Arrivées en Série [ Holly & ... ]

New York, New York. Le Soleil déclinait. New York, New York. Les lumières de la ville s'allumaient. New York, New York. La nuit approchait. C'est beau une ville la nuit. Mais pas très sûr. Surtout quand on parle de la Big Apple. Deux jeunes filles perdues dans ses bas-fonds n'auraient pas beaucoup de chance d'en ressortir aussi joviales qu'elle y était arrivées. Et malheureusement c'est ce qui semblait se profiler à l'horizon pour les deux sœurs McCracken, si elle ne rejoignait pas vite un lieu sûr. La Confrérie n'était pas forcément l'endroit le plus sûr qu'elle puisse trouver, mais c'était le seul refuge que leur condition de mutantes leur permettait d'approcher. Alors que la plus âgée, Holly, semblait déjà en connaitre l'emplacement, Wednesday, la plus jeune, était tout à fait perdue dans les serpentement de la ville. Très étonnée que sa sœur connaisse cet endroit, une question lui vint à l'esprit. N'était-elle pas mutante elle aussi? Par le passé, Wed n'avait jamais rien vu de tel chez Holly. Mais les évènements récents et leurs retrouvailles lui démontrait le contraire. Que s'était-il passé pour qu'elles se retrouvent en une fraction de seconde deux rues plus loin? Téléportation? Temps arrêté? C'était à n'y plus rien comprendre pour Wednesday. Elle oublia vite sa question, trop émue de retrouver sa sœur après toutes ces années.
C'était surement enfantin et inutile de fondre en larmes pour ça, mais Wed était vraiment du genre à se laisser submerger par toutes les émotions possibles. Et c'est ainsi qu'elle redevint la petite sœur que l'on doit protéger, juste une enfant insouciante qui faisait souffrir les autres à sa place. La culpabilité. Wednesday aurait du la ressentir depuis si longtemps. Une lourde culpabilité. Elle ne commençait que maintenant à s'en vouloir pour tout le passé. A s'en vouloir pour avoir fait souffrir Holly. Pour n'avoir jamais pu affronter son père en face. Pour l'avoir toujours vue frappée, violentée, et ne jamais avoir rien fait pour l'arrêter. Mais Holly elle ne lui avait jamais montrer d'animosité, de rancœur. Leur relation était si étrange qu'elle semblait ne pas s'être arrêtée à ça près, et avait fini par se murer dans le silence.
Malheureusement le malheur revint sur les deux sœurs comme un essaim de guêpes sur du miel. Les loubards qui avaient tenté d'agresser Wednesday quelques instants plus tôt venaient de refaire surface, et se dirigeait de façon ostentatoire vers elles. Sans qu'elle ne puisse rien comprendre, le temps suspendit son cours. Les oiseaux étaient figées, toutes ailes déployées dans le ciel, les passants étaient des statues, un pied en l'air, et les hommes de mauvaises manières se retrouvaient comme du marbre, avec leur sourire affreux. Wednesday était de plus en plus larguée. Elle avança un bégaiement à l'adresse de sa sœur, qui ne lui répondit par une série, lui indiquant qu'elles allaient déguerpir vers la « Confrérie ». Elles coururent vers une bouche de métro et sautèrent dans la première rame ouverte avant que le temps ne reprenne son cours. Wednesday essaya de ne pas noyer sa sœur dans un flot de question pendant le transport, mais ça crevait l'œil qu'elle ne comprenait vraiment plus rien à rien. Remarque, Holly aurait surement eut des difficultés à répondre à un tel torrent de phrases.
Elles ne parvinrent à la Confrérie qu'à la fin de l'après-midi, alors que le soleil entamait sa descente dans le monde de la nuit. Wed laissa sa sœur ouvrir la porte, préférant éviter de se rendre ridicule en ne parvenant pas à l'ouvrir. Oui, Wednesday avait toujours du mal avec les portes. Elle se contenta de se planter à coté, et regarder fixement sa sœur. Elle essayait d'analyser, de décrypter son regard si dur, si triste, qu'elle avait l'impression n'avoir jamais vu aussi prononcé. Il lui était surement arrivé quelques d'atroces, une fois de plus. Loin de Wednesday.

-Ho... Holly... Que s'est-il... passé? essaya t'elle, la voix un peu voilée.

Elle ne savait pas pourquoi, ni à quel sujet elle venait de dire ça. Elle ne savait pas si Holly lui répondrait, et ne savait même pas non plus si elle tenait à avoir une réponse. Sa question pouvait porter sur tout ou rien, sur les évènements de la journée, sur leur coté mutant commun, sur ce qui avait changé en elles.
Le silence s'installa. Comme toujours. Tant que Wednesday ne parlait plus, le Silence dorait la scène. Mais qu'était ce silence? L'absence de son sortant de la bouche de Holly? Ou Seulement une absence de réponse, quelle qu'en soit la forme? Entre Holly et Wednesday, ces notions semblaient ne plus exister, et laisser place à 'émotion, et aux liens, du sang et du cœur, qui les liait.

Elle savait qu’incessamment sous peu, tout un tas de questions s‘abattraient sur elle… Mais également que Wednesday était en état de choc et que par conséquent elle devait se montrer la plus douce possible pour ne pas perturber d’avantage sa jeune sœur. Le regard qu’elle lui jeta après son intervention en disait long sur ce qu’elle pouvait bien penser, et Holly s’y attendait bien. Elle avait agit sans vraiment réfléchir aux conséquences de ces actes… Le lendemain matin, elle serait probablement en première page comme la fille muette qui apparaît puis disparaît sans crier gare. Elle s’en contrefichait un peu à vrai dire, mais, la chose qui lui faisait réellement peur, était l’idée même que son père pourrait lire le journal ou regarder la télévision le soir et ainsi retrouver ses deux martyres. En réfléchissant bien, qu’avait-il à perdre son temps à chercher ses deux rejetons ? Le grand Bert McCracken serait probablement bien assez occupé le lendemain à se droguer, boire, ou encore s’occuper de faire jouir comme il le sait si bien ses catins adorée…

Durant le trajet du métropolitain, les deux jeunes filles se tassèrent dans un des sièges peu confortables qui faisaient toute la réputation de ce moyen de locomotion extraordinaire. Un silence de mort régnait alors qu’Holly berçait sa soeurette pour la réconforter et surtout la rassurer. Qu’avaient-elles à parler, après tout ? Elles venaient de se retrouver, dans des circonstances certes peu communes, mais elles venaient de se retrouver ! Il n’y avait rien à dire, l’aînée n’étant pas très expansive n‘aidait pas pour autant.

Ah, New-York… La Grosse Pomme, la ville qui ne dort jamais. Finalement, New-York en plein jour, ce n’était pas plus laid que New-York en pleine nuit… Sauf lorsqu’on le visitait grâce, ou plutôt à cause d’un métro minable. La cabine, décorée de merveilleuses affiches publicitaires dont la plus part décollées et de graffitis soigneusement esquissés, était remplie de personnes toutes plus intrigantes les unes des autres… Des Zonars qui passaient leur journée à faire la manche en distribuant de petits papiers pour qu’on puisse les plaindre de leur petite vie insignifiante tout en leur donnant les quelques pièces restées au fond de notre porte-monnaie qui payerait le repas qu'ils n'étaient pas foutus de s'offrir par leurs propres moyens; aux pakistanais qui empestaient le curry par tous les pores de leur peau, et qui n’étaient que des terroristes en puissance; en passant par les actionnaires de Wallstreet, autoproclamés maîtres de l’univers avec leur compte en banque; ou encore les vieilles friquées avec leurs foulards Gucci à 500 dollars/pièce, qui passaient leur temps à se faire tirer la peau à coups de liftings, stretchings et autres du genre sans tromper personne, et qui étaient pourtant dans le métro à défaut de limousine, … Attrayantes toutes ces petites gens, non ?

Le moment des concessions arriva une fois la Confrérie atteinte… La fixant, McCracken savait que sa sœur n’attendait qu’une chose : Qu’elle parle. Mais malheureusement, cela ne lui était plus possible comme auparavant. Ce changement n’avait pas été seulement psychologique… Il avait été surtout physique. Traumatisée, elle avait comme qui dirait « bloqué » les organes qui lui servait à prendre parole : Ses cordes vocales.

-Ho... Holly... Que s'est-il... passé? Lui demanda-t-elle, encore bien hésitante.

Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle prenne le temps de lui expliquer tout en détail, Holly ne s’arrêta pas dans sa marche vers la porte d’entrée. Sans plus attendre, elle tapota doucement sur une pierre et une sorte de digicode apparu. Elle composa alors le code demandé et une autre chose singulière fit son apparition : Un analyseur d’empreintes. Délicatement, elle déposa le bout de son index dessus avant de se le faire scanner et d’entendre une voix synthétisée dire très distinctement :

« Mutante reconnue par l’ordinateur central : Holly McCracken, bienvenue au QG. »

Les prouesses technologiques de cet endroit étaient vraiment ahurissantes. Une immense porte métallisée s’ouvrit et prenant la main de Weddy, elle lui fit signe d’entrer. Lorsque tout se referma derrière leur passage et que la jeune mutante se retourna, ce fut un visage en larmes qu’elle vit, qui appartenait à une personne bien émotive à son goût. En bonne grande-sœur qu’elle était, elle la fit s’asseoir à nouveau, mais cette fois-ci sur un fauteuil bien confortable pour la calmer et surtout la laisser retrouver petit à petit ses esprits.

Des questions virent alors également surgirent dans son esprit : Si elle n’était pas mutante, elle ne pourrait pas rester, sans cela elle prendrait le risque de se faire tuer.. Mais, ce plan qui menait jusqu’ici n’était pas tombé dans ses mains par hasard, elle était forcément capable de quelque chose. Réfléchissant bien, Holly se souvint de plusieurs évènements étranges qui s’étaient produits en la présence de Soeurette et seulement en la sienne : Leur père avait fait des crises d’angoisse abominables… Qu’il lui communiquait par on ne sait quel moyen apathique tout aussi étrange. Et si cela avait été le début de sa révélation génétique ?

