Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson]
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Sujet: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mer 5 Jan 2011 - 10:40
Début de l'année 2011, c'était un Mercredi il me semble. Il était 21h et j'avais envie de me détendre un peu. Pour l'occasion j'avais revêtu un magnifique costume noir, avec nœud papillon. Le seul soucis étant que la veste et le pantalon étaient un peu trop petits pour moi, laissant donc apparaitre les chevilles et mes poignets. J'avais passé mon nouvel an à jouer au poker dans un tripot clandestin avec quelques gosses de riches et deux trois gangsters. Bien entendu les malfrats n'avaient pas appréciés de perdre et m'avaient tués d'une balle dans la nuque au fond d'une sombre impasse. Par bonheur, ce genre de détail n'a pas vraiment prise sur ma personne, il m'avais suffit de rendre le fonctionnement de mon cerveau indépendant du reste de mon corps puis de me soigner d'une simple pensé une fois les criminels partis.
J'aurais put les tuer, ou transformer leur vie en véritable enfer, mais j'avais décidé de les remercier pour m'avoir parlé, au cours de la partie, de l'endroit où je me rendais présentement. Le Blood Orchid, un bar sympa d'après leur dires, un peu huppé mais avec les plus belles danseuses de la ville. Ils m'avaient aussi avertis de la rude sélection qui était opérée à l'entrée de l'établissement, et de la carrure du physionomiste, c'était pourquoi j'arrivais ainsi vêtu de mes plus beaux atours. Lorsqu'il me vit, le vigile ouvrit grand les yeux. Je venais de passer devant une file d'attente que faisait bien vingt mètres et en plus je donnais l'impression d'avoir trop grandit depuis que j'avais enfilé mes fringues. Derrière moi les gens protestaient, et le gorille se levait de son tabouret pour me faire déguerpir. Levant les mains en l'air comme si je pensais que ça allait le calmer, je lui souriais avec gentillesse.
-Tu ne vas tout de même pas virer un des seuls clients de la soirée. Ton boss t'en voudrais non ?
Le temps de prononcer ces phrases et derrière moi les gens qui attendaient et râlaient leur impatience avaient tous disparus. Chacun s'était retrouvé chez soit sans savoir comment. Ils étaient tous au lit et en pyjama, au pire ils penseraient avoir été drogués, au mieux que c'était un rêve. Le pauvre vigile lui, se frottait les yeux, déjà il n'arrivait plus vraiment à se rappeler si il y avait eut du monde ou non qui faisait la queue.
-T'en fais pas mon grand, tu dois être fatigué.
Lui tapotant l'épaule de la main gauche, je lui tendais de la droite un billet de cents dollars. Bien entendu je n'avais pas un sous en poche, mais encore une fois, c'est le genre de détail qui m'importait peu, l'argent poussait littéralement dans mes poches, les bassesses du monde matériel n'était que caprices pour moi.
-Voilà pour ta peine.
Laissant le malabar se rassoir sur son tabouret, j'entrais enfin dans le bar, découvrant une magnifique ambiance. Le propriétaire des lieux devait s'être donné bien du mal et des moyens pour bâtir un endroit pareil. Puisque je m'étais amusé avec le videur, je prit soin de réajuster la taille de mon costard, et changeais mon nœud papillon en une cravate rouge au reflets noirs. Cravate dont, si l'on regardait de plus près, les reflets se mouvaient indépendamment de la lumière, donnant une impression semblable à une lampe à plasma. Je fis mine de réajuster mon col, puis palpais mon torse au niveau de la poche intérieure de la veste. Je venais d'y faire apparaitre assez d'argent pour passer une soirée inoubliable. Suivant les conseils de mes assassins, je me dirigeait d'abord vers le bar, prenant place et signalant, d'un signe de la main, au barmaid, que je voulais commander. Lorsqu'il arriva enfin vers moi je parlai exactement au bon volume pour qu'il m'entende parfaitement sans avoir à crier, c'était un petit tour de mon cru assez discret pour ne choquer personne.
-Apportez moi une bouteille d'absinthe et ce qu'il faut pour la préparer correctement !
Tout en parlant, je lui tendais trois cents dollars. Après tout, dans ce genre de bar, la bouteille d'un tel alcool devait bien valoir dans les deux cents, le reste ferait un généreux pourboire. Une chose était sûre, la soirée allait être bonne.
-Je serais dans la salle de derrière, envoyez moi un serveur.
Après tout, vu l'argent que je lâchai, j'avais bien le droit à un traitement princier. Je quittais donc ma place derrière le bar puis me dirigeait vers la salle numéro deux. Je pris place dans l'une des mezzanines, me mettant de sorte à pouvoir voir la scène de danse correctement. Le serveur n'allait pas tarder, accompagné de ma bouteille, de mon verre et de quelques sucres, et déjà on annonçait la prochaine danseuse. Il ne me restait plus qu'a profiter du moment, et pourquoi pas m'amuser un peu pendant les différents shows.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Sam 8 Jan 2011 - 22:16
Le noir total s'installa bientôt, alors que l'heure du prochain numéro était arrivée.
Un rythme lourd, langoureux, s'imposa dans l'ombre. Quand dans l'esprit de tous il s'imprima comme un battement de cœur, la lumière commença à poindre comme une aube timide diffusée par un projecteur masqué dans les hauteurs. Les rayons de ce soleil craintif révélèrent peu à peu le fond de la scène, au plus près du grand rideau de velours sombre au pied duquel, statique, se tenait une forme humaine. Debout devant un cercueil fermé, une femme en grand deuil, enveloppée dans un long manteau rehaussé de fourrure, dos au public et tête basse sous un large chapeau à voilette, commença à se mouvoir lorsque les premiers mots, susurrés avec le poids d'une douce mélancolie, s'élevèrent dans l'immensité de la salle.
Love is a fire. Burns down all that it sees. Burns down everything Everything you think. Burns down Everything you say.
La veuve s'avança d'un pas mesuré vers la dernière demeure du défunt, tenant manifestement un ultime présent dans ses mains gantées de velours. Elle s'arrêta de nouveau dans un instant de recueillement, puis, lentement, son bras s'éleva avec, dans sa main, une couronne de roses pourpres. Celle-ci fut jetée sur la surface de bois, après quoi, la femme se tourna doucement vers le chemin qui menait au bout de la scène, entamant avec lenteur une procession solitaire quand la musique marqua un temps plus fort.
Après quelques pas sa démarche changea de manière de plus en plus perceptible, se faisant de moins en moins rigide, prenant graduellement les airs du pas d'une femme séductrice. Dans le même temps, elle releva avec grâce le voile qui couvrait son visage, effaçant celui-ci sur le bord de l'accessoire avec une noblesse nouvelle, dévoilant un teint d'ivoire, des yeux brillant dans un écrin de nuit, et des lèvres peintes avec précision d'un vermeil éclatant. Un demi-sourire étira la commissure de cette bouche qui attirait tous les regards alors que la lumière déversée des hauteurs s'intensifiait.
She blew me her death-kiss, And the mouth-marks Bled down my eyes, Like her dying On my windshield. I can already feel Her worms Eating my spine.
Tout pendant que le conte se poursuivait à l'oreille des spectateurs, la femme en noir poursuivit sa marche avec la même lenteur, engageant une démarche qu'on devinait chaloupée sous la longueur de sa robe, antichambre des secrets que plus d'un convoitent en des soirs teintés de langueur. Un à un, elle ôta les boutons de son épais manteau au col fourré, mais on ne devinait encore rien de ce qu'il masquait.
So how can it be this lonely? Is that all we get For our lives? Is love only sweeter when One of us dies?
Le chant se faisait plus traînant, suggérant l'affliction, tandis que la danseuse enfouissait son cou dans l'épaisseur du col, laissant sa douceur caresser les contours de sa mâchoire fine avec l'expression du délice qui se dessinait dans son sourire plus franc, bien que toujours coloré de la pointe de timidité joueuse dont usent les femmes amoureuses. Dans son mouvement qui s'épanouissait peu à peu vers une lascivité ardente, elle découvrit dans un éclat blanc l'une de ses épaules graciles, laissant peu à peu choir l'avatar précieux de l'animalité masculine le long de ses bras, immaculés et fragiles tels la porcelaine.
Then I knew that our love was Just a car crash away. I knew that our love was Just a car crash away.
Tour à tour offerte et dérobée à ce fantôme d'homme, elle paraissait s'étourdir entre son désir de se donner entièrement et sa volonté de préserver un secret. Celui de son corps, celui de son âme ? La barrière semblait mince alors qu'elle tournait vers son amant fictif des yeux à l'éclat carmin tantôt un peu craintif, tantôt amusé, et finalement charmeur à nouveau, dans un cycle étrange où s'affrontaient la passion et la raison qu'elle piétinait.
I knew that our love was Just a car crash away. I knew that our love was Just a car crash away.
Finalement la séduction l'emporta et c'est après quelques pas animés par ce jeu qu'elle se décida, faisant face au bout de la scène avec un regard embrasé et un sourire presque menaçant, à s'avancer de nouveau tout en se débarrassant avec des manières expertes de son épais manteau qu'elle laissa dévaler le long de son corps, ne le portant plus que d'une main avant qu'il ne tombe comme une ombre derrière elle. Ce qu'on prenait pour le bas de sa robe de deuil n'était qu'un prolongement du manteau. Sur sa peau, désormais, dansaient les étincelles d'une robe de soirée entièrement faite de perles noires, couvrant ses jambes toujours invisibles alors que seuls deux pans fixés dans son dos prolongeaient avec une pudeur calculée l'attente d'un dévoilement entier.
La musique se calma de nouveau, son expression changea encore.
Love is a fire. Burns down all that it sees. Burns down everything. Everything you think Burns Down Everything you say.
Jusque là elle n'était apparue que sous le jour d'une jeune créature de Dieu que l'on berne par de savantes attentions; elle s'avançait désormais sur un autre chemin, et sans se hâter, elle se débarrassa de ses gants, puis elle porta les mains vers sa gorge découverte, laissant y courir la paume d'une main vers sa nuque tandis que l'autre saisissait le bord de son chapeau et le renversait, libérant une cascade de cheveux d'un noir aussi profond que brillant, une onde qui serpenta dans un désordre d'une sensualité débordante jusqu'au creux de ses reins, s'éparpillant aussi autour de ses fragiles épaules, léchant avec avidité l'aube de sa poitrine à peine dévoilée. L'accessoire rejoignit le premier vêtement, et les bras graciles de la belle se perdirent un instant en éparpillant l'eau sombre de sa chevelure rappelant les mythes ondins. Elle sortit de sa brève immobilité quand un rythme plus marqué reprit, enchaînant avec un pas bien plus félin, prédateur qu'auparavant, s'approchant désormais de la fin de son parcours, une longue découpe s'ouvrant de sa hanche à ses pieds dans le tissage qui occultait encore la divine jambe que l'on put alors apercevoir, chaussée de très hauts escarpins d'un rouge ardent.
Love is a fire. Burns down all that it sees. Burns down everything. Everything you think Burns Down Everything you say.
Alors que, telle une panthère, elle traçait sa route vers l'objet de ses égards, un second projecteur fit tomber une bruine de rubis sur l'extrémité de la scène, là où elle s'évasait en un disque. On aperçut alors de plus en plus nettement les contours d'un grand lit à baldaquin circulaire, dont les barreaux tendaient mollement un drap transparent à leur sommet, et maintenaient en place des rideaux en voilage, d'une couleur chair très douce, suggérant l'intimité à l'instar des draps de soie d'un rose gourmand qui recouvraient le matelas et habillaient l'épaisseur moelleuse de plusieurs coussins.
La danseuse arriva auprès de ce nouvel élément du décor, et avec une fluidité sans le moindre accroc, joignit ses mains derrière son dos. La seconde suivante, son dernier vêtement chutait à terre sans même entraver son pas, dévoilant pleinement sa poitrine au galbe parfait, la pointe de ses seins pudiquement décorée de pièces de strass écarlates tandis qu'au creux de ses reins brillait le triangle, assorti de son jumeau au revers de l'anatomie de la belle, d'un sous-vêtement qui n'avait que ce qu'il fallait de retenue.
Love is a fire. Burns down all that it sees. Burns down everything. Everything you think Burns Down Everything you say.
La belle poursuivant sa progression contourna le lit sans même jeter un regard à son public dont elle n'avait jamais été plus proche, comme si cet instant était un rêve disputant sa place dans une réalité où elle se trouvait seule avec celui qui hantait chaque seconde, chaque battement de cœur, chaque pas qui l'attachait à ce monde. En passant le long des barreaux verticaux du lit, elle détachait en ce qui passait pour un frôlement chacun des rideaux, qui tombaient les uns après les autres sur cet espace qui doucement se préservait des regards posés sur lui.
Puis, lorsqu'il ne resta plus qu'un voile, elle se défit sans immobilité marquée de ses escarpins pour pénétrer dans l'alcôve. A peine était-elle entrée que les marches menant à cette partie de la scène se parèrent de lignes de feu, formant des cercles flamboyants autour du nid.
I knew that our love was Just a Car Crash Away.
I knew that our love was Just a Car Crash Away.
La cage amoureuse devint le théâtre d'une danse plus proche de la représentation de l'amour qu'elle ne l'avait été jusqu'alors. Jouant avec ce qui l'entourait, flattant un à un les barreaux du lit et offrant ainsi à tous le loisir de contempler ses formes d'une finesse rare à travers l'écran flou des voilages, elle se mouvait avec la grâce d'un tigre et la touchante beauté d'une nymphe, suggérant les caresses, les émois, les frissons. La lumière, peu à peu, devint de plus en plus foncée, de moins en moins forte. Le premier projecteur, blanc, s'était évanoui, et seule restait la chute sanguine au dessus de la brune.
Puis vint le break, et avec une lenteur étrangement inquiétante, la danse se fit plus violente, jusqu'à ce que sans appel scintille un éclat d'argent fulgurant au milieu des tissus. Avec une brusquerie immédiate, une gerbe d'étincelles rouges éclaboussa les rideaux, puis une autre, et encore une, alors que la forme de la danseuse, à genoux au milieu du lit, se levait et s'abaissait vigoureusement et que les flammes sur le cercle extérieur autour du lit devenaient de plus en plus grandes, effrayantes – et pourtant sans danger pour l'assistance.
Le projecteur s'éteignit et le feu fut la seule source de lumière, laissant à peine discerner les giclées d'encre rouge qui tachaient de plus en plus le lit et ses draps innocents...
Love is a fire. Burns down all that it sees. Burns down everything. Everything you think Burns Down Everything you say.
Quand l'accalmie revint, les flammes descendirent doucement jusqu'à mourir dans le sol, alors que l'aurore érubescente du projecteur revenait, jetant ses rayons sur la danseuse à la peau si blanche désormais maculée d'un liquide écarlate. Elle leva son visage où des larmes brillaient, charriant un peu de son maquillage, et comme une prière, chercha du bout des doigts à caresser la lumière... l'éclat d'une alliance scintillant à son annulaire.
Toute luminosité disparut quand la chanson s'acheva et quelques secondes passèrent dans le silence.
De toute évidence, le public ne savait trop comment réagir. Et puis une lourde vague d'applaudissement s'éleva dans la salle où seules des bougies brillaient sur les tables des clients, pour ne pas les laisser totalement dans le noir. Si certains s'extasiaient après-coup, d'autres, trop choqués ou interloqués peut-être par la tournure qu'avait prise le numéro, n'applaudissaient qu'avec une certaine retenue, cependant leur discrétion ne l'emportait pas face aux quelques fervents admirateurs qu'avait glanés Argamane Delacroix à travers cette performance, lesquels s'étaient même mis debout pour quelques uns, le temps d'une ovation éphémère.
