S'acclimater... [Kent Lyon - Mathias White]

Il pleuvait lorsque Andrej quitta l'aéroport J.F. Kennedy. Il avait passé les palissades du terminal 2, et se dirigea vers Van Wyck Expressway, en suivant les panneaux qui indiquaient "District X". Il marchait le long de la route qui entourait l'aéroport, la tête rentrée dans les épaules, les mains dans les poches, la capuche de son sweatshirt sur la tête.

Les nuages épais ne laissaient presque pas filtrer la lumière du soleil, et malgré qu'il n'était qu'à peine plus de 15h, on aurait dit que la nuit allait tomber. A chaque voiture qu'il entendait arriver, il se retournait et marchait à reculons, tendant le pouce en espérant tomber sur une âme charitable. Mais à chaque fois, la voiture filait sais même ralentir.

Il hésita plusieurs fois, en voyant passer un taxi libre, à faire un signe. Il n'avait que peu d'argent, et le trajet qu'il devait faire lui coûterait peut-être la totalité de son maigre pécule. Il pourrait aussi tenter de fuir une fois à destination, mais ce n'était pas vraiment la meilleure façon de commencer son "séjour" ici. De toute manière, il n'avait pas de papiers en règles, pas de visa, pas de passeport... Il sortit son portefeuille de sa poche et se mit à compter les dollars qu'il avait changés avant de partir d'Ukraine. 62 dollars et 32 cents. Il n'allait pourtant pas faire tout le chemin à pieds, cela faisait près de cinq heures de marche !

Tant pis pour sa cagnotte, il décida de tenter le coup. Un taxi arrivait justement. La borne du toit indiquait qu'il était libre et en service. Andrej tendit la main en l'air. Le taxi ralentit, puis s'arrêta à sa hauteur. Andrej s'approcha de la voiture jaune et frappa à la fenêtre côté passager. Le chauffeur, un hindou barbu et coiffé d'un turban, baissa la vitre.

- Vous allez où ?
- Distrrrict X, s'il vous plaît. Combien de dollarrrs ?
- Mutant Town ? Ca fait une trotte ! Avec les péages, ca doit faire dans les 60 dollars... Peut-être moins...

Andrej réfléchit un instant. C'était presque tout ce qu'il avait en poche. Il pouvait aussi se lancer, et essayer de se faire de l'argent une fois sur place. Les mutants sont solidaires entre eux. Pour la plupart. Et après tout, qu'avait-il a perdre ?

- Vous vous décidez ? J'ai pas toute la journée...
- Ok. Alorrrs on va dans le Distrrrict X. S'il vous plaît.


Mutant Town. Le Middle East Side. Malgré le fait qu'il ne soit jamais sorti d'Ukraine avant le début de son voyage, Andrej se sentait un peu à la maison ici. Savoir que chaque personne qu'il croisait ici possédait un don hors du commun était réconfortant. Ici, les gens d'apparence normale côtoyaient d'autres qu'on aurait qualifié de "phénomène de foire" dans le reste de la ville. Ici, chaque mutant avait sa chance de se loger, de travailler, de vivre. Mais les conditions de vie étaient bien moins faciles que pour les humains. Véritable ghetto pour mutants, Freak City comme l'appelaient parfois les humains possédait un triste palmarès, à la fois les plus haut taux d'illetrisme, de chômage et de criminalité des Etats-Unis.

Sur l'East 9th Street, la devanture d'un bar attire l'attention de l'Ukrainien. Façade de béton usé, peint en rouge à l'origine, mais presque grisâtre à cause du temps et de la pollution des échappements. Une enseigne au néon projetait sa lueur mauve et vacillante sur la rue. Le Freak Show. La musique laissait filtrer ses basses jusque dans la rue à travers la porte. Andrej poussa la porte et entra. Il lui restait a peine plus de 4 dollars, et une bière lui ferait du bien, avant qu'il ne se mette en recherche d'une piaule pour la nuit.