Pas plus de compréhension à l'horizon pour Wednesday. C'était devenu un lot commun, à force. Elle ne comprenait jamais rien, et le plus souvent personne ne trouvait d'intérêt à lui expliquer. En même temps, tout le monde l'avait toujours prise pour ne petite gamine attardée, agissant à l'impulsivité, et se fourrant toujours dans les pires situations, et il était vrai qu'elle s'était bien confondue dans ce rôle. Peut-être qu'aujourd'hui elle s'y trouvait enfermée, et qu'elle aurait bien voulu accéder à une nouvelle vision du monde. Mais grandir était beaucoup trop dur pour elle. Et Wednesday croyait ne pouvoir vivre uniquement dans l'enfance. Elle regardait toujours olly comme un substitut à son irresponsable mère, peut-être parce qu'elle était la seule à jamais avoir voulu la protéger. C'était toujours Holly qui prenait les coups pour elle, quand Wednesday avait fait une bêtise, ou s'était réveillée en hurlant au beau milieu de la nuit. La plus jeune des McCracken s'en voulait terriblement, non seulement d'avoir causé autant de souffrance à sa grande sœur, mais aussi d'avoir surement causé son silence. Rien ne pouvait arracher cette culpabilité qui lui enserrait le cœur, pas même le regard doux et aimant de Holly.
Mais la vie poursuivait son cours, et les sœurs McCracken se retrouvaient maintenant devant la Confrérie. Laissant la question de Wed sans réponse, Holly effectua toute une batterie de tests technologiques afin d'entrer dans le bâtiments. Pour continuer sur sa lancée, Wednesday ne comprit toujours rien à rien à ce qui se passait. Elle regardait sa sœur avec un air ahuri qui lui était propre, ses yeux globuleux exorbités, la bouche ouverte de travers. Cet air avait normalement le don de faire rire qui que ce soit, mais la situation ne s'y prêtait pas encore. Holly entraina sa sœur à l'intérieur de la bâtisse, et la fit s'assoir sur un sofa de cuir rouge à l'air flambant neuf, dont la vie avait quand même surement été quelque peu mouvementée, au vu des coutures rafistolées, d'une main semble t'il experte. Une sorte de soif de compréhension revint comme un fleuve sur Wednesday. Cette fois elle ne put la réprimer, l'incompréhension étant trop forte.

-Qu'est-ce que c'est cet endroit? Qu'est-ce qu'ils y font? Pourquoi on en a entendu parler? Pourquoi t'y est déjà avant moi? Est-ce que tu es mutante? Toi... aussi? questionnait-elle à une vitesse folle.

Les mots se déversaient dans sa bouche et se répandait comme un refrain accéléré dans la pièce, d'une voix légèrement voilée, mais en même temps excitée. Wednesday ne pouvait se retenir, même si ce flots incessant de questions serait surement dur à combler pour Holly. Et brutalement, son long torrent de sons s'arrêta, laissant tomber un lourd silence. Weddy regardait sa sœur avec intensité, les yeux humides et chauds, alors que celle-ci lui rendait un regard si doux à la fois serein et inquiet. Le silence de Holly dura comme toujours, puisqu'elle ne pouvait le briser de la façon dont les gens dits « normaux » l'entendait. Et c'était dire le mépris qu'elles avait pour ces gens. Ce silence n'était pour l'instant qu'une absence de réponse, de communication sous forme verbale. Et Holly le briserait en prenant son calepin et son crayon, et en noircissant l'une des feuilles de sa belle écriture fine.
Wednesday repensait à tout ce temps qu'elles avaient passé ensemble, et à tout celui qu'elles avaient passé loin l'une de l'autre. Wednesday n'avait jamais vraiment voulu que sa mère la malmène n'importe où, mais contre ses deux parents fantasques, elle ne pouvait rien. Alors que Holly devait rester toujours chez Bert, et subir ses colères. L'absence semblait les avoir toutes deux ravagées. Weddy avait besoin de Holly, comme une grande sœur qui la réconfortait, et lui transmettait un peu d'amour. Tout comme Holly avait besoin de Wednesday, comme confidente, et là seule avec qui elle arrivait à s'exprimer de presque toute le façons imaginables, sans jamais aucun préjugés. Résumer leur relation comme ça, était pourtant surement un peu réducteur, tant elle était basée sur les regards, les silence, les non-dits, la complicité, et une formidable émotion.

Alors qu’Holly se faisait reconnaître pour pénétrer dans les locaux de la Confrérie par l‘ordinateur central, elle remarqua sa jeune demi-sœur, bouche bée, et les yeux lui sortant presque des orbites… Elle ne put s’empêcher de laisser s’esquisser un très léger sourire au coin de ses lèvres, voir sa sœur aussi ahurie pouvait avoir un petit côté comique. Souvent, Wednesday était trop émotionnelle, et elle ne savait pas se contrôler… La mutante aurait voulu lui apprendre à cacher ce qu’elle ressentait, car ce n’est pas en se dévoilant qu’on parvient à garder la part de mystère qui peut parfois surprendre. Comme pour essayer de camoufler jovialement sa remontrance, elle lui remonta en un petit coup d’index la mâchoire inférieure avant de lui faire un clin d’oeil,espérant la faire relativiser par la même occasion.

Après lui avoir gentiment fermé son clapet, la porte principale s’ouvrit et elles purent pénétrer dans l’enceinte de la Confrérie. Ce n’était pas l’endroit le plus décoré et jovial au monde, mais au moins, il était sûr. Les murs et autres meubles étaient entièrement faits de métal, et quelques fauteuils étaient recouverts de cuir pour leur donner un minimum de confort. Holly la fit s’asseoir sur l’un d’eux.

Elle savait qu’elle devait s’attendre à recevoir tout un tas de questions de la part, surtout sachant que sa sœur était une des personnes les plus bavardes qu’elle n’ait jamais connue. Elle était vraiment intarissable lorsqu’elle le voulait, une vraie pie… Un juke-box qui ne s’arrêtait jamais. Et parfois cela avait le don de l’énerver.

-Qu'est-ce que c'est cet endroit? Qu'est-ce qu'ils y font? Pourquoi on en a entendu parler? Pourquoi t'y est déjà avant moi? Est-ce que tu es mutante? Toi... aussi? Dit-elle sans prendre la moindre la moindre pause.

Hours se demandait comment elle pouvait encore respirer, peut-être le don d’apnée était également présent chez elle ? Elle comprenait qu’elle était perdue, mais chaque chose en son temps… Elle ne pouvait parler, alors pourquoi lui poser tout un tas de questions d’un seul coup ? Non, il fallait d’abord que Weddy se calme. Elle savait qu’elle s’attendait probablement à ce qu’elle prenne une feuille de papier et écrive tout ce qu’elle voulait savoir, mais ce ne fut pas pour la satisfaire qu’elle fouilla dans son sac… Elle sorti un mouchoir et essuya maternellement les larmes de sa soeurette.

Alors qu’elle s’apprêtait à la rejoindre sur le fauteuil pour tenter de lui expliquer ce dont elle avait besoin de savoir, un bruit la coupa. Il s’agissait une nouvelle fois de l’ordinateur qui mettait en marche l’entrée. Holly se retourna alors d’un bond lorsqu’elle entendit…

« Mutant reconnu par l’ordinateur central : Jared Wilcott, bienvenue au QG. »

Sa surprise ne fut que plus forte en ayant une vision d’horreur, une fois que Sinner entra à l’intérieur : Il était recouvert de sang… Voulant lui porter assistance, elle prit un second mouchoir dans son sac et s’avança vers lui pour l’aider à essuyer les tâches qui coagulaient sur ses vêtement sombres, mais alors il s’avança brutalement vers Wednesday en la pointant du doigts.

« Qu'est-ce qu'elle fait là ??? Qui est cette jeune fille ?»

Lorsqu’elle vit qu’il s’apprêtait à lui glacer les veines, elle s’empressa de se mettre en face de sa petite sœur, pour la protéger. C’était étrange comme Holly connaissait bien cette position de défense… Elle avait l’impression que le passé rattrapait les deux sœurs par cet acte. Jared se retourna vers elle avec rage.

« C'est toi qui l'a amené ici ?....»

Un rapide hochement de tête se remarqua alors chez elle, mais elle resta en face de Wed’. Un quart de second plus tard, un papier se retrouva dans la main de Sinner, sans même qu’il n’ait le temps de le remarquer. C’était un billet écrit à la va-vite par la muette, bien entendu.



Avant même qu’il n’ait eu le temps de finir sa lecture, le plan en question se retrouva dans son autre main, accompagné d’un second billet.



En réalité, elle espérait surtout que Wednesday était mutante, car, il en allait de sa vie... De toutes façons, au moindre geste elle était prête à stopper à nouveau le temps pour fuir.

Wednesday avait le don d'énerver les gens. A chaque fois qu'elle ouvrait la bouche, que ce soit pour garder son air ahuri ou pour débiter un flot de paroles inutiles, tout le monde la regardait d'un air mauvais ou riait d'elle. Il n'y avait semble t'il que Holly qui s'y était habituée. Même si la manie de sa sœur de parler à tout bout de champ et son incroyable don pour s'attirer les ennuis devait, à force lui taper sur le système. Avant, Weddy ne s'en était jamais vraiment rendue compte. Mais c'est en voyant le léger embarrassement dans le regard de sa soeur à la fin de son torrent de question, qu'elle se sentit alors comme encore coupable de lui causer autant de problèmes. Elle se sentait aussi presque coupable de pouvoir, elle, parler, alors que Holly ne le pouvait plus depuis longtemps. Surement aurait elle tout donné pour entendre à nouveau le son de sa voix. En réalité, elle ne l'avait jamais vraiment entendue que dans sa toute petite enfance, comme une autre voix de petite fille. Que serait sa voix aujourd'hui, si elle se remettait à parler? Personne, pas même Wednesday n'aurait pu le dire. Le mystère de sa voix resterait entier, tant que ses cordes vocales resteraient verrouillées.
La jeune McCracken se laissait une nouvelle fois materner, comme un pauvre bébé apeuré. Holly était toujours là pour elle, pour la consoler, la réconforter, la protéger. Et elle Wednesday, que faisait-elle pour sa sœur? Rien. Weddy avait l'impression de ne pas mériter tout cet amour qu'elle lui transmettait. Elle aurait aimé tout lui donner, tout ce que son petit être pouvait faire, trouver, et même au-delà. Mais malheureusement, son immaturité ne l'aidait pas. Alors qu'elle culpabilisait une fois de plus, et que Holly essuyait doucement ses larmes, la voix métallique de l'ordinateur central se fit à nouveau entendre, ce qui fit presque sursauter la jeune Wednesday.