Quelques minutes plus tard, c'est celle-ci qui se présenta à la table d'un nouveau client du bar que personne n'avait encore jamais vu, mais qui, dès le premier soir, avait brillé par sa générosité. Il arrivait parfois que des clients très fortunés et très à l'aise avec l'opulence de leur porte-monnaie fassent le même genre de coup d'éclat dès leur entrée au Blood Orchid, c'était presque devenu monnaie courante avec la renommée sans cesse grandissante de l'établissement. Mais la maîtresse ce céans n'était pas du genre à se lasser des nouvelles rencontres et surtout, elle savait faire des affaires, et s'occuper de ses clients. Elle n'était pas appréciée que pour ses représentations scéniques.
La jeune serveuse qui avait apporté sa commande au jeune homme en question avait indiqué à sa patronne l'endroit où celui-ci s'était installé, et depuis quand il s'y trouvait. C'est vêtue d'une robe courte en latex d'une couleur crème proche de celle de sa peau agrémentée de liserés noirs et perchée sur des talons hauts qu'elle le rejoignit pour lui souhaiter la bienvenue et peut-être échanger quelques mots, histoire de faire connaissance avec lui – la fidélisation passait aussi par là, elle s'y prêtait avec un plaisir toujours entier.
« Monsieur, permettez-moi de me présenter, je suis Argamane Delacroix. C'est un plaisir pour moi de vous recevoir en ma demeure. Puis-je ? » demanda-t-elle poliment après un léger geste vers le fauteuil qui faisait face à celui de ce drôle de bonhomme brun aux goûts vestimentaires aussi surprenants que ce qu'on lui avait rapporté.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Lun 10 Jan 2011 - 19:41
J'étais donc assis là, dans ce bar un peu particulier, la serveuse m'apportait mon absinthe, alors qu'en bas le show commençait. Je lui fit un clin d'œil et un sourire charmeur, elle me regarda comme un fou, et pour le coup elle n'avait pas tout à fait tord. Mais, ne m'en souciant que trop peu, je me contentais de remplir mon verre, préparant le spiritueux à l'ancienne mode. Un fond d'absinthe, puis la cuillère posée en travers du verre, le sucre disposé dessus. Par malheur la serveuse n'avait pas amené de briquet, mais ce n'était pas bien grave, sans aucune autre aide que mon imagination, le sucre fondait comme si il était en feu, goutant dans la liqueur verte. Ce ne fut qu'une fois le petit cube blanc totalement disparut, que j'ajoutais un peu d'eau pour terminer la mixture. Mon pouvoir aidant, lorsque je pris la première gorgée, la danseuse commençait tout juste son show.
La musique englobait la salle comme rarement J'en avais été témoin, et si j'étais en hauteur, je voyais parfaitement la performeuse. Il ne fallut guère de temps avant que je ne tombe sous son charme, son corps et la musique se mêlant d'une telle sorte que j'avais l'impression qu'ils faisaient l'amour ensemble. Si elle était humaine, et ce dans le sens large du terme, et donc mutants compris, elle atteignait l'apogée de son art et effleurait de tout son corps, le divin. Ce que je fis ensuite n'étais pas juste, mais comprenez moi, la scène était si loin, et le spectacle si somptueux.
Je dégageais ma table, posant mon verre et le plateau que m'avait apporté la serveuse, sur un support invisible, dans le prolongement du mobilier, qui était de mon fait. Et lorsque la table fut enfin libre, apparut dessus une réplique parfaite de ce qui se passait plus bas sur la scène. La danseuse était là, ses accessoires et son décors aussi, et avec une exacte synchronisation, faisait son numéro, pour moi et moi seul. C'était une sorte d'hologramme comme jamais la technologie en serait capable, m'apportant non seulement l'image, mais aussi l'odeur du corps de l'artiste. J'étais fasciné, et tandis que le publique se partageait médusé la demoiselle, je profitais d'elle seul, me donnant l'impression de vivre un instant qui n'appartiendrait jamais qu'à moi.
La fin du spectacle approchait, et déjà la femme sur scène détenait mon cœur. Elle m'avait tant captivé que je n'avais guère plus touché à ma boisson depuis ma première gorgée. Je restais presque interdit, mais fasciné à l'extrême, face à la tournure finale du numéro. Nous étions là bien loin du simple effeuillage burlesque comme certaines pseudo diva du string le pratiquaient, non, c'était de l'art, du vrai, de la magie pure. Dire tant de choses que les mots sont incapables de formuler avec pour seul langage celui du corps, et pour maitresse cette musique enivrante. Oui, l'espace d'une chanson au moins, j'aimais cette femme plus que je ne l'avais jamais fait auparavant. Et lorsque qu'enfin le musique se tut, je me levais d'un bond, et criait mon admiration, autant par la voix que par mes mains. Dans un geste presque théâtrale, je jetais un bouquet invisible sur la scène, et ce furent des roses aussi rouge que les lèvres de la danseuse qui atteignirent les pieds de cette dernière.
Aussi vite qu'elle était apparue, la créature semi divine disparue, me laissant seul face au silence. En un instant je reprenait ma place, et mon verre et la bouteille qui servait à le remplir en firent de même, se retrouvant de nouveau sur la table. Les yeux fermés, le cœur battant encore bien plus fort qu'a l'accoutumée, je reprenais ma boisson, et la vidait d'une traite. Fermant les yeux, je repassait en penser mes passages préférés de l'œuvre qu'on venait de m'exposer, gardant aux lèvres un sourire satisfait. C'est en pensée que je me permis de vérifier, et que je découvrait qu'elle était,tout comme moi, une mutante. Mais ce n'étais guère sa différence génétique qui la rendait si suave et particulière, mais bien un talent humain, bien que travaillé plus longtemps que la plupart des danseuses pouvaient se le permettre.
C'était là que j'en était de mes pensées lorsque l'on vint me déranger, et si, en ouvrant les yeux, j'eus l'air contrarié, mon expression changea bien vite, cédant la place à un superbe sourire. Elle était là, devant lui, plus belle encore vêtue qu'entrain de se dénuder. Sans avoir besoin de danser, se dégageait d'elle une grâce qui me submergeais. Alors, avant qu'elle n'ait pu finir sa phrase, la chaise se reculait d'elle même pour qu'elle y prenne place. Ainsi l'inconnue avait un nom, et ce nom possédait ce lieux hors du temps. Je me levais avant qu'elle n'ai pu s'asseoir, et me saisissant de sa main j'y déposait un baiser.
-James Braddock pour vous servir.
Je ne rajoutais pas le lord qui me revenait de droit, de par mon père, et me contentait de me rasseoir, pour lui servir un verre qui semblait avoir toujours été là, alors que la serveuse n'en avait amené qu'un. J'aurais pu le remplir plus vite, ou encore enflammer le sucre, mais je procédais de manière normale, ne laissant pour seul indice de ma nature, que cette chaise qui s'était reculée seule. Et encore, je n'aurais eut aucun mal à le faire du bout du pied.
-Je tiens à vous dire que je vous ai trouvée admirable, magnifique. Marquant une pause, je fronçais les sourcils. En vérité je mens, vous étiez bien plus que cela, vous êtes, mademoiselle, une créature chimérique, comme il n'en existe que dans mes rêves et ceux des plus fous d'entre nous. Je crains que vous n'ayez emporté, en même temps que mon cœur, le peu de raison qu'il me restait, car si ceci est la réalité, alors vous avez fait ce soir, devant mes yeux, de ce monde un rêve étrange et envoutant. Alors permettez moi, comme trop modeste remerciement, de vous offrir ce verre.
Et ainsi je lui tendis le verre de fée verte, ou du moins le fit glisser sur la table en sa direction. Je n'avais pas pris la peine de préciser que j'étais enchanté de faire sa connaissance, mais il me semblait que chacune de mes paroles le disait déjà suffisamment.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mer 12 Jan 2011 - 17:49
Il flottait un vague étrange autour de cet être qu'elle ne connaissait pas, dont le nom même ne lui disait rien. C'était comme si ses repères étaient plongés dans un flou relatif à la proximité de son client, une impression certainement liée au mouvement singulier du fauteuil lui étant destiné, qu'elle ne remarqua pas vraiment tant son attention était concentrée sur lui, mais que ses yeux perçurent pourtant à défaut qu'elle pût l'entendre, les pieds de tout l'ameublement étant garnis de pièces de feutre.
- James Braddock pour vous servir.
Il l'avait interrompue mais un instant de surprise lui fit vite oublier ce détail dont elle ne lui aurait de toute façon pas tenu rigueur. Sa main dans celle du jeune homme à la chevelure hirsute avait cet air cocasse et attachant d'une colombe entre les paumes innocentes d'un enfant, plein de soins pour la créature qui l'émerveillait. Sans doute est-ce une certaine fibre maternelle qui la fit s'amuser silencieusement de cet égard devenu trop rare aujourd'hui, qui dénotait également d'une spontanéité touchante, mais tout autant remarquable de par sa noblesse. Après tout, jugeant à l'œil on donnait à cet homme un peu moins d'une trentaine d'années, tout comme à elle, et si dans un monde comme le leur cela n'avait plus le même sens, il en restait qu'un tel geste – aussi hâtivement exécuté soit-il – était synonyme d'éducation, ou tout le moins d'un goût certain pour les manières courtoises, l'un comme l'autre trouvant la même grâce aux yeux d'Argamane.
- Enchantée, Mr Braddock, souffla-t-elle en jouant de la suavité de sa voix comme réponse à sa conduite.
Elle prit place sans empressement, et tandis qu'elle se mouvait, un parfum de lys se mêla à l'air ambiant, charrié par quelques très longues boucles de cheveux de jais sur sa peau laiteuse. Une fois installée, elle releva les yeux vers son interlocuteur qui versait la liqueur dans un second verre, dont la vue lui donna un sentiment curieux presque aussitôt éludé par la voix du dénommé James.
- Je tiens à vous dire que je vous ai trouvée admirable, magnifique.
Les lèvres de la danseuse s'étirèrent doucement en un sourire reconnaissant, mais elle sentait qu'il était trop tôt pour exprimer son plaisir de recevoir le compliment. Alors qu'il fronçait les sourcils, s'attendant à un « mais » elle eut presque en même temps une expression plus patiente, empreinte d'une attention semblable à celle d'un élève écoutant les conseils d'un maître.
- En vérité je mens, vous étiez bien plus que cela, vous êtes, mademoiselle, une créature chimérique, comme il n'en existe que dans mes rêves et ceux des plus fous d'entre nous. Je crains que vous n'ayez emporté, en même temps que mon cœur, le peu de raison qu'il me restait, car si ceci est la réalité, alors vous avez fait ce soir, devant mes yeux, de ce monde un rêve étrange et envoutant. Alors permettez moi, comme trop modeste remerciement, de vous offrir ce verre.
A mesure qu'il parlait, le regard de la maîtresse des lieux changeait, prenant tour à tour des airs surpris, amadoué, captivé, mais peut-être pas encore conquis. Elle ne pouvait que reconnaître combien ce type de tirades était devenu l'un des trésors d'une rhétorique séductrice que le commun n'utilise guère plus, croyant trop souvent qu'il s'agit là de tournures vieillottes et surfaites, plus risibles qu'efficaces. Argamane, cependant, n'oubliait pas son âge et s'enorgueillait trop du raffinement qu'il apportait pour absorber les idées actuelles en crachant sur des manières plus anciennes, qu'elle avait toujours trouvées si pleines d'aménité. C'était sans doute un discours pompeux, mais son auteur l'avait laissé présager par un baise-main n'ayant pas manqué de charme. Un large sourire, qu'elle ne pouvait lui refuser sans se sentir injuste, faisait s'allonger la courbe voluptueuse de ses lèvres amarante.
- Je me dois de souligner le plaisir que j'éprouve à entendre le velours d'un aussi beau parler. Vous avez le sens des mots, cher monsieur... Et je vous devine fort galant homme, ajouta-t-elle en le gratifiant d'une œillade discrète, mais explicite, tout en se saisissant avec douceur du verre qu'il lui offrait.
Tout en poursuivant, elle étendit la main vers la cuillère qu'elle disposa à son sommet, avant d'y déposer le sucre du bout des doigts, puis d'ajouter l'eau délicatement, sans brûler le sucre – à vrai dire, elle préférait la méthode traditionnelle, mais l'odeur caramélisée qui lui était parvenue depuis le verre de son vis-à-vis ne l'amenait pas à le considérer comme un hérétique pour autant.
- Ce que vous avez vu n'est pas le fruit de mon unique travail, aussi je me plais à vous remercier au nom de tous ceux que j'emploie et qui m'ont aidée à mettre le tout en forme. Vos paroles me vont droit au cœur car je les crois sincères, mais pensez-vous vraiment que j'aie emporté ce qu'il restait d'ordre dans votre chaos personnel ? Si tel est le cas...
Avec une fluidité parfaite, elle tarit l'eau qu'elle versait et reposa la carafe sur la surface laquée avec un bruit très léger, témoignage fugace de la vigueur de son poignet pourtant si fin. L'éclat rouge de ses yeux rattrapa le regard de son interlocuteur.
- Permettez-moi de m'en réjouir, aussi osé soit mon délice.
La belle se redressa, ôta la pelle de son socle transparent, et leva gracieusement son verre de quelques centimètres sans extravagance.
- A la Fée Verte.
Elle s'adossa doucement au dossier de son fauteuil qui l'accueillit dans un tendre froissement, et sirota ensuite une gorgée d'alcool avec un petit sourire énigmatique, semblant chercher quelque chose dans les traits du jeune homme. Son verre regagna le plat de la table sans bruit alors qu'elle croisait ses jambes d'experte façon.
- C'est un tel plaisir de recevoir des gentlemen tels que vous sous mon toit que ma curiosité me pousse à vous tirer les vers du nez, si vous me permettez l'expression.
Elle se rapprocha pour poser un coude sur le côté du fauteuil, le menton dans sa main, son autre bras alangui du côté de l'allée de la mezzanine.
- Puis-je vous demander quel obscur sentier vous a amené ici, Mr Braddock... ? Vous me paraissez être le genre d'homme que j'aime écouter parler.
Invité Invité
Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Jeu 13 Jan 2011 - 12:12
Nous étions assis dans cette atmosphère étrange et envoutante, l'un face à l'autre. Alors qu'elle me parlait, sa voix venant caresser mon ouïe avec la volupté d'une étoffe de velours, je remplissait de nouveau le verre que j'avais vidé avec trop de hâte et, ne voulant pas user de mon pouvoir, j'empruntais cette fois-ci la même méthode que la belle. Tout en œuvrant, j'observais chaque geste de cette créature fantasmagorique, un léger sourire sur les lèvres. Chacun de ses mouvements exprimait un savant mélange de délicatesse et de force, me racontant cette harmonie qui fait les grandes dames de ce monde. A n'en point douter, j'étais entrain de converser avec une femme d'exception, aussi belle qu'avisée.
-A la fée verte.
Je levais mon verre nouvellement plein pour répondre à son toast, des plus impersonnel, et souriait toujours, la regardait dans les yeux. Ainsi la dame était charmée par mes mots, eux qui, par le passé, m'avaient attirés tant de désagréments que je ne puis plus les compter. Il était plaisant d'enfin trouver quelqu'un qui sache et aime manier la langue comme je le faisais. Même si, je l'admet, il m'arrivait souvent de parler un langage aussi commun qui familier lorsque mon interlocuteur m'indifférait. Ah ! Voilà que cette voix suave me demandait de parler, de raconter le périple, pourtant si peu exhalant, qui m'avait conduit en ce lieu. Et bien soit, je conterais, et au diable la folie qui découlerait de mon récit.
-Réjouissez vous ma dame, réjouissez vous. Chaque plaisir en ce monde doit être pris. Mais puisque vous désirez connaitre l'histoire qui m'a entrainé ici, il va bien me falloir récupérer un peu de ma raison.
