La ligne blanche... [PV : Kjerstin Håtjärnen]

Que l'on parle de son passé mouvementé ne lui plaisait pas. Mais alors pas du tout. Cette lueur d'énervement repassa dans son regard et dans son expression, encore une fois moins d'une seconde, mais suffisamment pour être plus que perceptible. Mais contrairement à la fois précédente, pendant cet instant éphémère, elle avait clairement l'air d'un prédateur en colère, et non pas simplement de quelqu'un d'énervé. Clairement, évoquer son parcours scolaire ne lui plaisait pas, mais alors, pas du tout. Néanmoins cet "incident" ne fut que très passager, elle revint rapidement à son air impassible, haussant les épaules.

- Je suis avocate dans un des cabinets les plus influents du monde, dans le domaine civil, à défendre des personnes multimilliardaires. Je pense que d'un point de vue scolaire, je m'en suis du coup bien sortie.

Les mots sonnaient clairement comme une explication finale, il suintait de chacun de ses mots que la conversation au sujet de son parcours scolaire était définitivement close. La jeune étudiante pourrait toutefois insister, mais le fait était évident : Kjerstin n'avait aucune envie de continuer sur ce sujet.

Ce ne fut finalement qu'après une vingtaine de secondes d'un silence total qu'elle répondit au reste des questions d'Amy, sur ses origines. Clairement, elle avait posé la question une fois, échoué, et retentait... Kya avait envie pour le coup de répondre encore à côté de la plaque. Cela lui rappelait un comic qu'elle avait lu sur internet, d'un mari et sa femme qui discutaient. La femme disait, alors que le mari perdait sur un jeu vidéo : "C'est idiot, combien de fois as-tu fait la même chose ?", le mari répondait : "des dizaines.". La femme demande alors : "Et quel était le résultat ?". Le mari répondait alors "Le même. Combien de fois m'as-tu demandé ça ?". La femme répondait alors : "Des dizaines.". Le mari enchaîne : "Et quel a été le résultat ?".

Dans le cas présent, il semblait donc évident pour l'avocate que sa jeune interlocutrice retenterait autant de fois que nécessaire avant d'avoir une réponse... Et clairement, Kya serait énervée la première, donc mieux valait rester aussi vague que possible tout en répondit. C'est en prenant ce parti qu'elle commença donc d'une voix neutre :

- Sinon je viens de Suède. Après un bref instant, elle reprit : Je suis venue ici surtout parce que j'étais douée. Ici, il y a des dizaines d'avocats mais la majorité sont médiocres ou mauvais, ils vivent généralement difficilement. En revanche, le fossé entre les "moyens" et les "excellents" est énorme au niveau de la qualité de vie, dans ce pays, c'est l'effet "99%" si on veut. Enfin, contrairement aux 99% j'ai travaillé pour arriver où j'en suis... Bref, la raison principale est un niveau de vie élevé, les conseils juridiques sont souvent demandés dans ce pays, bien plus qu'en Europe. Quant aux procès, ils sont bien plus monnaie courante : le système judiciaire Américain est plus permissif de ce côté-là et il est plus facile de porter plainte rapidement. Les criminels sont souvent vite jugés, alors que certaines nations Européennes mettent parfois plus de 30 ans à juger un criminel dangereux, les dossiers se décomposant sous le poids du temps et de l'inefficacité du système. Par conséquent les gens ont moins confiance en le système judiciaire et de fait les avocats font moins d'argent. Ici, tout le monde voit une fortune au bout d'un procès, de fait, plus de clients, et donc, plus de revenus !

Elle laissa un léger battement, avant de nouveau hausser les épaules.

- Ne nous méprenons pas, le niveau de vie en Suède est excellent et socialement parlant je pense pouvoir dire que l'on a 20 ans d'avance sur la plupart des pays Européens et sur les USA... Mais d'un point de vue argent, ce n'est pas vraiment pareil disons.

Sans compter évidemment le fait que là-bas elle était sous la menace permanente d'une réouverture de l'enquête sur le double-meurtre qu'elle avait commis, vu que là-bas le fameux amendement empêchant d'être jugé deux fois pour le même crime n'existait pas. Elle avait toujours trouvé cet amendement absurde au possible, mais dans le cas présent il servait ses intérêts.

Kjerstin eut une expression de colère à l’évocation de son parcours scolaire ; sourcils rapprochés, froncés, regard agressif et lèvres pincées ne trompaient pas. Amy jouait avec le feu, à déclencher ainsi des émotions qui pouvaient faire déraper l’avocate. Cependant, cette dernière parvint bien vite à se maîtriser, sa fureur disparaissant de ses traits. Répliquant impassiblement que sa réussite professionnelle ne pouvait venir que d’une réussite scolaire, chose qui sonnait faux aux oreilles de Nephilim, Kjerstin fit comprendre que ce sujet était clos.

S’installa ensuite un silence pesant, que l’italienne craignait de briser ; elle ne connaissait pas le seuil de déclenchement du mode Berserk de l’avocate, et n’avait aucune envie de le découvrir. Il valait sans doute mieux arrêter les questions ; cependant, les questions sur le passé, notamment scolaire ou médical, pouvait se trouver posées à l’Institut. Si Kjerstin réagissait mal, il était possible que cela posa problème. En bref, tout était compliqué.

Cependant, l’avocate sembla s’ouvrir un peu, ayant visiblement résonnée qu’un flot de question se heurtant à un mur de refus ne pouvait qu’entrainer une fragilisation de la digue ; et apparemment, Kjerstin n’avait pas plus envie d’Amy de voir le pouvoir de Berserker s’enclencher.

Elle venait de Suède, et avait joint les U.S.A. pour les qualités de vie et professionnelles que ce pays accordait aux avocats. Elle se situait dans le 1% des excellents avocats, et le système judiciaire auquel elle appartenait était plus rentable qu’aucun autre. Amy savait que les Etats-Unis était le pays où il y avait le plus d’avocats au monde, avec près de 70% d’entre eux si sa mémoire était exacte. Comme pour le reste, Kjerstin avait utilisé sa rationalité pour accomplir son choix ; chose somme toute plutôt commune.

Enfin, l’avocate conclue que son pays était en avance socialement, un fait bien connu.

Amy eut un petit sourire ; elle avait trouvé un point commun, restait maintenant à l’exploiter correctement.

- Vous êtes donc venue ici pour raisons professionnelles ; comme moi. On a beau avoir pas mal à redire au fonctionnement des US, en tant qu’européens je veux dire, c’est toujours là-bas que l’on se rend. Est-ce qu’au moins vous vous y sentez bien ; je veux dire, outre votre problème de nerf. Personnellement, je ne crois pas que je serais venue ici s’il n’y avait eut l’Institut Xavier. Certes, c’est pas la joie économiquement parlant en Europe, mais ici aussi c’est difficile parfois.

Etablir un dialogue, constructif si possible, c’était en bonne voie. En même tant, Amy avait insisté. Elle savait pouvoir se montrer borné parfois, et jusque là cela lui avait plutôt réussie. Encore quelques passe comme cela et elle saurait suffisamment de choses sur Kjerstin pour évaluer définitivement si cette dernière poserait problème à l’Institut. Pour l’instant, il semblait surtout à Nephilim que si l’on ne provoquait pas le mode Berserk, l’avocate ferait une visite des plus courtoises. Peut-être était-ce la naïveté, mais l’italienne, bien que toujours sur ses gardes, se méfiait de moins en moins de l’avocate. Apprendre à la connaitre était un point positif, presqu’autant que celui de l’avocate d’accepter cela. Une fois leur affaire terminée, Amy pourrait peut-être garder le contact. S’ils ne parvenaient à trouver de solution pour la maîtrise du don de Berserker, il lui faudrait sans doute pouvoir côtoyer des personnes conscientes de la nature profonde du mal-être caché en elle. Cependant, il semblait que jusqu’à lors, Kjerstin se soit débrouillée seule. Si Nephilim trouvait cela triste, elle ne pouvait l’en blâmer.

Aux yeux de l’italienne, il y avait donc deux points sur lesquels elle pouvait tenter d’aider Kjerstin ; et elle essaierait.

"C'est toujours là-bas qu'on se rend", disait son interlocutrice... En effet, mais pas toujours pour réussir ni pour les bonnes raisons en général. Il fallait bien l'avouer, le rêve américain existait encore mais avait été profondément modifié au fil du temps. C'est ainsi qu'elle répondit sans trop laisser de blanc :

- Oui, l'effet rêve américain, c'est toujours ici qu'on se rend... Les choses ont changé depuis les années 1900-1950, ceci dit. A l'époque n'importe qui voulant changer de vie et un travail pouvait venir et rencontrer si pas un grand succès, au moins une vie un peu plus confortable que dans des pays dévastés par soit la guerre soit les dictateurs. Maintenant...

Elle haussa les épaules en adoptant de nouveau une mine un peu perplexe, l'air de dire "mouais", pas si convaincue que ça donc.

- Il y a toujours des ouvertures, mais seuls les plus opportunistes parviennent à les saisir. Pas les meilleurs, ni les plus gentils, mais clairement les plus opportunistes. Ceux qui savent saisir une occasion réussissent, qu'ils soient bons, mauvais, moraux ou non... D'une terre "de rêve" pour tous, je dirais que les USA sont devenus une forme de Darwinisme économique et social dans lequel les plus gentils se font manger par les plus forts.

Bizarrement, et contrairement à ce qu'on aurait pu penser vu son métier et les affaires qu'elle défend -clairement, elle n'a pas peur d'écraser les plus faibles avec le talon et un petit air de mépris au passage, ce au profit des plus aisés- elle adopta une expression quelque peu déçue. Elle le faisait parce qu'il fallait le faire, mais visiblement si elle avait d'autres choix elle pourrait être du genre à les saisir.
Il fallait le dire, elle était au fond... ours était bel et bien le terme parfait pour elle. Au fond elle ne voulait rien à personne tant qu'on la laissait tranquille, mais dans le cas présent le prix de sa tranquillité était de devoir parfois mettre un coup de pied juridique à quelqu'un en détresse. Elle n'était d'ailleurs pas tendre ni avec ses collègues ni ses adversaires : elle avait bien saisi ce concept d'opportunisme.

