Et la priorité à droite ! (Maxou)

Il était déjà presque minuit quand Emily vit au loin les lumières de New-York. La jeune fille avait passé la journée entière sur sa moto, et elle était un peu fatiguée. D'après ce qu'elle savait, New York était une ville de cons, mais elle allait devoir s'y arrêter pour la nuit, ou bien elle s'endormirait sur son guidon avant d'atteindre la ville suivante. Elle trouverait sans doute un hôtel pas cher ou un vieux bâtiment à squatter, au moins n'aurait-elle pas à dormir à la belle étoile cette nuit-là. Tant qu'elle y serait, elle en profiterait pour faire le plein. Pressée de trouver un endroit où se poser, elle accéléra. Elle n'avait pas froid, et pourtant elle ne portait qu'un jean troué, un tee-shirt en coton et un blouson en jean sans manches (un peu comme celui qu'elle avait porté lorsqu'elle faisait partie des Lupus, mais qu'elle avait brûlé le jour où elel avait tout envoyé chier). Et bien sûr, elle ne portait pas de casque, laissant ses cheveux (alors teints en bleu) voler au vent.
Elle réfléchissait à ce qu'elle boirait lorsqu'elle aurait trouvé un bar digne de ce nom quand une sirène de police mugit derrière elle. Emily regarda son compteur de vitesse, c'est vrai qu'elle roulait trop vite. La voiture de police avança jusqu'à la hauteur de la Harley Davidson et le policier fit signe à Emily de se ranger sur le côté. Impossible. Ses faux-papiers lui avaient permis de passer les frontières entre états, mais si on consultait les fichiers informatiques de la police pour dresser une contravention, on se rendrait compte que Lorie Smith n'existait pas, et elle serait recherchée. La jeune louve fit un doigt d'honneur au flic et donna un bon coup d'accélérateur. Elle réussit bien vite à mettre une distance raisonnable entre elle et la voiture, mais l'agent accéléra et regagna du terrain. Ils étaient sur une petite route de campagne peu fréquentée, et sur une ligne droite sans le moindre véhicule susceptible de faire obstacle au policier, Emily n'avait aucune chance de le semer. La vieille moto traficotée avait reçu un sacré coup de fouet, mais c'était quand même une grosse routière, pas une moto de vitesse.
La voiture se rapprochait, sirènes hurlantes. C'est lorsque son regard se reposa sur les lumières de New York qu'Emily trouva une idée. Elle ne l'avait pas remarqué tout de suite à cause de son excellente vision nocturne, mais la route n'était pas éclairée, et la nouvelle lune ne déployait pas le moindre rayon de lumière. La motarde coupa ses feux, devenant pratiquement invisible aux yeux du policier. Elle continua à prendre de la vitesse, puis sortit de la route pour se cacher derrière un panneau publicitaire. Là, elle coupa le moteur et attendit. La voiture de police arriva à la hauteur du panneau, puis continua sans s'arrêter.

-Ha ! Qu'ils sont cons, les keufs, dans le coin !

Emily attendit un peu, puis redémarra et reprit sa route vers la métropole. Elle riait encore du tour qu'elle avait joué au flic. Sauf qu'elle avait oublié de rallumer ses feux et, sa vision nocturne aidant, ne s'en était même pas rendue compte. C'est là qu'à un croisement elle fut soudain prise dans les phares d'une voiture. Elle comprit tout de suite son erreur, mais trop tard...

-Mer... !!

CRASHKLANG
La voiture percuta la moto, Emily fut éjectée et roula sur une dizaine de mètres en s'écorchant de partout. La Harley glissa sur le bitume avec des étincelles, puis s'immobilisa peu à peu. Le moteur s'arrêta après quelques derniers ratés, comme le râle d'un animal Mourant. Emily reprit ses esprits une bonne minute après le choc. Lentement, elle entreprit de se relever. Ses vêtements avaient été encore plus déchirés qu'ils ne l'étaient déjà (mais la différence n'était pas bien grande). Elle avait de sales écorchures un peu partout sur le corps, mais à part ça rien, pas la moindre fracture. Certains auraient conclu à la chance, mais elle était surtout heureuse d'être le monstre qu'elle était. Pour la moto, par contre...

-'T'ain de nom de Dieu... !

La moto ressemblait à un cadavre étripé, elle était tordue, et avait semé la moitié de son moteur entre le point d'impact et sa position actuelle.

-...de bordel, de pompe à chier... !

Elle avança en titubant jusqu'à la moto, et se laissa tomber à genoux.

-...DE NOM DE DIEU DE MEEEEEERDE !!!