Je marquait sciemment une pause, prenant une amère gorgée du nectar anisé. J'en profitait, en vérité, pour réfléchir un peu à ce que je pouvais avouer et ce qui devait rester secret. La réflexion ne fut pas bien longue, et reposant mon verre tout aussi délicatement que j'en fut capable, je poussait un léger soupire avant d'entamer mon histoire.
-Voilà désormais quelques semaines que je suis revenu en ce monde, auquel ma folie et mes rêves m'avaient arrachés. Si je devais vous conter ce voyage là, il me faudrait, soyez certaine, un peu plus de temps que prend une vie, je me contenterais donc de vous narrer les événements qui m'ont conduit chez vous, en ce lieu qui déjà m'a conquit. Il y a de cela quelques jours, je partageait la table de quelques hommes sans plus d'honneur que de gout, jouant à ce jeux qu'ils appellent aujourd'hui poker, et qui n'est plus que le pâle reflet de ce jeux qu'autrefois je pratiquais. Voyez vous, désormais pour ce jeu, il n'y a plus que les chiffres qui comptent, quand naguère il s'agissait bien de l'affrontement des esprits. C'est au cours donc, de cette partie que je trouvais bien navrante, que je fis la connaissance de deux de vos clients. Je ne connais pas leur nom, l'anonymat étant la règle dans le type d'établissement où se déroulait cette mascarade. Nous jouions et buvions, certains buvant plus qu'ils ne jouaient, et ce fut naturellement que nous en arrivâmes à discuter de manière aussi idiote que grivoise. Ainsi l'on me parla de votre établissement, me recommandant ses boissons et ses femmes. Je fut intrigué, naturellement, mais il me faut vous confesser une chose. Ces deux hommes, qui se révélèrent être bien peu recommandables, ne me vantèrent votre maison que bien en deçà de la vérité. Je ne saurais vous rapporter les mots qu'ils usèrent, de peur de vous choquer autant que de heurter la délicatesse de vos oreilles. Mais je puis vous dire qu'ils apprécient à peu près autant la richesse de cet endroit qu'ils savent jouer aux cartes.
De nouveau je marquais une pause, passant doucement ma langue sur mes lèvres pour les humidifier, avant de reprendre une nouvelle gorgée de cette boisson aussi délicieuse que dangereuse, qui avait par le passé, provoqué chez le commun des mortels, folie et hallucination, mais aussi talent et inspiration. Avec un petit sourire pour la dame, je reprit alors la parole.
-Je pourrais continuer, et vous raconter ainsi ma mort, qui ne fut ni la première ni la dernière, mais j'ai bien peur de vous ennuyer. Ainsi, maintenant que je vous ai conter mon récit, aussi maladroit qu'incomplet, je tiens à poser à mon tour une question. Car il n'est que justice après tout, qu'après vous avoir livré une infime partie de moi, j'en reçoive autant de vous en retour.
J'avais certainement parlé bien plus vite que je n'eus pensé, car je n'avais nulle idée encore de ce que j'allais demander. De ma main droite, posée près de mon verre, je tapotais délicatement la table du bout des doigts, puis enfin je trouvais.
-Auriez-vous déjà diner ce soir ? Je sais, la question est banale, et n'amène de votre part aucune confession. Du moins ce serait vrai, si nous ne connaissions pas tout deux votre nature, que votre être tout entier m'a confessé alors que vous dansiez.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Ven 14 Jan 2011 - 16:16
C'était quelque chose que d'explorer du regard les mimiques de l'énigme qui se tenait face à elle ce soir-là. Il ne s'en rendait certainement pas compte, comme la majorité des gens, mais il était des plus expressifs : derrières ses prunelles brillait la flamme d'une folie contenue, il suffisait de le regarder sans détours pour l'apercevoir, si vive, qui palpitait comme un jeune cœur, tressautait comme un oiseau dans sa cage. Argamane connaissait cette lumière-là. Elle l'avait vue tant de fois dans les yeux de Thomas... L'analogie entre les deux hommes n'était pas faite, mais elle se sentait troublée, comme à chaque fois qu'elle discernait une telle luminescence dans le miroir de l'âme. C'était un feu secret, que beaucoup ne soupçonnaient même pas, et qui effrayait la majorité des autres, mais qu'elle chérissait de façon irraisonnée. Elle profita du fait qu'il l'observe de la même manière pour se permettre de jouir encore quelques secondes de ce spectacle, comme une indiscrète épiant une scène qui devrait demeurer un mystère.
- Réjouissez vous ma dame, réjouissez vous. Chaque plaisir en ce monde doit être pris. Mais puisque vous désirez connaître l'histoire qui m'a entrainé ici, il va bien me falloir récupérer un peu de ma raison.
Il baissa les yeux vers son verre et le contact fut rompu. C'est à regret qu'elle s'y résigna, préférant garder pour elle ses aspirations, autant dans ses mots – cela allait sans dire – que dans son comportement. Elle aurait elle-même considéré comme très déplacé de chercher son regard avec insistance, et la partie n'était pas terminée.
- Mais je vous en prie, c'est autant que j'espère vous voler de nouveau.
Son intonation gardait la couleur de ses précédentes paroles à ce sujet, et ne laissait que peu de place à l'hésitation. Son compagnon vespéral pouvait s'enorgueillir de ne pas la laisser indifférente, du moins était-ce une évidence sur le plan de la conversation. Elle profita de sa réflexion pour détailler des yeux ses mouvements, la forme de son poignet qu'elle discernait à l'orée de l'étoffe – maigre, il fallait le dire – et celle, anguleuse, de sa main tenant le breuvage dans son écrin de cristal, la manière qu'il avait de s'en délecter et de prendre son temps ce faisant. Le mouvement de sa poitrine qui se soulevait et s'abaissait selon son soupir imposa un serrement dans celle de sa comparse... Certaines choses, aussi anodines qu'un souffle comme celui-ci, avaient le don d'imprimer leur occurrence chez elle d'un érotisme inattendu.
Et l'histoire commença comme une véritable histoire. Elle commençait par une naissance, des plus singulières certes, mais c'en était une. Déjà, ce que l'oreille de la belle méprenait pour une façon poétique d'introduire les événements était décortiqué dans son esprit comme la trame d'une tapisserie mêlée de non-dits, de formules dont elle cherchait à trouver le sens. C'était comme dans un conte, où l'on expose la réalité sous des auspices plus beaux, qu'ils soient clairs comme une eau pure ou aussi obscurs que les méandres conjoints du labyrinthe qui s'ouvre dans certains esprits comme le leur : celui de la brune aux yeux grenat, et celui de son acolyte dont les fantaisies inavouées n'avaient de cesse de murmurer son nom, impatientes de la voir s'y perdre, à n'en pas douter.
Un tissage complexe dont les fibres enlacées laissaient à la commissure de ses lèvres l'esquisse enchantée de la gourmandise. D'autant plus que l'entendre dire que l'antre de la belle l'avait elle-même fait sien, n'était certes pas un compliment rare, mais qui toujours la ravissait. Elle était fière de son établissement, mais pas autant de toute la population qu'il charriait. Ainsi le pauvre Mr Braddock avait fait la connaissance de quelques mauvais oiseaux de proie qui traînaient leurs serres entre ces murs ? Après tout cela n'était pas si étonnant que cela. Les cercles appellent les cercles. Leur révolution avait ses mauvais côtés, comme l'embrigadement d'autres âmes dans leur spirale descendante – combien de ses clients étaient progressivement entrés dans les bonnes ou les mauvaises grâces des mafias ? - mais aussi leurs belles surprises, ainsi que le laissait présager ce début de soirée. Elle ne fit pas trop de cas du fait que James se soit accoquiné, pour cette fois ou pour longtemps, avec de tels gens. Elle-même avait son lot de mauvaises fréquentations, et pas des moindres.
Le fil de son histoire courait toujours et elle ne se lassait pas de la mélodie de sa voix, un accent anglais reconnaissable rythmant le tout d'une musique châtiée et propre entre toutes à séduire, selon son goût. Le tableau, plutôt cocasse, qu'il lui dressait était celui d'une scène qui eût pu se jouer dans un autre siècle, et cela aussi concourrait à ce qu'elle se laisse faire captive de ses mots et de cette manière particulière qu'il avait de la regarder tout en parlant. Il était de toute évidence doué pour cela. La note finale de cette partie de son discours le soulignait encore une fois : un homme définitivement bien éduqué, même si elle ne pouvait juger de l'endroit où s'insinuait dans son vécu la frontière entre théorie et pratique.
Enchantée par la fantaisie qui donnait relief à cette histoire de gangsters rustres, et, il faut l'avouer, amusée par le flegme sensible dont usait le conteur pour faire état de la hauteur d'esprit de ses supposés meurtriers, elle émit un rire sincère bien que demeurant discret – son sens du raffinement l'empêchant de faire étalage de sa présence aux occupants des tables voisines.
Le temps de la pause occasionna un nouveau soulèvement invisible chez elle à la vue du coin de langue qui filait doucement sur le cours des lèvres de son interlocuteur, et figée ainsi avec le sourire réjoui né de la distraction, elle ne retint pas le léger plissement de ses yeux où brilla un éclat d'envie. Elle resta ainsi, savourant l'électrique seconde qui passait doucement sur elle, se désintéressant de tout commentaire qu'elle aurait alors pu apporter. N'existait que cette image d'un homme entouré de mystères, ses lèvres humectées s'abreuvant du nectar des visionnaires, et sans doute un peu le désir de faire corps avec cette liqueur éthérée. Elle se demanda un instant si c'était pour répondre à tout cela qu'il abrégeait sa dégustation d'un sourire à son encontre. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle modifia son expression.
- Je pourrais continuer, et vous raconter ainsi ma mort, qui ne fut ni la première ni la dernière, mais j'ai bien peur de vous ennuyer. Ainsi, maintenant que je vous ai conter mon récit, aussi maladroit qu'incomplet, je tiens à poser à mon tour une question. Car il n'est que justice après tout, qu'après vous avoir livré une infime partie de moi, j'en reçoive autant de vous en retour.
Voilà qui était parler à propos... ! Un peu de patience, cependant, ne fut pas difficile à trouver.
Sa bouche délicate se para d'une moue déçue, mais nullement fâchée, alors qu'il éludait devant elle la suite de son récit qui, pourtant, s'annonçait tout à fait étonnante – et, il fallait bien l'avouer, des plus prometteuses en matière de fantaisie selon son point de vue. Elle ne pouvait qu'ignorer que son vis-à-vis n'usait pas de tels termes uniquement pour vanter un propos qu'il lui refusait à la dernière minute, comme la promesse d'une récompense future si elle acceptait d'entrer dans l'échange avec lui. Ce qu'elle n'allait pas manquer de faire, bien évidemment, curieuse et joueuse comme elle l'était. A vrai dire, le piment qu'il venait de mettre à leur dialogue était de ceux qu'elle prisait entre toutes choses, elle qui ne dansait pas que par le corps mais aussi par l'esprit et ses truchements, avec un plaisir sans cesse renouvelé. Elle apprécia du regard le roulement de ses doigts fins sur la surface miroitante.
- Auriez-vous déjà diné ce soir ? Je sais, la question est banale, et n'amène de votre part aucune confession. Du moins ce serait vrai, si nous ne connaissions pas tout deux votre nature, que votre être tout entier m'a confessé alors que vous dansiez.
Aïe... Là, le sujet devenait beaucoup, beaucoup moins léger. Elle appréciait beaucoup leur échange et s'attendait bien à ce qu'il glisse un piège quelque part, mais un comme celui-ci intervenait bien trop tôt à son goût, et elle n'était pas peu fière, chose qui, sans qu'elle le cache, ne devait devenir sensible que bien plus tard, s'il advenait qu'il soit plus qu'un simple client – voire même, si elle le révélait vraiment un jour autrement que par le luxe dont elle s'entourait. Il ne faut jamais vexer une femme dans son orgueil lorsqu'on la connaît trop peu, et à bien plus forte raison, lorsqu'on ne fait que la rencontrer.
Il venait de faire une erreur, c'était chose certaine, à en voir le sourire devenu trop simplement aimable que les lèvres de la brune ne portaient pas bien haut. Cela dit, elle était indulgente dans la supériorité qu'elle croyait avoir sur lui, comme sur toute autre personne, en ce lieu, et sentait bien qu'il y avait là-derrière une volonté à peine voilée de la tester – chose qui animait vivement son intérêt, car la raison pouvait en être très différente de celle à laquelle on s'attendrait en y songeant trop vite. De toute évidence, lui-même était un mutant, mais tout ce qu'elle pouvait supposer pour l'heure sur ce point, c'était qu'il était doté d'une quelconque faculté à détecter les gènes particuliers qu'elle possédait. Elle était bien évidemment à cent lieues de se douter de la manière dont il s'y était pris pour en avoir connaissance, et préféra de toute façon ne pas avancer trop vite un pronostic qui avait, à ce stade de la conversation, toutes les chances d'être erroné. Elle resta ainsi à la fixer quelques secondes, ne sachant comment répondre après une telle chute. Un chute, oui... C'est là l'idée qui lui vint en premier lieu.
- Vous êtes aussi doué pour détourner l'attention à la manière d'un nouvelliste que pour semer des pistes où ma curiosité ne demande qu'à se précipiter. Décidément... Vous êtes plein de surprises...
Elle reprit son verre d'absinthe comme on se saisit d'un pion sur un échiquier.
- Je n'ai pas pris de repas ce soir. J'ai pour habitude de ne pas en faire avant la fermeture du bar quand j'y officie. Mais que diriez-vous d'un endroit plus tranquille où nous pourrions converser tout notre soul ? Je vous laisse le choix entre le fumoir, dont ceci est la porte – elle fit un léger geste en direction du bout de la mezzanine – ou bien... l'extérieur. Mais je ne vous cacherai pas que ma bulle isolée du barrissement des rues a tendance à très vite me manquer.
Elle eut un haussement de sourcil dont le sens était des plus difficiles à décrypter, un sourire plus ouvert sans être aguicheur revenant sur ses traits.
- A moins, bien évidemment, que vous n'ayez quelque autre destination à me proposer.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mar 18 Jan 2011 - 10:40
Ha ! Quelle créature fascinante était donc cette femme ? Chaque évocation d'elle me refait vivre, aujourd'hui encore, le trouble qu'elle provoqua en moi lors de cette première rencontre, que j'espérais déjà ne pas être la dernière. Comme je l'avais déçue. Bien qu'elle resta aimable et chaleureuse, choses que son métier devait lui avoir appris à feindre à la perfection, il n'y avait plus, ou moins, cette pétillante curiosité. Il me sembla avoir été rétrogradé du statut d'attraction d'un soir, à celui de simple client banal et sans intérêt. Mais voilà que ma remarque finale faisait son effet, après la déception, venait l'intérêt de nouveau. Elle avait donc compris, du moins le peu qu'elle pouvait déduire de mon attitude et mes actes. Il me semblait la manipuler, me laissant dans le ventre une désagréable sensation de culpabilité. Pourtant le choix ne m'appartenait qu'a moitié. C'était par expérience que je savais qu'être honnête sur mes pouvoirs ne faisait qu'apporter intrigues et complications dans la vies des autres comme dans la mienne. Alors je ne disais rien, peut-être la laisserai-je deviner, mais lui dire je n'en étais plus capable, plus depuis le jour où l'on m'eut fait presque tuer ma sœur.
Mais l'important n'était pas dans mon inconfort, il résidait bel et bien dans les yeux de Argamane qui recouvraient un peu de pétillant alors qu'elle reportait sans refuser, par un habile maniement des mots, mon invitation maladroite. Point de diné mais c'était à son tour de m'inviter, à nous isoler de la pièce bien trop peuplée. Je trouvais touchant cet aveux, si tôt, de son inaptitude à s'éloigner trop longtemps de ce lieu qu'elle appelait certainement son "chez elle". Je pensais alors qu'il aurait été cruel de la condamné au mal être, d'autant plus que son sourire, celui qui semblait être le vrai, refaisait surface sur ses lèvres.
