» Somethin' 'bout lonely nights... « [PV Piotr]

« Je vais pas tarder à monter sur scène, dis-je en lui adressant un sourire et un clin d’œil. »

Il n’avait pas tout suivit, sans doute trop absorbé par ce qu’il y avait autour de nous. En même temps, il y avait de quoi, parce que les lieux étaient somptueux, et être invité dans un endroit pareil, ça n’était pas courant autant pour l’un que pour l’autre. Je posais les yeux sur Piotr et remarquai alors qu’il avait l’air particulièrement tendu. Je savais que la soirée en était un peu la cause, qu’il n’était pas à son aise dans cet endroit, un peu comme moi… Non, là, c’était pire que d’habitude, à un tel point que je m’inquiétai un peu. Avait-il repéré un mouvement terroriste à l’horizon qui avait pour but de tout faire sauter ?

« Hé, ça ne va pas ? Tu as l’air… gêné, limite constipé ? »

Un peu d’humour ne faisait pas de mal, surtout pour le détendre un peu, mais il avait l’air franchement mal à l’aise. Jetant un regard aux alentours pour essayer de déterminer ce qui pouvait le déranger, mes yeux se posèrent sur une jolie rouquine, plus grande que moi, l’une de celle qui faisait tourner la tête aux mâles de la soirée. Elle fixait Peter avec intensité, relevant régulièrement le regard vers lui, le lorgnant par instant. Qui était-ce ? Surprise, je lui fis un sourire qui se voulait rassurant et lui adressa la question simplement :

« Tu la connais ? Elle te regarde depuis tout à l’heure et n’a pas l’air de vouloir te lâcher… »

Je l’entrainai un peu plus loin en lui tenant le bras, le but était de se rapprocher de la scène pour pouvoir commencer le show de la soirée. Ils avaient investi énormément pour la scène, elle était d’ailleurs assez large pour pouvoir accueillir plus de dix danseuses et un groupe entier. Nous arrivâmes rapidement près de la porte qui menait aux coulisses. Je pouvais y accéder, et vu que Peter m’accompagnait, lui aussi.
Nous croisâmes deux jeunes femmes vêtu de longues robes à plumes, de bas résilles et coiffés avec de hautes couronnes. Le spectacle de ce soir promettait d’être extraordinaire pour les convives. Je n’étais qu’une partie de la soirée, je le savais. Mais mon interprétation était censée être la plus importante et aussi la plus longue. Dans les coulisses, Piotr avait une autre vision du métier d’artiste…

« Ils ont prévu énormément de choses pour ce soir… par exemple, il y a des danseuses du lido qui sont venus pour la soirée… Tu risques d’en croiser ! »

Je marquai une pause et accédai à une salle qui m’était « consacrée ». Plutôt étroite, petite, un homme vint quelques minutes plus tard et me fournit du matériel : une oreillette pour m’entendre sur scène lorsque j’y serais.

« Les coulisses, c’est un autre univers, tu ne trouves pas ? On voit le monde du spectacle sous un autre angle. Peu de gens ont la chance de le voir comme tel, mais c’est pourtant l’un des plus intéressants du métier d’artiste. Encore, on a de la chance, d’habitude, ils prévoient les maquilleuses et les coiffeuses pour ce genre de spectacle… Mais cette fois, les danseuses les accaparent complètement… ! »

Lui faisant un sourire, je repris aussi tôt :

« Je risque de monter dans pas longtemps. Tu peux regarder du couloir, ou alors de la salle, comme tu préfères ! »