A la seconde où une occasion se présentait de gagner quelque chose, elle calculait instantanément les conséquences possibles, pesait rapidement le pour et le contre, et si le pour prédominait, elle sautait dessus. C'était ce qui la faisait souvent gagner, et qui la faisait mal voir parfois, car il y a certaines occasions qu'un avocat respectant parfaitement la déontologie devrait laisser de côté. Elle en revanche, ne laissait absolument rien passer qui puisse lui profiter, de près ou de loin, un peu comme ce jeu avec un marteau, où l'on doit frapper des têtes qui sortent. Elle serait du genre à faire des bons scores.

- Soit on s'adapte à ce nouvel environnement de crise et on attrape tout ce qu'on peut quand c'est profitable, soit on se fait embourber dans les crédits et les dettes. Bienvenue aux USA ! D'ailleurs, je pense que dans le domaine des affrontements que connaissent les mutants ça doit être similaire... ajoute-t-elle finalement, disant "les mutants" comme si au fond ça ne la concernait pas, ne faisant pas partie de cette catégorie. Rater une occasion d'écraser un adversaire est le genre de chose qui doit coûter cher, vu les capacités que peuvent déployer certains mutants...

Kjerstin parla du rêve américain, héritage du siècle dernier qui s’était trouvé modifié par les conditions socio-économiques de celui-ci. Amy n’avait jamais perçue les Amériques comme un eldorado, mais à bien y réfléchir, cela pouvait être perçu comme tel : elle-même y était venu pour vivre, en un sens, une aventure. Elle avait rejoint la première école pour mutants, ce qui impliquait côtoyer des gens d’exception et abandonner toute idée de normalité au sens stricte du terme. Elle avait rencontré un être capable de créer n’importe quelle technologie, enfin presque, une autre capable de faire apparaitre et de contrôler de petites étoiles et une dernière qui était un soleil, littéralement. Ce n’était ni en Italie ni à l’orphelinat qu’elle aurait put rencontrer pareilles personnes. Même maintenant, elle se tenait aux côtés de quelqu’un dont la force et l’endurance dépendait de l’état émotionnel ; moins impressionnant dans les mots, mais tout autant en réalité. Enfin, Amy préférait ne pas vérifier sa théorie.

L’avocate avec un point de vue plutôt noir sur les U.S.A., mais qui semblait correspondre à la réalité qu’elle vivait au quotidien. Nephilim eut un rire lorsqu’elle entendit Kjerstin parler de Darwinisme économique et social. Ça, c’était parfaitement vrai, et si c’était triste d’une part, de l’autre cela permettait aux gens de s’élever au-dessus de leur condition. Pas d’influence de gène, chacun était se qu’il était et devenait ce qu’il voulait devenir. La fin de la phrase demandait cependant rectification de la part de Nephilim.

- Darwin n’a pas dit que c’étaient les plus forts qui survivaient ; c’est l’inverse : « les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui d’adaptent le mieux aux changements ».

Amy se tus lorsqu’elle vit apparaitre sur le visage de Kjerstin une expression de déception ; contrairement à ce qu’elle déclarait haut et fort, elle ne semblait pas totalement indifférente aux peintes qu’elle pouvait causer dans son travail. L’avocate appliquait juste la règle énoncée précédemment : elle s’adaptait.

Résumant la vie des Etats-Unis en quelques mots peu flatteurs, l’avocate partie sur une remarque concernant les mutants. Amy fut surprise de la déclaration comme du fait que Kjerstin ne s’incluait pas dans le genre mutant.

- Vous n’avez que peu d’opinion pour votre espèce, madame Håtjärnen,

Vous êtes pour le conflit entre Homo Sapiens et Superior ? Nous ne sommes pas des ennemis, bien que certains, et dans les deux camps, aient de la difficulté à s’adapter aux changements. Il faudrait bien qu’un jour, on se rende compte qu’il ne sert à rien d’aller contre l’évolution. Les mutants n’ont pas vocation à remplacer les humains ; il s’agit d’une nouvelle espèce qui réclame son droit d’exister. Il y a des monstres des deux côtés, mais ce n’est nullement les gènes qui définissent si quelqu’un est bon ou mauvais : c’est à nous qu’il revient de trouver notre place en ce monde. La bataille ne se fait qu’entre les extrêmes des deux côtés, et implique malheureusement les innocents. Certes, les humains prennent peur, car comme vous l’avez souligné, il y a des mutants aux pouvoirs terrifiants ; capable de penser à votre place, de remodeler la réalité ou encore de créer des ouragans d’une simple pensée. Face à cela, le commun des mortels prend peur, mais moi-même suis terrifiée par de tels êtres. Est-ce pour cela que je dois me réfugier dans la haine ? Non, de tels êtres ne sont pas forcément mauvais, et n’abusent pas toujours de leurs dons. Il y en a, oui, malheureusement. Mais pour chaque déviant, combien respectent l’ordre et la vie ? Considérer ces hommes comme l’entière espèce mutante revient à résumer l’Humanité à ses dictateurs et meurtriers. La peur, la jalousie, l’incompréhension, il y a tant de choses qui peuvent pousser vers une guerre. Cependant, si personne ne fait le premier pas, il ne peut y avoir d’amélioration. Vous avez raison, Darwin avait raison, il faut s’adapter pour survivre. Cependant, il faut s’adapter de la bonne façon. Ce ne sont pas les plus forts qui survivront ; cela mourront à la guerre, entre eux. Non, c’est aux gens comme nous qu’il revient d’éviter le conflit. Nous pouvons démontrer que si nous sommes différents, nous restons des êtres humains,

Je n’espère pas convaincre une avocate avec ce pseudo-plaidoyer, je vous dis simplement ce que j’en pense. Vous avez votre propre avis sur la question et je m’avoue curieuse de l’entendre.

La brune sourit quand Amy lui expliqua son point de vue, ou en tout cas une partie, sur ce "conflit" humano-mutant en cours. Encore une fois, l'avocate ne s'était pas trop étendue sur son opinion donc de nouveau, il était normal qu'elle ne soit pas forcément interprétée précisément de la manière dont Kya voyait véritablement les choses. Comme toujours... Ourse. Apprendre était un des principaux -et un des seuls en fait- loisirs de Kjerstin. Elle avait amplement le temps de largement se documenter sur ce qu'elle voulait comprendre mieux, vu qu'au fond elle n'avait que peu de contacts sociaux et de loisirs. Cela la rendait extrêmement documentée, mais aussi, évidemment, relativement froide parfois : elle voyait les choses par des faits qu'elle déduit des connaissances qu'elle a acquises, et non d'une quelconque forme d'émotion ou de ressenti.

- Pour moi le terme homo superior est une aberration, déjà parce qu'il n'y a aucune réelle supériorité. Je considère pour ma part que je suis une homo sapiens, comme vous, et comme tous les mutants actuels. En *VRAIE* science, commença-t-elle en insistant lourdement sur le mot "vraie", les choses se font sur du temps. Beaucoup. Par exemple... L'homo habilis a connu énormément de transformations différentes, parfois mineures, parfois probablement plus importantes, peut-être pas au point des "pouvoirs" que l'on a, mais malgré tout des mutations importantes. Mais il fallut des centaines de milliers d'années pour que l'homo habilis n'évolue en deux espèces distinctes : homo ergaster et homo erectus. Et encore... Encore pas mal de scientifiques considèrent que les deux ne sont qu'une même espèce, certes différentes par des mutations et caractéristiques distinctes, mais insuffisantes pour les distinguer en deux espèces.

Elle haussa donc les épaules, continuant sur sa lancée, et ne réalisant visiblement pas que si ce type de chose la passionnait ce n'était peut-être pas le cas de tout le monde. Peut-être cela venait-il du fait qu'elle fréquentait peu de personnes au fond.

- Les mutations actuelles sont chaotiques et n'ont aucune logique évolutive commune, probablement pour la simple raison que techniquement l'homo sapiens n'a pas de besoin impératif d'évoluer biologiquement pour survivre confortablement à son environnement. Du coup les mutations s'expriment de manières totalement aléatoires, sans qu'une "constante" ne naisse. La raison pour laquelle les homo ergaster se sont multipliés est que leur mâchoire leur donnait un avantage significatif pour se nourrir de racines, abondantes et peu difficiles à trouver. Ici... Aucun "type" de mutant ne prédomine vraiment, car au fond, de quelles caractéristique précise avons-nous VRAIMENT besoin pour "survivre" ? Aucune car nous survivons déjà très bien, pour la plupart.

Lâchant le volant d'une main pour faire un geste un peu négligent l'air de dire "c'est des conneries, tout ça", elle reprit après un bref instant.

- Il n'y aura de "vraie" séparation entre l'homo sapiens et une autre espèce que quand un type particulier de mutant deviendra majoritaire, puis le "seul" type de mutants. Je tablerais sur les régénérateurs, moi, ou un type de mutant capable de survivre à des conditions extrêmes. Cela donnerait un avantage majeur pour résister aux changements climatiques provoqués par la pollution, voire pour résister à la pollution elle-même. Mais je doute fort de la survie à long-terme des super-laser-man, ou des bombardiers volants qui se transforment en acier. C'est un avantage négligeable par rapport aux besoins qu'a l'espèce en général. Pour survivre à long terme un laser est inutile. Mon berserk est inutile. Invoquer des éclairs est inutile. Créer des boules de feu est inutile. Votre pouvoir par contre, ne pas avoir besoin de se nourrir et guérir, ça c'est utile. Pour l'espèce en général, et à long terme, c'est un bénéfice. C'est inutile pour prendre le pouvoir et devenir le roi des mutants comme certains idiots le voudraient... Mais pour le long terme, c'est utile. Résister à la toxicité ou aux radiations ce serait utile ça pour l'avenir. Survivre au vide spatial serait utile, également, pour explorer l'univers. Les pouvoirs les plus impressionnants sont rarement les plus utiles à l'espèce en général, et ne seront probablement pas ceux "choisis" par la nature pour prédominer.

Elle finit par -enfin- conclure, avec un air un brin sceptique :

- Ces conflits sont donc d'une stupidité abyssale, autant pour les extrémistes mutants que pour les extrémistes humaine. De toutes manière, les extrêmes sont à l'opposé, comme je disais, de toute raison. Certains mutants sont plus dangereux que d'autres, mais au fond, peut-être qu'ils ne le sont pas tellement plus qu'un type des tea party qui serait élu et se retrouverait avec le code de la bombe atomique...