-Je ne voudrais pas vous arracher à votre environnement naturel, votre malaise serait pour moi une faute à la limite du supportable.
Il me sembla hésiter un peu plus longtemps que je ne l'aurais dut. Je me retint de me saisir du décors comme d'une simple étoffe et de l'arracher pour que nous nous retrouvions dans le fumoir que la belle désignait. Au lieu de ça, je me levait, faisant signe alors de me baisser pour ramasser le chapeau haut de forme que je faisais apparaître dans ma main, à l'abri du regard de mon hôtesse. Puis, une fois debout, le chapeau sur la tête, et le pommeau de la canne, car je ne faisais que rarement les choses à moitié, dans ma main gauche, je tendit une main nue, un peu maigre, mais galante, à celle que je considérais déjà comme ma nouvelle amie.
-Après vous ma charmante et intrigante demoiselle.
Je la suivais, un pas derrière elle, légèrement sur le côté, de sorte à ce que, lorsque nous arrivâmes devant la porte, je pus la lui ouvrir, tout en lui laissant l'honneur d'entrer la première, et le plaisir de me faire découvrir cette partie de sa "bulle" que j'ignorais encore.
Spoiler:
[HJ : C'est court et mal écrit, désolé]
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mar 18 Jan 2011 - 20:48
Spoiler:
[HJ : en même temps, comme je le disais avant, je ne t'ai pas laissé grand chose à faire, donc c'est un peu de ma faute et c'est moi qui suis désolée - j'aurais aimé que tu sois aussi satisfait de ta réponse que je le suis malgré tout. =)]
Argamane n'était pas de ces femmes que l'on dupe sans effort. Lorsqu'elle décidait d'entamer un dialogue avec quelqu'un, elle en acceptait tous les défis, quels qu'ils soient. Et comme cela arrivait parfois, en de trop rares soirées dont les suites étaient toujours sources de mille contentements – car elle avait développé le sens qui fait que l'on sait si une rencontre est porteuse de promesses ou non –, elle était persuadée que cette fois était une de ces occasions qui ne se manquaient pas, et ne se présentaient plus une fois leur temps écoulé. Il fallait saisir la chance au vol, la fortune voulait qu'elle ait de l'exercice en la matière et qu'elle parvînt presque toujours à rétablir les situations comme celles-ci, comparables à des châteaux de cartes dont les pièces ne seraient pas faites de simple carton, mais d'une autre consistance, d'une valeur encore mal définie et potentiellement inestimable. L'équilibre instable des relations qu'elle tissait avec le monde autour d'elle n'était jamais source d'ennui; c'était très probablement ce qui la maintenait dans cet environnement flottant, où tout découle de la maîtrise subtile de l'art de se dévoiler sans en avoir l'air, qu'il s'agisse du décor, des corps, des mots, des âmes. Elle était tombée amoureuse de ces mondanités plongées dans le secret de la nuit, et que l'ombre emportait avec elle jusque dans les apocryphes intimes de tout un chacun, dans la confidence langoureuse d'un spectre rougeoyant. Endormie à jamais, et rêvant sans cesse de ce havre exquis, de ce temple embaumé de plaisirs multiples et parfois inavoués, elle se refusait à chasser ceux qui, pour quelques heures et quel que soit le nombre de fois, venaient rechercher cette même paix, ces mêmes délices dans le creux de son onirique sanctuaire.
A cet homme au regard perdu, particulièrement, elle savait qu'elle ne le refuserait pas, parce qu'elle était intimement convaincue qu'il y avait quelque chose en lui qui lui permettait de comprendre tout cela, de le ressentir lui aussi. Sa manière de composer les partitions de leur dialogue lui laissait entendre certaines choses allant en ce sens, mais pas seulement. L'intuition féminine n'existe peut-être pas, Argamane n'avait cure de ce point, mais comme beaucoup d'autres choses, elle aimait bien y croire l'espace d'un instant, quand cela s'avérait opportun.
Il avait la délicatesse de ces hommes qui, même quand ils ne peuvent être taxés de « romantiques », ont au moins la sensibilité liée aux mots et aux choses qui leur donnent un sens; et qu'il soit simplement un manipulateur virtuose, ou bien au contraire un très sincère admirateur du beau qu'elle cultivait avec ferveur – sans cacher le moins du monde cette voie directe vers ses bonnes grâces –, elle n'y accordait pas un crédit différent. Quelle que soit la façon dont il appréhendait tout cela, dont il la considérait elle, cela n'avait finalement pas plus d'importance que la raison pour laquelle un homme fortuné acquiert une toile de maître : épris de son aura ou épris de sa valeur monétaire, il en était épris – et c'était là qu'avec finesse et habileté, la belle se plaçait toujours.
Bien sûr elle ne se serait pas permis de penser qu'elle était parvenue à faire sa place dans l'esprit de James Braddock, mais elle avait dans l'idée qu'il n'était pas de ceux qu'elle laisserait passer sans déployer les ressources nécessaires pour y arriver. Et c'est sur cette affirmation silencieuse de ses intentions qu'elle sourit à ses mots concernant le choix qu'elle lui avait laissé, plongeant de nouveau ses lèvres dans le spiritueux céladon.
Elle but lentement alors qu'il hésitait, ne sachant pas s'il attendait juste qu'elle ait terminé ou s'il cherchait l'ordre de ses actions. C'est alors qu'il se pencha pour ramasser la totale du gentleman du XIXème siècle : il ne lui manquait plus que la redingote, à vrai dire, et une cravate plus sobre – cravate qui, d'ailleurs, ne manqua pas d'obliger Argamane à retenir un rire plus surpris que moqueur une fois qu'il se fût affublé de ses deux nouveaux accessoires, lesquels n'étaient pas autant en inadéquation avec le reste de la tenue que la psychédélique mouvance qu'arborait le tissu noué autour de son cou.
Acceptant sa main avec un plaisir non voilé et conservant son breuvage dans l'autre main, elle se releva élégamment, et non sans quelque préméditation, le dépassa dans une proximité qui l'obligea de façon calculée à baisser timidement les yeux devant lui, l'arôme du lys flottant comme une légère brise sur sa peau d'une blancheur comparable à celle de la fleur des reines.
Passant dans l'allée comme une souveraine en son palais, elle salua chaleureusement un client d'âge mûr accompagné d'une très jeune et jolie femme à l'allure malheureusement un peu surfaite, tandis qu'elle se penchait pour demander à la serveuse qui disposait les commandes du couple de ramener l'absinthe, ses compléments et le verre de James au fumoir lorsqu'elle aurait terminé. Après quoi elle continua son chemin, marquant de sa démarche majestueuse autant que désirable le sillon dans lequel le britannique, galant mais sans doute pas beaucoup plus chaste que la moyenne, se tenait sans faire état d'impatience. Il alla jusqu'à se déranger pour lui tenir la porte ouverte, ce qu'elle apprécia et marqua de sa gratitude par un signe de tête.
Les portes s'ouvrirent donc dans un rayon de lumière dorée, projetée par des lampes qui diffusaient une ambiance toujours tamisée, mais plus vive que dans la grande pièce précédente. Pénétrer dans le fumoir s'apparentait à entrer dans un espace qui semblait totalement coupé du reste du bar, et sans doute plus nettement encore du reste du monde. Une sorte de boudoir, bien que clairement destiné à accueillir jusqu'à une quinzaine de personnes. Par bonheur, l'endroit était désert. La clarté ambrée qui le baignait rendait les contours légèrement flous, et donnait à tous les contrastes une profondeur soyeuse et un parfum d'éternité à l'ensemble. Le temps y était comme suspendu. Argamane s'approcha du centre de la pièce où trônait un billard où une partie semblait avoir été laissée en plan, s'ajoutant à l'intemporalité de la pièce.
- Je vous en prie, mettez-vous à l'aise.
La danseuse se retourna à demi vers James en caressant le bord du billard du bout des doigts, avant de s'y adosser, les mains appuyées sur le bois et une jambe vaguement pliée dans une pose un peu plus décontractée.
- Vous n'êtes pas vraiment le genre d'homme à qui on cache des choses, n'est-ce pas ? Plus ils sont personnels, plus les secrets donnent envie d'être dérobés. Et je ne peux vous blâmer d'avoir les moyens de vous en saisir.
Elle marqua une pause, son regard s'évadant vers une étagère sombre où était logé un compartiment de bois laqué qui luisait dans l'aura des lampes.
- Cela dit, pourquoi m'avoir prié de vous livrer une part de moi si vous possédiez déjà plus que ce que vous m'avez accordé ?
Son regard, semblant sincèrement interrogateur comme si le sens de sa question n'était pas celui qu'il semblait être, suivit la silhouette de son interlocuteur alors qu'elle se déplaçait avec nonchalance vers le dit compartiment.
- Je ne pense pas que vous ayez de ce fait renié vos façons, aussi je crois que vous aurez le sens de l'équité et que vous me laisserez en savoir autant de vous que ce que vous avez appris de moi sans que j'aie à vous en faire cadeau.
Après avoir pioché un paquet de cigarettes à l'intérieur, elle se tourna vers la porte d'entrée du fumoir qui s'ouvrit pour laisser passer la serveuse le temps d'un aller retour rapide, alors que celle-ci disposait la commande précédemment faite par James sur une table indiquée par sa patronne. La serveuse s'en alla en jetant un regard curieux au client, lui souhaitant une bonne soirée à mi-voix pendant qu'Argamane ouvrait le paquet cartonné et en sortait une cigarette. Celle-ci se rapprocha de son acolyte avec un sourire énigmatique une fois la porte refermée.
- J'espère que vous ne vous vexerez pas de ce changement de ton, mais vous jouez très vite et je n'en ai pas l'habitude. Pardonnez ma maladresse. Auriez-vous un briquet sur vous ?
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Ven 21 Jan 2011 - 13:43
Décidément, cette femme en valait mille et peu-être même plus. Aucuns des mondes que j'avais visité, ni même celui que j'avais créé, ne possédait en son sein pareille merveille. Comme elle était habile, dans chacun de ses mouvements, de ses mots. Chaque détail, apparemment négligeable pour l'œil profane, instaurait de nouvelles promesses et de nouveaux mystère. Comme il m'aurait été simple de tout savoir d'elle. D'un battement de cil j'aurais pu remonter sa ligne temporelle, voir sa vie entière en simple spectateur, et revenir juste derrière elle sans même avoir disparut un dixième de seconde. Mais tout ça aurait été trop simple, de la pure tricherie. Il était tellement plus intéressant de décrypter par mon seul esprit l'énigme qu'elle était. Cette soudaine timidité lorsqu'elle baissa le regard en me passant devant, pour ensuite traverser l'allée avec la prestance d'une reine. Serait-ce donc ce qu'elle était ? Oui, en elle je reconnaissait bien volontiers une reine d'Égypte, perdue dans le temps, née à la mauvaise époque, mais pourtant parfaitement à sa place. Je crois qu'a cet instant, je l'aimais déjà. Ne vous trompez pas, je l'aimais certes, mais pas de cet amour banal qui entraine toujours ou presque, jalousie et hystérie. Non, c'était bien au-delà des sentiments humains. Il y avait là quelque chose de quasiment divin, je me sentais Marius, et elle Akasha, ou bien était-ce le contraire ?
Enfin nous nous isolions, s'offrant alors à nous la liberté, de paroles comme de gestes. Il fallut pourtant attendre un peu, le temps que la frêle serveuse apporte la bouteille et mon verre. Argamane m'invita au confort, je souriais et me contentait de m'avancer un peu plus en avant dans la pièce, fort plaisante au demeurant. Je la regardais, non, je la dévorais du regard, mes yeux courant le long de ses jambes aussi splendides qu'interminables, remontant tel une caresse sur son corps, pour enfin se fixer dans les siens. Elle était belle, chaque minute un peu plus. Et la voilà qui entamait la conversation, sans que mon verre ne soit arrivé. C'est certainement ce qui expliquait sa façon de parler à demi-voilée, n'exprimant qu'une moitié du sens de ses questions. J'assistais là à un étrange ballet. La belle temporisait ses phrases, s'avançait dans un coin pour y prendre des cigarettes tout en parlant. Et sa phrase à peine terminée, la serveuse entrait pour déposer commande avant de s'esquiver, non sans un regard étrange pour moi, nous laissant enfin à cette liberté que le fumoir laissait présager. Enfin elle s'approchait de moi, avec, dans ses mouvements, cette sensualité extrême que nulle femme ne devrait posséder.
-Le ton du décors n'est plus le même, il est normal que celui de la conversation évolue avec lui. Vous avez, de toute façon, parfaitement raison. Il est injuste que je sache sur vous plus de choses que vous n'en saurez jamais sur moi si je garde le silence.
J'ignorais, pour le moment, consciemment sa demande de feu, la regardant droit des les yeux, avec toujours, au fond de mon regard, cette folie qui m'était propre et qu'elle semblait avoir décelée, et sur mes lèvres, un sourire à la fois tendre et rassurant, du moins l'espérais-je.
-Il est donc juste que je vous dise d'abord ce que je sais de vous chère Argamane. J'avoue avoir deviné facilement que vous étiez une mutante. Loin d'être la plus jeune, même si votre apparence n'en laisse rien deviner, vous devez votre fraicheur au sang qui vous nourrit. La fréquence de vos repas, la source de cet élixir vital ? Je n'en ai aucunes idées et pour tout vous dire ça ne m'importe que trop peu. Tout ce que je sais d'autre je ne le dois qu'a vous, à ce que vous avez voulu que j'apprenne. Mais pour ces quelques informations dérobées sans votre accord, je vous demande pardon. C'est en vous voyant dansé que je fus pris d'un accès de curiosité que je qualifierais de maladive. Je ne pensais alors pas vous revoir, ni même vous parler.
Je marquais une pause, toute calculée, laissant le temps à la femme qui avait dérobé mon âme, au moins pour un soir, d'assimiler ce que je venais de lui révéler. J'espérais alors que le choque ne serait pas trop grand, qu'elle ne s'offusquerait pas plus qu'elle ne l'était, certainement, déjà. Après ce moment de flottement, qui me laissa le temps de peser le pour et le contre, je me préparais à me lancer dans la partie la plus difficile de mes confessions. Celle que je redoutais vraiment, mais qui m'aiderais aussi à connaître la vrai nature de la danseuse. Non pas mutante ou humaine, j'ai déjà dis que je le savais déjà, mais bien sa nature profonde. Manipulatrice ou sincère ? Dangereuse ou simplement merveilleuse ?
-Je suis moi même mutant, vous l'aurez vite deviné. Après tout vous êtes un esprit brillant. Mais mon... don, diffère énormément du votre. Je ne suis pas aussi vieux que vous, je n'ai que 38 années à mon actif, du moins il s'est passé 38 ans depuis le jour de ma naissance à aujourd'hui. Mais j'ai déjà vécu milles vies, parcourut autant de mondes. Pour certains je suis l'égale de dieu, pour d'autre, je suis son premier ange, le premier déchu. J'ai été aussi souvent vénéré que pourchassé. Je fus manipulé maintes fois et j'ai tiré tout autant de fois les ficelles. Comme vous je suis un mutant, comme vous je peux ne pas mourir, mais mon don à moi...
Je prenais le temps d'un soupir, bref mais qui me permit tant de choses. La cigarette que cette créature chimérique tenait était désormais allumée, mon verre était désormais dans ma main. Mon chapeau et ma canne avaient subitement disparus et ma cravate était devenue de la même couleur que les yeux d'Argamane.