Il s'assit au comptoir, mais il ne s'y accouda pas lorsqu'il vit la multitude de ronds de saleté qui le maculaient, comme autant de spectres des verres vidés par les clients de la dernière décennie. Le barman, un solide gaillard au teint vert et au crâne affublé d'une couronne de pointes, lui demanda ce qu'il voulait à boire.

- Une bièrrre. Et un shot de vodka.

Après une minute, ses deux verres arrivèrent devant lui. Il but une grande gorgée de bière fraîche et parcourut la salle du regard. Les clients étaient tous différents, de la simple jeune femme à l'apparence inoffensive à la bande de monstres joueurs de billard. On se serait cru dans un film de science-fiction. Deux hommes entrèrent dans le bar. Ils ne payaient pas de mine, physiques banals, mais Andrej ne s'y trompait pas. Il avait connu des physiques semblables en prison, et c'était de ceux dont il fallait se méfier. L'un des deux hommes finit par entamer une partie de billard avec quelques connaissances, une bonne poignée de dollars en jeu. L'autre jeta un coup d'oeil circulaire à la salle et fixa Andrej pour finir. Il soutint son regard un moment avant de se diriger droit vers l'Alchimiste, qui ne savait pas à quoi s'en tenir. Il fut vite fixé.

L'homme essayait visiblement d'établir le contact, de manière amicale au demeurant. La question était d'ailleurs étrangement formulée. Comment pouvait-il être sûr de n'avoir jamais croisé Andrej parmi la multitude de visages qu'il pouvait avoir croisé dans cette ville ? Peut-être bien qu'il a un genre de mémoire photographique ? La politesse la plus élémentaire poussa Andrej à répondre, mais toujours méfiant, comme à l'accoutumée.

- Bonjourrr. Je viens d'arrriver parrr ici, en rrréalité. Je ne connais perrrsonne, et perrrsonne ne me connaît.

Andrej décela un discret sourire sur le visage de l'étranger, qui ne tarda pas à se présenter.
Il dit s'appeler Mathias, et être québécois. Il parlait un anglais sans accent, exceptés de rares mots qu'il prononçait d'une manière particulière, mais rien de comparable avec l'affreux accent de l'ukrainien. L'Alchimiste ne pouvait pas vraiment se dévoiler à Mathias. Après tout, qui sait quels ennuis un étranger pourrait lui rapporter, à lui qui était entré clandestinement sur le sol américain ? Il se présenta assez vaguement, mais suffisamment pour ne pas paraître discourtois.

- Je suis Andrrrej Iefimovitch. Je viens d'Ukrrraine, mais j'ai du quitter mon pays, à cause du A.M.Ф.П.. C'est... une sorrrte de "police" qui chasse les mutants. La vie est durrre pourrr les mutants, en Ukrrraine...

Il confia aussi à Mathias qu'il était venu dans ce pays pour y trouver l'aide de ses frères mutants, car dans son propre pays, la solidarité n'est pas monnaie courante.

- D'ailleurrrs, si vous saviez où je peux passer la nuit sans avoirrr besoin d'arrrgent, cela me serrrait d'une grrrande aide. Je n'ai plus un cent...

- Bonjourrr. Je viens d'arrriver parrr ici, en rrréalité. Je ne connais perrrsonne, et perrrsonne ne me connaît.

Dur de croire le contraire avec l'accent qu'avais l'homme. Heureux de rencontrer une nouvelle tête qui à défaut d'être très bavarde était tout du moins sympathique et polie, Mathias se présentât. Il parla même de sa nationalité canadienne sans en dire plus. Tout comme l'ukrainien, il était de façon illégale au État-unis et il ne s'étalait jamais sur le sujet. Ce dernier finit par se présenter lui même. Lorsque le nouvel arrivant parla du A.M.Ф.П, Deino ne put que froncer légèrement les sourcils en signe d'incompréhension. Peut-être Andrej remarqua son interrogation, car il expliqua de suite de quoi il s'agissait. La description du dit groupe fit grimacer Mathias qui but une gorgée de bière. Ouais, ici, ils étaient chanceux. Malgré tout ce qu'on pouvait dire au sujet de la violence, du type de vie dégradante etc... Au moins, il n'était pas question d'une "police" qui élimine les mutants avec pour seuls raisons, leurs natures, car c'est ce que le québécois avait cru comprendre au sujet de ce A.M.Ф.П.

