A l'amont des questions, il y a l'incertitude. [PV]

Je n’avais jamais mis les pieds ici. Je ne m’étais jamais retrouvée derrière cette lourde porte de bois. Qu’est ce que c’était ? Du chêne ? Peu importe, là n’était pas la question. D’ailleurs, pourquoi étais-je là si plus d’un an après mon arrivée, je n’étais jamais rentrée dans ce bureau. Parce qu’auparavant, quelqu’un l’avait toujours fait pour moi.

Je n’avais jamais rencontré le professeur Xavier. Jamais en face à face disons. Ses paroles m’étaient parvenues par l’intermédiaire des divers professeurs que j’avais connu. Daniel, David, Paladin… Moi, c’était la première fois que j’allais lui parler. Lui dire ce que je ressentais vraiment et quel était mon point de vue dans les événements récents. Il m’avait demandé de le faire, je ne faisait que m’exécuter. Après tout, il m’avait confié la tâche d’aller faire entendre raison à Ernest. C’avait été un échec cuisant mais la rencontre que j’avais eu avec monsieur Lenoir m’avait semblée être un élément clé de l’histoire. Ensuite, j’avais plusieurs questions à lui poser. Me concernant, concernant Daniel… Bref, je voulais en savoir plus.

Voilà pourquoi j’attendais devant cette porte. Une porte qui me semblait être un véritable mur infranchissable. Pourquoi étais-je autant agitée ? Le professeur Xavier n’allait guère me manger. Il avait au contraire la capacité de calmer les gens et de les rendre plus serein. Il était une lumière dans le noir, nous permettant à nous tous, mutants, de nous guider dans l’obscurité que nous traversions à un moment ou un autre. Avant même de découvrir mes pouvoirs, j’avais su que cet homme était plein de bon sens et qu’une rencontre avec lui aurait été une sorte de rêve.

Le rêve se réalisait. Je pris une profonde inspiration, me posant toutes sortes de questions. Savait-il que j’étais derrière la porte ? Il y avait de grandes choses. Pouvait-il se moquer de mes incertitudes ? A mon avis, non, il était trop compréhensif pour se moquer de quiconque. Alors, qu’attendais-je ?

Timidement, mes doigts se cognèrent à la porte. Les coups me parurent tellement inaudibles que je préférait en rajouter un ou deux plus forts. Puis, ma main glissant sur la poignée, j’ouvris la porte et passait la tête dans la mince ouverture. Mes yeux ne voyagèrent guère dans le bureau, bien trop concentrés sur l’homme seul qui se trouvait dans la pièce, assis dans son célèbre fauteuil. La gorge serrée, je respirai profondément.

« Hum… Bonjour professeur… Je… Je ne vous dérange pas ? »

Concentré sur le travail de consultations de dossiers brûlants, Xavier semblait avoir l’esprit ailleurs. Il y avait tant de problèmes à régler, tant de projets à mettre sur pied qu’il ne pouvait s’accorder aucun moment de répit. La croix que portait le mentor de l’Institut lui paraissait bien lourde à porter et il se réjouissait de pouvoir à certains moments revenir à son premier amour qu’était l’enseignement. Ces quelques instants passés en compagnie de ses protégés lui étaient primordiaux ! Il espérait pouvoir leur apporter autant de soutien et de réconfort qu’eux-mêmes lui prodiguaient sans en avoir véritablement conscience.

Le professeur ne connaissait guère chacun de ses élèves autant qu’il l’aurait souhaité. Bien que leurs capacités propres, leurs noms et leurs visages ne lui fussent guère inconnus, leurs personnalités propres et leurs histoires demeuraient pour lui un mystère. Une entrevue organisée avec ses étudiants lui permettait donc de résoudre la plupart de ses propres interrogations.

Ce soir-là il avait convenu un rendez-vous avec l’une de ses jeunes pupilles ; Mademoiselle Enora Lacourt. Ce nom était loin de lui être inconnu. Bien qu’il n’ait jamais eut l’honneur de partager sa compagnie, quelques une de ses proche avait déjà parlé de la jeune française. Daniel Hopes pour commencer, qui la considérait depuis leur rencontre comme une fille à laquelle il tenait énormément. David Haller, le propre fils de Xavier, qui en l’absence de son meilleur ami s’était bien promis de veiller sur elle.