-...c'est de plier la réalité à ma volonté.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Sam 22 Jan 2011 - 1:19
« Curiosity killed the cat ». L'expression prenait tout son sens dans les yeux de la belle, qui non sans quelque réserve qui n'avait de motivation que le bon goût de ne pas verser dans des bassesses de jeune fille qu'elle ne goûtait que trop peu, manifestait une attention bien particulière envers un homme qui l'était tout autant. D'autres que lui auraient perdu la manche en profitant de cet égard, et il n'y avait pas l'ombre d'un soupçon sur le fait qu'elle jouait de ce qui pouvait être perçu par un œil habitué comme une petite provocation à la faute. Encore un test, à dire vrai, qu'il balayait d'un revers de mots et de signes plus subtils avec une adresse rare. Nul besoin pour elle d'en appuyer la remarque. Ce genre de constats n'était qu'impressions, des caractères invisibles, instinctifs – des notes sibyllines qui se savouraient du bout des lèvres, et Dieu sait combien elle était maîtresse en la matière.
- Le ton du décor n'est plus le même, il est normal que celui de la conversation évolue avec lui. Vous avez, de toute façon, parfaitement raison. Il est injuste que je sache sur vous plus de choses que vous n'en saurez jamais sur moi si je garde le silence.
Il disait vrai et elle avait bien trop d'intérêt pour lui, à cet instant, pour lui tenir vraiment rigueur de ces petites vexations qu'il lui avait faites subir la minute précédente. Notant qu'il ne répondait pas à sa requête, elle patienta, car là n'était pas l'enjeu principal de la conversation comme ç'aurait pu être le cas en d'autres occasions, prenant sans se départir de sa grâce naturelle un appui unique sur sa jambe gauche, ce qui laissait ainsi l'autre libre de se courber en mettant en exergue la distance bien chiche qui les séparait à présent. Avec un sourire captivé, elle croisa à demi les bras, posant son menton sur le plat de sa main qui tenait toujours sa cigarette, laissant le bout d'un de ses doigts fins s'immiscer à peine entre ses lèvres carmines dans une expression qui marquait une pointe de hâte à connaître la suite des révélations qui allaient lui être faites. Leurs regards plongèrent l'un dans l'autre sans l'ardeur du défi qu'on aurait pu y déceler si tout cela n'avait pas été qu'une manière de se dévoiler dans un consentement mutuel, une autre facette de la danse circonstancielle qu'ils exécutaient tous deux en experts. Sans doute l'esprit pointu de James aurait l'acuité nécessaire pour y trouver l'envie, celle qu'elle ne pouvait réprouver d'être si proche et de ne vouloir se permettre tout geste trop tôt survenu. Celle, aussi, de percer à jour tout ce que le feu qu'il cachait en lui avait à offrir. Celle, encore, d'être démasquée elle aussi, bien davantage encore que pour ce qu'il s'annonçait prêt à confesser, à mesure que ce sourire étrange et pourtant pas étranger s'imprimait en elle en une griffe ignifère.
- Il est donc juste que je vous dise d'abord ce que je sais de vous chère Argamane. J'avoue avoir deviné facilement que vous étiez une mutante. Loin d'être la plus jeune, même si votre apparence n'en laisse rien deviner, vous devez votre fraîcheur au sang qui vous nourrit.
Elle haussa brièvement un sourcil, ses paupières se plissant légèrement avec une pointe de malice.
- La fréquence de vos repas, la source de cet élixir vital ? Je n'en ai aucune idée et pour tout vous dire ça ne m'importe que trop peu. Tout ce que je sais d'autre je ne le dois qu'à vous, à ce que vous avez voulu que j'apprenne. Mais pour ces quelques informations dérobées sans votre accord, je vous demande pardon. C'est en vous voyant danser que je fus pris d'un accès de curiosité que je qualifierais de maladive. Je ne pensais alors pas vous revoir, ni même vous parler.
L'expression du visage d'albâtre de la maîtresse de céans évolua vers ce qui s'apparentait à l'expression d'un pardon sans compromis, une faute avouée étant avec elle à demi-pardonnée, du moins c'était le cas dans ce contexte. Elle ne pouvait qu'accepter une telle excuse – quelle inhumaine se détournerait d'une justification aussi flatteuse ? – et n'était pas vraiment de nature rancunière quand elle sentait qu'elle aurait irrémédiablement fini par concéder ce qu'il avait dérobé en secret. Car il est des individus pour qui on aurait toutes les facilités du monde à révéler ce que l'on refuse à d'autres, et bien qu'il soit toujours difficile de se l'admettre sur l'instant, ce vers quoi l'on tend est toujours susceptible d'évoluer. Et parfois, les aspirations se piquent de folie, et se portent toutes ensembles vers les confidences qui pourtant recommandent la prudence la plus aiguë. Argamane n'était pas femme à se donner sans ambages, et lui, qu'elle n'avait pourtant jamais connu ni d'Ève ni d'Adam avant cette nuit de Janvier, lui l'avait compris avec une aisance qui forçait l'estime.
Elle prit une inspiration, comme s'apprêtant à prendre la parole, mais n'en fit rien, son regard se détachant un instant de la contemplation des prunelles de son vis-à-vis, son corps changeant lentement d'appui alors que sa main soutenant la cigarette retombait avec la même souplesse le long de sa hanche. Elle souriait toujours et pourtant il y avait quelque chose de changé à la voir ainsi, les yeux dans le vague, comme une sculpture de femme songeant à quelque lointain plaisir avec le vague mélancolique qui colore les iris de ceux et celles qui tutoient la notion de passé comme on se permet la complicité avec un ami de longue date. Mais cet écart ne dura qu'une brève seconde, et à peine son inspiration s'achevait-elle que ses yeux érubescents refaisaient face à ceux de l'augure, partageant désormais cette impénétrable tendresse qu'elle avait entrevue dans ses traits.
Et elle n'ajouta rien. Il n'y avait rien à dire.
Pourquoi se perdrait-elle en verbiage inconvenant ? Pourquoi forcerait-elle une lame qui n'avait fait qu'effleurer leur connivence ? Elle acceptait volontiers qu'une telle âme ait cherché à effleurer la sienne; elle n'aimait pas qu'on la force en se posant comme un conquérant, mais ce qu'elle voyait là, dans ses yeux, ce n'était pas l'ambition d'un envahisseur, ce n'était pas la brutalité d'un guerrier assoiffé de pouvoir, ce n'était pas la boulimie crasse d'un enfant gâté – non, d'enfant il n'avait que les restes intacts d'une pureté d'intention que presque tous et toutes, à commencer par elle, avaient perdue dans la fange du monde qu'ils foulaient tous les deux, un monde qui l'avait porté lui aussi mais auquel il n'appartenait de toute évidence pas tout à fait, ce même monde dont elle avait réussi à se préserver en se forgeant une sphère sélective où il s'était invité innocemment, tendant une main pour soulever le voile dont elle se couvrait avec une curiosité toute enfantine, elle aussi, celle qui ne se contient pas, celle qui n'est pas perverse, celle qui ouvre les yeux de tous quand, les paupières closes, on voudrait être aveugle en sus. Il avait trouvé sa brèche. Indéniablement. Alors, bonne joueuse, elle lui accordait le point sans commentaire revanchard. Elle s'étonnait même de se savoir prête, après coup, à le lui remettre en main propre si elle avait eu son acuité.
Le silence ne s'imposa pas longtemps, ainsi qu'elle l'espérait encore, ne sachant se lasser de l'accent de cette voix qui, peut-être, pouvait trouver quelque orgueil à reconnaître son silence comme l'expression la plus sincère de ce qu'elle ressentait. À savoir qu'elle lui plaisait.
- Je suis moi-même mutant, vous l'aurez vite deviné. Après tout vous êtes un esprit brillant. Mais mon... don, diffère énormément du vôtre. Je ne suis pas aussi vieux que vous, je n'ai que 38 années à mon actif, du moins il s'est passé 38 ans depuis le jour de ma naissance à aujourd'hui. Mais j'ai déjà vécu mille vies, parcouru autant de mondes. Pour certains je suis l'égal de Dieu, pour d'autres, je suis son premier ange, le premier déchu. J'ai été aussi souvent vénéré que pourchassé. Je fus manipulé maintes fois et j'ai tiré tout autant de fois les ficelles. Comme vous je suis un mutant, comme vous je peux ne pas mourir, mais mon don à moi...
Quoi qu'il eût pu dire à ce moment-là, cela n'avait qu'une importance relative. Il y avait ce soupir, différent de celui qu'elle lui avait connu quelques instants auparavant. Il y avait cet air las, qui avait toujours marqué ses traits mais qui, en permanence, était resté un caractère de second plan lorsqu'il s'adressait à elle. Il y avait cet éclat furieux au fond de ses yeux qui soudain avait pris un aspect différent, il y avait la mélancolie, il y avait la noirceur, il y avait le goût amer de ce qui gît au plus profond des esprits tourmentés. Alors qu'elle le contemplait avec sérieux, son regard toujours rivé dans le sien, il y eut aussi l'odeur ténue et légèrement mentholée de la fumée de la cigarette qu'elle tenait dans sa main...
- … c'est de plier la réalité à ma volonté.
Et tout ce qui traversa son esprit, si brillant soit-il, à ce moment précis, à ce moment figé dans une brisure complexe de sa foi en ce qu'elle était, en ce qu'elle croyait être le monde, en ce qu'elle pensait avoir pour repères, un déchirement silencieux dans l'étoffe nébuleuse qui lui servait de rempart – tout ce qui l'habitait ne fut que mutisme absolu.
Un temps.
Ce temps tellement relatif. Tellement insignifiant tout à coup. Tellement désuet.
Rien ne lui permettait de savoir si cette pause durait ou non. Elle conçut seulement, lorsque l'effet de surprise – quel faible mot ! – passa, qu'il était heureux qu'elle ait abandonné son verre d'absinthe sur le bord du billard. Elle détestait perdre de la boisson. Ces considérations triviales traînèrent avec elles ses esprits revenant d'un endroit où ils s'étaient brusquement perdus, alors que son visage complètement figé dans cette même expression sérieuse, comme un masque étrange, reprenait progressivement le sens de l'expressivité. Dans ses yeux rougeoyants passa l'éclair de la vie qui revenait, du moins c'était ce à quoi cela ressemblait le plus, et elle entrouvrit ses lèvres dont aucun son ne naquit. Et puis, tout à coup, elle laissa échapper un rire, sa main libre volant au devant de sa bouche dans un geste presque juvénile.
Une poignée de secondes encore s'écoulèrent alors qu'elle fixait toujours James, cherchant semblait-il à démêler le vrai du faux. Mais tout était là pour lui prouver qu'il ne trichait pas : les preuves matérielles, certes, mais surtout, surtout, la sincérité évidente qu'elle ne pouvait manquer, qui s'imposait à elle tout pendant qu'elle fouillait ses prunelles aux reflets si éloquents. Petit à petit elle reprenait les mimiques de la femme imperturbable qu'elle était auparavant – elle n'aurait su dire quand – mais son extase persistait comme un brasier dans ses iris comme deux rubis chatoyants. Sa main libérait ses lèvres, dévoilant un sourire hésitant, plus criant de spontanéité que tout autre. Il sembla que cette main voulait avancer d'elle-même là où sa maîtresse déboussolée portait son regard, mais elle n'en fit rien, restant suspendue dans l'attente d'un signe.
- Je suis tellement désolée...
Dans un premier temps ce fut tout ce qu'elle parvint à dire. Et puis, avec une douceur infinie, cette même main s'approcha du visage de James et caressa sa joue en l'effleurant à peine.
- Mon rire vous a volé le sourire qui vous était dû.
Glissant avec toute la tendresse du monde le long de sa mâchoire, son pouce souligna la commissure de ses lèvres.
- J'aurais aimé trouver de quoi changer la donne. J'aurais aimé faire preuve de plus d'adresse et vous parler de nuances plutôt que de Dieu ou de Diable.
La sanguine clarté de ses yeux vibra alors qu'à travers son sourire, une mince source naissait à l'orée de ses cils ténébreux.
- Mais il n'y a rien à dire, n'est-ce pas ?
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Sam 22 Jan 2011 - 15:33
Le silence, mon dernier mot avait marqué le début du silence. Absolut, entier, nous coupant totalement du reste du monde. Seul moment de vérité absolue, parfaite, ineffable. Ce magnifique silence qui me parlait bien plus que les mots, toujours trop limités par le sens qu'on leur a un jour prêtés. Avant Argamane était belle, là elle était au delà . A mille lieu au dessus de la beauté. Par son silence, oui encore ce mot, elle s'offrait entièrement, sans retenue, sans peut-être même s'en rendre compte. Puis vint ce rire, loin d'être vexant, que j'avais aussi, parfois, en pensant à ce que j'étais. Il semblait qu'elle avait tout compris. Je n'entendais qu'à peine les mots qu'elle prononça ensuite. Je compris qu'elle s'excusait, qu'elle ne trouvait pas les mots. Mais elle avait déjà tout avoué, toutes ses pensées. Du moins le pensais-je. Ses yeux écarlates me disaient qu'elle avait tout compris, alors que tant d'autres cherchaient encore. Oui, elle savait, je n'étais plus tout à fait humain, par encore complétement autre chose non plus, et elle, grand dieu elle le voyait.
Sa main, comme une étoffe de soie, me caressait la joue, me forçait à ferme les yeux un instant. Je souriais, calme, apaisé de toutes craintes. Lentement, mes paupières s'écartant, je plongeais mon regard dans le sien, avec, encore, ce sourire sur les lèvres. Main que délicatement, de la mienne, je venais prendre, pour l'écarte de moi le temps d'y déposer un baiser. Je voyais dans ses yeux le désir qui m'habitait. Peut-être fut-ce une erreur, mais d'un pas, je m'approchais un peu plus d'elle, rompant cet espace insoutenable qui nous séparait. Oui, je la voulais toute entière. Je voulais partager avec elle autant mon corps qu'une partie de mon âme. Chaque once de son être, chacune de ses réactions, avaient été tant de splendeur à mes yeux, et il me semblait pourtant qu'elle gardait encore secrètes un milliard de petite beautés que je brulait de découvrir. Un nouveau baiser sur sa main, doux, délicat, je ne la lâchais pas, mon pouce en effleurant la peau avec la légèreté qu'elle semblait exiger.
-Non, il n'y a rien à dire. Ma voix n'était qu'un murmure. Pourtant je ne cesse de désirer entendre vos mots, que vous me révéliez, à demi voilée, un peu de votre pensée.
Puis ce fut ma main, qui seule, se posa sur la joue de la belle, l'effleurant à peine, comme si, sans raison, j'avais voulu essuyer une larme qui n'était pas là, avant de glisser doucement le long de son bras. Mes yeux passaient, parfois, un peu trop souvent, des siens à sa bouche, ses lèvres qui semblaient dessinée pour moi, n'appeler que moi. Je la voulais. Mais dans un effort insensé, qu'aujourd'hui encore je ne comprend pas, je me retint d'enfin y déposer un baiser, revenant toujours à ce regard qui brulait d'une passion, d'une vie, plus ardente que bien des brasiers. Alors, enfin, je la libérais, me reculant du pas que j'avais osé franchir. Je levais la main, et dans celle-ci était mon verre, qui semblait, de lui même, avoir voulu y apparaitre, plein. J'en pris une gorgée et souris de nouveau.
-Veuillez m'excuser, ce n'est pas une révélation que je fais tout les jours.