« Mutant reconnu par l’ordinateur central : Jared Wilcott, bienvenue au QG. »

Quoi? Encore un qui débarquait? Dites cet établissement étrange n'était pas un peu du genre moulin? Cette réaction de la part de Wednesday était peut-être un peu exagérée. Mais elle n'aimait pas vraiment qu'on la dérange en plein moment d'émotion, de réflexion, et surtout dans une posture de petite fille si peu avantageuse. Elle essaya de sécher ses larmes de façon plus radicale, au lieu de laisser lentement faire Holly avec son mouchoir. En appuyant si fort ses mains, et presque ses poings entiers, sur ses yeux globuleux, elle se fit presque mal. La maladresse était l'un de ses pires défauts, malheureusement. Elle réouvrit lentement ses yeux rouges, dus aux pleurs et à la tentative ratée de les camoufler, et entrevit le visage ensanglanté du mutant qui venait de faire son entrée dans le hall. Elle ne put réprimer un mouvement de recul, même si, pour avoir déja vu ce genre d'apparition dans des cauchemars, elle aurait du y être habituée. Justement, ces cauchemars, même si elle les connaissait par cœur, et qu'elle aurait du pouvoir les dominer, lui restait tous gravés en mémoire, et la terrifiait toujours autant à chaque réminiscence.
Elle n'eut malheureusement pas le temps de s'attarder sur ses précédents mauvais rêves que le dénommé Jared Wilcott entra dans une colère noire, dès qu'il se rendit compte de sa présence.

« Qu'est-ce qu'elle fait là ??? Qui est cette jeune fille ? »

Wednesday ne pouvait supporter qu'on s'énerve sur elle. A cause des milliers de crises de colères de son père, dès qu'elle faisait une bêtise, ou même sans raison. Et toujours, c'était Holly qui s'interposait et prenait par conséquent la gifle, ou pire encore, qui était destinée à sa jeune sœur. Parfois, Holly n'était pas là, et Wednesday se faisait elle aussi battre à son tour, mais bien plus rarement. Elle s'en voulait de plus en plus de l'avoir toujours laissé tout prendre à sa place, par sa faute. Quand, une fois de plus, Holly se posta devant elle, Weddy esquissa un mouvement pour l'en empêcher, mais sa main ne put l'atteindre. Cette incapacité à protéger elle aussi sa grande sœur fit à nouveau revenir les larmes dans ses yeux. En une fraction de seconde, les choses s'accélérèrent, ou ralentirent, ou s'arrêtèrent même.

« C'est toi qui l'a amené ici ?....» Poursuivit Jared à l'attention de Holly.

Le temps changea alors brusquement, comme un sablier qu'on agite, et Wednesday ne comprit plus vraiment l'enchainement des évènements, comme un mécanisme qui s'enrayent. Elle voyait sans comprendre sa sœur agir, griffonner son petit calepin et tendre un papier et le fameux plan à l'autre mutant. Alors qu'elle suivait la scène de son air ahuri, elle ne pouvait glaner que des bribes de phrases, des mots au hasard sur le carnet de sa soeur, des mots qui ne s'enchainaient pas très bien, comme « une mutante également » , « le même plan » , « Ce n’est pas une intruse » , « Calme-toi ». Bien sur c'était à n'y plus rien comprendre.
Wednesday était consciente que le doute persistait quand à sa condition de mutante. Malheureusement elle ne pouvait faire une démonstration maintenant, son pouvoir n'étant pas du genre à se laisser faire.

- Tu sais, Holly... commenca-t'elle, sans pouvoir aller au bout de sa phrase.

Une douleur lancinante venait de lui envahir la tête. Elle poussa un terrible cri et se recroquevilla sur elle-même, les mains sur les tempes. Comme un cri assourdissant au milieu de ses souvenirs. Beaucoup de cauchemars lui revenait en pleine face, un fantôme à la tête pleines de vers, un homme avec un couteau et un masque blancs, une ombre noir à forme multiple, chauve-souris, dragons... Des peurs revenues de loin, des peurs qu'elle aurait toujours préféré oublier. Cet embardement ne signifiait qu'une chose, la machine allait se mettre en marche. Son cerveau ne pouvait plus contenir autant de craintes, et allait tenter de les évacuer. La surcharge, puis la décharge. Tous les gens dans les environs allaient vivre ou revivre la pire crainte de leur vie.

-Vous allez avoir... tous... très peur, hacha-t'elle au milieu des cris assourdissants qui résonnaient dans sa tête.

Il n'y avait rien à faire. Attendre la décharge. Attendre la terreur. Une embardée telle était incontrôlable. Wednesday avait bien essayer quelques fois de la diriger, ou même de la diminuer, ou encore de la déclencher par elle-même, mais rien ne fonctionnait. C'était son propre subconscient qui décidait.

Comme Holly aurait voulu remonter le moral de sa sœur… Comme à chaque fois qu’elle tenait de la consoler, l’envie de parler lui brûlait les lèvres. Il y avait tant de mots qu’elle aurait aimé prononcer pour lui soutirer le moindre pincement de lèvres ou sourire … Mais pourtant cela lui était strictement impossible : Pas même un son pouvait sortir de sa bouche. Les gestes restaient alors son seul moyen de communication. Certes, elle aurait pu prendre, comme à son habitude, du papier et un stylo pour lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur, mais ce n’était pas par l’écriture qu’elle voulait lui dire qu’elle l’aimait, ou qu’à présent elle était en sécurité, et qu’elle ferait tout pour que, plus jamais, ô grand jamais, elle n’aurait à revoir leur père…

À défaut de parole, elle la prit donc dans ses bras, et lui baisa le front tendrement. Avoir Wednesday ainsi, contre elle, fut une sensation plus qu’agréable. Les gestes de tendresses qu’elles échangeaient avaient toujours été un moment particulièrement apprécié par Hours qui n’avait jamais vraiment eu droit à de l’amour de la part du reste de la « merveilleuse et unie » famille McCracken.

Holly savait que sa jeune sœur culpabilisait toujours pour tout ce qui leur arrivait, et même si au fond, elle avait raison, l’aînée refusait sans cesse d’y croire. Pour elle, leurs malheurs n’étaient dus qu’au hasard, et Weddy n’en était que la victime…

Jouer les souffre-douleur pour elle n’avait pas été pour autant une partie de plaisir, et de nombreuses cicatrices encore présentes sur son corps en étaient témoins.

De chaudes larmes coulaient sur les joues pâles de sa petite sœur, et elles lui brisèrent le cœur. Tous ses gestes censés être réconfortants avaient été vains : Wed était toujours en panique totale. Ne sachant plus quoi faire, elle se résigna. La voyant qui séchait ses larmes grâce à sa manche de pull, elle fouilla dans son sac et sorti un mouchoir de papier blanc. Relevant lentement la tête de la fillette elle lui essuya lentement le visage alors qu’on entendit…

« Mutant reconnu par l’ordinateur central : Jared Wilcott, bienvenue au QG. »

Il s’agissait d’une voix synthétisée, la même que celle qu’elles avaient entendue en entrant… Sauf que cette fois-ci, elle annonçait l’entrée du nouveau confrère d’Holly, celui qui l’avait accueilli au premier jour de son arrivée : Sinner.

Wednesday, comprenant qu’une nouvelle personne arrivait, arracha directement le papier des mains de la muette et s’essuya ses deux joues bien en chaire avec une force herculéenne… Elle eut beau tenter de la faire arrêter, Weddy l’en empêcha. Cela l’énerva alors : Pourquoi diantre refusait-elle son aide ? Surtout lorsqu’à la place elle se faisait du mal !

Alors qu’elle s’apprêtait à faire comprendre à sa sœur que sa comédie durait trop à son goût, des bruits de pas l’arrêtèrent. Ces pas étaient ceux de Jared, mais ils étaient lents et irréguliers…

Holly se retourna alors et ce qu’elle vit confirma ce qu’elle imaginait en l’écoutant…

Le mutant était bancale, il avait le visage ensanglanté.

Ne pensant qu’à l’aider en oubliant même sa sœur qui pleurnichait derrière, elle sorti un second mouchoir de son sac et s’approcha de lui pour l’aider à s’essuyer, mais recula aussitôt lorsqu’elle vit que ce n’était pas le sang qui le rendait rouge de colère.

Ses yeux crachaient du feu et sa bouche haletait lorsqu’il pointa méchamment du doigts sa soeurette… Et lorsqu’il lui cria dessus, s’en était trop ! Elle se planta entre les deux autres protagonistes de la scène : Crier sur sa sœur ?! Hors de question !

Il faisait réellement peur à voir, déjà dégoulinant de sang, la colère ne l’arrangeait pas. S’il continuait à s’énerver, il tomberait au sol tel un morceau de bois.

Elle n’était pas corps-à-corps, et savait pour y avoir déjà goûté, que même si Jared était juste impulsif, son pouvoir était ravageur… Par conséquent, elle devait agir, certes vite, mais surtout subtilement.

La violence engendre la violence, donc la diplomatie engendrera un probable retour au calme. Une petite feuille de papier apparue dans la main du Confrériste avant qu’il n’ait eu le temps de s’énerver à nouveau. Il s’empressa de la lire en surveillant du coin de l’œil les deux jeunes femmes…

Holly vit dans ses yeux tout un tas de questionnement lorsqu’il releva la tête, un plan accompagné d’un second billet apparurent alors. C’était dingue tout ce dont elle était capable sans que personne ne s’en aperçoive, son pouvoir était assez exceptionnel.

Un regard qu’elle connaissait bien se posa alors sur elle… Celui qui disait qu’elle avait des comptes à rendre. Sinner regroupa tout ce qu’il avait en ses mains avant de dire à voix basse :

« Quel est son don...?»