Charles entrevoyaient déjà les nombreux sujets dont ils auraient pu s’entretenir mais l’un deux lui tenait tout particulièrement à cœur. Il avait confié la délicate mission à Enora de retrouver le jeune Ernest Lenoir dans sa cellule afin de lui parler et peut être lui apporter un peu de soutien dans l’épreuve qu’il traversait. Le professeur n’avait pu que regretter la conduite du jeune homme qui s’était livré à toute sorte d’actes infâmes aux côtés de la confrérie. Il gardait toujours l’espoir de le voir un jour revenir à eux et la seule personne qui pouvait réellement le toucher ne pouvait être que l’amie qu’il avait laissée derrière lui.

De petits coups résonnant sur la porte firent apparaître un sourire sur le visage fatigué de Xavier. Il n’avait nullement besoin de se servir de ses pouvoirs pour comprendre la gêne et la timidité dont faisait preuve Enora en cet instant. Sa conduite n’avait d’ailleurs rien de surprenant ; bons nombre d’élèves craignaient le jour fatidique où ils se retrouveraient en face de leur directeur. Simple question de statut social ! En voyant la porte s’ouvrir, il adressa un regard bienveillant à sa pupille et tendit la main en direction du fauteuil qui lui faisait front.

- Bonsoir Enora ! Non tu ne me déranges pas du tout. J’attendais justement ta venue. Je t’en prie ne te gênes surtout pas et viens t’asseoir. Désires-tu boire quelque chose ?

Lorsque quelqu'un vous accueille avec le sourire, ça a parfois le don de vous détendre quelques peu. C'est pourquoi je parvins à mon tour à lâcher un mince sourire. Je me glissai dans le bureau, obéissante, et refermai la porte derrière mon passage. Tandis que je m'avancer vers le large bureau de bois, j'observais l'intérieur de ce lieu dans lequel beaucoup rêvaient d'entrer. La décoration était simple et à part le bureau, le mobilier se résumait à des étagères. Pour peu, on se serait presque cru dans une bibliothèque. Sauf qu'en plus des livres, il se trouvait là un certain nombre de dossiers. Une sacrée paperasse. Je m'assis dans le fauteuil face au bureau, face à notre mentor. Mes yeux avaient du mal à rester fixés sur lui. C'était de l'intimidation pure et simple. Cependant, lorsque l'on parle, j'apprécie répondre en regardant mon interlocuteur dans les yeux.

"Euh... Je... Non merci, je n'ai pas soif..."

Une petite voix dans ma tête me lança le défi de redire cela dans cinq minutes si je continuai sur cette lancée. Comme si j'avais envie de la chasser, je repassait une mèche de cheveux derrière mon oreille. Puis, mes yeux se posèrent sur l'homme sage. Je me sentis alors semblable à une petite souris, fragile et perdue en territoire inconnu. Mais rapidement, je cherchai à me mettre à l'aise, et pour ça, il fallait toujours parler.

"Je... J'ai fait ce que vous m'avez demandé. Je vais au BAM rendre visite à Ernest Lenoir tous les mercredis et samedis. Je... J'ai essayé de lui faire comprendre que l'institut est pret à lui donner une nouvelle chance mais il refuse categoriquement. Ah, et j'y suis encore allée pour le voir hier. Enfin... J'ai essayé parce qu'il y a une légère complication. Ernest a... Il a essayé de..."

Ma gorge se serra. Je toussai légèrement comme pour repousser cette censure qui s'était glissée dans ma gorge. Puis, je retentai de nouveau de le dire, simplement.

"Ernest a voulu mettre fin à ses jours. Il... Il était encore entre les mains des médecins et je ne pourrais pas le revoir avant deux semaines. C'est son père qui me l'a dit... Je l'ai rencontré et nous avons discutés... Il m'a dit que les agents du BAM étaient maintenant surs de son attachements à la confrérie et que ce dont on l'accuse et finalement bien maigre comparé à tout ce qu'il a pu faire. Bref... Ernest a perdu espoir et préfère se défiler à sa manière devant ce qui l'attend..."

J'observai le professeur. Il était dur de cacher sa peine avec des paroles pareilles mais je faisais de mon mieux.

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