J'aurais du dire plutôt que je ne la faisais jamais. Plus depuis bien des années maintenant. Je reposais mon verre, après y avoir bu, un peu, de nouveau, sur la table à côté de moi. Bien que me sois reculé, je ne pouvais m'empêcher de la regarder, détailler de nouveau son corps tout entier alors que mon estomac se nouait de tout l'amour qu'elle provoquait en moi. Amour que je devais, autant que pour le baiser, m'empêcher par d'intenses efforts, de déclarer. En réalisant cela, je laissais échapper un nouveau sourire, qui bien que tendre, puisque je la regardais, se voulait moqueur à mon égard. Quel idiot je faisais, avec mes papillons dans l'estomac, m'éprenant dans conditions, d'une danseuse de charme, certes pas banale, mais dont le métier, et l'endroit où elle exerçait, devait la conduire à mille et une rencontre bien plus attrayantes que la mienne.
-Vous me faites me sentir bien étrangement ma demoiselle. Je retourne avec vous à l'époque de mes quinze ans, quand je m'éprenais, alors, uniquement des jeune femme que je savais capable de me faire souffrir.
Oui, c'était un demi aveu des sentiments qu'elle animait en moi, une phrase maladroite, qu'il m'aurait certainement fallut évité. Mais avec cet amour étrange autant que précipité, naissait aussi une maladresse que je ne me connaissais, alors pas encore. Je perdais pied, elle gagnait peu à peu la bataille. Il me semblait même que par ma révélation, je m'étais administré le coup de grâce.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Dim 23 Jan 2011 - 4:12
Il est des mélodies, sans cesse renouvelées, que l'on a beau connaître par cœur... Sans fin elles reviennent, et emplissent l'âme sans qu'aucun obstacle ne puisse arrêter la lente chute qui s'opère lorsqu'une à une, les barrières tombent et ne subsiste plus que la hâte de succomber. Être pétri de passion, animé d'un souffle luxurieux, créature qu'aucun Dieu ni Diable n'aurait vraiment reconnue comme sienne, Argamane n'était rien de plus finalement qu'une femme en proie aux caprices du sang et de ses inspirations. Elle sentait ces lèvres qui découvraient sa peau pour la première fois, son parfum de lys, peut-être pas encore son goût de miel; elle sentait chaque parcelle d'elle-même se tendre avidement vers ce corps étranger attisant la géhenne en elle déversée – une soif cruelle, intarissable de laisser libre cours aux élans du désir le plus brûlant.
Bien souvent, il suffit de peu de choses à ceux qui connaissent les secrets de l'extase pour s'enflammer, et s'enivrer de la torture intime qui dès lors s'immisce dans chaque particule d'un corps plus que jamais instrument de l'âme. C'est ainsi qu'opère l'alchimie dans le sein de ceux qui voient au delà de la simple union de la chair comme de l'esprit, de ceux qui, s'éprenant de l'essence d'un être, discernent avec une exactitude éphémère, et sûrement divine, le monde tel qu'il est dans les yeux et le cœur d'un autre. En chacun de ces êtres se blottit alors une étincelle suprême, laquelle appose sa marque comme une cicatrice, une éternelle réminiscence d'une humanité si pure qu'elle n'a plus rien à voir avec ce que l'on nomme l'humain ici bas. Chaque trait incisif de cette évidence irradiait sur la peau dévorée d'impatience de la femme sans âge, de celle qui, en y puisant la vie, cueillait aussi la fleur du sang. La vie et la mort s'accouplant dans un unique fluide à l'arôme sublime de naissance, au goût violent de passion. Dans ses veines coulait la fureur de Hinnom, pervertissant son entièreté en semant l'écorce mortelle des germes de la bestialité. Et cette bête intérieure était à la fois la cristallisation de la nature d'Argamane, et sa peur la plus noire.
L'ivresse de l'instant voulait qu'elle ne se détache pas de l'esprit aliéné qui la regardait en face comme une sœur, mais cette terreur qui ne faisait que sourdre lentement en elle l'empêchait de céder complètement à ses aspirations qu'elle savait être les jumelles des siennes. Le temps encore une fois semblait s'être tu, assourdissant tout, intérieur et extérieur, alors que seule cette voix qu'elle n'oublierait jamais lui parvenait avec la clarté parfaite, bien que détournée par une nature injuste, de son propre timbre perçu de l'intérieur.
- Non, il n'y a rien à dire. Pourtant je ne cesse de désirer entendre vos mots, que vous me révéliez, à demi voilée, un peu de votre pensée.
Seulement, tout ce que son esprit était capable de former alors pour forme d'expression, et ce qu'elle taisait avec une inflexibilité glaciale, c'était le grondement sourd d'un fauve qui ne demandait qu'à tout écraser devant lui pour se repaître de leur petite cour, pour déchirer tout ce qu'il y avait de magnifiquement humain dans leurs gestes, pour ravager toute trace de céleste qui eût trouvé sa place dans le flamboiement d'une telle rencontre entre deux consciences qui n'avaient peut-être pas tant en commun, mais au moins une évidence qui éludait toutes les autres : la compréhension totale de l'autre, achevée sans réel commencement, où tout restait à élucider comme dans une tragédie – une histoire dont on connaît la fin, mais pas le déroulement.
Et que n'y avait-il pas de tragique, finalement, dans cette scène suspendue entre deux mondes sans même l'intervention d'un quelconque pouvoir, sinon pour quelques gestes sans incidence ? Elle aurait sans doute pu durer mille ans, si le paranormal s'y était totalement invité. Elle aurait pu les voir rêver et mourir. Mais qu'est-ce qu'une éternité quand on sait qu'au bout du compte, tout n'est qu'onirisme, et qu'il faudra un jour ouvrir de nouveau les yeux sur un lieu commun : l'impossibilité d'y brûler sans conséquences. Qu'est-ce que cette éternité ? Il n'y aurait pas d'éternité de l'instant, déjà si étrangement torturé. Il n'y aurait rien d'autre que l'empreinte de ce qu'ils se permettraient le long des heures mortelles, fruit de l'alliance de l'ordre et du chaos. Il n'y avait pas de larme sur sa joue, non, parce qu'elle avait appris à ne pas pleurer de ses douleurs. Mais il y avait bel et bien, piégée dans la prison de ses cils, la perle forgée par la nacre de leurs émois conjugués autour d'un grain pur – l'absolue beauté de cette nuit. Le sang et l'or.
Car c'était de là que jaillissait le goût des choses. C'était ainsi que naissait l'empire des sens.
Alors, dans un mouvement conjoint qui avait la saveur aigre d'une déchirure nécessaire, ils se séparèrent sans en demander plus, mais il était certain qu'il ne s'agissait pas là d'une fin. Juste un moyen d'occulter ce qui devait l'être dans une hypothèse sans importance.
La main de James quitta celle d'Argamane et celle-ci se détourna sans hâte, avec la fluidité qui était propre au moindre de ses mouvements, ses iris vibrant d'un rouge soutenu ravivé par le sel s'étant invité au devant d'eux. Avançant doucement vers sa place initiale, elle alla s'emparer de son verre elle aussi, mais ne revint pas en arrière, gardant le dos tourné à son interlocuteur – choses qu'elle n'aimait pas faire, mais qui s'imposait pour l'heure.
- Veuillez m'excuser, ce n'est pas une révélation que je fais tout les jours.
Elle eut quelque difficulté à lui répondre, se rendant soudain compte de combien son cœur s'était serré dans sa poitrine et combien sa gorge nouée refusait d'obéir dans la seconde. La vérité, c'était qu'elle venait d'éprouver une soif comme rarement auparavant, et ce en considérant toute la durée de sa vie.
- Je le conçois, fit-elle simplement d'une voix sans doute trop sombre, et pourtant non dénuée de chaleur.
Croisant les bras dans une pose réflexive, elle réalisa son incapacité à trouver les mots pour s'exprimer encore maintenant tant son trouble était profond, et leva son verre en cherchant à calmer l'embrasement de sa gorge par un long trait de liqueur, qui contrastait avec la presque préciosité de sa dégustation un peu plus tôt.
Elle fuma sa cigarette qui se consumait seule, et étendit le bras pour chasser la cendre qui commençait à s'accumuler à son extrémité, et qui s'effondra dans un réceptacle de métal qui gisait sur le billard.
Par flashes subliminaux, les aiguilles du passé se plantaient dans sa mémoire, faisant resurgir autant de sensations aussi terriblement délicieuses qu'adorablement déchirantes. Son corps en proie aux mêmes flammes, mais aussi à d'autres qu'elle seule, à la lumière du vécu, pouvait considérer comme nobles. Et celle, spectrale, qui pulsait dans un couple de prunelles tellement semblables, de ce fait, à celles de l'homme qui se tenait tranquille derrière elle; qui, sans le savoir, la ramenait à l'abri près de lui par ses simples intonations.
- Vous me faites me sentir bien étrangement ma demoiselle. Je retourne avec vous à l'époque de mes quinze ans, quand je m'éprenais, alors, uniquement des jeunes femmes que je savais capables de me faire souffrir.
La souffrance. La souffrance elle l'avait longuement étudiée, éprouvée dans sa chair et dans son esprit. La souffrance était devenue une amie de la belle. Elle était ce genre de complice un peu retors dont l'amitié ambiguë vous porte vers l'excellence en son domaine. La souffrance était sa maîtresse, elle était partie intégrante du meilleur mentor qu'elle ait jamais connu, toutes sphères confondues. La souffrance avait un nom pour elle.
Elle eut un sourire amer qui se modifia pendant qu'elle se tournait à demi vers James, pour prendre la couleur d'une affection confuse qui mêlait celle d'une mère, d'une sœur, et d'une amante.
Pourtant elle ne répondit rien, dans un premier temps, contemplant sa silhouette dans ses divers détails sans marquer le moindre commentaire; une lueur indescriptible passa dans ses yeux lorsqu'elle attarda son observation sur la couleur de l'étoffe qui enserrait le cou du gentleman à quelques pauvres mètres d'elle.
À vrai dire elle ne réfléchissait même pas à la manière de répondre à son demi-aveu. Le temps qu'elle prenait n'était dévolu qu'à une contemplation qui, certainement, calmait ses trop vifs transports, en les réordonnant dans une harmonie toujours aussi ardente, mais bien plus fidèle à la femme qu'elle était : altière et dotée d'une sensibilité aiguë mais maîtrisée.
- Croyez bien que je comprends le sens de vos mots. Et qu'il n'est nul besoin de se sentir embarrassé d'un tel masochisme.
Le terme avait une résonance particulière lorsqu'elle le prononça, pourtant elle n'appuya pas davantage ces dires, et s'employa, après avoir déposé la cigarette sur le bord du cendrier à proximité, à s'élever à la force de ses bras, dos à la table de jeu, pour s'y asseoir. Un instant elle resta ainsi, croisant élégamment ses jambes tout en le fixant de là où elle était avec comme un léger air de défi, avant de prendre appui d'une main un peu en arrière afin de reprendre sa cigarette de l'autre main. Y goûtant une nouvelle fois, elle la délesta ensuite.
- Vous disiez vouloir connaître mon ressenti concernant... le nerf de nos considérations.
Elle s'interrompit brièvement, souriant comme amusée par le sujet.
- Je ne suis pas certaine qu'il soit bon que j'explicite la vérité. Car je crois que vous la connaissez aussi bien que moi... – elle prit une bouffée de tabac sans le quitter des yeux, inspira – Et puis, je ne saurais en décrire la teneur moi-même. Mais il y a quelques points à éclaircir, parce que je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur mon compte.
Soufflant quelques volutes, elle s'interrompit un instant, cherchant ses mots.
- Je ne me nourris pas que de sang. Mais la consommation que j'en fais est devenue un choix de vie, et j'en ai une approche esthétique. Je ne suis en rien plus juste qu'une autre dans cette démarche, je n'ai jamais été forcée de m'astreindre à ce qui voudrait passer pour une nécessité vitale et qui ne l'est pas réellement.
Son visage était tout à fait sérieux, et un petit rictus mêlant amusement et cruauté, ainsi qu'en use le chat avec sa proie, étirait le bord de ses lèvres.
- Imaginez ce que peut ressentir un parasite tel que moi, adorateur de sa pitance qui plus est, lorsqu'il se trouve devant une source auréolée d'un pouvoir absolu. Ce n'est pas bien difficile, par la suite, de voir combien la créature est avide et pleine de toutes les pires bassesses que l'humanité comporte. Comme elle est laide, dès lors, cette créature par tous fantasmée, qui sous couvert de flatteries s'approche de vous pour porter son coup lâchement – car la lâcheté est la meilleure arme du parasite.
Une nouvelle pause, une nouvelle inspiration sur le tube de tabac, et elle ne le lâchait toujours pas du regard.
- Maintenant pouvez-vous toujours penser que je suis une femme, et non ce monstre fourbe et méprisable ? Se peut-il que vous ayez quelque affection pour celle qui vous confesse son abjection ? Se peut-il que vous aimiez, de quelque manière que ce soit, celle qui ne peut être aimée autrement que dans le rêve ?
Une dernière question, qu'elle ne poserait pas de vive voix, s'inscrivait dans son regard où serpentait avec une perverse persistance l'expression de la douleur. Comprenait-il la portée du terme masochisme appliqué à son être tout entier, et était-il capable de lire jusqu'à l'histoire de ce mot dans son histoire à elle, sans user de facultés surhumaines ? Probablement se demandait-elle également s'il était prêt à l'accepter, mais cette interrogation se devait d'être tue jusqu'en son propre esprit pour le moment.
Spoiler:
HJ : ça m'apprendra à finir d'écrire des posts à 5h du mat, tiens.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Dim 23 Jan 2011 - 16:35
Un flottement, un temps de silence dans cette musique que nous composions de nos corps et de nos mots. Il me semblait que plus jamais je ne pourrais détacher mon regard d'elle, que plus jamais je ne pourrais vivre sans ce feu divin qu'elle faisait courir dans mes entrailles. J'étais le héros d'un vieux rock'n'roll, ce fou que rien ne raisonne. J'étais un Tristan aliéné, un Roméo corrompu. Nulle pureté dans mes sentiments, j'avais pour Argamane bien trop de désir, et je savais qu'elle savait. Comment aurait-elle put l'ignorer quand chaque parcelle de mon être le lui hurlait, lui jetait ce désir à la figure sans aucune pudeur. Je ne la regardais plus, je la décortiquais, l'autopsiais, la dévorais. La soie de ses cheveux qui tombait sur le nacre de sa nuque, montrant le chemin, magnifique, qui se dessinait de son dos jusqu'à ces reins. Cette chute vertigineuse, irréelle, qui menait à l'infini de ses jambes, la parfaite courbe de ses mollets. La toucher, la gouter. Je ne demandais que ça, et pourtant me l'interdisais. Je voulais la conquérir, non, pas ce mot, il n'est pas juste. Je voulais l'égaler, devenir à ses yeux ce qu'elle était aux miens, la promesse de quelque chose d'autre, de mieux. Qu'importe que cela dure une nuit ou une vie, il fallait que ça arrive, comme il fallait que la terre tourne autour du soleil. Je me surprenais à songer, quel fou étais-je donc, que nous étions fait pour vivre cette scène, que tout le reste de ma vie n'était qu'un prélude à cette rencontre, et que tout ce que je vivrais ensuite n'aurait pour but que de rendre supportable l'intensité de ce moment partagé.
Je bus, vidant mon verre de sa liqueur qui avait fait autant de fous que d'artistes. Puis elle parla, se dévoila, sans retenue, me semblait-il, pour la première fois de puis le début de cette conversation. Je la voyais, au fil de ses confessions, plus complexe encore. Elle était prédatrice et proie à la fois. Dangereuse, mais étrangement fragile. Et ces questions, qui ne faisaient que renforcer se sentiment, me laissaient pantois. Pour parler, elle s'était de nouveau tournée vers moi, assise, presque offerte, si ce n'était ces jambes croisées, qui m'interdisaient silencieusement de venir la rejoindre. Mais c'est son regard que, de nouveau, je ne pouvais quitter. Elle était, pour moi, la flamme qui consume la vie, et peu importait que sa prédation fut un choix, ça ne la rendait au contraire que plus magnifique encore. Il me fallut défier mes jambes, les forcer à me porter jusqu'à elle, pour ne laisser que la longueur de ses cuisses entre nous. Je crut sourire avec une douceur, une tendresse, que je n'avais encore jamais éprouvé alors, mais peut-être mon visage était-il resté impassible, tant elle venait de me désarmer.