Les phares déchiraient pans après pans le rideau de ténèbres qui s'était abattu sur la campagne environnante. On y voyait guère pus loin que la longueur des phares., si bien que le paysage n'était que ténèbres où se découpait à l'occasion des arbres et de la végétation difficilement identifiable. Seul le GPS permettait à son chauffeur d'anticiper les virages et collines. Maximillien rentrait d'un dîner avec un groupe de clients pour son entreprise. Des humains stupides et pathétiques mais qui étaient richissimes et pressés de protéger leurs infrastructures de la furie mutante par des constructions conçues pour leur résister.

Riches de nouvelles promesses de contrats, Maximillien pouvait somnoler dans la voiture et tenter de grappiller un peu de sommeil qui sinon lui ferait défaut le lendemain. Tant de travail et des journées si courtes avec toujours à l'horizon, la silhouette d'une guerre qui mettrait tout à bas. Un jour mutants et humains s'entretueraient et Maximillien espérait être dans le camps des vainqueurs soit par la naissance, soit par le travail de son entreprise. Le ronronnement de la puissante berline noire le berçait et il plongea dans le sommeil comme on se love dans les bras d'une amante. Ses pensées s'envolèrent et planèrent dans un tourbillon d'images et de sons sans logique et sans liens. Des images du présent, du passé, et d'un futur qui n'arriverait probablement jamais. Des visions oniriques éphémères, des fantasmagories.

Le chauffeur avait des années d'expériences, accumulées en 20 ans de métier. Il était un ancien pilote que l'on avait mis à la retraite à la suite d'un ultime accident lors d'une course de Nasdacq. Cependant, ces années de reclassement n'avait en rien entamé ses réflexes, pas plus que l'heure avancée de la nuit. L'oeil aux aguets, il surveillait la route. Vigilant et en éveil, quel ne fut pas sa surprise quand une moto se jeta sous ses roues, apparaissant de derrière un panneau de publicité pour une boisson gazeuse typiquement américaine. Les sabots appuyèrent sur les plaquettes de frein sous l'action de la pédale enfoncée par le chauffeur. Cependant cela ne suffit pas à stopper la course de la voiture qui emboutit en plein le deux roues qui finit avec l'équivalent de pièces détachées d'un vélo.

Max fut réveillé en sursaut par le choc qui le propulsa à l'avant et que la ceinture lui épargnait un sort atroce. La voiture finit par piller quelques mètres plus loin. Maximillien encore comateux essaya de faire le point sur se qui venait de se passer. Quelques instants après, il eut saisi la situation et s'extirpa de sa voiture. On y voyait rien, mais son don lui permettait de détecter la victime du carambolage qui était encore vivante. Il s'avança vers elle et entendit une volée de jurons qui aurait fait rougir un USmarines en Irak. Au moins elle allait à peu prés bien. Il ne pouvait pas se permettre d'être accusé d'avoir causé un accident de la route. Les riches et nantis se retrouvaient souvent dans ce genre et finissaient par faire la une des tabloïdes, et cela ne pouvait guère lui faire une bonne publicité. Il devait éviter que de telles rumeurs se propagent.

Vous allez bien ?

C'était au demeurant une jeune fille à première vue.

Enfin un être pensant se manifesta du côté de la voiture. La grande Berline noire avait aussi souffert du choc avec la Harley (qui était tout de même faite en bon métal, et pas en plastique comme ces cochonneries de japonaises), mais au moins elle semblait encore en état de rouler.

-Vous allez bien ?
-Elle est foutue !

Emily n'avait rien de grave, mais elle pleurait comme une gamine sur la carcasse de son engin. En temps normal elle aurait arraché la tête à quiconque aurait fait une rayure sur son bijou, mais là elle savait bien que c'était sa faute à elle, et prétendre le contraire aurait été se mentir. Elle n'allait donc pas tuer ce type. Mais que pouvait-elle faire alors ? Elle n'avait pas assez d'argent pour dormir dans un endroit décent, et encore moins pour réparer la Harley. Vendre les bijoux de sa mère ? Pas question ! à présent elle était pauvre, sans abri, et (pire) piétonne. La jeune motarde se leva, marcha lentement et alla s'asseoir sur le capot de la berline, la tête entre les mains.

-Oh non, c'est pas possible ! Qu'est-ce que je vais faire ? J'ai un voyage à continuer avec cette bécane, et elle est en miettes ! Je suis coincée ici et j'ai nulle-part où crécher !