Kjerstin réagit vivement à l’exposé d’Amy, tant et si bien que cette dernière se fit toute petite. Elle était en accord sur le fait qu’homo superior était un terme plutôt mal choisit aux vues des conflits sociaux actuels, mais Nephilim avait utilisé ce nom car c’était celui utilisé. Il n’y avait rien eut de péjoratif ou de valorisant à cela. Après, elle-même ne connaissant pas très bien les sciences en générale, à peine capable d’expliquer correctement le fonctionnement de son propre pouvoir, elle devait s’en remettre au jugement d’autres.

Durant tout le discours de l’avocate, qui insistait sur des mots particuliers avec un entrain qui fit craindre à Amy le déclenchement d’une crise de Berserk. Cependant, il n’en fut rien. Kjerstin devait également parler ainsi lors de ses procès, étant parfaitement maîtresse d’elle-même malgré une passion qui pouvait faire penser le contraire. Elle fit même quelques compliments qui firent plutôt plaisir à l’italienne, plaçant son don de régénération écologique au-dessus des pouvoirs plus clinquants.

Concluant avec un brun de scepticisme qu’il n’y avait pas de grande différence entre un mutant oméga et un président des USA avec la bombe à hydrogène, l’avocate termina son plaidoyer.

- C’est pas faux,

C’était la partie scientifique sur l’évolution qui avait le plus de mal à passer. Nephilim se souvenait encore de ses cours de SVT, du principe d’évolution buissonnante et des quelques ancêtres de l’homme moderne, mais elle ne comprenait pas en quoi le fait que ce dernier n’ait plus besoin d’évoluer pour survivre empêcha l’évolution de se poursuivre. La seule constante de l’univers est le changement, non ?

En bref, elle ne savait pas vraiment quoi répondre. Pour le coup que l’avocate l’avait scotchée. Cela n’empêchait pas l’improvisation.

- On est au moins d’accord sur la fin : les conflits sont d’une stupidité abyssale,

Je ne pense pas non-plus que l’avenir de l’homme soit une espèce de mi-ange mi-plante ; cependant je suis plutôt contente que pour une fois, mon pouvoir soit pas tourné en ridicule. Je pèse pas de mine à côté d’un Pyrokinésiste avec mes ailes de vingt centimètres et mes yeux verts, et bien que la professeure qui était avec moi les aient remit à leur place, c’est arrivé que d’autres élèves se moquent de moi. C’est une école, il y aurait toujours des pseudo-caïds, après y sont pas méchants. Avec un don comme le votre, personne viendrait vous chercher des noises.

Amy sourit à Kjerstin ; cette dernière lui ayant fait un compliment sur son don, elle essayait de lui retourner la politesse. Cependant, Nephilim voyait difficilement comment y parvenir, étant donné que son don était pleinement accepté et inoffensif, à l’inverse de celui de l’avocate. Mieux valait la complimenter sur ses connaissances.

- Vous avez dû faire un baccalauréat scientifique pour être aussi pointue en évolution, ou c’est juste une occupation des jours fériés ? Je dois avouer qu’en tant que littéraire, la biologie comme la physique-chimie sont passées à la trappe très vite. Si j’ai bien comprit le principe du « c’est pas les plus forts qui survivent », vous me refaite un exposer comme celui-là en accélérant le débit et je vais faire du stop pendant un moment avant de reprendre le fils.

En bref, le principal que retenait Nephilim c’était que comme elle, Kjerstin était plutôt égalitaire entre humain et mutant et qu’elle n’approuvait en rien le conflit. Malgré les apparences, elles avaient des avis plutôt communs.

Kya eut un sourire amusé à la dernière remarque de l'élève de l'Institut. Il fallait avouer que quand elle parlait... elle y allait, autant le dire. Sa spécialité était certes de destabiliser le tribunal avec ses "clowneries", mais quand il était question de présenter un point de vue elle s'y connaissait, et avait parfois tendance à s'étendre quelque peu. Au fond, de toutes façons, ses clowneries payaient en général. Elle repensa à ce moment à un procès qui datait de l'an dernier, où elle devait défendre un fabricant d'un additif chimique, attaqué par une femme dont le mari était mort des complications de son obésité, elle avait réussi à faire changer le procès de juridiction. Le souci était que concrètement, dans la juridiction où ils se trouvaient, en plein NY donc, ils risquaient de tomber soit sur des obèses voulant blâmer quelqu'un pour leur problème, soit sur des vegans anti-chimie, bref, les chances d'avoir un jury défavorable étaient importantes.

Passer dans une juridiction plus "populaire" en campagne, où les chances de tomber sur des personnes comprenant bien les rouages de la chimie biologique, et où les chances que les jurés soient endormis par les experts scientifiques de la partie adverse étaient importantes, était en leur faveur, mais le juge n'était pas "très chaud" à cette idée. C'était en tournant tout le procès en ridicule qu'elle avait réussi à le faire, le coup d'éclat final (qui aurait pu la faire renvoyer si ça n'avait pas marché) ayant été de demander au juge de se récuser. Quand celui-ci demanda pourquoi il le ferait, Kjerstin s'était retournée et avait annoncé avec un air dramatique : "Parce que nous savons bien que c'est VOUS qui l'avez tué !".

24 heures de prison pour outrage à magistrat, mais le changement de juridiction avait été obtenu. Les médias qui étaient dans la salle avaient retransmis la scène, ce qui avait rendu Kya aussi amusante que sympathique aux yeux des jurés potentiels qui seraient influencés. La plaignante avait du coup perdu... Le mari était-il ou non mort à cause de l'additif, ça, Kya s'en moquait éperdumment.

L'avocate finit par sortir de ses pensées avec un air amusé, avant de finalement reprendre :

- Hm ? Non, je n'ai pas fait des études scientifiques à l'origine, comme je l'ai dit j'utilise généralement mon temps libre pour lire des livres, articles, regarder des documentaires, vidéos, présentations, sur des sujets qui m'intéressent. A l'ère d'internet, la connaissance est facile d'accès, en dépit des réticences des divers gouvernements qui n'aiment pas trop cela...

La connaissance est le pire ennemi de l'oppression, disait-on. Plus les personnes sont éduquées plus elle comprennent et détectent la manipulation, le mensogne, ou la tricherie... Le genre de chose qui peut clairement ruiner une élection.

- Après, pour reprendre les choses de façon plus simple que mon "exposé"... Ce ne sont pas les pouvoirs les plus impressionnants qui sont les plus utiles, sur le long terme. D'ailleurs en général, ce sont souvent ceux qui sont les plus "voyants" qui sur le long terme finissent par échouer. Vous parlez des "caïds" de l'école, ce sont la plupart du temps eux qui finissent avec une carrière médiocre, épousant un conjoint ou une conjointe pas bien malin et sans intérêt qui échouera professionnellement, déprimera à rester à la maison, et le tout finissant en mariage désastreux. Scénario classique de la famille moyenne !

Kjerstin eut un sourire face au trait d’humour d’Amy, ce qui contenta cette dernière. C’était toujours plus agréable de parler à quelqu’un d’ouvert et de souriant, les règles de la discussion l’énonçaient plutôt clairement.

Le plus difficile avait été de faire démarrer la partie de ping-pong, mais maintenant, les deux se répondaient plutôt bien. Il y avait le 50/50 nécessaire à la poursuite de la discussion, et les sujets s’enchainaient sans trop d’accrocs.

- Ce que Dieu sait, Google nous l’apprend,

La suite prêta moins à rire, et démolit l’élan de l’italienne comme si elle s’était mangée un mur.

Le réalisme de Kjerstin confinait à du pessimiste.

- Ils peuvent aussi trouver une voie qui les inspire et finir leurs vies en honnête gens heureux ; pourquoi faut-il que vous voyez toujours le cas déprimant ?

Si vous décidez d’apprendre la langue française, j’aurai une vingtaine de bouquins à vous conseiller pour rester dans le même état d’esprit,

Nephilim s’interrogea rapidement sur le fait de poursuivre la conversation sur la littérature ; si l’avocate ne lisait que des revues scientifiques, l’italienne risquait d’être très vite paumée. La télé n’était pas mieux, elle ne la regardait que quant elle n’avait véritablement rien d’autre à faire, ou s’intéressait aux informations. En même temps, les nouvelles du monde ayant tendance à être aussi rabat-joie que Kjerstin, il fallait parfois mieux les ignorer. L’ignorance ne protégeait pas, mais elle avait l’avantage de préserver l’innocence. C’était l’une des deux morales du mythe de la Genèse ; l’autre, c’était que Dieu était macho.

- Vous lisez beaucoup ? Vous semblez savoir plein de trucks sur les sciences et tout, si cela ne vous vient que de vos lectures, cela doit occuper pas mal d’espace. Personnellement, j’aime lire ; bien plus que regarder un écran de télé en tout cas. Les livres font appel à l’imagination là où l’audiovisuel se contente de donner à voir et à entendre, faisant fit des autres sens et ne laissant que peu de place à l’imaginaire. C’est plutôt vieux jeu, mais c’est comme cela que je vois les choses. Pour vous, cela se vaut ou l’une des deux activités trouve plus grâce que l’autre ?

Kya sourit de nouveau à la mention de Google, et haussa ensuite les épaules -chose qu'elle semblait souvent faire d'ailleurs- quand Amy parla de pessimisme. Il est vrai que l'avocate n'avait pas tendance à voir ce qu'elle considérait comme une minorité de gens heureux qui réussissent, n'ayant que trop côtoyé ceux qui échouent et se retrouvent dans des situations loin d'être enviables dans l'ensemble.

- Boh, je vois simplement que la majeure partie du temps, ceux qui ont le physique sans que celui-ci ne soit suffisant à faire d'eux des acteurs ou mannequins, et sans avoir la moindre étincelle dans le crâne, finissent dans ce type de situation. Il y a bien des exceptions, car au fond quelqu'un d'imbécile peut devenir intelligent à n'importe quel âge, mais ce sont des cas rares.

La jeune étudiante enchaîna sur la lecture, la télévision, et autres. Dans l'ensemble, Kya ne regardait que ce qu'elle avait envie de regarder, et ne lisait que ce qu'elle avait envie de lire. On pourrait croire que c'est le cas de tout le monde, mais loin de là, pourtant.