-Peut-être avez-vous raison... Peut-être devrais-je fuir pour ne pas devenir votre proie. Il est probable que vous soyez ce parasite, comme vous le dites, et que votre laideur n'ai d'égale que l'horreur de votre chasse.
Je marquais une pause, la regardant toujours, me penchant doucement, nos visages n'étant alors plus séparés que par nos deux souffles. Du bout des doigts j'effleurais sa cuisse gauche, la touchant à peine alors que la caresse remontait jusque sur sa taille, dessinant le contour de son corps pour échouer sous son menton, l'obligeant ainsi à garder son regard dans le mien.
-Mais pourquoi alors ne puis-je me détourner de vous ? Pourquoi ne vois-je en vous que beauté ? Comment se fait-il que mon corps et mon âme me hurle que vous êtes la Femme, l'incarnation même de la féminité, sublimant chaque aspect de ce qui fais de la femme l'être le plus merveilleux de la création ? Vous me demandez si je peux encore vous aimer, alors que je me demande, moi, comment je pourrais ne pas le faire. Car oui, je vous aime déjà, de toutes les façons qui soient. Je vois en vous le reflet de mon âme, avec, en plus, cette beauté qui n'appartient, dans tout les univers, qu'a vous. Et je me surprends, je vous l'avoue, à penser que vous ne pouvez pas être réelle, que telle créature ne peut être que le fruit de ma folie. Oui, vous ne pouvez être et être aimée que dans le rêve, mais ma vie en est un. Un songe qui me donne l'honneur, la chance, de pouvoir vous adorer toute entière.
Il n'y avait donc plus de barrière, je m'étais livré, pieds et poings liés, abandonné au bon plaisir de la belle, à son sadisme ou sa merci. Je ne bougeais plus, restais ainsi suspendu à ses lèvres, n'attendant que le verdict de son jugement, et la sentence qui l'accompagnerait. Je m'étais offert, proie consentante du parasite qu'elle prétendait être.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Lun 24 Jan 2011 - 0:11
Quel genre de fou était-il, au juste ? Lui qui, d'un claquement des doigts, aurait pu s'ouvrir les portes de la rédemption plutôt que de s'ouvrir les veines dans un abandon total de son être tout entier au profit d'une femme qui, pour le capturer usait sur lui, sans s'en cacher, du pouvoir d'un Éros létal... Quel pauvre être était-il, à la fois si vivant et si pressé de regarder ce à quoi ressemblait la mort entre les chairs de sa maîtresse ? L'impression de le tenir entre ses griffes était grisante, mais elle ne perdait pas de vue le fait que lui-même, en seulement une poignée de minutes, avait accompli le chemin que d'autres avaient parcouru avec mille peines, suant sang et eau dans l'unique espoir de l'atteindre elle, entité idéalisée à l'extrême; l'expression était bien ironique en l'occurrence. Leur eau, leur sang, c'était bien elle qui les leur avait pris, s'en délectant de mille façons. Tous s'étaient jetés à ses pieds à un moment ou à un autre, certains avaient perdu plus qu'un peu de leur fluide vital. Et la charogne féroce qui dormait en elle avait sur leur dépouille offerte un œil fatal et des crocs dont le venin s'emparait d'eux pour ce qui semblait alors être le reste de leurs jours.
Elle sentait avec une netteté suffocante la charge qui pesait dans l'air, cette force invisible et pourtant implacable qui les reliait, chacun à sa place, comme des siamois. Et l'ordre des choses ainsi bouleversé prenait des airs de normalité nouvelle. Il créait et détruisait des mondes à sa guise, et sans s'y prendre de la même manière, elle agissait de même – ces deux puissances conjointes donnant ainsi naissance à une réalité parallèle complètement fondue dans celle de tout un chacun et qui, nonobstant, s'en différenciait avec une vivacité inouïe.
La tension fut un battement de cœur palpable alors que le demi-dieu s'approchait de la succube, le divin et l'infernal se confrontant dans une évidence accablante, leur poids s'abattant comme un couperet sur l'écran filiforme entre leurs deux prophètes. Des lignes de feu tracèrent des sillons électrisés le long de son corps alors qu'il effleurait à peine ses courbes, esquissant l'enluminure première d'un nouvel apocryphe tandis que la fille de Lilith, souriant avec une satisfaction néfaste, s'enivrait des coups furieux du tambour mortel dans sa poitrine. Ses yeux suivaient la course du serpent de flammes sur sa peau nacrée, et sans heurt, obéissant docilement à l'ordre muet qui leur était donné, revinrent à ceux qui illuminaient la face de Shemhazai comme deux brasiers où se consumait la frénésie du désir. Par l'incantation des paroles proférées par la suite, le miroir sanguin des iris de la damnée, où couvaient les braises d'une démence analogue, s'enflamma à son tour.
Il la voyait femme, maîtresse interdite du divin, parce que c'était ce qu'elle était toute entière. Une tentatrice absolue que rien n'entachait devant lui car il était de l'essence de ceux qui tombèrent pour ses semblables. Une perle de luxure unique, parfaite, semblait-il, à ses yeux. Une chimère qu'il revêtait peu à peu de l'étoffe d'une impératrice toute-puissante, possédant tout droit sur lui. Le danger de sombrer dans un onirisme pathologique était imminent; elle saurait le dompter, mais lui paraissait tout proche de la rive d'un fleuve où il s'était trop de fois immergé sans manifestement en apprivoiser l'onde. Derrière l'épais velours de la passion charnelle qui couvrait l'âme embrasée d'Argamane se dessina la forme gardienne d'un amour vigilent, maternel. Mais sa présence en retrait ne pouvait dissiper l'incandescente tension qui émanait de chacun d'eux.
Sans un seul mouvement de retrait, elle prit doucement la main de James dans la sienne, reposant sans emphase la cigarette allumée dans son cendrier.
- Fermez la porte, murmura-t-elle.
Comme elle s'y attendait, il ne se déplaça pas pour ce faire.* Et à peine le loquet se fit-il entendre qu'elle profita du manque d'appui et d'attention de son soupirant pour l'attirer presque contre elle avec une vigueur fulgurante, basculant son poids avec le sien pour le plaquer contre la surface solide du billard et d'un habile jeu de jambes, se positionner au dessus de lui, genoux de part et d'autre de ses hanches – moins d'une seconde plus tard, elle agrippait sa cravate comme s'il eut été pourvu d'un collier de soumission, son autre main couvrant ses lèvres pour retenir l'éventuelle expression de la douleur qu'elle venait très certainement de lui infliger (sciemment). Pas un instant ses prunelles n'avaient quitté les siennes, et elle le contempla un moment sans relâcher ses prises, penchée sur lui à quelques centimètres seulement, l'espace du respect qu'elle lui imposait d'une façon inédite, ses cheveux cascadant à son flanc comme pour éclipser leur échange de regards importuns qui ne viendraient pourtant pas.
- Je ne suis pas un rêve. Je suis aussi matérielle que Galatée, et vous êtes mon Pygmalion. La beauté qui vous émeut est certes le produit de votre esprit sur ce que vous percevez, mais moi je suis bien là, prenant possession de la liberté que vous m'avez jetée en pâture. Et croyez-moi...
Son sourire revint doucement alors que sa main qui couvrait la bouche de sa proie s'écartait en une caresse témoin de sa sensualité exacerbée, glissant comme une vague le long de la gorge offerte.
- … J'entends en user sans parcimonie.
Sa prise sur l'étoffe se relâcha quelque peu et ses mains expertes s'employèrent à la dénouer avec une lenteur toute calculée.
- Il y a un rite à observer lorsqu'on invoque la part de moi que vous désirez connaître. Je sens en vous la foi nécessaire à son accomplissement; d'ailleurs, elle n'est pas que spirituelle...
Dévoilant sur ces mots ses canines inhabituellement longues en un sourire rieur, elle acheva de détacher le tissu grenat et le déposa méticuleusement sur les côtés dans un geste empreint de solennité. Effleurant le pourtour de l'étoffe de la chemise depuis la nuque jusqu'au premier bouton, elle s'affaira avec la même indolence apparente à défaire celui-ci de son attache, procédant de la même manière pour quelques uns de ses frères. Son expression se fit alors plus sérieuse.
- Mais il n'appartient qu'à vous de décider si oui ou non, l'autel mérite votre idolâtre sacrifice, car je ne saurais prendre possession d'une offrande qui ne m'a pas été dûment consacrée.
D'un geste où la langueur laissait paraître l'appétit dévorant qui la rongeait, elle apposa sa paume sur la peau à demi dévoilée, remontant de la poitrine à l'épaule afin de dégager le textile près de la clavicule, plongeant de nouveau son regard dans celui de l'étrange fidèle qu'elle dominait.
- C'est à ce seul prix que vous entreverrez ce que je suis en mesure de vous donner en échange.
* vu avec le joueur.
Spoiler:
HJ : Désolée, c'est un peu réduit par rapport à avant... ^^' Tu peux évidemment dépasser la réponse, je suis bien consciente que sinon ça ferait pas forcément lourd à dire pour faire avancer tout ça - au pire on voit le reste sur MeuSNeuh. =)
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Lun 24 Jan 2011 - 12:18
Je sentais ce frisson qui suivait le tracé de mes doigts sur son corps, contagieux, qui descendait le long de ma nuque alors qu'elle plantait de nouveau le rubis de ses yeux dans les miens. Oui, je m'abandonnais à elle comme je pensais qu'elle le faisait pour moi. Bien sûr, je me trompais, mais je rejetais la conscience de cette erreur, ne voulant en apprécier que le délice qui en découlait. Vint sa réponse, son ordre qui n'était, au fond, que le prolongement de mon envie. Alors j'obéis, sans me faire prier, laissant entendre le bruit superflu de la serrure pour lui faire savoir ma coopération totale, proche du dévouement. Je n'eut pas le temps de comprendre, déjà j'étais couché sur le billard, support peu confortable pour un tel échange, et elle me dominait de tout son corps. La surprise fut bien plus forte que la douleur, et sur sa main, mes lèvres entrouvertes ne laissèrent échapper aucun son. Je me retrouvais sans défenses, vulnérable au moindre désirs de la prédatrice qui déjà avait finit de me chasser, mes bras ballants, le long du corps, n'osant pas venir toucher ce corps qui pourtant semblait appeler mes mains tremblantes d'une envie trop grande pour elles.
Je ne pouvais prononcer un seul mot, fasciné par chaque expression qui parcourait son visage, chaque mot qu'elle prononçait. Je remarquais à peine sa main, habile, qui déboutonnait doucement ma chemise désormais bien trop encombrante. Une parcelle de moi, certainement a raison, me hurlait de fuir, de disparaître de cet endroit comme j'en étais si aisément capable. Mais ce n'était pourtant qu'une légère brise dans la tempête de mon désir, mon corps et mon cœur me fixant tout deux à cette table, à cette femme. Une pensée absurde, pas tant que ça, me traversa pourtant. Comment pouvait-elle me demander un consentement déjà tout acquis ? Pourquoi n'avait-elle pas déjà planté ses crocs en moi pour s'abreuver de l'élixir qui n'appartenait déjà plus qu'à elle ? Elle n'avait pas formuler de question, et pour y répondre je restais silencieux.
Enfin mon corps retrouvait le courage et la force de bouger. Ma main, un instant hésitante, vint doucement se poser au creux de ses reins, remontant lentement, trop peut-être, jusqu'à sa nuque. Il y eut un flottement, le temps d'un battement de cœur qui résonnait dans ma tête comme le tambour d'une armée en marche vers sa dernière bataille. Puis d'une délicate pression je la forçait à se pencher, à venir coller ses lèvres sur cette partie de moi qu'elle avait dénudé. Je m'offrais dans limites ni condition, le flot de mon sang serait pour elle intarissable. Une source infinie à l'image de mon amour pour ce qu'elle me laissait croire qu'elle était. La combler, même pour un instant, était tout ce que je voulais, tout ce qui importait. Il me semble que même sans mes dons, sans cette possibilité que j'avais d'y survivre, je l'aurais laissé me vider de ma vie, ne serait-ce que pour pouvoir lui offrir l'offrande que son essence méritait.
Mon corps se crispa en sentant les crocs pénétrer ma peau, mais pas un son ne sortit de mes lèvres entrouvertes, juste un soupir alors que la tension me quittait. Nos deux corps ainsi soudés, comme Argamane aurait-elle put ignorer le frisson qui parcourait mon corps sans vouloir s'arrêter. Ou encore les battements de mon cœur, de plus en plus violents, comme si cet organe, symbole d'amour pour certains, de force pour d'autres, cherchait à nourrir plus encore la danseuse. Je ne sais combien de temps la chose dura, peut-être quelques secondes, peut-être des heures. Le temps s'était suspendu, effacé, devant la préciosité du moment. Lorsqu'enfin les canines quittèrent ma chair, que la belle créature décolla ses lèvres de mon corps, de ma main toujours sur sa nuque, j'amenais son visage au mien, et ressoudait nos deux corps d'un baiser qui me semblait interdit. Je sentais sur mes lèvres la chaleur des siennes, et le gout âcre des quelques goutes de mon sang qui y trainait encore. Peut-être profanais-je le rituel qu'elle voulait m'imposer, mais peu m'importait, je la voulais.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Lun 24 Jan 2011 - 17:11
Le mutisme était entendu, l'appel de la chair si puissant que comme un seul corps ils ne pouvaient que se comprendre et fusionner dans l'acceptation. Pourtant, extraordinaire était cette alliance, et s'il avait su la portée du geste, peut-être James aurait-il eu un jugement différent de ce qui se présentait à lui. Suivant sans le moindre signe d'autorité le mouvement qui lui était intimé, la belle se cambra légèrement, la ligne de son corps cherchant à savourer la caresse qui lui était prodiguée, puis plongea doucement vers le creux de l'épaule et de la gorge de sa proie consentante, louve apprivoisée par un agneau amoureux, et comme on embrasse un être fragile, elle appliqua sa morsure sur la chair pâle d'où s'écoula lascivement le breuvage salvateur.
Ses crocs fichés dans le fruit défendu le déchiraient sans violence, et elle se délectait avec une patience pleine de dévouement du fluide écarlate, absorbant voluptueusement les soubresauts de la vigueur qui l'animait, s'en nourrissant avec une passion non contenue. Une longue vague de plaisir la parcourut, forçant ses jambes à se joindre à la silhouette qu'elles entouraient alors que son buste rencontrait son jumeau masculin, accentuant l'arc de ses reins. Elle non plus ne sut combien de temps cela durait, elle se contentait de jouir de l'arôme métallique du sang, assorti de nuances plus subtiles que seule l'habitude lui permettait de percevoir, étirant légèrement la plaie de ses canines quand le flot se tarissait. Elle se sentait galvanisée par cet apport aux attraits mystiques, et aurait très certainement pu, si le vaisseau ne comptait pas, tout prendre sans une once de pitié ou de remord. Mais, bientôt, elle cessa de se repaître de ce miel vermeil aux accents jamais encore éprouvés, flattant une dernière fois ses papilles d'un reste fugitif qui roulait langoureusement sur la peau de son amant – car dès lors il serait considéré comme tel. Et c'est avec autant de déférence qu'elle se plia au baiser qu'ils échangèrent ensuite, y catalysant toute sa reconnaissance, ainsi clamée mieux que par tous les mots que l'histoire du langage eût portés. De la même manière, le temps s'écoula sur eux sans les atteindre, comme une foule indifférente aux préoccupations obsolètes.