Au moins, tout ce qu’elle lui avait montré l’avait calmé. Cela la rassura, du moins un temps… Car elle entendit sa sœur dire quelques secondes plus tard :

- Tu sais, Holly... Dit-elle sans finir sa phrase.

Elle se retourna vers elle. Cela ne présageait rien de bon. Elle s’attendait à ce qu’elle dise simplement ce dont elle était capable, et ainsi faire découvrir aux deux Confréristes l’étendue de ses capacités, mais pourtant cela ne fut pas tout à fait ce qui arriva.

Wednesday n’allait pas bien, pas bien du tout… Elle avait l’air extrêmement mal en point. Décidemment, tout le monde autour d’elle n’allait pas bien !

« Éloignes-toi d'elle, Holly...» Dit l’homme qui comprenait la même chose qu’elle.

S’éloigner ? Il en était hors de question ! La moitié de son propre sang n’allait pas bien, et elle devait la laisser ? Non, non, et non !

Elle tenta de lâcher la main de Sinner qui la tenait pour s’approcher d’elle et tenter de la calmer à nouveau, mais celui-ci l’en empêcha et parla à nouveau :

« Calmes-toi...Concentres-toi sur ma voix....Essaie de sortir de là...»

Ce qu’il lui dit l’intrigua…

-Vous allez avoir... tous... très peur. Cria-t-elle comme une sourde qu’on frappait.

Ce fut alors Jared qui posa la question qu’elle aurait pu poser… Du moins si elle avait pu parler.

« Peur ?...Peur de quoi...Dis-moi ce que nous....»

Hours n’eut pas le temps d’écouter la suite de sa question, car elle se retrouva brusquement dans une pièce close et dans le noir. Que se passait-il ? Où était-elle ? Où étaient passés sa sœur et son ami ? Était-ce là le pouvoir de Wed’, enfermer les gens dans ses pièces sombres sorties de nulle part ? Elle s’avança en tâtant les murs, marchant à l’aveugle… Comme elle ne pouvait appeler au secours, elle frappa les murs au fur et à mesure qu’elle avançait dans l’obscurité, lorsqu’elle heurta une porte.

Holly tenta de l’ouvrir alors, et de toutes ces forces… Mais cette porte paraissait verrouillée de l’extérieur. Elle frappa alors doublement plus fort dessus, et alors qu’elle alla s’asseoir dos à elle pour pleurer son désespoir à ne pouvoir sortir, la porte s'ouvrit et la poussa violemment par derrière, l’aplatissant contre le mur d’à côté.

Tout son être se glaça alors : Elle avait mal, elle avait extrêmement mal. Restant à terre, elle entendit une respiration profonde, qu’elle connaissait bien… C’était celle de son père… Il avait l’air de pomper énormément. Relevant faiblement la tête, ce fut bien son visage qu’elle vit alors, illuminé par la porte grande ouverte qui donnait sur l’extérieur.

Ses deux yeux bleus s’écarquillèrent alors et tentant de courir le plus vite possible vers la sortie, Bert la rattrapa par le haut avant de la prendre par les cheveux… Soyez en certains, si elle avait pu, elle aurait hurlé absolument toute la douleur du monde. Celui-ci sorti alors un briquet et mis le feu à ses cheveux en riant aux éclats… Puis frappa sa tête contre le plancher pour éteindre sa tête… Au lieu de cela, la jeune femme perdait ses cheveux ainsi que la peau qu’elle avait sur le crâne… Jamais elle n’eut si mal, ou peut-être cette douleur n’était que le rappel de ce qu’elle avait déjà ressentie.

« Tout baigne, mon bébé ?! Viens voir Papa, ta correction n'est pas achevée ! » Entendit-elle dans son cauchemar…

Une bouteille d’alcool vola et les morceaux se retrouvèrent sur sa poitrine… Holly saignait de partout, c’était horrible à voir. Bert prit alors un couteau suisse de sa poche et après avoir enfoncé à nouveau les bouts de verres dans le corps de sa pauvre fille, il l’égorgea sauvagement avant de la balancer mollement dehors…

Elle revint brusquement à la réalité de la Confrérie, en sueur, encore en larmes et bien choquée...

La peur. La peur totale. La crainte qui s'abat sur vous sans raisons, et qui sape tout, idées, actes, paroles. Incapacité. Rien à faire contre elle. Le courage même disparait. Seul reste le souvenir. La force sombre et irrationnelle envahit chaque centimètre carré de votre être, et plus rien ne peux vous en détacher. Les images du passé ressurgissent, comme un retour de flammes, les cris reviennent dans la tête, et coupe tout contact avec la réalité. La terreur est en elle irrationnelle. Elle est l'appréhension de l'avenir proche, l'incertitude totale des évènements et de leur issue. Parfois injustifiée, mais souvent provoquée par un son, une image, une phrase anodine qui deviennent de plus en plus inquiétant. Et cette peur, Wednesday la connaissait si bien. Elle l'avait rencontrée sous toutes ces formes dans les rêves des autres, et on ne peut pas dire que cela l'avait guérie de toute crainte. Les plus terrible des peurs ne pouvaient s'annihiler par le nombre, mais ne pouvait que s'effacer légèrement pour laisser place à une autre. Submergeant Wed, ces peurs s'étaient fondues avec les siennes, si bien qu'elle en pouvait confondre et emmêler ce que son histoire l'avait réellement amenée à craindre. C'est à dire, surtout son père. Il restait pourtant le mur, la tour infernale au milieu de cauchemars satellites. Une peur qu'elle ne pouvait ni atteindre, ni contourner, ni éviter. Elle revenait, ressurgissait si souvent. Elle était l'articulation même de son pouvoir, celui contre qui toute la peur ce concentrait. La peur qui se transformait en haine. Chez Holly également, cette peur était la plus proéminente. Wednesday ne pouvait l'ignorer. Et elle était sure que dans chacun de ses cauchemars, c'était lui qui venait. Lui qui venait encore la frapper, la bruler, la torturer. Quand les deux sœurs étaient séparées, Wed avait ce espoir inavoué et malsain de retrouver sa sœur dans un cauchemar, dans ce même cauchemar qu'elle pouvait reconnaitre entre mille. Où lui, leur géniteur, leur lien du sang, faisait plus qu'apparaitre. C'était alors les seules minutes de communion intenses entre elles. Leur peur étaient confondues, sans que Holly, ne puisse vraiment s'en rendre compte.
Mais Wednesday n'avait pas le temps de se poser toutes ces questions. La situation était critique. Son pouvoir allait exploser d'une seconde à l'autre. Et une douleur psychique lui déchirait ses souvenirs, ses cauchemars, tout son bonheur passé. Elle avait comme l'impression que c'était lui le point d'orgue ou de chute de toute la peur qui lacérait, déchiquetait avec plaisir les seuls bons moments qu'elle avait passé, et surtout, Holly, la Holly de ses souvenirs. Non, ces souvenirs ne disparaitreraient pas, ils ne seraient que plus douloureux à retrouver, empreint jusque dans leur essence de la peur totale.
La douleur lui défonçait et lui emprisonnait tout ses sens. Wednesday ne pouvait plus rien voir, les yeux brouillés par les larmes et fermés par la douleur, elle ne pouvait presque plus entendre, son ouïe déjà attaquée par des cris assourdissants venant de sa propre tête. Elle n'entendit presque pas le mutant Jared s'interroger sur elle, ou demander à Holly de s'éloigner d'elle.

« Éloignes-toi d'elle, Holly...»

Wednsday ne voulait pas qu'elle s'éloigne. Elle voulait sentir le contact doux et chaud de sa chère sœur, la seule sensation à laquelle elle tenait vraiment. Elle voulait, dans ce que sa sœur lui donnait, puisant l'énergie et la force de se battre contre lui. Mais contre qui? Contre son pouvoir? Ou contre leur propre père? A vrai dire, dans le tourbillon de la peur, ces deux idées se fondaient l'une dans l'autre.

« Calmes-toi...Concentres-toi sur ma voix....Essaie de sortir de là...»

Le sens de ces paroles était flou, imprécis. Il s'adressait à Holly surement, mais pourquoi fallait-il qu'elle se concentre sur lui? Wednesday pouvait-elle être si dangereuse que ça? Personne ne le savait vraiment, mais tous, et même Wednesday elle-même, le soupçonnait fortement. Mais l'effort que devait fournir Holly était-il si difficile? Se détacher de sa sœur, une nouvelle fois en détresse, une nouvelle fois l'appelant au secours. C'était à Holly de décider si elle devait laisser sa sœur en s'en éloignant ou rester au plus près d'elle au risque d'être plus exposée à son mystérieux pouvoir.
Mais Wednesday se rassura quand elle sentit la chaleur de sa sœur toujours sur sa propre épaule. Enfin rassurer, c'était beaucoup dire. C'était comme si elle chercher une once de douceur dans ses derniers instants, instants d'horreur. Malheureusement, pour Holly ce ne serait peut-être pas de tout repos. La jeune McCracken essaya de la protéger, de dévier le plus possible la décharge avant qu'elle n'arrive, mais c'était un effort de Titan, qui lui était presque impossible. Elle ne pouvait que très légèrement atténuer l'intensité, et encore, elle savait que le flot de peurs se jetterait tellement fort sur elle, pour avoir pressenti toutes les craintes qu'elle nourrissait. Encore envers lui, ce père qu'elles détestait toute les deux.

« Peur ?...Peur de quoi...Dis-moi ce que nous....» entendit-elle si succintement de Jared.