- Après, je n'utilise la télévision que quand un programme digne d'être regardé -rarement donc- passe. En général ça se limite à un journal télévisé un peu plus critique que les autres, donc pas de Fox News et compagnie... Ou à des documentaires intéressants, il y en a encore parfois. Mais la majeure partie de ce que je "consomme" dans ce domaine reste issu d'internet, qu'il s'agisse d'articles de presse, de livres que j'imprime, ou de vidéos. Mais il n'y a pas que de la science... C'est l'avantage de cet outil, on peut apprendre sur un peu tout ce qu'on trouve intéressant. Mais ça demande un sens critigue aiguisé, car il n'y a pas de contrôle du contenu : quelqu'un peut raconter des complets bobards sur un sujet. Il est obligatoire pour ne pas se stupidiser d'avoir un sens critique existant avant tout.

C'était aussi une nécessité chez elle, d'apprendre un peu de tout en permanence, il fallait bien l'avouer. Les raisons étaient assez simples.

- Puis tant que j'apprends des choses, je ne réfléchis pas à autre chose. Ca permet de s'occuper l'esprit quand les activités disponibles sont limitées.

Elle termina la dernière phrase avec un air pensif. Clairement, il FALLAIT qu'elle s'occupe l'esprit autant que possible pour ne pas laisser libre cours à un sentiment de solitude qui se transformerait à la longue en irritation, frustration, voire énervement pouvant déclencher son pouvoir. Elle n'avait du coup pas réglé sa vie "comme une horloge", mais clairement, elle calculait avec le plus grand soin ses occupations afin de s'assurer qu'il n'y aurait pas de "trou" dans ses activités qui entraîneraient des conséquences désagréables...

- Vous devez être équipés de ce côté-là à l'Institut non ? finit-elle par demander, pour éviter de laisser les choses en suspens.

Kjerstin ne voulait pas lâcher le morceau : les idiots restaient idiots, et à moins de changer, vivaient comme des idiots. Vous voyez le problème ? Selon Nephilim, l’intelligence n’était pas un pré-requit au bonheur, mais elle n’osa pas pousser plus loin sur le sujet. Mieux valait probablement le garder sous le coude pour une éventuelle panne de conversation.

Une fois encore, Kjerstin et Amy avaient un avis similaire ; la télévision n’était que rarement intéressante. L’avocate exprima aussi sa méfiance vis-à-vis d’internet ; méfiance tout à fait justifiée et censée mais qui n’étonna pas le moins du monde l’italienne : l’autre ayant tendance à se méfier de tout et de tous, une source aussi opaque qu’internet se devait de lui poser problème.

- Moi aussi j’aime à étendre ma culture générale dès que possible, et surtout autant que possible,

Par contre des fois on tombe sur des trucs aberrants et l’on pense que cela ne nous servira jamais à rien. J’ai pas mal étudiée les Anges et ait retenu la signification de la plupart de leurs noms. Ainsi quand j’ai réussie à placer à mon oral d’italien que je trouvais le nom du personnage principal, Michelino, un peu contradictoire, j’ai épaté mon prof en lui expliquant que Michel, à l’origine Michael, un prénom d’origine hébraïque signifiant « Qui est comme Dieu ». Je trouvais donc original de lui accoler –lino, qui sert à désigner quelqu’un de petit, comme pour un surnom. Tout cela pour dire que quoi que l’on trouve, cela peut toujours être d’une utilité. Pour se qui est de l’Institut, c’est vrai qu’il y a une formidable bibliothèque, avec des ordinateurs et tout, on peut étudier et faire des recherches à l’envie. J’y ai passé un nombre d’heures incroyables depuis mon arrivée, cherchant à ne pas prendre de retard sur le programme de psychologie suivit par d’autres étudiants. Certes, sans le professeur et les évaluations, je peux difficilement prétendre à avoir un niveau correct, mais au moins je n’arriverai pas démunie aux cours. Si vous voulez, on pourra prendre le temps d’y passer, à la bibliothèque, durant votre passage.

Amy ne s’attendait pas à une réponse tranchée de la part de Kjerstin, cela serait la preuve de progrès qu’elle ne pensait pas avoir accomplit. L’avocate ne devait pas lui faire confiance, et ses prémices de paranoïa la pousseraient surement à éviter de s’attarder plus que le nécessaire à l’Institut. D’un autre côté, il était peu probable que les analyses et un éventuel inhibant, si tant est qu’il y en existe un, soient menées à bien rapidement.

Nephilim n’avait pas l’intention de se faire de film : elle ne côtoyait l’avocate que pour un temps limité, et il était peu probable, à moins d’avoir de nouveau besoin de ses services, qu’elle la revit une fois leurs affaires terminées.

C’était plutôt triste, étant donner qu’elles semblaient avoir suffisamment de points communs pour pouvoir partager une amitié solide, mais comme Kjerstin était la championne pour le montrer : la vie n’était pas ce que l’on aurait voulut, et il fallait faire avec.

Nephilim eut un petit sourire amer à cette constatation.

- Vous pensez pouvoir rester combien de temps à l’Institut – je veux dire, si la résolution de votre problème ne peut être faite rapidement. Pas que ce soit ce que je souhaite, j’espère que l’on sera à même de vous aider, mais pour ce que j’en connais avec la génétique, c’est pas toujours rapide.

La bouche dit « non », le corps « oui ». Amy savait détecter les mensonges des autres, et il lui semblait que sa phrase, prononcée rapidement pour éviter les ambigüités, donnait au sens implicite l’inverse des paroles qu’elle avait prononcées. Certes, Nephilim voulait que l’on aide Kjerstin, mais avoir une personne comme cela dans son réseaux d’amis semblait à Amy une chance plutôt rare. Une chance dont elle aurait aimé bénéficier.

Kya eut un air... Circonspect, quand Amy évoqua les anges et autres. Autant dire qu'ayant toujours eu un esprit aussi froid que possible, elle n'avait aucun, mais aucun intérêt spirituel pour la religion. Elle ne s'intéressait qu'à ses aspects culturels, mais n'était pas du type à prier ou autres. Elle disait d'ailleurs souvent, s'attirant au passage l'ire de la plupart des présents qui étaient croyante : "Si un être tellement puissant, intelligent, et grandiose, pouvait créer quelque chose de quasi-infini et immensément, infiniment complexe comme l'univers, existait... Vous pensez vraiment qu'il aurait QUOI QUE CE SOIT à carrer de si vous priez le matin, vers l'est, avec une croix, ou avec un chapeau ? Il aurait surtout autre chose à faire, de bien plus intéressant.".

L'avocate avait remarqué que ce genre de déclaration, pourtant logique à ses yeux, avait tendance à jeter un froid, elle avait donc appris à esquiver soigneusement les questions théologiques, réservant son intérêt pour les questions religieuses à l'aspect social et culturel donc. C'est ainsi qu'elle se contenta de hausser de nouveau les épaules quand Amy avait évoqué l'ange Michel. Lorsque sa cliente lui proposa finalement de jeter un oeil à la bibliothèque, elle se contenta de hocher la tête discrètement. Ne jamais contrarier un client, et quelque part voir l'aspect des lieux lui permettrait de mieux jauger l'Institut et ses habitants. Ce serait intéressant.

Quant à l'amitié... Cette idée n'avait pas traversé la tête de la brune, qui au contraire cherchait à éviter toute relation autre que professionnelle avec qui que ce soit. D'ailleurs cela lui avait valu divers surnoms dans le milieu judiciaire New-Yorkais, où les rumeurs courent plus vite qu'on ne l'imagine, surtout quand on a un petit peu de succès dans le métier.

Le fait était que son interlocutrice voulait savoir combien de temps elle comptait rester à l'Institut. Sans trop réfléchir à sa réponse, elle se contenta de répondre d'un ton assez neutre :

- Aussi peu de temps que possible, idéalement je fais l'aller-retour. Après, s'il leur faut plus de temps pour développer quelque chose, je fournirai l'argent nécessaire au développement, les échantillons qu'il leur faut, et ça s'arrête là. Idéalement je devrais être rentrée d'ici le début de la soirée, après, le temps qu'il faudrait pour créer un moyen de contrer mes "capacités", dit-elle alors en insistant sur "capacités" avec un ton un peu ironique, comme si c'était plus un problème qu'autre chose, ce n'est pas un souci. Je suis quelqu'un de patient.

Rester trop de temps à cet endroit ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Elle ne voulait surtout pas être identifiée comme un allié potentiel, mais plutôt comme quelqu'un qui pourrait poser problème sans assistance médicale rapide. Elle devrait donc habilement doser son discours, mettant en avant les dangers de son pouvoir, sans pour autant sembler trop sympathique ou potentiellement utile à une quelconque cause.

Amy fut quelques peu déçue par la réponse de Kjerstin concernant son temps de visite ; elle ne comptait pas s’éterniser. Même plus, elle comptait limiter au maximum le temps passé à l’Institut. Elle n’y allait que pour trouver un moyen de résoudre son « problème ». Ni plus, ni moins.

- Okay,

Dommage ; pas étonnant, mais dommage. Si l’avocate continuait dans son isolement forcené, elle ne parviendrait jamais à apprivoiser ses émotions. Les réprimer ne ferait qu’amplifier leur influence sur son don ; en tout cas, c’est ce qu’Amy supposait.

Elle se trouvait une fois de plus dans une impasse, les dires de l’avocate n’appelant pas de réponse. Heureusement, Nephilim avait gardé un sujet en cas de panne :

- Pour en revenir à l’un des sujets précédents, pensez-vous réellement que l’intelligence soit un pré-requit au bonheur ? Je sais que je saute du coq à l’âne, mais bon. Personnellement, je ne pense pas que cela soit lié. Je ne suis pas en train de plaider pour la théorie des imbéciles heureux, mais je pense que chacun peut trouver le bonheur sans pour autant être d’une intelligence supérieure. Il y a de la disparité comme partout, mais cela n’empêche pas les gens d’aspirer au bonheur et même de le trouver. L’américain moyen n’a-t-il pas le moyen de trouver l’amour et la paix simplement parce qu’il est moins instruit ou « intelligent » que le cadre qui lui commande ?