Caressant son visage d'une main, elle y recueillit sa nuque où suintait une larme rouge, et l'entraîna avec elle tout en se redressant, et séparant leurs lèvres elle logea son visage près de la source offertoire sans plus y toucher. Joue contre joue, lui assis sur leur autel improvisé, elle enveloppant ses hanches de ses jambes, elle calqua son corps sur le sien comme pour parachever la signature du pacte qu'elle lui avait proposé, l'entourant de ses bras. Et c'est ici, quand ses traits dérobés à la vue du déchu retrouvaient une liberté d'expression qu'elle conservait pour de rares instants confidentiels comme un loisir solitaire, que sur eux s'afficha la vérité qu'elle seule connaissait. On y vit, sous le fard de la femme fatale, le visage de celle qui, durant toute sa vie, n'avait trouvé le sens de ses jours que dans la soumission. Celle qui avait toujours eu besoin qu'on lui montre la voie, qu'on lui dicte la forme à prendre, qu'on lui enseigne l'art de trouver la beauté dans l'abjection d'une vie qui, de prime abord, n'avait pas voulu d'elle, et avait tenté de la rejeter pour de bon. En prélevant le cadeau que James lui avait accordé, elle recomposait une énième fois le cantique obscur qui lui avait permis de s'agripper à l'existence, et si cela n'avait qu'une faible signification pour lui, ou que celle-ci n'était que temporaire, pour Argamane cela voulait dire qu'il ouvrait la voie sur un autre sentier. D'autres que lui avaient donné d'autres clés, pour d'autres formes de cette même femme qui se blottissait contre son présent baptiste. Tous, selon un procès qui leur était propre, se partageaient son âme, lui permettant ainsi de vivre autant de petites vies, défiant celle qui voulut si tôt l'enterrer. Tous, sans forcément en avoir conscience, la consommaient suivant leur bon vouloir en échange de leur don, sacrifiée pour leur fantasme et forgée à l'image de celui-ci. Un à un ils étaient venus à elle, exprimant par l'entièreté de leur attitude l'idée de la femme qu'ils voulaient qu'elle soit, et son prix était toujours le même : celui d'une autre histoire. Le tribut du sang payé, elle était leur jusqu'à ce que cette histoire prenne fin, par leur volonté ou par un biais plus tragique.
Ses doigts se perdaient dans les cheveux de James et elle sentait leurs deux peaux qui irradiaient, mais nul désagrément dans ce contact, au contraire. C'était comme côtoyer l'Éther, ses flammes bleutées à l'inexprimable chaleur, la sensation de s'oublier tout à fait dans l'immensité où plus rien n'existait, une ataraxie telle qu'elle en rêvait parfois après l'ouragan empirique qui la secouait lorsqu'elle se donnait à quelqu'un.
- Ces plaisirs violents ont des fins violentes... Dans leur triomphe ils meurent, tels la poudre et le feu, que leur baiser consume.
Elle avait incliné son visage, murmurant à l'oreille de James, sa bouche effleurant cette peau qui brûlait à l'unisson de la sienne. Et déjà, elle redevenait celle qu'il connaissait, défaite de cet instant de sincérité crue qui, aux yeux d'autrui, aurait quelque chose de terriblement mélancolique dans sa neutralité, l'image d'un parfait oubli de soi. Ses lèvres goûtèrent la radiance qui s'offrait à elles une dernière fois, cheminant presque timidement vers leurs sœurs où elles s'attardèrent davantage. S'en détachant encore, la belle plongea ses yeux où vibrait toujours la même flamme dans ceux de James.
- Je n'attends rien d'autre de vous pour cette nuit. Mais puisqu'il s'agit d'un échange de bons procédés, considérez que je vous en réserve la suite et donnez-moi une raison d'accepter... votre invitation à dîner de tout à l'heure.
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mer 26 Jan 2011 - 0:05
Si avant le temps c'était déjà arrêté mille et une fois au cours de cet entretient, désormais c'était le monde, toute la réalité dans son entièreté qui avait cessé d'exister, alors que nos lèvres étaient enfin jointes, scellant un marché dont je ne comprenais pas encore la portée. Mais peu m'importait l'inconnu, seule comptait la chaleur de ce corps contre le mien, de cette bouche soudée à la mienne. Si l'univers était né un jour, c'était d'une union semblable à celle que nous vivions. Il me semblait bruler plus intensément que le soleil et elle plus encore puisque je pouvait sentir ses flammes bruler ma peau. Et peu importait qu'Argamane mette fin a ce baiser, car malgré la douleur que cela provoquait chez moi, rien ne comptait plus que mon cœur frappant ma poitrine, dans l'apparent espoir de pouvoir rejoindre celui de la belle. Elle enfouissait son visage dans mon cou, je glissait mes mains dans son dos, l'une jouant encore, du bout des doigts, sur sa nuque, l'autre enserrant sa taille, la serrant contre moi comme pour la faire se fondre en moi.
Mon corps n'était plus que chaos, brulant et frissonnant à la fois. Grondant du désir d'en avoir toujours plus, et pourtant ronronnant de la satisfaction de ce qu'il avait déjà. Je ne savais, et ne sais toujours pas, ce qui m'arrivait, si ce n'était que cet état me terrifiait autant qu'il me comblait. Parfois je me surprend, alors que je repense avec mélancolie à ce moment, à songer que j'étais alors plus proche du véritable bonheur que je ne le fut jamais, avant ou après. La sentir ainsi, abandonnée à moi tout comme je l'étais à elle. Mais ce moment, trop fugace, devait trouver sa fin, comme toute chose en ce triste monde, bien que celle-ci fut plus douce que bien des autres. Entre tout les mots que la danseuse aurait put choisir, il fallut que ce soit ceux du l'Homme en personne. Cet auteur, trop grand pour n'être qu'un simple humain, qui avait sut raconter, toujours avec le mot juste, les méandres du cœur humain, William Shakespeare.
Je n'avais qu'une envie, l'embrasser de nouveau, mais ce fut elle qui s'en chargea, avec une timidité sous-jacente qui rajoutait encore au milles charmes que je lui trouvais. Cette fois-ci le baiser fut bref, trop bref, mais il semblait qu'il fallait qu'elle parle, et moi je me devais de poursuivre sur son corps mes caresses. Pourtant je m'interrompis l'espace d'un instant, écoutant ses paroles, mon regard vissé, encore et toujours, au sien, avec sur les lèvres le sourire de ceux qui ont entrevu le divin.
- Je n'attends rien d'autre de vous pour cette nuit. Mais puisqu'il s'agit d'un échange de bons procédés, considérez que je vous en réserve la suite et donnez-moi une raison d'accepter... votre invitation à dîner de tout à l'heure.
Ma première réponse fut une de venir, avec toute la tendresse qui m'animait, caresser doucement la joue de la mutante, laissant trainer ma main sur son cou, mon pouce dessinant le fin tracé de sa mâchoire pour finir par effleurer ses lèvres. Je retint, difficilement, un baiser, laissant mon doigt vagabond rejoindre ses frères sur la nuque d'Argamane.
-Sachez, d'abord, que vous pouvez attendre de moi tout ce qui vous est nécessaire. Et que cet échange, de mon corps au votre, aurait put se prolonger mille ans encore sans que je n'y trouve rien à redire.
je marquais une pause, et lâchais sa nuque pour recouvrir un instant de ma main la plaie dont elle était la cause. Lorsque je la retirais, il n'y avait dès lors plus que deux petites cicatrices, traces que je voulais garder du passage de cette chimère dans ma vie.
-Pour vous je peux être autant source de jouvence que corne d'abondance, et j'avoue, non sans une certaine malice, y avoir pris un certain plaisir. Mais je vous trouve injuste. Car il me semble vous avoir déjà donné bien plus qu'un raison d'accepter mon invitation, qui tiendra, je le craint, jusqu'à ce que j'expire mon dernier souffle.
En m'arrêtant de parler, je me redresser encore un peu, autant que je le pouvais, pour pouvoir sentir un peu plus encore l'intensité du corps de la danseuse. Lentement je me penchais à son oreille, à mon tour, et inspirait son odeur, les yeux fermer, la consommant comme l'opium qu'elle devenait pour moi. Puis mes lèvres s'attardèrent sur la peau de son cou, goutant ce gout de miel qui me semblait irréel. Enfin je lâchais un murmure, un souffler plutôt.
-Me voilà donc fou, pris d'un singulier amour pour une femme qui ne l'est pas moi. C'est ainsi, alors, que vous me dérobez de nouveau le peu de raison qu'il me reste...
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Sujet: Re: Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson] Mer 26 Jan 2011 - 3:21
Tels deux rubis dans leur écrin de velours sombre, ses yeux se fermaient au contact de la main du demi-dieu sur son visage légèrement empourpré où perçait ainsi la confidentialité du tumulte qui la submergeait presque. Les ailes noires de ses cils se déployant ensuite de nouveau sur le scintillement équivoque de ses prunelles pourpres, elle inclinait la tête pour accompagner le chemin de cette main chérie vers le couvert de sa chevelure ondoyante.
- Sachez, d'abord, que vous pouvez attendre de moi tout ce qui vous est nécessaire. Et que cet échange, de mon corps au vôtre, aurait pu se prolonger mille ans encore sans que je n'y trouve rien à redire.
Les mots du lord avaient une résonance exquise à son oreille conquise depuis longtemps déjà, et elle ne put que sourire tendrement pour exprimer à quel point elle aurait tenu, elle aussi, à ce que par la puissance sans bornes qui habitait ce prodige, ce miracle fait homme, leur danse dure mille danses, et mille autres, et mille autres encore. Alors elle contempla l'exemple de cette puissance sur la chair – presque christique – qui lui avait promis la vie, et fut émue de voir que contrairement à sa première attente, le choix fut de préserver comme un sceau la signature de ses crocs à la place de ce qui s'apparentait un peu à une virginité perdue. Ainsi, tant qu'il la voudrait en lui, cette marque unique au monde serait la preuve du lien qui les rassemblait, comme d'autres portent un anneau – et comme d'autres, il s'en déferait lorsque sa volonté le lui dicterait, et déjà elle savait qu'elle ne pourrait rien contre cela, l'acceptant dors et déjà et faisant par là-même son propre choix.
- Pour vous je peux être autant source de jouvence que corne d'abondance, et j'avoue, non sans une certaine malice, y avoir pris un certain plaisir. Mais je vous trouve injuste. Car il me semble vous avoir déjà donné bien plus qu'une raison d'accepter mon invitation, qui tiendra, je le crains, jusqu'à ce que j'expire mon dernier souffle.
Il s'approcha encore, obligeant le corps de son amante à se cambrer davantage, et bien qu'il la serrât contre lui, lui dérobant ainsi un soupir d'aise, et que dans un élan sulfureux mais tout en langueur elle l'imitât, un réflexe mêlé au désir partagé la poussa a resserrer l'étreinte de ses jambes sur lui. Elle garda le silence et ce faisant éluda toute question d'équité, car de toute évidence pour lui il n'y en avait pas. Il se sacrifiait par ses mots bien plus explicitement que par le sang, et si cela n'avait pas été évident jusqu'ici, en tout cas cela le devenait désormais. Là encore il n'était pas le premier à tenir un discours de cet ordre, mais dans sa bouche tout cela avait un sens tellement nouveau que la danseuse se sentit bien plus touchée, et d'une façon bien plus profonde que lors de toutes ces nuits où on lui avait tenu des propos enflammés qui répudiaient dieu et maître pour elle, rien que pour elle, sans pour autant y puiser le millième de ce que contenaient les mots de cet homme-là, précisément. Cette conscience qu'elle en avait était inexplicable autant que totalement, parfaitement vraie. Sans qu'elle le décide, ses doigts plongeant dans la chevelure brune se resserraient tel l'anneau du python sur la nuque de James, et elle ne put qu'atténuer la crispation féline de son autre main aux ongles aussi puissants que des griffes de fauve, pas suffisamment pour éviter le début de leur léger crissement sur l'étoffe du vêtement.
- Me voilà donc fou, pris d'un singulier amour pour une femme qui ne l'est pas pour moi. C'est ainsi, alors, que vous me dérobez de nouveau le peu de raison qu'il me reste...
Avec la même force mal contenue, elle ferma les yeux, et sa respiration malmenée par la course effrénée de son pouls s'arrêta un instant alors que sa gorge se nouait. Elle perdait pied elle aussi, et sentait que la seule manière d'y remédier était de succomber tout à fait pour toucher le fond qu'il avait déjà atteint. Une lueur vague dans son esprit lui intima que la raison s'en trouvait exactement là où elle s'était premièrement égarée, alors que leur dialogue, avant tous les méandres qu'il s'était pris à former dans une spirale qui les menait vers des abîmes où régnait une égalité certaine, ne faisait que commencer. Faisant glisser ses mains sur lui comme deux serpents blancs, elle reposa ses mains au devant de ses épaules afin de lui suggérer un face à face.
Elle contempla de nouveau ces yeux où étincelait l'éclat prodigieux d'un passé qui était le sien, alors même que James l'ignorait tout à fait. Elle réalisa alors combien cette rencontre s'élevait à une distance colossale de toutes les autres depuis le décès du véritable homme de sa vie, celui qui avait fait naître et avait détruit Crimson, celui qui l'avait façonnée plus que tout autre, dans toute sa vie déjà avancée. Elle réalisa combien James Braddock, dont elle ignorait tant alors qu'il lui semblait tout posséder de lui, incarnait pour elle comme le point d'orgue d'un cycle, la morsure de l'Ouroboros. Le destin existait-il ?
La simple contemplation de ce regard qui recélait absolument tout, et pourtant n'usait d'aucune langue humaine, força les verrous de sa mémoire à céder sous l'assaut du souvenir, comme une déflagration. La rage éperdue des années réduites à un silence forcé éclata en elle, et alors qu'elle baissait brusquement le regard en expirant son souffle emprisonné, une larme, une vraie, noircie par ce « jadis » débordant et par l'artifice dont elle le couvrait, roula sur sa joue. Pourtant, il ne semblait pas qu'elle pleurait lorsque la seconde suivante, elle plantait de nouveau ses yeux à la brillance humide dans les siens.
- Cet endroit n'est pas le bon. Rouvrez la porte et portez-nous où vous le souhaitez.
Ses mains remontèrent fiévreusement en arrière de la mâchoire de James, avec une avidité prouvant son présent manque de contrôle.
- Je n'en ai cure, souffla-t-elle comme ultime aveu avant un abandon total dans la passion d'un baiser sans concessions.
La suite, jamais personne d'autre qu'eux ne la connaîtra, et chacun, ainsi, peut conclure de ce conte ce qu'il lui plaira.
Car il est des histoires dont la fin ne peut, et ne doit apparaître aux yeux des impies. Et s'il est vrai que l'âme, dans son infini mystère, survit à toute chose et poursuit, immortelle, son chemin à travers toutes les consciences, à travers toutes les choses que l'humain, si faible, est capable de concevoir, et bien au delà encore, alors il est tout aussi vrai que c'est ici que se clôt le récit d'une nuit qui, pour deux êtres unis, ne s'achèverait jamais, là où les prétendues créatures de Dieu ne peuvent concevoir que l'accomplissement ponctuel.
L'éternité n'a de sens que pour elle-même, et nul n'en élucidera le secret par les mots. Laissons ainsi la nuit courir à travers les mondes, et puisse-t-elle, dans son immensité que la lumière ne chasse qu'au cœur d'elle-même, sceller pour toujours la mémoire de l'androgyne sacré formé de deux corps, de deux cœurs, de deux êtres parfaits de leur complétude, enfin.
Et que pas un profane n'en souille l'alcôve muette.
[RP CLOS] Merci. =)
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Une nouvelle année qui commence bien [PV : Crimson]