Non, elle n'allait pas bien. Ce tour du monde à moto était le but de sa vie. Sans autre moyen de transport et sans argent elle était destinée à faire la manche ou le trottoir pour survivre dans une ville aussi pourrie de New York. Oh non, pas question ! Son revolver devait être dans une des sacoches de la moto, à moins qu'il n'ait atterri quelque part sur la chaussée. Emily n'avait plus qu'à se faire sauter la cervelle.

-Je veux mourir...

La jeune fille semblait plus affectée par la perte de sa moto qu'autre chose. Certes au premier abord, elle n'avait pas l'air blessée, ou alors elle était trop sous le choc pour s'en rendre compte, mais il semblait pourtant à Maximillien que l'état de sa moto aurait quand même du passer loin derrière. Tout au moins aurait du t'elle être en colère contre le chauffeur de la voiture, être en rogne, vouloir faire un constat, faire jouer les assurances ou leur faire un procés. Apparemment non. Curieux. Etait elle en cavale ? Non sinon elle l'aurait déjà menacé pour lui piquer sa voiture. N'avait elle pas d'assurance ? En prime elle était en tort, alors ça allait être coton pour elle de se faire rembourser. On avait pas idée d'apparaitre comme ça subitement tout feux éteints depuis derrière un panneau publicitaire. En général c'était les flics qui se planquaient là pour contrôler la vitesse sans être vu. A moins qu'elle ne soit de ces personnes qui se jette sciemment sous les roues des voitures pour gagner de l'argent, auquel cas n'aurait elle pas du simuler la douleur ?

Vous voulez qu'on vous emmène à l'hopital, passer des radiographies ? Il faut vous faire ausculter, vous avez peut être un traumatisme crânien. C'est dangeureux de rester au milieu de la route comme ça, une fois ça ne vous a pas suffit.

Sa moto, sa moto, et bien maintenant elle avait deux morceaux de motos inutilisables pour le prix d'une. Voilà se qui se passait quand on ne respectait pas les règles élémentaires de sécurités.

Vous avez une assurance qui va vous rembourser ? Je suis sur que la situation n'est pas si grave que ça !

Bordel, s'il n'y avait pas eu le chauffeur, il aurait tué la jeune fille et fait disparaître son corps, mais avec un témoin, autant éviter. C'était si facile de faire disparaître un corps. Le plus compliqué aurait été pour la voiture et la moto, mais à la décharge enfouies sous des tonnes de dêchets, sa moto ne se remarquerait même pas, quand à la voiture, ça pouvait se réparer discrétement après avoir nettoyé la zone. Non franchement, cette fille qui lui avait bousillé tout l'avant de sa voiture évitait un chatiment mérité de justesse.

Venez, je vous conduis à l'Hôpital !

L'homme descendu de la berline avait l'air plus intrigué qu'inquiet.

-Vous voulez qu'on vous emmène à l'hopital, passer des radiographies ? Il faut vous faire ausculter, vous avez peut être un traumatisme crânien. C'est dangeureux de rester au milieu de la route comme ça, une fois ça ne vous a pas suffit.
-Non ! Je vais bien. J'ai les os solide, pas besoin d'aller à l'hosto.

Emily réagit peut-être un peu trop brutalement. Mais elle ne pouvait pas se permettre d'aller à l'hôpital. Même si elle avait des faux papiers assez réalistes pour passer un contrôle d'identité sans pépin, sa fausse identité n'avait aucune existence officielle, pas d'assurance ni de mutuelle santé. L'hôpital risquait de lui coûter un membre, et il y avait le risque qu'on prévienne la police.

-Vous avez une assurance qui va vous rembourser ? Je suis sur que la situation n'est pas si grave que ça !
-Si, la situation est si grave que ça ! J'ai pas d'assurance, et pas d'argent. J'ai pas de domicile fixe, pas d'argent, et cette moto est tout ce que j'ai.

Elle s'était fait un devoir de ne pas être trop méchante envers ce type qui n'était pas entièrement responsable de son malheur, mais elle sentait que ça venait. Les gens qui minimisaient toujours tout et répétaient "Mais non ! C'est rien du tout !" l'énervaient.

-Venez, je vous conduis à l'Hôpital !

Mais c'est qu'il insistait, en plus !

-NON ! Pas d'hosto ! Pas de flics ! cria-t-elle d'une voix rocailleuse.

Ses yeux avaient pris une couleur jaune luisante, premier signe de l'énervement. Emily s'en aperçut et tenta de se calmer.

-Désolée...mais je vis vraiment une soirée pourrie !