Certes, c’était plutôt minable comme reprise de conversation, mais Nephilim n’avait pas vraiment d’autres idées. C’était comme souffler sur les braises d’un feu : Amy s’époumonait à essayer de maintenir la conversation avec Kjerstin. Dans les instants précédents, le contact était passé et elles avaient discuté normalement. Mais maintenant, il semblait à l’italienne que ses progrès avec l’avocate étaient sur le point de refluer.

Dieu que maintenir une conversation était difficile. Ou plutôt, que maintenir une conversation avec une personne telle que Kjerstin Håtjärnen était difficile.

L’avocate était très intéressante, et aurait put être très sympathique ; mais son appréhension face à ses dons comme face au monde la bloquait complètement. Amy aurait voulue pouvoir y remédier, mais cela semblait peine perdue.

Nephilim ne parvenait cependant pas à admettre qu’elle ne pouvait rien faire ; c’était un gâchis pour Kjerstin de se priver de contacts humains. C’était vrai que cela était nécessaire pour l’instant, mais si elle parvenant à contrôler son pouvoir, ou tout du moins à le limiter, changerait-elle de comportement ? Amy n’en était pas sure.

Pour l’instant, l’italienne ne pouvait donc que préparer le terrain ; elle devrait attendre que la situation se stabilise pour pousser plus loin leur relation.

- Que l'intelligence soit un pré-requis au bonheur ? demanda-t-elle alors avec un air surpris.

Clairement elle ne s'attendait pas à ce qu'Amy revienne là-dessus, ce qui lui fit forcément afficher un air relativement surpris. Clairement elle ne s'y attendait pas, à celle-là, et vu le chemin qu'il restait, mieux valait répondre pour éviter un long et sinistre silence. D'ailleurs, maintenant qu'elle y repensais, sa réponse précédente était du genre à générer un long silence glacial, en fait. Prenant une sortie pour faire un stop à une station, la brune répondit tout en se garant quelque part.

- Au contraire, c'est une porte vers la dépression. Quelqu'un de plus malin que la moyenne comprendra mieux le monde dans lequel il vit, et aura plus tendance à rêver de grandes choses, qui n'arrivent en général jamais. Quelqu'un de simple, intellectuellement parlant, aura souvent des plaisirs plus simples. Lequel des deux est "sage", ça les philosophes se sont entretués à ce sujet pendant des milliers d'années... Celui qui sait profiter d'une vie simple, ou celui qui recherche la grandeur.

Elle était quand même en train de parler de *PHILOSOPHES* avec une étudiante de 17 ans qui n'en avait peut-être, au fond, pas grand chose à faire. Kya eut du coup un sourire amusé subitement lorsqu'elle réalisa ça... Elle, à 17 ans, elle aimait... Son expression revint à la normale subitement. A 17 ans elle avait du fuir aux Etats-Unis pour fuir une réouverture potentielle de l'enquête sur son double meurtre. Mais si les choses avaient été normales, elle aurait sûrement été du genre à passer son temps à faire des choses aussi inutiles que possible, comme tous les ados.

Glousser avec des copines, manger sans craindre de grossir, quoique le pouvoir de Kya représentait un atout de ce côté-là il fallait l'avouer, discuter de beaux garçons, acheter des chaussures, quoique là encore la brune se défendait pas mal et avait rattrapé son retard de ce point de vue, aller à des concerts, ce genre de chose. A la place tout était centré sur le concept de rester froide, neutre, ne jamais s'énerver ou faire quoi que ce soit pouvant provoquer une quelconque excitation ou une montée d'adrénaline. Kjerstin se demandait du coup si c'était le cas de tous les mutants...

- Et vous avez des amis, à l'Institut ? Vous aviez dit ne pas connaître beaucoup de professeurs, il me semble, mais qu'en est-il des élèves ? demanda-t-elle alors, tout en sortant de la voiture, et semblant inviter du regard l'étudiante à faire de même. Je m'arrête prendre quelque chose à grignotter, je n'ai rien mangé à midi, venez. Vous voulez quelque chose ?

Kjerstin eut une magnifique expression de surprise face au changement de sujet d’Amy, répétant même la question pour l’intérioriser. Après avoir prit l’une des sorties pour s’arrêter faire une pause, l’avocate prit parti de répondre : elle se plaça d’un avis semblable à celui de Nephilim, trouvant cependant le moyen de tourner cela d’un point de vue pessimiste.

Amy ne fit cependant aucune remarque, blasée. Elle sourit néanmoins à la remarque concernant les philosophes.

Kjerstin eut un sourire également, mais celui-ci ne fut qu’éphémère et disparut sitôt qu’il était venu. L’avocate devint un peu plus distante, surement perdue dans ses pensées, puis posa une question que Nephilim n’aurait jamais crut entendre de sa bouche.

Ce fut donc à son tour d’avoir une expression de surprise, qui dura une seconde, mais fut plutôt marquée. C’était une avancée flagrante : une question qui touchait directement à Nephilim, preuve que Kjerstin commençait à s’intéresser à sa personne, plus seulement à l’environnement d’origine qui devait lui être profitable. On était rarement laissé indifférent par les gens que l’on connaissait, et il était peu probable que l’avocate ait demandée cela par égoïsme, donc elle commençait à s’ouvrir socialement.

Amy accueillit cette avancée avec une joie qui se dessina sur son visage, et resta du coup quelques instants assise, alors même que son interlocutrice avait déjà quitté le véhicule.

Kjerstin partait s’acheter à manger, et lui proposait même de lui ramener quelque chose !

Nephilim offrit son plus beau sourire lorsqu’elle sortit à son tour du véhicule.

- Je veux bien une bouteille d’eau, merci,

Pour les amis, j’en ai quelques uns ; enfin, il n’y en a qu’une seule que l’on peut vraiment qualifier d’ami. Le reste c’est plutôt des connaissances et des camarades de classe.

Amy eut un instant de regret, mais sa bonne humeur revient rapidement : elle avait un peu de mal avec les gens, ils l’effrayaient plutôt. Mais c’était ainsi à l’Institut comme ailleurs. Si elle n’avait pas voulut s’assurer qu’elle ne faisait courir aucun risque à son nouveau foyer, Nephilim était consciente qu’elle n’aurait probablement jamais osé parler, ou du moins se montrer si insistante, avec Kjerstin. Elle avait pour habitude de contrebalancer sa timidité avec son rationalisme et son aptitude à lire sur les visages, et quant un objectif important venait se rajouter, elle parvenait à s’en sortir plutôt bien.

Sa discussion récente le démontrait plutôt bien.

- Je n’aime pas être seule, mais j’ai également grande peur de déplaire aux autres ; mon passé en est probablement en grande partie responsable, toujours est-il que cela donne un mélange de timidité et d’influençabilité que je m’efforce de palier grâce à mes capacités de raisonnement et d’analyses visuelles. Je ne sais pas si vous avez entendue parler du Programme Génies de Paul Ekman et Maureen O'Sullivan, toujours est-il que je suis capable de déterminer dans la plupart des cas si une personne ment ou dit la vérité en identifiant les expressions faciales involontaires qu’elle exprime. Et cela n’est pas toujours apprécié. De votre côté, des amis, même de longue date, ou de la famille ?

Alors qu'elle marchait vers la boutique, l'avocate sourit en coin aux mots d'Amy. C'était quelque chose qu'elle avait appris en tant qu'avocate : avoir toujours raison était quelque chose d'important, mais parfois à utiliser avec parcimonie pour éviter d'irriter le jury. De fait, socialement, ça devait être assez similaire.

- Je me doute que ça peut en mettre certains mal à l'aise, ce "don" pour lire sur les visages. Ce n'est pas que les gens n'aiment pas ne pas pouvoir mentir, c'est que cette capacité à détecter leurs émotions sans qu'ils n'en parlent ouvertement leur donne un sentiment de ne pas pouvoir garder de secrets, de ne pas avoir de vie privée. C'est facilement énervant pour la plupart des gens.

Une fois dans la boutique, elle se contenta de faire ses petites courses... Petites. Elle attrapa donc une bouteille d'eau, mais aussi un litre de jus de fruit, deux sandwichs, puis en fait un autre donc trois sandwichs, un sac (de 500g) de bonbons divers mélangés, et du coca. Et alors qu'elle allait vers la caisse, elle récupéra rapidement du chocolat, trois barres chocolatées plus précisément. Rien que ça.

Payant la note sous le regard impassible du type à la caisse, l'avocate continua de répondre à la dernière question d'Amy :

- De la famille... J'ai perdu contact avec la plupart d'entre eux qui sont restés en Suède, à part ma mère avec qui je suis arrivée aux Etats-Unis il y a un moment de ça. Mais nous nous parlons relativement peu. Je pense que l'incident qui nous a menés à venir ici lui ronge encore l'esprit... Je lui ai dit d'oublier, mais elle n'a pas autant de facilités que moi à faire le tri entre ce qui est utile et ce qui est inintéressant, dans sa mémoire.

Faisant un sourire poli à l'attention du caissier, la brune embarqua les provisions dans un sac en plastique avant de retourner vers la voiture. Alors qu'elle s'installait, elle attrapa l'un des sandwichs en ouvrant la bouteille de jus de fruit, et commença à manger tranquillement. Enfin manger... Elle n'avait pas l'air de se "goinfrer" mais avait tout de même une sacrée descente : le pain garni de salade, bacon et oeufs, vit son volume réduit de moitié en un temps record. Faisant passer le tout avec encore du jus de fruit, et tout en démarrant la voiture, Kya reprit l'air de rien.

- Quant aux amis... Le peu que j'ai eus ont connu un destin funeste, je préfère donc éviter de trop en avoir maintenant. Au mieux des connaissances.

Kjerstin eut un sourire de mépris face au « don » de génie de la vérité, comme l’avait qualifié Paul Ekman ; elle confirma les dires d’Amy quant aux réactions face à de telles capacités. Elle aussi devait s’y connaitre un peu dans la détection de mensonge, c’était son job après tout. Néanmoins, le fait qu’il faille à une personne normale une vingtaine d’années d’études pour parvenir à faire ce que Nephilim faisait naturellement accordait à cette dernière une bonne longueur d’avance concernant la détection de mensonges.

