» Only Lonely « [PV Piotr]

« Ne t’inquiète pas pour ça, j’en ai vu d’autre et ça ne me gêne ABSOLUMENT PAS ! »

Je lui fis un clin d’œil complice, cherchant à le mettre à l’aise. Ce n’était pas du tout gênant pour moi, au contraire ! Je profitai de la vue ! Et qui n’en ferait pas autant ? Hors de question donc qu’il remette son pull, ça priverait mes yeux d’un bien joli spectacle ! Je réponds à son interrogation de tout à l’heure lorsqu’il me demanda intimement si j’avais bien dit « Génial ». Pas de doute là-dessus, mais il n’avait pas l’air aussi convaincu que moi. Enfin, je n‘avais pas à me justifier, c’était ce que je pensais de lui : c’était bien la première fois que je voyais quelqu’un avec des gouts aussi proche des miens, de la culture et de la conversation. Enfin, à force de trainer dans les bars, il ne fallait pas espérer tomber sur mieux. Ça me faisait réellement plaisir d’avoir une discussion avec quelqu’un, de pouvoir partager avec cette personne sans me soucier de ce qu’elle pensera après.
Il répondit ensuite à ma série de question tandis que j’entamai mon premier hot dog en l’écoutant attentivement. Il me parla d’un vieux film des années soixante-dix de superman, que je n’avais jamais vu. Je n’avais quasiment aucune culture cinématographique, c’était pour dire ! Il me donna son fruit préféré, ainsi que son dessert préféré, ce qui me surprit pour un : le même que moi. Vive les Kiwi ! Et puis, pour la description des trois mots, il m’en donna plus. Il eut l’air gêné lorsqu’il dit « guerrier », moi, j’étais plus surprise que gêné par ce qu’il venait de dire. Qu’est-ce qu’il entendait par là ? Je ne tardai pas à lui poser la question.

« Là, ça fait quatre mots, et n’espère pas t’en tirer à si bon compte pour l’un d’entre eux. Va falloir que tu t’expliques Monsieur le Guerrier ! »

Je lui fis un sourire complice, ne m’attendant pas à toucher à un sujet sensible. Il enchaina sur sa famille, me parlant de sa sœur qui venait d’arriver à New York, ainsi que du fait qu’il n’avait pas de petite amie, ce qui me surprit. Un garçon comme lui était célibataire et personne n’avait mis le grappin dessus ? A moins qu’il n’ait quelqu’un en ligne de mire ! Si ça n’avait tenu qu’à moi, bien sûr que j’aurais essayé de le séduire, j’étais humaine ! Mais je n’étais honnêtement pas prête en engager une quelconque relation d’une nuit ou de plusieurs mois avec qui que ce soit. Tout était trop confus de ce côté-là !

Ainsi, il me retourna toutes les questions, en rajoutant une, pour savoir comment je pensais à la base finir ma soirée. Je lui fis un sourire, enchainant à la suite :

« Hmmm… Je dirais « Will Hunting », un bon film pour lequel j’ai pleuré. Ensuite, le Kiwi, comme toi, et au niveau des desserts, c’est le banana split ! »

Rien qu’en y pensant, j’en avais l’eau à la bouche, je repris.

« Trois mots… Blonde, Poisseuse et Sensible… Oui, ça m’a l’air pas mal ! Et je n’ai aucune famille ici… »

J’étais un peu amer en disant cela, car si Peter avait la chance d’avoir une famille qui l’acceptait comme tel, la mienne se refusait à savoir mon existence. Je trouvais d’ailleurs, à cette pensée, le hasard étrangement douloureux : une sœur le rejoignait ici, à New York, tandis que la mienne était morte par ma faute… J’étais un peu amer, mais repris avec un sourire :

« Sinon, je tiens à signaler que tous les surfeurs ne sont pas blonds ! Et d’ailleurs, pourquoi blond ? J’ai l’air de ne sortir qu’avec des blonds ? Sinon, sérieusement, j’ai eu tellement de mésaventure avec les hommes que je préfère m’abstenir d’en fréquenter pour l’instant ! Alors, non, je suis célibataire ! »

Je prenais ça à la légère, essayant de ne pas m’apitoyer. C’était à prendre comme tel, comme pour que Peter imagine qu’ils m’avaient juste quitté pour d’autres, ou trompé, ce qui était le plus sage à songer…

« Sinon, je pensais vivre à la base une soirée normale, avec un concert normal, pour revenir chez moi toute seule et sans tous ces calories ! Et toi alors ? »

Je faisais encore un peu d’humour, abordant le sujet de toute cette nourriture que nous avions acheté pour ce soir. J’enchainai de nouveau pour lui trouver d’autres questions et ainsi apprendre à le connaitre un peu mieux :

« Les qualités que tu préfères chez les gens, et les défauts que tu détestes ? Et un livre que tu adore par-dessus tout ? Aussi, un sport que tu adore ? »