J’avais à peine eu le temps de rejoindre Peter et de le remercier que je m’étais faite assaillir de tous les côtés par des gens qui souhaitaient me parler, me féliciter, ou m’inviter à prendre part à leurs repas. Comment répondre à toutes ces demandes en même temps ? Je n’en avais pas la moindre idée ! Je m’étais sentie presque immédiatement submergé, complètement prise au dépourvu, un petit peu paniquée par ce qui m’arrivait actuellement ! Fallait croire que la chanson avait plu, que l’interprétation aussi…
Mais voilà, moi, j’étais plutôt bonne à chanter, et pas à discuter avec les gens pour des contrats juste après ! Une chose était sûre : ils étaient prêts à investir sur moi sans sourciller un seul instant, comme s’ils pouvaient miser pour moi sans qu’il n’y ait de conséquence. J’étais flattée. Mais submergé par ces gens qui me posaient des tas de questions, sans que je ne puisse répondre à toutes en même temps. Pour qui me prenaient-ils ? Une super héroïne ?
Je n’avais pas la trempe de Peter à ce niveau là… D’ailleurs, en parlant de Peter, je n’avais qu’une envie actuellement : de le rejoindre. Je sentis une pression sur mon épaule et me retournai aussi tôt pour voir à qui j’avais à faire. Derrière moi se tenait fièrement mon manager qui me regardait avec un air tendre. Bien portant, bien vêtu, il pria la dizaine de personne de se calme et se pencha à mon oreille pour me souffler deux trois mots qui me libérèrent de mon châtiment :

« File rejoindre ton invité, je m’occupe du reste. »

Je fis demi-tour et me fondis dans la foule de gens. Certains me virent et voulurent me rattraper, mais très vite, Adam attira leurs attentions pour la porter sur lui, en stipulant tout ce qu’il voulait pour un contrat. J’avais confiance en ce gars : il ne m’avait jamais fait faux bonds jusqu’ici, et me connaissait mieux que personne. Il savait tout ce que je voulais, mes rêves, et mieux encore : il plaidait ma cause à qui voulait l’entendre.
C’était un gars sympa, qui voulait à la fois privilégier mon succès et mon bien être. C’était véritablement depuis que je l’avais à mes côtés que les choses me semblaient plus faciles. J’avais hâte, hâte de pouvoir commencer tout ce chemin jusqu’à la scène, jusqu’aux maquettes d’enregistrements, jusqu’aux sorties d’albums. A dire vrai, je m’y voyais déjà et je voulais à tout prix y être immédiatement.
Je cherchai Peter dans la foule, et repérai sa silhouette près du bar. Je remarquai à côté de lui la silhouette de la jolie rousse de tantôt, qui n’avait eu de cesse de le regarder depuis qu’il était à mon bras. J’étais à peu près certainement qu’elle avait craqué sur lui, et qu’elle avait enfin osé l’aborder ici. J’attendis un instant pour voir ou ça mènerait, mais la jeune femme partie au bout de quelques minutes avec l’air « frustré ». Je m’en étonnai, mais pris le pas vers lui :

« Je pensais pas qu’ils seraient si envahissants ! »

Je m’accoudais au comptoir et lui fis un grand sourire ravie. Mes joues étaient rouges de joie, d’extase. J’étais encore tremblante, de l’effet de la scène. J’avais des tas de questions, de réflexion, que j’aurais voulu partager avec lui… Mais sur le coup, tout se bousculait dans ma tête et je préférai cent fois me taire plutôt que de dire des bêtises.

« Alors finalement, tu la connais cette rouquine ? »

Je la désignai d’un petit signe de tête, montrant la direction dans laquelle elle était partie avant que je n’arrive. Au moins, je lui signalai que je l’avais vu avec elle, et que j’étais curieuse de savoir ce qu’elle avait eu à lui dire. Je ne m’imaginais pas un instant que cela pouvait être mauvais pour moi, je partais optimiste.

« Un rendez-vous, une proposition de contrat ou une soirée chez elle ? Les gens ici sont assez bizarres, et n’ont généralement honte de rien lorsque c’est proposé discrètement ! »

Et oui, les soirées de ces gens n’avaient de secret pour personne. Et j’avais moi aussi eu certaine proposition de ce genre à des précédents cocktails… L’angoisse, quand on est pas du tout du milieu, et qu’on est pas prêt à sacrifier son corps pour réussir…