Amy marcha aux côtés de Kjerstin alors que cette dernière faisait son marché ; et quel marché ! La bouteille d’eau pour l’italienne passa avant le reste des courses, un nouveau signe d’altruisme de la part de l’avocate, cependant suivirent un litre de jus de fruit, trois sandwichs, un demi-kilo de bonbons, une bouteille de soda et des barres chocolatées.

Nephilim était ébahie : l’avocate allait véritablement manger tout cela ? Pour une Photosynthèsiste, c’en était presque grotesque.

Tout en passant à la caisse, Kjerstin parla de sa famille. Contact perdu à l’exception d’une mère au qui elle ne parlait que peu. Soit un contact perdu avec l’ensemble de la famille, aux goûts de l’italienne. Si elle-même rencontrait un jour sa propre famille, les premières questions mises à part, elle était presque sure de passer un temps infini avec elle : après tout, ils auraient vingt ans à rattraper.

Amy était triste pour Kjerstin puisqu’une fois encore, c’était son don qui l’avait poussé à couper les ponts. La remarque concernant le fait que sa mère avait plus de difficultés qu’elle pour oublier les détails inintéressants – soit l’incident, qui devait avoir fait au moins des blessés- choqua quelque peu Nephilim ; l’italienne se convaincu cependant qu’il s’agissait là uniquement d’un mécanisme de défense et non d’un manque d’empathie total qui aurait été plutôt négatif.

La froideur rationnelle de Kjerstin était parfois effrayante ; même l’italienne, qui avait pourtant une tendance, bien que peu marquée, à intellectualiser les choses pour éviter de souffrir de sa timidité dans les instants où il n’y avait aucune raison de bloquer, était bien loin de cette logique mécanique.

Après un bref sourire forcé au caissier qui en répondit de même, l’avocate retourna à sa voiture, provision en main. Une fois réinstallée, Kjerstin commença à engloutir ses achats tranquillement. Comment pouvait-on manger aussi vite et aussi proprement ?

Amy la regarda manger sans rien dire. Elle ne savait pas quoi dire et n’aurait de toute façon osé interrompre Kjerstin. Pas même pour récupérer la petite bouteille d’eau qui était dans le sac plastique.

Finalement, quant une bonne partie du premier sandwich eut disparue, Kjerstin reprit la parole, démarrant la voiture.

Amy eut encore de l’empathie lorsqu’elle apprit que les amis de Kjerstin avaient également connu des problèmes à cause de son don.

Nephilim commençait à prendre la mesure de la plaie que pouvait être le don de Berserker.

- Très bien,

La vie de Kjerstin n’était manifestement pas la joie, et Amy ne voyait pas comment essayer de contourner ce problème. Bien évidemment qu’elle ne pourrait partager son optimisme avec quelqu’un qui devait s’interdire de ressentir des émotions pour le bien des autres.

- Et parmi ces connaissances, y en a-t-elles qui vous intéresses plus que d’autres ? Je veux dire, sans même connaitre véritablement les gens, il y en a toujours qui semblent plus intéressants que d’autres. Même ne serait-ce qu’un intérêt scientifique.

Sujet: Re: La ligne blanche... [PV : Kjerstin Håtjärnen] Ven 2 Mar 2012 - 0:13

Kya sembla encore une fois surprise aux questions d'Amy. Dans un sens, elle s'aventurait encore dans un terrain relativement risqué. Dès qu'il s'agissait de sentiments, même amicaux, chez l'avocate c'était relié à des moments relativement difficile et peu amusants, souvent relativement sanglants à vrai dire. Les choses finissaient souvent mal.

- A vrai dire, j'ai arrêté d'avoir des problèmes quand j'ai cessé de tisser des liens amicaux, et quand j'ai commencé à ne m'intéresser aux autres qu'au niveau intellectuel. Mais les connaissances, qualifiables d'amis, que j'avais auparavant... Enfin, j'imagine que c'était un peu comme tout le monde. On s'était rapprochés par des traits de caractère, des intérêts communs...

Ce n'était pas facile de faire parler Kjerstin de ce genre de chose, d'ailleurs si un collègue lui posait trop de questions dans ce domaine elle s'empressait de l'envoyer se faire voir de façon tout à fait polie, mais nette, tout en gardant un aspect fréquentable socialement. Elle adoptait à la fois un air d'abord sérieux, puis un peu mutin, tout en envoyant une réponse assez sarcastique de type "je m'occupe de vos affaires moi ?". Cela lui donnait à la fois un côté "mystérieux", sans que les gens n'aient envie de creuser beaucoup plus par crainte de passer pour des imbéciles. En général ils demandent une fois, deux fois, rarement trois, jamais quatre. Quant à ceux qui l'invitent à sortir, ils prennent le risque de récolter la honte de leur vie : elle leur répond généralement aux moments les plus incongrus, de préférence dans le hall quand il y a du monde pour entendre un refus à la fois poli et humiliant.

Mais le fait était que pour le coup, elle parlait plus ou moins par réflexe, sans trop faire attention ni activer son "mode sécurité" habituel. D'un autre côté, elle était en train à la fois de manger -d'ailleurs, entre deux phrases elle termina le premier sandwich et avala un tiers du deuxième- et de conduire, en plus de parler. De fait elle n'avait pas vraiment la possibilité de faire attention à tout.

- Les personnes ayant un caractère proche du mien ou compatible avec sont rares. J'évite l'attachement émotionnel excessif à cause de mon pouvoir, donc il faut des personnes qui n'ont pas envie de me coller 24 heures sur 24, qui ont d'autres activités, et intérêts que ceux qu'on partage. De fait, j'aime les gens qui sont indépendants, qui n'ont pas qu'un rêve dans la vie, c'est devenir clerc, se marier à 22 ans, et vivre dans la même maison sans jamais changer de région ou rencontre qui que ce soit d'autre que ses voisins. J'aime les personnes curieuses, qui sont ouvertes à des idées bizarres ou inhabituelles, qui n'auraient rien contre le fait de partir à l'étranger du jour au lendemain si une occasion intéressante se présente... J'aime aussi les personnes réalistes qui savent vivre. Ceux qui savent que la vie n'est pas toujours rose, sans être des émos dépressifs énervants. Qui savent que la vie est souvent pourrie mais qu'il y a bien des façons de la vivre de manière plus agréable sans se raccrocher à un appât sentimental qui promet un bonheur éternel sans jamais le donner vraiment. Bref, ce sont des personnes rares et le peu que j'ai croisées, une est morte, et j'ai du rejeter les autres pour leur éviter un sort similaire.

La brune hausse finalement les épaules, prenant la sortie et retournant sur la route tout en buvant une longue gorgée de jus de fruits, avec un air un peu absent. Clairement, le sujet la laissait pensive.

- Après, la peur de déplaire aux autres, on s'en débarrasse avec ce que j'appelle le j'm'enfoutisme curatif. Être tellement géniale, qu'au fond leur avis rien à faire. Ils parlent, et jusqu'à preuve du contraire, ce sont de toutes façons des imbéciles. En parvenant à allier ce côté "rien à faire de leur avis à ces idiots" sans devenir méprisant, certes un équilibre difficile, on finit par avoir beaucoup moins de difficultés à s'exprimer, à avoir des connaissances, des contacts, ou des amis si on peut s'en permettre le luxe. Il faut réussir à pouvoir dire tout ce qu'on veut quand on veut, tout en disant aussi des choses pertinentes. Il faut un minimum d'aisance sociale, je pense qu'un don comme celui de lire les visages peut aider dans ce sens. Avec ça c'est facile de pouvoir prédire ce qu'une personne a envie que vous disiez pour lui plaire.

Kjerstin confirma qu’elle usait de sa rationalité pour éviter les déclenchements de son don ; ainsi, elle dépersonnalisait les autres en n’en faisant que des résonnances intellectuelles. Pour les amis qu’elle avait eut, elle se les était faits comme tout le monde. Par une méthode qu’Amy usait également d’ailleurs.

Ce qui inquiétait plus Nephilim cependant fut qu’en plus de manger, l’avocate reprit la route. Kjerstin devait être multitâche, mais de la à se concentrer sur la conduite, l’ingestion et la discutions. L’italienne n’osa cependant rien dire, d’une part de peur de vexer l’avocate, d’autre part car cette dernière s’ouvrait, et Amy n’aurait pas voulut briser cet élan.

Kjerstin fit une description des personnes pouvant être ses amis ; et Amy compta les points : Caractère compatible, +1 ; hyper-attachement, heu, 0 ? Centres d’intérêts partagés, +1 ; Indépendance, 0 ; Aspirations pour l’avenir, +1 ; Curiosité, +2 ; Idées saugrenues, +1 ; Chamboulement de vie, -1 ; Réalisme, +1. En fait, Nephilim avait toutes ses chances !

L’italienne , qui souriait déjà en espérant que la description de l’avocate n’était pas trop éloignée de ce qu’elle-même se considérait comme étant, eut un rire franc lorsqu’elle entendit parler de « J’m’enfoutisme curatif ». C’était plutôt sympa comme philosophie, même si Amy savait ne jamais pouvoir l’appliquer à son propre cas.

Bon, les raisons que Kjerstin donnait, que tout être était un idiot jusqu’à preuve du contraire, mettaient l’étudiante en désaccord : il ne fallait jamais juger les gens à moins de les connaitre. L’avocate était en plein délit de faciès. Après, comme elle se voulait tempérante, Amy plaça cette misanthropie non avouée sur le compte d’un simple mécanisme de défense : Kjerstin plaçant l’intelligence en vertu, décréter la stupidité des autres lui permettait de se couper d’eux.

- L’analyse faciale n’est pas une science exacte,

On parvient à lire les émotions, mais ce n’est pas de la télépathie : il n’y a que cinq émotions dites « universelles », bien que l’on compte sept micro-expressions. Le dégoût, la colère, la peur, la tristesse, la joie, la surprise et le mépris sont les expressions à l’origine de toutes celles exprimées par le visage humain. Il faut un grand nombre de micro-expression pour faire une expression « classique », qui exprime alors un éventail bien plus large d’émotions complexes. La honte est par exemple un mélange de colère et de dégoût à l’encontre de soi-même. Les expressions involontaires exprimées sont donc grandement sujettes à l’interprétation. Cependant, dans le cas de la détection de mensonges, les micro-expressions sont un moyen fiable : lorsque l’on ment, on ressent généralement du mépris, pour l’autre qui se laisse berner, ou alors de la peur, si l’on y est forcé, etc. Mis à part les Psychopathes, qui ne différentient pas leur émotions et ne les expriment pas, et certain Asperger, qui n’en ont simplement pas, personne n’est indifférent à ses mensonges. Personne.