Peter parla, parla et parla encore de tout ce qu’il savait, il déblatérait comme pris dans une seconde diarrhée verbale incontrôlable. Ce qui me surprenait le plus était ses connaissances, le fait qu’il se sache comme une machine de guerre. Et dans la précipitation, il dit qu’il ferait mieux de s’en aller, me laissant son pull pour qu’il ait une raison de revenir. Ma réaction fut soudaine :

« Quoi ? Non ! »

J’avais dit cela dans la précipitation, comme si c’était une urgence. En tout cas, ça venait du cœur : je n’avais pas envie qu’il s’en aille. Par curiosité, certes, mais aussi parce que je passais un bon moment et que je n’avais pas envie que cela s’arrête. Je m’étais levée d’un bond, emportée par mes émotions.

« Euh, enfin, je voudrais que tu restes… »

Retrouvant un peu mon calme et ma contenance : je me réinstallai sur mon siège doucement, un peu honteuse et rougissante. J’avais été complètement prise au dépourvu par sa déclaration, son envie de partir soudainement après avoir parlé de tout ce qu’il savait faire. Si j’étais étonnée et surprise qu’il en sache autant sur lui-même et son pouvoir, je n’étais pas pour autant effrayée. Paradoxe, n’est-ce pas ? Je voulais comprendre, et pour moi, il n’y avait pas beaucoup d’explication logique à tout ça :

« Je suis en train de me demander comment est-ce que tu peux savoir tout ça, sur tes capacités, sur ton pouvoir et la seule solution qui me parait vraisemblable, c’est que tu sois une sorte de militaire, ou alors un criminel… »

Le premier cas me paraissait absurde pour l’instant, car la seconde solution me semblait être la bonne. Pourquoi cacher son identité si on n’a rien à se reprocher ? Peter était toujours pour moi le « garçon sympa rencontré à une soirée dans un bar », mais s’ajoutait à son tableau une existence passée, et certainement passionnante. Un criminel… ça me rappelait un peu celui que j’avais fréquenté par le passé et qui m’avait sorti de la misère ou j’étais… Peut-être que j’arriverai à comprendre ce qui pouvait passer par la tête d’un criminel un jour… En tout cas, je m’étais faite à l’idée que lui avait eu ses extras, et qu’il n’était pas le seul dans son cas. Peter en faisait partie, ou en avait fait partie…

« Tu sais, je ne suis pas aussi bête que j’en ai l’air… Je peux tout comprendre, tout accepté, et tu peux tout me dire… Je n’ai pas le droit de te juger, ou de te blâmer, pour ce que tu as pu faire avant. Ce n’est pas mon rôle, et je ne me permettrai jamais de faire cela pour qui que ce soit… On a tous nos tords alors… »

Je parlais sans vraiment savoir ce que je disais, mais ça venait du cœur. Je voulais le mettre en confiance et lui faire savoir que je pouvais être, pour un soir seulement, une épaule sur laquelle il pouvait se reposer et passer un bon moment. Et que la fuite n’était pas le meilleur moyen existant aujourd’hui, car s’il fuyait aujourd’hui, alors sans doute fuirait-il toujours par la suite. Je lui fis un sourire tendre, le regardant droit dans les yeux avant d’ajouter :

« Ta compagnie m’est agréable, alors… tu fais ce que tu veux, je ne t’oblige à rien. Mais au cas où tu veuilles rester, et que tu ais envie de parler, je peux t’écouter… »

Je fis une pause de nouveau en le fixant toujours, je cherchai à comprendre, à l’aider, et à poursuivre cette soirée que je trouvais agréable, pour continuer à passer un bon moment en sa compagnie. Mais si malgré tous mes efforts, il souhaitait partir, j’avais au moins la promesse qu’il reviendrait pour récupérer son pull :

« Et si ça peut te rassurer, ou te mettre en confiance, je suis sortie avec un Yakusa, un vrai de vrai criminel ! Du genre trafiquant d’arme, de drogue, de tout ce qui peut être trafiqué ! Je ne l’ai découvert que plus tard, certes, mais ce n’est pas ça qui va me faire peur… »

Fallait-il ajouter que ce Yakusa payait mes factures et mon logement, ou que l’appartement dans lequel nous étions été à lui ? Mieux valait éviter ! En tout cas, j’utilisai un peu d’humour pour détendre l’atmosphère déjà lourde de reproches… Pas de moi à Peter, mais de Peter sur lui-même, qui devait s’en vouloir pour bien des choses actuellement, assez en tout cas pour se punir en se privant de quelques plaisirs simples…

« Je parle beaucoup… Mais si tu veux vraiment partir, je ne vais pas t’en empêcher… »

J’ajoutai à cette phrase une bouille de chiot battu avec des yeux pétillants : impossible de résister à ça, si ?