Pas d'argent ? Pas de flics ? Pas d'assurances ? Ça sentait la cavale à plein nez tout ça ! A tout les coups c'était une criminelle multi récidiviste tueuse de flics et braqueuse de banques lâchée par ses complices ? Ou alors c'était une femme qui fuyait un copain ou un gourou de secte violent et s'était échappée. C'était tellement facile de se faire des films et tenter de deviner l'histoire des gens, surtout dans une situation pareille. Il n'était sur de rien si ce n'est qu'elle n'était pas tout à fait net du point de vue des policiers. Et en prime malgré la violence du choc elle n'avait pas la moindre blessure, de là, en partant du postulat initiale qu'elle n'était pas nette, qu'elle était une paria ou en cavale, il n'y avait qu'un pas à faire pour se demander si elle n'était pas mutante. Se qui expliquerait le fait qu'elle soit indemne et qu'elle ait fui la société moderne. Peu à peu, il devenait pour Max une certitude qu'elle était mutante, mais il y avait toujours l'option qu'elle soit une criminelle voir une mutante criminelle.

Pas de police ? Alors il ne faut pas rester ici, si jamais ils passent dans le coin, ils vont s'arrêter et poser des questions. Venez avec nous en voiture, on vous ramène en ville. Je crois que personne ne peut rien pour votre moto.

Il quitta la scène et embarqua dans la voiture qui les ramènerait à la civilisation maintenant que le chauffeur en avait vérifié le moteur et son état de marche. Il faudrait l’emmener chez le tôlier mais elle allait rouler sans encombre. Les allemands construisaient pour durer vraiment, on en aurait pas fait autant avec une coréenne c'était certain. La lumière de la cabine permettait littéralement de découper la berline du dans le paysage.

Alors vous montez ou vous marchez ?

-Pas de police ? Alors il ne faut pas rester ici, si jamais ils passent dans le coin, ils vont s'arrêter et poser des questions. Venez avec nous en voiture, on vous ramène en ville. Je crois que personne ne peut rien pour votre moto.

Un instant, Emily crut avoir mal entendu. Ou bien le crash l'avait rendue dure d'oreille, ou bien ce type n'avait pas vu assez de films d'horreur pour savoir qu'il était dangereux de laisser une inconnue monter dans sa voiture en pleine nuit sur une route paumée. Il remonta dans sa voiture. Emily attendit de voir à quel moment il allait dire "Nan ! Je déconne, tu fous pas tes pattes sales dans ma voiture ! Allez, bye bye !" Mais ça ne venait pas.

-Alors vous montez ou vous marchez ?
-Hein ? Euh...oui, oui. Juste une seconde.

Elle retourna à ce qu'il restait de sa moto et récupéra les sacoches, qui contenaient à peu près tout ce qu'elle avait. Puis elle poussa l'épave et les pièces éparses dans le fossé. Ainsi on ne la remarquerait pas trop vite et elle pourrait envoyer un garagiste la chercher. Après, viendrait le problème de trouver assez d'argent pour le payer...
Les sacoches sur son épaule, elle revint à la voiture et s'assit derrière, à côté de l'homme.

-Je...merci. Vous allez aussi à New York ? Vous connaitriez pas un hôtel pas cher où je pourrais squatter ?

La situation pouvait encore être rattrapée. La route était suffisamment paumée pour que la moto n'ait pas disparu d'ici le lendemain, elle pourrait alors revenir la chercher avec une dépanneuse, et avec un peu de chance elle serait réparable. Pendant ce temps, elle devrait trouver un endroit où crécher. Le principal problème restait celui de l'argent. Le gîte et le couvert ne seraient pas donnés dans une ville comme NY, et encore moins le réparateur pour la Harley. Peut-être pourrait-elle trouver un boulot à mi-temps, comme quand elle l'avait achetée. Sauf qu'avec un simple boulot de serveuse, elle y serait encore dans six mois. Non, il fallait trouver quelque chose de mieux payer. Maintenant qu'elle y réfléchissait, le type qui l'avait percutée semblait bien loti. Costard-cravate, berline avec chauffeur. Un PDG d'entreprise ?

-Dites donc, vous faites quoi dans la vie ?

Qu'espérait-elle ? Elle n'en était pas sûre. Elle s'imaginait qu'il pourrait peut-être l'embaucher. Mais bon, de nos jours on n'engageait pas quelqu'un sur le coude, et puis pour faire quoi comme boulot ? S'il était vraiment patron d'une entreprise, les jobs qu'il pourrait proposer seraient sans doute quelque chose dans le genre employée de bureau. Emily préférerait mourir plutôt que passer ses journées dans un bureau, avec un tailleur. Plutôt mourir !