Après, dire que lire sur les visages était un atout social, Nephilim n’en était pas véritablement sur. Voire que quelqu’un était triste enjoignait certes à aller le soutenir, mais pouvait se heurter à un refus catégorique si l’autre préférait rester seul. D’un autre côté, si l’on percevait une micro-expression de colère en s’approchant, on pouvait toujours faire demi-tour.

A débattre.

- Vous faites un peu la même chose dans votre travail, non ? Je veux dire, trouver les mots et détecter les mensonges, cela doit faire parti du métier d’avocat.

Sujet: Re: La ligne blanche... [PV : Kjerstin Håtjärnen] Dim 4 Mar 2012 - 2:02

Amy avait en effet raison sur le fait que lire les expressions faciales n'était pas si évident qu'on pourrait le croire... Et comme l'étudiante le supposait, le travail de Kya impliquait une certaine attention de ce côté-là, mais pas seulement pour détecter le mensonge : pour savoir quoi répondre, aussi. C'était un outil immense pour savoir comment manipuler quelqu'un et l'amener où on veut l'amener. Parfois elle devait manipuler des clients, parfois des opposants, parfois des procureurs, avec plus ou moins de succès. Autant dire qu'avec les procureurs ça marchait en général moins bien : ils étaient plus méfiants et savaient que les personnes comme Kjerstin sont des requins. Mais parfois... Occasionnellement... Il y avait un ou deux assistants procureurs qui pensaient avoir fait une "super affaire" en accordant une faveur ou l'autre à Miss Hatjarnen, et avec lesquels elle était en bons termes.

- Non ce n'est pas une science exacte en effet, mais c'est un outil utile pour autre chose que détecter le mensonge. Et parfois un outil trompeur. Mais le fait est que socialement parlant, avec de l'habitude, il permet aussi de savoir quoi dire à quelqu'un pour lui faire faire quelque chose ou le convaincre de quelque chose. Détecter de la méfiance permet d'ajuster son discours pour le rendre moins agressif et transformer une proposition "brutale" en quelque chose de plus "doux" par exemple. Détecter que quelqu'un bluffe ou n'est pas sûr de lui permet à son tour de bluffer, nettement mieux. C'est une part importante du boulot en effet.

La brune repensa toutefois aux expressions décrites par Amy, quand celle-ci évoquait le mépris. Si l'avocate était particulièrement hautaine avec la plupart des gens, et à moitié misanthrope en partie par simple mécanisme de défense contre son pouvoir, elle n'aimait pas ce terme, de "mépris" ; elle accordait un sens important aux mots en général et ne voyait pas le mépris comme étant la même chose qu'être hautain.

- Après il faut se méfier des apparences, il ne faut pas confondre méprisant et hautain. Quelqu'un de hautain se sentira en position de force, à tort ou à raison, et pourra le montrer par certaines expressions. Quelqu'un de méprisant sera hautain *ET* aura tendance à chercher à rabaisser ou se battre contre ceux qu'il considère comme inférieurs. Je me classerais dans la première catégorie : je me sais plus maline que la moyenne, même si je ne suis pas Einstein, et plus à l'aise que les autres socialement de par certains traits de caractère. Cela me mène à être souvent un peu moqueuse, mais jamais vraiment méchante envers qui que ce soit à moins qu'il ne me cherche des ennuis. Quelqu'un de méprisant en revanche, ça sera ces groupes de mutants anti-humains par exemple, ou le District Attorney Fellomen. Ce type me donne envie de lui mettre... Vous voyez, des petites gifles comme quand un enfant dans une famille super-stricte dit un gros mot. Paf ! Une petite baffe, et lui dire "Chut ! Tut ! Tu dis pas ça !". S'il reparle, paf ! conclut-elle avec un air particulièrement amusé, comme si elle pouvait parfaitement visualiser la scène.

Kjerstin démontra également que lire sur les visages pouvait être un atout dans le mensonge ; pas uniquement contre. Savoir le ressentit de l’autre permettait de le manipuler. Amy n’était pas sure que cela soit une bonne chose, mais devait bien reconnaitre que l’avocate avait raison.

Par contre, les deux mutantes n’étaient en rien en accord sur le mépris. Kjerstin défendit son point de vue. Elle conclut même sur une image assez évocatrice d’une mère éduquant son enfant ; Nephilim eut un petit rire, aussi discret que possible, en imaginant l’avocate jouer les éducatrices. Bon, avec son don, même le baby-sitting était une activité à proscrire, mais la scène de la grande suédoise entrain d’enchainer les gifles sur un enfant pas sage – Attorney Fellomen n’évoquant proprement rien à Amy, elle s’accrochait une fois de plus à un clichait – relevait du comique. Même l’avocate semblait amusée par cette idée.

- Pour moi, être hautain et être méprisant sont deux choses différentes : déjà, le mépris est une émotion, alors que l’autre est un comportement. Il y a du mépris dans, comment on dit d’ailleurs, l’hautaineté ? Le mépris c’est ce sentir supérieur envers un individu ou un groupe d’individus, les percevant comme inférieur voir sans intérêt. Il est très présent dans le sarcasme, mais n’implique en rien de rabaisser ou de prouver que les autres sont inférieurs, et encore moins de les violenter. Le mépris peu conduire à se montrer hautain ou sardonique, mais pas violent : c’est le domaine de la colère. D’après ce que je vous ai observée, votre condescendance et votre « hautaineté » ne sont pas grand-chose de plus que des moyens de vous couper des autres. C’est pour leur bien, enfin c’est comme cela que vous devez le percevoir. Donc, vous montrer méprisante envers autrui tient plus de la générosité que du mépris à proprement parler, puisque vous savez que sans cela, il risquerait de trop s’intéresser à vous et de se mettre en danger.

Belle naïveté bien-pensante ; Amy se savait naïve, mais espérait qu’elle ne serrait pas à côté de la plaque avec ses dires précédents. Poursuivre sur ce terrain risquait de braquer Kjerstin, ce qui pouvait être particulièrement mauvais. Ainsi, si elle avait dit cela tout naturellement, l’italienne songea qu’elle aurait peut-être du se taire : même si c’était l’avocate qui avait prit l’initiative d’inclure son propre cas dans la conversation, qu’Amy donna son avis pouvait être déprécié, qu’il soit juste ou erroné.

- Si les groupes anti-mutants n’étaient que méprisant, il n’y aurait ni rixe, ni violence,

C’est la colère, bien qu’elle puisse être motivée par d’autres émotions ou sentiments, qui les poussent à se montrer violents. Pour le District Attorney Fellomen, je n’ai pas connaissance de ce dont qu’il s’agit, mais j’ai compris l’idée.

Nephilim n’osait même pas aller chercher sur internet des informations concernant le type évoqué par Kjerstin ; après sa maladresse de l’instant, elle voulait plus que tout voir sa réaction.

L’avocate avait peut-être raison finalement : la lecture des émotions était utile dans les interactions ; elle allait permettre à Amy de savoir comment réagissait Kjerstin face à ce qu’avait conclut l’italienne. Nephilim s’était toujours servit de cette capacité de lecture pour se rassurer quant aux dispositions des autres par rapport à elle-même, pour contrebalancer sa timidité. Une fois de plus, elle allait agir ainsi ; mais cette fois cependant, elle était face à quelqu’un qu’une décharge d’émotion pouvait transformer en Berserker.

Avant d’avoir peur cependant, Nephilim attendit de voir comment Kjerstin réagissait.

Sujet: Re: La ligne blanche... [PV : Kjerstin Håtjärnen] Lun 5 Mar 2012 - 0:45

La brune resta pensive un moment après qu'Amy ait fini de répondre. Elle mit d'ailleurs ce temps de silence à profit pour terminer le deuxième sandwich et attraper le troisième, avant de boire de nouveau du fameux jus de fruits ; il ne devait plus rester qu'un tiers de la bouteille d'un litre pourtant. Le pouvoir de Kjerstin avait ses petits défauts, et l'un d'eux était qu'elle devait manger plus - BEAUCOUP PLUS - que la plupart des gens afin de rester en forme. Ce type de repas était pour ainsi dire relativement habituel pour elle, et elle grignottait ou buvait divers liquides sucrés à longueur de journée quasiment, même parfois pendant les audiences de longue durée.

Après avoir pris un moment pour réfléchir, il était vrai que l'étudiante voyait juste : dans un sens, le fait qu'elle s'éloigne autant que possible des gens et les analyse de manière aussi froide que possible, chose pouvant clairement passer pour du mépris, était aussi un moyen de leur éviter des misères. S'ils étaient énervants, elle gardait son calme en les voyant comme des idiots. S'ils étaient sympathiques, elle ne s'intéressait qu'au fait qu'ils pourraient lui apporter un quelconque profit personnel, de manière opportuniste donc. Pour le coup en tout cas, la conversation la laissait plus pensive qu'autre chose et ne créait pas vraiment de rage ou d'énervement, ni de stress ou quelque chose de susceptible de provoquer une catastrophe.

Elle se décida finalement à répondre, mais en continuant sur le sujet afin d'éviter de s'attarder sur son cas particulier à elle et elle seule.

- Le mépris est une attitude générale, mais elle mène dans ses extrêmes à des mesures souvent violentes ou moralement plus que condamnables. On a souvent vu des exterminations dont le seul motif était de promouvoir une "espèce supérieure" ou un "peuple meilleur", ou dieu sait quelles autres excuses inintéressantes.

Du coup, la brune se posait des questions concernant les mutants... Certes, pas tous n'étaient des anti-humains qui voulaient la suprématie mutante mondiale, ou autres opinions de ce type. Mais certains avaient des pouvoirs certes inutiles d'un point de vue évolutif, mais pourtant puissants. Très, peut-être même trop puissants. Mère nature s'occuperait rapidement de les éliminer, en privilégiant des mutations "utiles" au niveau des avantages évolutifs proposés, donc, mais à court terme, ces mutants pouvaient très certainement avoir facilement une sensation de domination ou de puissance excessive. C'est ainsi qu'elle demanda, avec un air à la fois curieux et concerné :

- Certains élèves ont parfois ce genre de regard vis-à-vis de vous ? Je veux dire, à l'Institut... Y'a-t-il beaucoup d'élèves ou de professeurs avec ce type d'attitude ?