Et avant qu'il ne put finir sa phrase, la décharge survint. L'esprit de Wednesday, submergé depuis longtemps par la peur, l'expulsa instantanément, comme un séisme, comme une onde choc, qui e répandait à une vitesse folle dans les esprits. C'était comme une libération et une torture. Wednesday était enfin soulagée de cette énergie de trop, mais la douleur et la peur ne s'arrêteraient pas pour autant. Elle eut comme une phase, de relâchement, de béatitude, l'espoir d'avoir enfin atteint un monde sans peur, sans horreur. Le calme avant la tempête. Mais l'accalmie fut de très courte de durée qu'elle se retrouva comme projetée dans les cauchemars de ceux qui venaient de recevoir la décharge. Certains dormait surement, ce qui atténuait très légèrement l'effet, mais d'autres, deux en particuliers autour d'elle, étaient plongés dans la peur intense.
Wednesday vivait simultanément, ensemble et séparément les cauchemars de Jared et de Holly, mélangés aux autres cauchemars inconnus. Elle se retrouvait dans la rue au murs de briques, et en même temps dans la pièce lisse et noire. Elle voyait les policiers, précédés par leurs sirènes débarquer, et en même temps son tortionnaire de père avec son sourire malsain. Elle vit les armes, les fusils braqués sur ce corps qui n'était plus vraiment le sien, ses cheveux en feu et la bouteille dans sa chair par cette étranger à qui elle devait la vie et la mort. Des cris montèrent, se mélangèrent, s'harmonisèrent sur une même note dissonante. Même si Holly ne pouvait parler, son cri mental envahit tout l'esprit de Wednesday et par elle se répandit encore et encore. Virevoltant comme le pire de tout les cris, plus fort parce que plus contenu, plus puissant parce que terrifié.
Et soudain, aussi brusquement que tout avait commencé, la chimère s'arrêta, laissant tout ceux qui l'avaient vécus comme des ombres vidés de leur âme, encore terrifiés et craintifs, encore possédés par ce qu'ils avaient vécus. Ils ne pouvaient revenir si simplement à la réalité, tant la peur avait été terrible. Wednesday aussi, l'avait ressenti, la peur, mais ajoutée, multipliée, décuplée. L'horreur ne pouvait la quitter si facilement. Un nouvel épisode de décharge horrorrifique venait de se graver dans sa mémoire encore fraiche. Comme le souvenir douloureux d'avoir fait si peur à sa sœur, sans avoir pu une nouvelle fois, la protéger. La jeune mutante sentait son énergie totalement vidée, elle n'avait presque plus aucune force, et rien ne la retint vraiment pour qu'elle ne s'effondre vers le sol. Elle amortit très légèrement sa chute avec ses mains, mais cet effort lui fit si mal qu'elle en conserva la grimace en se retournant. Elle voulait voir le visages des deux mutants à proximité, sans vraiment y parvenir. Elle n'était ni inconsciente, ni endormie. Elle ne pouvait juste plus rien faire qu'entendre les échos des cris cauchemardesques qui il y a une minute à peine tonnaient dans son esprit hanté.

( Répondez hein... Vous en faites pas pour moi !)

Comment tout cela pouvait bien être possible ? L'ultraviolence dont avait fait preuve son père sur elle... Les cicatrices sur sa peau blanche n'étaient-elles pas déjà suffisantes ? Avait-elle encore besoin de se voir rouée de coups ?! Bert n'avait jamais été aussi brutal avec sa fille, et cette fois-ci paraissait bien être la bonne : Il ne lèverait plus jamais la main sur elle, puisqu'Holly était achevée... Il avait eu raison d'elle.

Pensant pousser son dernier souffle, elle vit, dehors, un visage : Celui de sa soeur, Wednesday. Elle venait donc de voir toute la scène, et n'avait pas agit ?! La muette était choquée et jamais son corps n'avait tant souffert... Son propre sang l'avait laissé creuver!

Quelques secondes avant sa "mort", elle se retrouva sans aucune explication rationnelle de nouveau à la Confrérie. Toutes ses douleurs et blessures avaient mystérieusement disparues, comme par magie, excépté une : Celle du coeur.

Que s'était-il passé ?! Où était Bert ? Où étaient les bouts de verre profondément enfoncés dans sa peau ? Certes, McCracken avait encore tout un tas de bleus, mais ils ne dataient pas de la dernière pluie... L'incompréhension règnait en elle... Tout cela n'avait été qu'un malheureux cauchemar ?! Mais la douleur ressentie avait été plus que réaliste ! Bon sang, comme elle avait eu mal !

Tout son corps frêle en tremblait encore... Et ses larmes coulaient de ses yeux comme de l'eau coule d'une fontaine. Comme elle aurait voulu crier... Hurler fort sa douleur ! Mais cela lui était impossible.

Relevant maladroitement la tête, la première personne qu'elle vit fut Wed', endormie. Comment quelqu'un de si faible habituellement, et qu'on aime tant, peut nous mettre à terre si facilement ? Tout cela était à cause d'elle, elle, et personne d'autre ! Elle était dégoûtée, alors qu'elle venait de la sauver et de passer des heures à la calmer, elle lui avait fait un coup pareil... Horrible, insuportable !

Alors qu'Holly paniquait encore et ne s'était que partiellement remise de son "très mauvais rêve", une main ensanglantée vint se poser sur son épaule et une voix imprécise se fit entendre... Elle sursauta alors, bondissant presque et reculant de quelques centimètres. C'était Jared qui tentait de la ramener à la raison.

'' Hey....hey....Holly ?....Ça va ? Fais-moi un signe que tu vas bien ou non....''

Avait-elle l'air d'aller bien ? Le mutant près d'elle ne semblait pas avoir plus la forme pour autant... Il baignait littéralement dans le sang, et la voix qu'il usait pour lui parler était faible...

Les deux corps tremblants se touchèrent lorsqu'elle se colla lentement contre lui. N'importe qui aurait pu penser qu'elle recherchait juste un peu de chaleur humaine après avoir vécu une pareille aventure, mais... Non. Respirant un grand coup, elle ferma les yeux avant de créer un phénomen bien étrange. Le temps s'accéléra alors pour les deux protagonistes -Uniquement- inexplicablement et lorsqu'Holly ouvrit à nouveau les yeux et lâcha Sinner, les blessures de celui-ci étaient presque toutes cicatrisées.

Epuisée, elle reposa mollement sa tête à terre. Elle avait tenté de travailler cette avancée sur son pouvoir, mais la réussir vraiment était une chose qu'elle n'avait pas encore accomplise. A présent elle avait pu aider quelqu'un en le faisant... Même si cela l'avait exténuée, elle était heureuse d'y être parvenue et de, peut-être, avoir aidé son confrère à mieux supporter ses blessures.

Son sang... Son propre sang... ! Comment avait-elle bien pu lui faire vivre ou revivre une chose pareille ?! C'était insensé, impensable ! Holly avait tout fait... Absolument tout fait pour qu'elle se sente le mieux possible et s'en sorte... Et... C'était ainsi qu'elle la remerciait ?! En la laissant se faire frapper jusqu'au sang ?! En colère... Ah ça, oui ! Elle l'était vraiment ! Jamais de toute sa vie elle n'avait eu si mal et n'avait approché la mort de si près... C'était dingue, fou à lier... Cette sensation qu'elle avait eu ... Comme si son coeur s'apprêtait à s'arrêter et que, brusquement et sans véritable raison, tout son être se retrouvait projeter dans un monde où la violence était totalement disparue. Etait-ce cela, la réalité ? Un bon lit douillet et des réconforts jusqu'à la fin de ses jours ? Plus de Bert ni de Lew ? Plus de cauchemars, de cris, de terreur, d'horreur, de viols et de massacres ?! Tout cela paraissait bien trop réconfortant... Non. Il y avait forcément un revers à cette médaille bien trop lourde pour être portée à son cou, qui, il y a encore quelques secondes, était totalement brisé.

La réalité n'a rien à voir avec les contes de fées, non... La réalité... C'est quand tout va bien pour nous mais que le monde s'écroule quand même... Parce qu'il y a toujours quelqu'un qui ne va pas bien... Et qu'il y aura toujours Wednesday derrière elle qui la suppliera de l'aider à affronter sa misérable existence de petite gamine pourrie-gâtée qu'un sein avait abreuvé jusqu'à l'étouffement même. Pour tout et pour rien, coûte que coûte... Holly aurait toujours à s'occuper de son adorable petit démon de soeur... Aussi démoniaque et inconsciente soit-elle... Comment pouvait-on être aussi insouciante de son futur... Finir clocharde ou encore prostituée... Droguée dans les deux cas... Enfermée à jamais dans sa bulle de bébé... C'était cela, l'avenir fabuleux que Wed' convoîtait ?! Il en était hors de question !

Les voilà donc... Les brillantes soeurs McCracken... Etalées comme deux pauvres crêpes bretonnes sur le sol dur, froid, en bref métallique, de la Confrérie... Elles avaient l'air fières, tiens... Mais pourtant l'unique seule chose qui tira l'aînée de ses pensées abracadabrantes, fut une main chaude et humide de sang... C'est d'ailleurs lorsqu'elle vit la couleur rougeâtre de la main de Jared que la jeune femme, encore tremblante, sursauta.

« Holly ??? C’est Jared…Tu m’entends ? »

Une claque. Ses mots étaient comme une bonne claque dans la figure qu'on se prend juste après être parti planner par le biais de n'importe quelle matière illicite... C'était vraiment idiot, bête... Mais son unique voix la sortait peu à peu du brouillard dans lequel elle s'était fourrée...

Il se passa quelques minutes avant que ses yeux remplis de larmes ne fixent Sinner dans le blanc des siens. Sans crier gare, Holly retira lentement la main qui était posée sur son épaule avant de l'aider à se placer derrière son dos... Elle se colla alors très lentement contre lui... S'arrêtant de trembler lorsqu'elle entendit son coeur battre : Il battait fort, c'était comme un métronome qui accélérait ses pulsations au fur et à mesure que les dixièmes de secondes s'écoulaient... C'était étrange... Le grand mutant Jared Wilcott... Toujours si sûr de lui... Venait d'être totalement destabilisé par une vulgaire accolade...

C'est donc avec un très léger -à peine perceptible- sourire en coin qu'elle fit arriver un évènement peu commun... Autour d'eux, c'était comme si un tourbillon tournoyait... La montre de poche du mutant perdait à nouveau la tête... Mais cette fois au lieu de s'arrêter... Elle tournait bien plus rapidement que d'habitude... McCracken était enfin parvenue à accélérer le temps ! Et alors que celui-ci reprit un cours normal pour les deux protagonistes, et que les plaies de Sinner était presque toutes cicatrisées... Elle le lâcha avant de s'éffondrer au sol... Epuisée. Son coeur, à elle... Il ne battait plus que faiblement... Elle avait donné toute son énergie pour réussir son tour... Et cela avait fonctionné !