Perdre l’habitude d’être aimé, pire encore, perdre l’habitude de s’aimer. Ne plus savoir comment on fait, ou simplement n’avoir jamais appris à le faire. En arriver à ne plus pouvoir accepté la bonté des autres alors que l’on s’épuise à tout donné, à se vider, à s’éviscéré pour un partenaire, un ami, un conjoint. Parce que ce n’est plus une question de volonté, mais de possibilité. L’on ne peut pas faire ce que l’on ne sait pas faire. Et dans le cas de Peter, ce que l’on a oublié de faire. Accepté d’être bien, de le mériter, et d’en profiter.
Je comprenais ce point de vue et ces attitudes parce que je les vivais bien malgré moi. J’étais incapable d’acceptée qu’une personne ne rentre dans ma vie, par peur, par crainte que quelque chose ne change. Et que ce changement fasse que je me perde définitivement. C’était la seule chose qui me retenait encore un peu mais qui m’avait appris à refuser tout bonheur, simple ou éphémère, durable, ne serait-ce que les promesses de bonheur. Je ne m’en sentais ni méritante, ni digne…
Il décida de rester « encore un peu », même si je me disais que son « encore un peu » durerait probablement jusqu’au petit matin. Il me dit alors qu’il n’avait plus l’habitude, de quoi, je ne saurais dire, mais je devinais que c’était de passer des moments simples et agréables. Ces moments que je ne vivais que rarement de mon côté et seulement sur scène dernièrement, car c’était le seul endroit où je me sentais chez moi, en confiance, comme enfin vivante. Où j’oubliai tout et où Katy était toujours en vie… Une utopie dans six mètres carrés…

« Pour moi, tu es simplement Peter. Tu avais tes raisons d’être ce Colossus-ci, tu avais tes raisons pour être un soldat, et qu’importait ce qu’était tes raisons, elles devaient être les plus appropriée sur le moment. »

Et puis, il enchaina sur un sujet complètement différent, qui me prit totalement au dépourvu. Il me demanda si je croyais aux âmes sœurs, et j’avouai ne pas savoir ou est-ce qu’il voulait en venir avec ce sujet. Je plissai les yeux en redoublant de concentration : deux êtres semblables qu’ils n’auraient pu ne faire qu’un dans un autre univers. Il rit, alors que je ne savais pas où est-ce que cela pouvait bien aller, ni ou est-ce qu’il voulait en venir.
Il disait ce qu’il avait sur le cœur, sans se priver, sans se gêné et j’écoutais attentivement tout ce qu’il avait à me communiquer. Il me faisait par de choses surprenantes et cocasses, un peu embarrassantes tourné comme il le faisait. Je ne pipai mot, l’écoutant toujours pour voir jusqu’où ça allait nous mener. Il déblatérait sur nos points communs, les bases qui nous avaient créés, sur lesquelles nous nous reposions et qui étaient très proches, notre amour pour les bonnes choses…
Et puis, il me demanda mon avis, sur ce sujet et sur ce que je pouvais en penser ou ce que ça m’inspirait. J’ouvris la bouche, cherchant mes mots, pensant que peut être qu’en balbutiant quelque chose de sensé en sortirait. Mais je ne savais pas quoi dire. C’était des choses qui m’échappaient, et qui me mettaient un peu mal-à-l’aise. Y croyais-je au moins un peu ? Bien sûr que j’y croyais, parce que des faits aussi troublants ne pouvaient pas être arrivés par hasard. Le hasard n’existait pas, il n’y avait que des actions, qui entrainaient d’autres actions, et des choix.

« Eh bien… On était fait pour bien s’entendre. »

Un petit rire m’échappait. C’était tout ce que je trouvais à dire ? Mais quelle bécasse ! Me raclant la gorge, je cherchai de quoi enchainer :

« Ou au moins fait pour se connaitre... »

J’étais un peu plus sérieuse, reprenant ma contenance progressivement…

« C’est des choses très confuses pour moi : c’est clair que c’est vraiment bizarre qu’on ait autant de points communs, mais on ne peut pas être d’accord sur tous, et on n’a pas le même parcours toi et moi… »

Véridique : l’exemple le plus concret, c’était qu’il était un homme et moi, une femme. Et puis, entre Hawaï et la Russie, il y avait une marge de température assez conséquente. Voilà, et pour continuer à développer là-dessus, il venait d’un pays froid et il avait toujours une famille, mon île à moi était chaude et toujours ensoleillé, je n’avais jamais vu de neige avant d’arriver à New York et ma famille avait été réduite à un néant morbide.

« Ou est-ce que tu voulais en venir, en disant cela ? »

Parce que maintenant qu’il en parlait, et qu’il m’avait mis le doute à moi aussi, je tenais à savoir ce que c’était sensé vouloir dire…