Kjerstin resta pensive, impassible, ce qui rassura un peu Amy : elle ne l’avait pas braquée. Nulle expression, même involontaire, de colère ou quoique ce soit d’autre. Par ailleurs, la Berserker mit à profit son temps de réflexion pour recommencer sa tranquille ingurgitation. Elle avait une de ces capacités à manger aussi rapidement que proprement qui stupéfiait Nephilim : rien ne sortait des sandwiches, là où elle-même était sure qu’à essayer de manger à cette vitesse, elle aurait toute la garniture qui tenterait de faire du tourisme. La descente de l’avocate impressionnait moins l’italienne, bien qu’elle n’aurait pas voulut faire un concours : elle buvait beaucoup et généralement rapidement, consciente que son estomac secondaire était capable de filtrer rapidement l’eau, mais ne pensait pas aller aussi vite que ce dont elle était témoin.

- Le mépris est une émotion, l’hautaineté une attitude,

De plus, le mépris à lui seul, comme l’hautaineté, n’est pas suffisent pour se conduire violemment : c’est la colère qu’il faut attiser pour arriver à des mesures extrêmes. Si les nazis se sentaient supérieurs aux juifs, cela n’était pas suffisent pour justifier leur extermination, même pour eux. Ils ont dut exciter la colère des gens normaux en diabolisant leur Némésis et en la rendant haïssable pour pouvoir mener à bien leurs objectifs. C’est la colère, non le mépris, qui a rendu possible l’injustice et les atrocités commises à l’encontre d’un autre peuple. Aujourd’hui se serait pareil : certain mutant se considèrent supérieurs, mais à moins d’haïr les humains, ils ne rêveront pas de les exterminer.

Amy aurait put parler des pulsions de mort, mais elle n’était pas là pour démontrer qu’elle avait étudié seule, faute de pouvoir le faire en cours. De plus, elle parvenait difficilement à imaginer le sadisme à l’échelle d’un état, comme cela avait était le cas le siècle précédent.

L’italienne fut un peu désarçonnée par la question de l’avocate.

- ben euh, non. Cela doit se voir chez les élèves, bien que je n’en connaisse pas dans ce cas, mais en tout cas pas chez le personnel enseignant. Puis les caïds que nous avons déjà évoqués ne cours pas l’Institut, et les professeurs les remettent à leur place en cas de besoin. Plus que la plupart des autres, notre école sait et enseigne que les différences ne signifient pas qu’il y a un mieux et un moins bien. Nous croyons que les humains et les mutants sont égaux et peuvent vivre en paix. Mon pouvoir peut certes sembler ridicule, mais je n’ai pas de difformités physiques et il est relativement utile, bien que pas très puissant. Il y en a surement qui se moquent des pouvoirs des autres, mais c’est des gamineries, rien de bien méchant.

Des gamineries, rien de bien méchant... Autant dire que ça, par contre, ça lui rappelait des souvenirs. Ses parents avaient en fait tenu les mêmes propos au sujet de ses deux premières victimes. Le résultat avait été pour le moins édifiant : deux gamins tranchés en deux, net. Enfin en deux... il y avait plus de morceaux que ça en réalité, mais l'avocate n'aimait pas trop se remémorer cet "instant magique" de son passé. Beaucoup étaient nostalgiques du passé, il fallait dire que ce n'était pas, mais alors pas du tout, le cas de la brune. Moins elle y repensait mieux elle se portait. Dans un sens, son avenir était à priori plus prometteut que son passé avait été agréable.

Visiblement en tout cas, la situation dans l'Institut semblait à peu près la même que dans les autres écoles... En général la plupart des gens plus ou moins sympathiques, mais malgré tout des moqueries inutiles pouvant provoquer des problèmes, plus encore dans une école où un gamin pouvait parfois avoir des pouvoirs meurtriers. Rien que le fait d'y penser tira une expression tout à fait involontaire mais parfaitement visible d'à la fois tristesse et inquiétude.

Elle finit par se reprendre, terminant le troisième sandwich sans aucune pitié et ouvrant le sachet de bonbons.

- Prenez-en si vous voulez, commença-t-elle avant d'avoir un léger temps d'arrêt, comme quelqu'un qui vient de faire une gaffe et le réalise instantanément. Enfin... C'est vrai que vous mangez peu, j'oubliais.

Avalant deux bonbons, elle haussa les épaules, avant de finalement répondre :

- En général les gamineries sont souvent plus sérieuses qu'on ne l'imagine, et surtout avec des élèves mutants c'est le genre de chose à prendre plus au sérieux que d'habitude. Enfin j'imagine que les enseignants font de leur mieux, on ne peut pas surveiller un Institut entier en n'étant qu'une vingtaine ou une trentaine de toutes façons... Il faut juste espérer que ce genre de gaminerie ne provoquera pas la création d'une énième faction pro-mutante anti-humains stupide. Souvent la violence est provoquée certes par la colère mais la colère vient aussi d'une envie de vengeance je pense, c'est un sentiment qui se construit lentement mais dès les premières années.

Kjerstin fut à la fois triste et inquiète aux dires d’Amy concernant les sentiments inégalitaires que l’on pouvait rencontrer à l’Institut comme dans n’importe quelle école.

Cependant, elle reparti très vite, achevant son dernier sandwich puis s’attaquant au paquet de bonbons.

Nephilim eut un grand sourire lorsqu’elle lui proposa les sucreries. S’il était intéressant de voir que l’avocate plaçait le don avant l’être, considérant que l’italienne ne prendrait de bonbons puisqu’elle disposait d’un organisme autotrophe, le simple fait que Kjerstin eut proposé les sucreries était un signe de sympathie flagrant.

- Les bonbons c’est pas de la fin, c’est de la gourmandise,

Elle attrapa l’une des sucreries alors qu’après en avoir avalé deux, Kjerstin reprenait la parole.

- Les mutants ne sont pas si différents des humains ; nos psychologies sont semblables

Il y a certes des risques qu’un mutant dotés de grands pouvoirs se croie réellement supérieur, cependant il n’y a pas de grandes différences avec quelqu’un de la classe supérieure. Le cadre et les valeurs enseignées feront la différence, je ne pense pas que la mutation altère à ce point la psyché. L’Institut prône l’égalité et la cohabitation pacifique entre humain et mutant, et il me semble impossible que des élèves ayant apprit en son sein puissent par la suite faire parti d’organisation antihumaine. Beaucoup voient la philosophie de l’Institut comme du professeur Xavier comme utopiste, mais on y croit. En tout cas, moi j’y crois. Et puisque personne ne nous force à rester, je pense que la totalité des résidents doivent être également en accord avec cela.

Amy réfléchit quelques instants aux raisons évoquées par Kjerstin concernant la violence. Du point de vue de Nephilim, la colère était un précurseur à la vengeance, non-pas l’inverse : sans la colère, la plupart des gens renonceraient à chercher vengeance. Mais l’implication de la violence dans la colère était par contre elle tout à fait exacte ; la vengeance est un plat qui se mange froid, comme on dit ; aussi froid qu’un cadavre.

- Il ne faut pas vous en faire, l’Institut c’est pas un endroit difficile. Le premier truck c’est que c’est grand, très grand ; je suis incapable de vous dire combien de temps j’ai mis avant de ne plus me perdre dans les couloirs. Sinon, c’est plutôt sympa, convivial. Inutile de vous en faire à mon avis. Au pire, prenez votre air intimident de femme d’affaire et aucun élève osera rien vous dire.

Amy sourit une nouvelle fois ; Kjerstin pouvait se montrer intimidante, dans son tailleur sobre et professionnel. Elle pouvait faire montre de l’attitude froide et renfermée dont elle avait fait usage lors de leur rencontre, et du point de vue de Nephilim, personne n’aurait prit le parti de venir la taquiner. De plus, elle avait l’alibi parfait pour ce rendre à l’Institut, et avec un peu de chance, seul certains membres du corps enseignants – ceux concernés par son problème – seraient au courant pour les motifs officieux de sa visite.

- Vous n’avez aucune raison de vous en faire ; pis au pire, je suis là,

Prônant la cohabitation, la coopération, et la discussion... Ca semblait trop beau pour être vrai et Kjerstin savait d'expérience que même si les dissenssions éventuelles n'étaient que peu visibles, il y en avait forcément. C'était malheureusement la nature humaine, et aucun gène ne changeait cela, mutants et humains y étaient soumis. Le besoin de pouvoir, d'avoir raison, de faire ce que l'on voudrait faire, ou d'imposer ce que l'on pense juste... au fond, même ceux que beaucoup considèrent comme "les héros" ou "les gentils" qui se battent contre "les méchants" ne sont pas très différents de leurs adversaires, aux yeux de l'avocate. Les deux imposent leur point de vue et leur vision de la justice par la force, la seule différence est que l'une des deux visions est plus communément acceptée par les règles morales de la société. Dans une autre société, ayant un passif culturel différent, ce sont peut-être les "méchants" qui seraient les "gentils" et vice-versa...

- Certains restent peut-être aussi parce qu'ils ne savent pas trop où aller d'autre, mais enfin chacun doit avoir ses raisons. De toutes façons visiblement les enseignants sont vigilants...

C'était aussi ça que Kya n'aimait pas avec les divers groupes mutants. Chacun tente d'imposer une vision unilatérale aux autres sans chercher le moindre compromis digne d'intérêt, mais quelque part c'était aussi l'histoire de l'humanité.
Sortant de ses pensées, la brune allait commencer à répondre quand elle aperçut finalement sa destination, tout en terminant le jus de fruits :

- Ah ! On y est visiblement. dit-elle d'un air assez neutre, ne semblant pas être particulièrement excitée ou autre chose du genre. Je tenterai de n'intimider personne avec mon air de femme d'affaires ! conclut-elle avec un sourire amusé.

Se garant où elle pouvait, elle coupa le moteur de la voiture, prenant les bonbons avec elle dans sa sacoche, avant d'ouvrir la portière et observer le bâtiment avec un léger air d'appréhension...