« Merde…Pourquoi…pourquoi tu as fait cela…? Tu veux que j’ai des remords après…Tu n’étais pas obligé de poser ce geste…C’est ridicule. »

Peut-être l'entendait-elle... Ou peut-être pas. Les yeux fermés, Holly ne pouvait pas profiter de l'instant présent... Celui où elle venait d'accomplir un stade de sa mutation... Comme quoi... Pour le pouvoir, il faut avant tout le vouloir... Plus que tout au monde... Et elle y était parvenue !

C'était comme si sa soeur avait attendu patiemment ce moment précis pour se réveiller... Alors qu'elle était dans les doux bras de Morphée...

Noooon...! Pas... ça...

Une scène alors ahurissante se joua devant ses deux paupières closes.

« Ça va…Calmes-toi, c’est pas ta faute… » Lui lança Jared en tentant de la calmer.

Mais cette dernière, comme toujours, n'écoutait personne... Et avait décidé de fuir...

« Hey !!! Hey !!! Pars-pas !!! Ne me laisse pas avec les dégâts…. »

Trop tard, elle était déjà dehors, sous la pluie froide ... Glacée. Sinner eut alors à faire un choix... Rester avec l'aînée ou aller chercher la cadette... Et c'est étrangement qu'il fit le choix de prendre Holly dans ses bras et de la conduire jusqu'à sa chambre. Il la plaça alors sous des couvertures... Tout en lui parlant... Oh, elle était si bien... Après tout... Pourquoi ouvrir les yeux ? La lumière était si agressante... Et son lit était si chaud... Même si la jeune mutante reprenait peu à peu ses esprits, c'était la flemme qui s'emparait d'elle, et peut-être aussi l'insouciance du sommeil pratiquement léger à présent qui continuait à la prendre...

« C’est pas vrai…Pourquoi tu as fait cela?... Tu voulais jouer les héroïne ? Je suis capable de me guérir tout seul… »

C'est lorsqu'il pronnonça quelques mots qu'elle ouvrit rapidement les yeux...

« ….et ta sœur qui s’est sauvée ?… »

Alors que Jared regardait les cordes de pluie qui tombaient dehors, Holly se redressa en trombe de son lit...

« Je vais devoir courir sous la pluie….et les flics sont toujours dans les rues… »

La mutante s'accrocha alors à sa veste, sans dire le moindre mot... Puis au mur, égratignant même le papier peint de ses ongles longs... Elle tenait bon, comme un naufrager à un rocher... Il s'agissait de sa petite soeur ! Elle en était responsable ! Hors de question de la laisser creuver... Surtout dehors, par un temps pareil ! Que pourrait-il bien lui arriver ?! Elle ne souhaitait pas même y penser ! Après quelques minutes d'acharnement elle se retrouva enfin dehors... Face à elle. Wednesday se tenait là. Droite comme un piquet. En larmes...

Holly lâcha alors le bras de son confrère avant de tenir tant bien que mal en équilibre sur ses deux jambes... Dévisageant sa petite soeur... Serrant ses dents... Plus énervée que jamais, elle osa lever sa main droite, comme si elle s'apprêtait à la frapper !

La muette resta alors ainsi pendant un long moment... Le bras en l'air, prêt à frapper à tout moment la peau fragile de Wed'... Elle était tiraillée entre l'amour et la haine... La rancoeur était plus que jamais présente, plus forte encore que la fatigue qui pesait sur ses épaules lourdes... Elle en tremblait encore... De ce cauchemar...

Mais... Cela n'avait été qu'un cauchemar... Et... Le regard que lui lançait alors sa soeur n'était pas sorti d'un cauchemar... Il était réel ! Et elle connaissait déjà ce regard... Pour l'avoir déjà lancé de nombreuses fois à son père avant de se faire fouetter par une ceinture de cuir brut...

Oh... là ! Que s'apprêtait-elle à faire, là ?! N'était-elle pas plus intelligente que... "Lui"... ? Allait-elle se rabaisser à son stade ?

Non. Pas question. Son bras retomba contre le reste de son corps lentement... Elle ne lui ferait jamais aucun mal ... Elle l'aimait bien trop pour cela. C'est d'ailleurs ce que l'on put lire sur ses lèvres... Alors qu'elle semblait s'adresser à Wednesday, et même si aucun son ne sortait, ses deux lèvres et sa langue bougeaient de sorte que l'on pouvait deviner un "Je t'aime. Ne me quitte pas".

Son poid était trop fort. Elle tomba alors sur le bitume et se retrouva sur ses deux genoux fébriles... Il devait y avoir au moins 10 bons centimètres d'eau ... Et la pluie continuait à couler. Oh, elle était si épuisée... Mais ne voulait pas que sa soeur s'en aille. C'est alors qu'après un sourire crispé vint un sourire presque taquin, et que sa main gauche poussa de l'eau à se projeter sur les jambres maigrelettes de Wed'... Comme un jeu d'enfants... Histoire de faire baisser la tension...

Et alors qu'elle semblait presque rire d'énervement, elle tomba une nouvelle fois à terre, totalement épuisée...

Détruire. Nuire. Pulvériser. C'était tout ce qu'elle avait jamais su faire. Saccager la vie des autres. Chaque chose construite, atteinte, aux prix d'efforts incroyables, Wednesday l'anéantissait. Le moindre moment de calme, le moindre bonheur, dès qu'elle débarquait, c'était comme une tempête, et tout était désagrégé. Un poids pour les autres, le pire des trouble-fête, le tourbillon destructeur Wednesday McCracken. Toujours étendue sur les pavés, c'était là que sa culpabilité l'avait emportée. Elle n'avait plus que ça à penser. Elle était la terreur et les ravages dont tout le monde aurait bien préféré se passer. Inutile. Elle se sentait si inutile. Juste un mauvais parasite. Les larmes coulaient toujours. Mais à quoi bon? A quoi bon se lamenter quand personne ne s'en soucie? A quoi bon se lamenter quand le mal est déjà fait? Inutile. Toujours Inutile. Wednesday ne savait déjà plus ce qui l'avait poussée à s'enfuir de la Confrérie, et vainement, car le sol glissant avait voulu comme la retenir. Wednesday avait déjà oublié ce qui l'avait transportée dans de tels pensées. Elle avait mal aux yeux à force de pleurer. Elle avait presque l'impression d'avoir tari le flot de ses larmes, à force d'en avoir trop déversées. La Douleur c'était ce qui lui restait. La douleur d'avoir fait du mal autour d'elle. Et surtout d'avoir fait tant de mal à Holly. Elle pourrait s'en ronger les sangs des années durant. La culpabilité la suivrait si longtemps, qu'elle ne pourrait surement jamais pouvoir affronter le regard de Holly avant des jours, peut-être des semaines ou même des mois. Elle avait peur de son dur regard. Elle avait peur de sa colère contre elle. Wednesday n'avait jamais pu supporter la colère portée su elle. Elle pleurait à chaude larmes et se souvenaient pour toujours de sa honte.
Sur le sol, elle commença à sentir le froid, provoqué par l'eau glaciale. En réalité, elle était totalement frigorifiée, mais ses sens l'avaient longtemps trompée. Tremblotant, elle essaya de se relever, quittant alors enfin son flot de réflexions. La douleur la saisit, cette fois physique. Sa chute rapide lui avait provoqué nombre de bleus sur tout le corps, des jambes au bras, et même un magnifique hématome sur la pommette droite. Elle effleura lentement de ses mains gelées ses nombreux bleus, et garda sa main gauche sur son bleu au visage. Mal. Elle sentait comme son sang se précipiter à cet endroit, et faire trembler toute sa peau. Elle sentait son cœur fou tambouriner dans sa poitrine. Elle avança légèrement, en titubant, enchainant difficilement un pas devant l'autre. A chaque pas elle se sentait lourde. Un poids de plus. Pour elle. Pour les autres. Elle ne savait pas vers où elle se dirigeait, mais ses pas semblaient retourner d'eux-même vers les marches et la porte de la Confrérie. Haletant, elle se rendit soudainement compte de la direction de ses pas. Sans changer de direction pour autant, elle continua sa lente progression. Arrivée devant les marches, le souffle haletant, l'air perdu, hagard, elle s'immobilisa. Elle semblait hésiter. Elle ne pouvait monter ces marches, physiquement et mentalement. Revenir c'était faire face à Holly. Revenir c'était faire face à sa propre honte. Wenesday leva timidement sa main gauche vers la porte, avec peut-être l'espoir futile de l'atteindre, malgré les trois mètre qui les séparaient. Restant un instant figée dans cette position, elle était tiraillée dans sa tête. Tiraillée entre son amour pour sa sœur, et sa honte envers elle. Et alors son bras retomba brusquement, comme abandonné de toute force, de toute énergie. Et elle fit la seule chose qu'elle est jamais su faire : fuir. Fuir lentement, triste et honteuse, avec tout les remords, regrets et reproches. Wednesday pivota progressivement, et reprit sa marche incertaine vers l'inconnu. La tête baissée, les yeux chauds et humides, les cheveux et les vêtements ruisselants, elle-même trempée jusqu'aux os, sa main droite crispée sur son coude gauche, la main gauche pendante, comme morte.

