’humanité ne faisait pas mystère de sa haine envers les porteurs du gène X. Grudge avait perdu des membres de sa famille et Louise en était désolée pour lui mais elle ne le montrait pas…Elle se contenta de plisser les lèvres et hocher la tête.

« Down Street, ça me dit vaguement quelque chose…Je te comprends…Enfin, du moins, je peux m’imaginer ce que tu ressens. Pour ma part, les choses se sont déroulées différemment… »

Elle agita la main dans un geste désinvolte. L’esprit de vengeance coulait encore dans ses veines. Après toutes ces années , on aurait pu croire qu’elle aurait enfin passé l’éponge et tiré un trait sur son passé mais il n’en était rien. Les douze derniers mois passés à la confrérie n’avaient fait qu’étoffer cette haine envers ceux qui lui avaient fait du mal et cette indifférence et ce mépris face à l’humanité. Louise n’avait pas l’intention de rayer les humains de la carte mais elle comptait bien réclamer vengeance et faire couler le sang.

« Pour ma part mon histoire est différente mais tout aussi commune, c'est con et injuste mais c'est comme ça. Je vivais en Espagne avec ma famille et quand nous avons décidé de partir pour Buenos Aires, nous avons pris l’avion. En atterrissant, j’ai pris peur et c’est là que mes pouvoirs sont apparus. Bref, j’ai déréglé la moitié des systèmes de l’avion qui a du se poser en catastrophe. Aucun mort, juste un terminal de rien du tout à refaire, pas de quoi crier au scandale, pas vrai…?Mais ça a suffit à mes parents pour m’abandonner. Ensuite j’ai vécu dans la misère ou presque jusqu’à ce je débarque ici…Fin de l’histoire. Émouvant, pas vrai ? »

Non, ce n’était pas émouvant, juste idiot. Une histoire on ne peut plus banale. Louise était une pauvre fille qui n’avait rien de très exceptionnel, si ce n’est qu’elle pouvait mettre la machine de café en marche sans la toucher. Maintenant, elle commençait à prendre du grade, de l’importance. Maintenant, elle commençait à se sentir quelqu’un. Elle leva la main dans un geste circulaire, désignant l’espace environnant.

« Bref, j’ai débarqué ici. Franchement, c’est pas le Ritz mais depuis un an, c’est ma maison et les fous furieux qui vivent dedans ma famille…Et je fais ce que je peux pour défendre leur cause. Dur à croire, hein ? Remarque, je sais pas ce que tu entends par ressembler à une tueuse…et au passage, je pense que t’es loin de coller à ce cliché toi aussi…Mais juste par curiosité, je te fais penser à quoi exactement? A une stripteaseuse de cabaret? Inspectrice des impôts? Prof? Caissière? Dis moi tout…»