Je...merci. Vous allez aussi à New York ? Vous connaîtriez pas un hôtel pas cher où je pourrais squatter ?

Pas vraiment non, j'ai aucune idée de se qui se fait comme hôtel sur New York.

Oui non bien sur, il faisait agence de voyage en plus de l'option voiture balai pour ramasser les déchets du tour de France, c'était inclus dans le forfait tour operateur avec un spectacle de cascadeurs à moto et le retour à la civilisation en voiture de prestige, et ceux sans suppléments de tarifs. Sa bonté le perdrait.

-Dites donc, vous faites quoi dans la vie ?

Un peu trop curieuse la chauffarde... Quitte à ne pas radoter sur son envie de la tuer et de la balancer dans le fossé, autant lui faire un brin de conversation, aussi futile fut elle.Ils allaient passer de longues minutes assis ensemble à l'arrière de la voiture encore qu'elle eut tout juste méritée d'aller dans le coffre probablement plus confortable que sa bécane qui avait tamponnée sa voiture. L'amas de pièces détachées qui gisaient au fond d'un fossé sans doute pour lui permettre d'éviter les recherches de la police. En cavale ?

Je suis chef d'entreprise, je travaille dans le BTP et j'ai quelques autres activités à côtés. Je revenais d'un dîner d'affaire quand vous vous êtes jetée sous mes roues. Et vous, vous faites quoi dans la vie ?

Il n'aurait pas parié un kopeck sur le fait qu'elle fasse des études supérieurs ou qu'elle ait un travail un tant soit peu sérieux. Il aurait au contraire parié qu'elle vivait au jour le jour sur la route à se débrouiller comme elle pouvait pour échapper aux fédéraux. Peut être même en se jetant sous les roues des voitures des honnêtes criminels pour toucher de l'argent tant qu'à faire.

Vous venez d'où comme ça à cette heure çi ?

-Je suis chef d'entreprise, je travaille dans le BTP et j'ai quelques autres activités à côtés. Je revenais d'un dîner d'affaire quand vous vous êtes jetée sous mes roues. Et vous, vous faites quoi dans la vie ?

Emily crut déceler un certain mépris chez cet homme. Pas besoin d'avoir l'odorat d'une louve pour deviner qu'il faisait bonne figure mais n'éprouvait pas la moindre sympathie pour la jeune motarde. Cette constatation la réveilla un peu. Elle était encore sous le choc d'avoir vu sa chère monture complètement éparpillée, mais ça ne l'avait pas rendue idiote pour autant. Elle se promit de se méfier de ce type, sans pour autant lui arracher la mâchoire tout de suite.

-Je fais des petits boulots par-ci par-là. C'est pas facile de trouver un travail stable quand on n'a pas de diplômes. Alors je fais des jobs au black. Souvent c'est des trucs très chiants à faire, mais comme je le fais bien et sans me plaindre ça marche plutôt pas mal.

Ce n'était pas faux. Courageuse, Emily ne rechignait pas à mettre les mains dans la merde quand c'était nécessaire. c'était pénible, peu glorieux, mais tant qu'il y avait une poignée de billets à la clé elle le faisait. Il lui était même arrivé de faire des choses parfaitement illégales, qui lui rapportaient un gros supplément contre son silence.

-Vous venez d'où comme ça à cette heure çi ?
-De Pennsylvanie. J'avais envie de changer de paysage. Il paraît que New-York c'est un bon endroit pour ceux qui cherchent du taff et qui n'ont pas peur de bosser.

Elle avait traversé la frontière pennsylvanienne cette après-midi, mettant les pieds pour la première fois dans l'état de New-York. Son père était déjà venu dans le coin pour des affaires, mais elle-même avait rarement quitté le Nevada. Elle ne jugea pas utile de préciser qu'elle venait de beaucoup plus loin que la Pennsylvanie, ni qu'elle avait pour projet de faire le tour du monde. Elle n'était vraiment pas du genre à ouvrir son cœur au premier venu, surtout quand le premier venu lui était aussi antipathique.

-J'ai fait quelque chose qui vous a énervé ? Je veux dire...à part défoncer votre caisse avec ma moto.

Disant ça, elle fit un clin d'oeil au chauffeur par le rétroviseur, il ne sembla pas goûter à la plaisanterie. La louve réveillée ressortait ses griffes. Rien de bien méchant, mais juste pour montrer qu'elle aussi avait le droit d'être en pétard. Il n'y avait rien qu'elle détestait plus que d'être prise de haut. Enfin, comme il s'était jusque-là montré poli malgré ses ressentiments elle lui accorda le bénéfice du doute.