Et alors que son pas vacillant l'emmenait sur l'immensité des pavés, la porte de la Confrérie s'ouvrit brusquement derrière elle. Wednesday ne sembla pas réaliser ce qui se passer, perdue dans un vide sans sentiment. Et pourtant, elle s'immobilisa, sous l'action d'une force presque irréelle, surnaturelle. Une partie d'elle avait comme senti Holly, avait reconnu sa précipitation, avait reconnu ses pas. Holly était presque une partie à pat entière d'elle-même, qui agissait à distance sur elle. Se retournant lentement, elle tenta de relever la tête et d'affronter le regard de sa sœur. Elle y vit la colère terrible et la peur, et au fond un sentiment indescriptible, une douceur, une retenue peut-être.
Holly s'immobilisa devant Wednesday, la main levée. Holly le regard dur, dévisageant le regard vague, rempli de peur et de culpabilité, et peut-être aussi de cette chose indescriptible, de Wednesday. Les larmes leur étaient montées aux yeux, et dans ceux de Wednesday, semblait se réprimer de couler. La plus jeune pouvait presque sentir le dilemme qui tiraillait son ainée. La colère qui faisait trembler sa main, et ce sentiment indescriptible qui l'empêchait de rejoindre à toute vitesse la joue frêle et déjà meurtrie par un hématome de Wednesday. Celle-ci essayait de ne plus penser, de se préparait à se faire frapper. Quel étrange chose que de se faire frapper par sa sœur. Sa colère devait vraiment être terrible. Elle qui l'avait toujours protégée. Elles qui avaient tant partagé.
Et soudain, le bras de Holly s'abaissa. Toute cette colère et cette sévérité s'évanouissaient lentement. Wednesday ne réagit pas vraiment, sidérée par la scène qui se produisait sous ses yeux, incapable de bouger d'un pouce. Elle essaya de décrypter à nouveau le visage de sa sœur ainée. Il était redevenu doux, et ses yeux ruisselaient de l'amour qu'elle lui portait. Cela provoqua la même réaction chez Wednesday, l'amour s'intensifia dans son regard. Elle communiquait ainsi par le regard, dans l'intensité. Et comme pour intensifier la scène, Holly forma les mots « Je t'aime. Ne me quitte pas » avec ses lèvres. Cela suffit à bouleverser Wednesday et à lui effacer toutes ses projets de fuite. Elle esquissa un timide sourire, comme un « Moi Aussi » et un « Merci ». Elle retrouvait tout l'amour qui les liait, ce lien implacable, puissant et à la fois terrible qui les unissait.
S'écroulant subitement sur le sol, Holly se retrouva, à genoux dans l'eau abondante. La plus jeune des deux sœurs ne savait pas quoi faire. Jamais elle ne s'était retrouve dans une telle position. C'était toujours elle qui s'écroulait et Holly qui tenait bon et la réconfortait. Jamais encore elle n'avait vu tant de faiblesse de la part de sa sœur. Elle sentait aussi que de son futur geste dépendait tout le futur de leur relation. Que devait-elle faire? Rester immobile, toujours comme la petite fille, et laisser sa grande sœur se geler ls jambes? Ou se laisser tomber auprès d'elle et la prendre dans ses bras? Il fallut qu'elle reçoive une éclaboussure sur ses jambes nues pour qu'elle prenne sa décision, sans plus aucune réflexion, ni aucune hésitation. Elle se laissa tomber dans l'eau et enserra de ses bras le dos de sa sœur. Glissant son épaule sous sa tête et appuyant la sienne sur son épaule, Wednesday tenta de transmettre sa chaleur à Holly. Le peu de chaleur physique qu'elle avait et toute la chaleur de son amour pour elle. Les larmes glissèrent sur ses joues et jusqu'à l'épaule de Holly. Elle bougeait légèrement, doucement sa main sur son dos, pour la cajoler. C'était si étrange pour elle de se retrouver dans cette posture, à réconforter sa sœur. C'était la première fois. Elle restèrent longtemps ainsi, Wednesday serrant Holly dans ses bras.

Lentement, le regard de Wednesday se précisa, distinguant progressivement les contours de la rue, de la vieille Bâtisse qu'on appelait la Confrérie. Elle entrevit la porte ouverte et la Lumière qui en sortait, faisceau à moitié masqué par une personne. Elle reconnut vaguement la silhouette de Jared, l'autre mutant qui avait du payer les frais de son pouvoir, de la peur. La peur alors l'envahit. Elle avait eu peur de lui, il était surement en colère contre elle. Sa main se crispa sur le dos de Holly. Mais c'était la seule chose à faire, ou le froid allait tuer les deux jeunes sœurs.

-On devrait peut-être bouger et rentrer, dit-elle, la voix cassée, à sa sœur. Avant d'être congelées comme deux pauvres esquimaux.

Un sourire timide fit trembler ses lèvres.
Elle esquissa un timide mouvement, et tenta de faire bouger Holly. Réussissant difficilement à se relever, elle plaça le bras de sa soeur sur ses épaules, et la tint par la taille, pour l'aider à marcher. Elles avancèrent d'un pas incertain, titubant. Wednesday soutenait difficilement sa sœur, et était elle aussi terriblement vidée d'énergie.
Elle parvint aux marches, et, avançant timidement un pied sur la première, elle se décida enfin à regarder dans les yeux Jared. Son regard portait une excuse désepsérée qu'elle n'arrivait pas à formuler verbalement. La culpabilité de l'avoir fait souffrir ne l'avait pas quittée, et elle savait bien que cette timide excuse serait bien vaine.
Elle resta plantée là, ne pouvant plus faire un pas. Paralysée autant par la fatigue que par le remord.

Hj : Désolée pas le courage d'écrire ...

Ce qu'Holly aurait espéré par dessus tout ? Que tout cela fasse, comme les évènements antérieurs, parti d'un rêve. Un simple rêve qui disparaîtrait entre deux moments : Celui où on a rêvé et celui où on se souvient d'avoir rêvé...

Il était incroyable de penser qu'en quelques heures seulement, sa vie venait à nouveau de changer du tout au tout, par son simple accueil d'une jeune fille à la Confrérie... N'importe laquelle ? Oh que non ! Il s'agissait de sa jeune demi-soeur, Wednesday-Extasy. Cette chère enfant, qui à la base, n'en était plus une depuis fort longtemps, était également ce que l'on pourrait qualifier de Terreur...

Depuis sa naissance même, elle avait été pourrit-gâtée par son entourage et chouinait sans cesse pour un rien. Bien entendu lorsqu'elle faisait des sottises, elle profitait du fait que sa soeur aînée soit non seulement protectrice mais surtout muette, pour les lui mettre sur le dos et la laisser se faire battre par leur ivrogne de père à sa place. Mais elle savait qu'elle devait mettre cela sur le compte de l'inconscience... Après tout il fallait bien que jeunesse se passe... Même si elle avait toujours peur que sa petite soeur reste à jamais dans l'enfance... Le syndrome de Peter Pan qui s'était bien installé chez elle ne lui plaisait point. Cette situation pouvait devenir grave si un jour les deux soeurs se retrouveraient séparées, qui sait ce qui pourrait arriver à la plus jeune, encore innocente.

Plus d'un homme se sont noyés dans l'alcool, et Bert faisait parti de ceux-ci. Il ne passait pas énormément de temps sobre et dès qu'il était sous l'emprise d'une Vodka, ou cinq, il devenait extrêmement violent, dévastant tout sur son passage... Notamment sa première fille, Holly, qui s'interposait toujours entre lui et la cadette.

Ce ne fut donc pas une surprise, lorsqu'elle dû affronter sa plus grande peur, ce fût à son géniteur qu'elle se retrouva confrontée. Le combat ? Elle ne connait pas. Elle sait seulement encaisser les coups et ne rien dire, versant à peine quelques larmes... C'est ce qu'elle fit jusqu'à ce que le massacre s'arrête et qu'elle se retrouve enfin dans "la réalité".

C'est alors Jared qui vint à ses côtés... Il était bien plus mal en point qu'elle : Il saignait à flots. C'est pourquoi McCracken tenta d'atténuer ses douleurs en accélérant le temps de sorte que sa cicatrisation s'accélère en passant.

Ce qui était étrange c'est que celui qui aimait tant les étreintes se retrouva comme choqué lorsqu'Holly se retrouva contre lui pour que son pouvoir fasse effet sur eux deux... Etait-ce lui qui était en mauvaise passe ou la muette qui l'intimidait ? La question resta en suspens.

Alors que Hours avait épuisé toute son énergie à aider Sinner et tombait littéralement de fatigue, la Terreur frappa à nouveau. Wednesday décida de quitter la Confrérie. Elle avait probablement des remords, mais pourtant Holly étant déjà au pays des songes, elle ne put s'en apercevoir.

Le mutant décida à son tour d'aider en premier celle qui l'avait déjà aidé... Tout en jurant histoire de se donner bonne conscience. Alors qu'il continuait à parler seul dans son coin Holly se réveilla en sursaut et tentant le tout pour le tout : Hors de question d'abandonner sa jeune soeur par ce temps et surtout selon son état !

Après moultes essais, elle parvint enfin à arriver face à elle... Les deux soeurs échangèrent alors des gestes... La violence failli intervenir mais la mutante parvint à se contrôler avant de tomber à terre... De petits mots doux s'étaient échangés entre-temps...

-On devrait peut-être bouger et rentrer, dit-elle, la voix cassée, à sa sœur. Avant d'être congelées comme deux pauvres esquimaux.

Après cela sa soeur tenta de la faire bouger mais voyant qu'elle n'y parvenait pas, Jared intervint à son tour...

« Rentre rapidement à l’intérieur, n’aggrave pas la situation avec une grippe…. »

Et la reprit dans ses bras pour la conduire à nouveau dans sa chambre où elle pourrait se reposer paisiblement ... Elle tremblait de froid, aussi dans un geste presque amicale ou peut-être encore à cause de ses remords il lui réchauffa le sang, ce qui la plongea alors dans un profond sommeil.

« Changes-toi rapidement et aides ta sœur à prendre de nouveau vêtement. Je reviens… » Dit-il à Wed' en laissant sa grande soeur sur son lit.