Puis, tout comme Andrej parla de la solidarité mutante, Mathias sourit. À son arrivé, il en avait lui-même bénéficié, que ce soit pour se trouver un logis ou un emploie. Alors bien sur, l'idée de faire de même était bien encré en lui et s'en se vanter, il avait parfois réussit quelques bons coups. D'ailleurs, l'ukrainien lui demanda de suite s'il avait une idée d'où il pouvait loger... Sans argent. Se mordillant inconsciemment la lèvre inférieur, Deino se mit à réfléchir. Un logis sans argent. Ils y avait bien quelque squat de ci de là dans la ville, mais en recommander un n'était pas aisé. Disons que plusieurs étaient réputés pour n'avoir parmi ses membres que des mutants à problèmes. Sinon il y aurait eu la possibilité d'hébergement, mais Mathias connaissait trop peux Andrej et même si ce dernier semblait un bon type, Deino ne pouvait se permettre de baisser ainsi sa garde. Revisionnant plusieurs lieux dans sa tête, il repris enfin la parole.

-Je crois que je connais quelques endroits qui pourraient faire le travail... Le problème, c'est que je n'y connais personne. Il faudrait allez sur place pour se renseigner plus amplement. Ils s'agirait de squats, j'imagine que vous connaissez le concept?

Tout comme il parlait, des souvenirs lui revenait de toute les choses qu'ils avaient enregistrer sur le sujet. Soudain, sa mémoire décida de lui balancer le souvenir d'une conversation qu'il avait eu quelques semaines auparavant avec Melody, la femme de Larry. Tout en écoutant la réponse de l'ukrainien, Mathias se retourna sur son tabouret en direction de ceux qui jouait aux billards. Comme son amis trouvait la table beaucoup plus intéressante que lui, il siffla, deux doigts coincés entre ces dents. Quelques têtes se retournèrent, d'on celle de celui qu'il visait. D'un signe de main, il l'invita à venir. Larry dit aux autres qu'il revenait de suite et s'approcha des deux hommes aux comptoir. La mutation du mutant était étrange. Son bras droit était entièrement fait de bois, comme un tronc d'arbre et pourtant, flexible. Disproportionné comparé au reste de son corps, son membre lui offrait force et résistance mais surtout, agonie. Caché sous ses vêtements, des racines sortaient du bois pour creuser leur chemin dans la chair de l'homme. Il avait fallu plus de vingt ans pour que seulement un bras soit recouvert, il en faudrait techniquement encore plus d'une soixantaine pour que tout le reste du suive, ce qui ne causait pas vraiment de problème puisque Larry vieillissait à la même vitesse qu'un arbre... Arrivant à leur côté il sourit légèrement à l'alchimiste avant de regarder intrigué Mathias.

-Dit, Melody m'a dit l'autre fois qu'un groupe de gens squattait désormais près de chez vous. Tu peux m'en dire plus?

Plus ou moins certain de savoir ou voulais en venir son confrère, il répondit tout de même à la question.

-Tu sais il y a quelques semaines le vieil entrepôt qui à été déserté pour cause d'un effondrement de toit? Certains ont reconstruit pour ne plus être à la rue. Ils le méritent, faudrait pas leur causer des problèmes.

Deino sourit à Larry avant de lui tapoter l'épaule en signe d'assentiment. Ce dernier jeta un regard en coin à l'étranger, réfléchit un instant et finalement, retrouvas un air serein.

-Demandé à voir Auréole, elle s'occupe des lieux.

Sur ce, Larry retourna à sa partit. Mathias lui se retourna vers Andrej en levant son verre désormais presque vide.

-Je crois que les recherches sont bien partit...

HJ: J'ai répondu de suite mais... Je ne sais pas si c'est ce qu'il fallait faire ou attendre Kent...?