Etrange. Ce comparatif poursuivait les sœurs McCracken depuis si longtemps. Entre la douce fantaisie et la folie furieuse, il n'y a qu'un peu. Et aux yeux du monde, on aurait toujours pu croire que ces deux jeunes marchait sans cesse sur ce fil d'acrobate. Chacune d'une façon différente. C'était comme si Holly, consciente de ses différences, essayait de les faire oublier, de ne pas les faire ressortir au grand jour plus que ce qui se voyait. Alors que Wednesday, l'enfant attardée, jouait tout le temps de sa folie, et de ses différences, de façon plus ou moins inconsciente et innocente, suivant dans tout les sens possibles l'épicurisme. Elle ne se souciait de rien, si ce n'est que d'une sorte d'amusement passager, négligeant toujours les conséquences de ses actes. Et c'était souvent les autres qui en faisait les frais. Elle n'aurait jamais voulu grandir. Un corps de presque femme pour une âme d'enfant, ca ne faisait pas vraiment bon ménage. On avait l'impression que ce corps ne lui convenait pas, que son âge ne lui convenait pas non plus. Wednesday, profondément touchée du syndrome Peter Pan, aurait préféré rester éternellement une enfant, aussi bien physiquement que mentalement.
Malheureusement la réalité du monde la rattrapait. Elle avait découvert le sentiment de culpabilité en voyant sa sœur Holly battue par son père. Elle avait appris la douleur. Elle avait appris à souffrir en silence. Et pourtant, ne l'avait jamais quittée son âme d'enfant. C'était bien plus qu'une simple façade cachant de profondes fissures. C'était tout son innocent petit être qui s'était fissuré, et avait tenté de reboucher les fêlures avec une joie et un comportement si enfantin. Elle continuait sa bataille contre cette réalité et ce monde qu'elle ne pouvait ni comprendre ni accepter.
Et depuis peu, la réalité semblait comme lui courir après, s'accrocher à ses chevilles pour la faire s'écrouler et arrêter sa course effrénée vers l'inconnu et cette recherche hésitante et maladroite du bonheur. Ce soir encore, la réalité l'avait saisi si fortement au cheville qu'elle en était tombée, aussi bien métaphoriquement que réellement. La culpabilité l'avait rongée et la hantait toujours. De petites excuses, de petits gestes ne pouvait la faire disparaitre. Si proche de sa sœur, réconciliées et à nouveau unies sous cette pluie battante, elle avait cru que ses remords s'étaient envolés légèrement au vent. Mais il s'étaient accrochés. Si bien qu'il revinrent tel un fond sonore, une mélodie étouffée, alors qu'elle marchait chaotiquement vers la Confrérie, soutenant sa sœur. Et c'est en voyant Jared, cet autre à qui elle avait également fait du mal qu'ils lui revinrent en pleine face. Sa vue se brouilla. Elle ne pouvait plus voir son regard, qu'elle imaginait dur, et peut-être troublé. Esquissant un sourire, elle espéra qu'il accepte de l'aider à remonter sa sœur. Il sembla accepter. Mais Wednesday se rendit vite compte que ce n'était pas du tout pour elle qu'il agissait, tant il devait lui en vouloir, mais plutôt pour Holly, mal en point, avec laquelle il avait déjà tissé des liens forts.
Jared se rapprocha de Holly affaiblie, et la prit par la hanche avant de la porte totalement dans ses bras, avec une douceur qui surprit la jeune Wednesday.
Celle-ci se rendit compte une seconde plus tard que la veste de Jared s'était retrouvée sur ses propres épaules, sans qu'elle ne l'ait vraiment sentie arrivée. Elle en resta avec son habituel air de surprise intense, la bouche ouverte négligemment, les yeux exorbités.

« Rentre rapidement à l’intérieur, n’aggrave pas la situation avec une grippe…. » lui dit-il alors.

Encore plus surprise qu'il lui adresse la parole ainsi, alors que ses yeux étaient animés d'une dureté et d'une colère visible, elle ne bougea même pas. Elle ne se décida à avancer que lorsque lui bougea et s'introduit dans la Confrérie. Wednesday le suivit un pas derrière, sur le coté, l'air perdu et bouleversé.
Quand ils montèrent les marches, elle ne put manquer d'observer sa sœur et son porteur à la dérobée. Holly avait le visage serein, soutenu doucement par la main du mutant. Wednesday ne put s'empêcher d'imaginer où pourrait mener les liens qui s'étaient tissés entre ces deux-là. Elle adorait se faire des films, sur elle ou les autres. Une cinéaste dans la pensée. C'était une façon de se protéger, d'imaginer le monde plus beau qu'il ne l'est, comme elle aurait voulu qu'il soit.
Mais elle fut vite rattrapée par les nuages noirs. Qu'avait-elle bien pu faire pou qu'ils soient dans un état pareils, aussi en colère contre elle? Son pouvoir était-il si terrible, si dangereux? La peur qu'ils avaient vécu avait été intense, et Wednesday pouvait en témoigner elle-même, mais il lui était toujours difficile de mesurer ou de comparer avec elle-même. Elle, sa peur était quotidienne, multiple, profondément troublante et différente. Alors que pour eux, elle est unique, terrifiante, plus rare dans cette forme intense et imprévue. La Chimère. La Peur. L'Horreur. La Terreur. Un Monstre. Wednesday était un Monstre.
Alors qu'elle s'accusait de tout les maux du monde, Jared s'arrêta brusquement devant une porte. N'ayant pas prévu cet arrêt subite, Wednesday continua sa marche vers le mur, qu'elle se prit royalement en pleine figure. Brusquement réveillée de son sommeil de réflexion, elle dut bien supporter cette foutue douleur physique. Le coup qu'elle venait de se prendre s'était porté sur son précédent hématome. Elle frotta légèrement son bleu peu glorieux avec la paume de sa main. Qu'est-ce qu'elle pouvait attirer toutes les portes et tout les poteaux sur son passage, ainsi que toutes les aspérités dans le sol, ou la moindre partie glissante.
Jared ouvrit la porte de ce qui devait être la chambre de Holly. Wednesday ne put manquer de regarder la décoration. Sobre, simple, mais peut-être un peu triste à son gout. Wed aurait pu tout recolorer, tout égayer avec juste un pot de peinture et des crayons de couleurs d'enfants. Mais là n'était pas le sujet de ce soir. Alors qu'elle avait le nez en l'air, Jared déposa sa sœur sur le lit au fond de la salle, avec toujours un doux soin.

« Changes-toi rapidement et aides ta sœur à prendre de nouveau vêtement. Je reviens… » fit-il en quittant la pièce.

Wednesday n'eut même pas le temps de faire une quelconque réponse qu'il avait déjà refermé la porte de la chambre. Immobile quelques instants, alors que les pas de Jared s'éloignait, elle avait l'air de ne pas avoir encore comprit la situation. Puis constatant subitement l'état de ses vêtements et de ceux sa sœur, elle se rappela son conseil, ou presque son injonction. Mais Wed n'était pas vraiment en état de contredire ou de s'opposer à l'autorité. Elle décida donc de s'exécuter.
Ses habits étaient trempés mais elle n'était pas sure de pouvoir en trouver d'autres qui lui conviendrait. Elle commença par se déchausser pourtant, puis enleva sa grande écharpe, que l'on aurait presque pu apparenter à un châle. Puis, déposant délicatement la veste noire que Jared lui avait prêtée sur la chaise à coté du lit, elle s'intéressa à l'armoire. Un autre jean lui suffirait. Elle en trouva un dans les vêtements de Holly, enleva le sien et l'enfila. Il était toujours étonnant de constater qu'elles avaient la même taille de vêtements, et qu'elle pouvait donc mélanger et partager leurs vêtements. Même si, quand Wednesday touchait aux habits de Holly, ceux-ci avait une chance accrue de revenir bien abimés. Wed retira ensuite son T-Shirt, qui finalement était trop mouillé pour qu'elle ne puisse le supporter, puis emprunta un débardeur noir tout simple de sa grande sœur. Changée, elle s'intéressa au cas de sa sœur, qui semblait plongée dans un doux sommeil. Elle choisit une robe noire en tulle qui trônait dans sa penderie. Wednesday dut la déshabiller, ce qui la gêna un peu. Elle essaya de le faire dans la plus grande douceur et surtout dans la pudeur, afin de ne pas rendre non plus sa sœur trop mal à l'aise. Mais malheureusement, elle n'eut pas tout à fait le temps de finir de la rhabiller que déjà, les bruits de pas se faisait entendre dans le couloir et que la poignée trembla. Wednesday eût à peine le temps de masquer le corps à demi-nu de Holly.


(Je laisse aller toute le coté cocasse et impromptu de la scène )

La fatigue, encore et toujours c'était la fatigue qui l'avait prise après une utilisation intensive de ses dons. Cela devenait presque insupportable, cette manie qu'elle avait d'être épuisée suite à un effort intense de sa part... La pauvre petite nature n'était-elle réellement bonne qu'à cela, tomber de haut, au moindre coup de vent... ? Le sale temps dehors ne l'avait pas aidé non plus, le tonnerre grondant et la pluie abondante n'avaient pas été appréciés alors qu'elle tentait malgré elle de ramener sa jeune et inconsciente soeur à la raison. Après donc bien des minutes à échanger des regards complices, la jeune mutante tomba au sol... Le sommeil était décidément fort, mais il ne l'empêchait pas de trembler telle une feuille au vent. Une nouvelle fois, Jared prit la peine de la relever et de la conduire jusqu'à sa chambre.

C'est en chemin que, étrangement, il eut un geste de sympathie qui aurait pu se traduire par des remords : Il lui réchauffa un peu le sang pour qu'elle se sente plus à l'aise... Ce qui apparemment marcha extrêmement bien puisqu'elle se retrouva dans un profond et agréable sommeil quelques micro-secondes plus tard... Totalement molle... La déposant sur son lit, le mutant ordonna à sa soeur de se changer et de la changer également pendant qu'il irait s'occuper ailleurs. Bien entendu, l'amie de Peter Pan commença par se vêtir elle-même, et alors qu'elle venait juste de déshabiller le plus pudiquement possible son aînée, Sinner refit surface... Mais ces évènements pourtant bruyants ne perturbaient toujours pas son coucher ... Sa phase paradoxale était passée et ses rêves pouvaient alors commencer.

Très souvent, au cours de notre existence, nous voyons nos rêves déçus et nos désirs frustrés, mais pourtant nous continuons toujours à dormir sur nos deux oreilles... On dit souvent que la vie même est un rêve, mais que rêver n'est pas vivre... Vous serez bien surpris d'apprendre que pour Holly, cette phrase n'avait pas vraiment de sens... Ou du moins, elle n'en a plus eu... Non, plus depuis cette nuit-ci. Ses membres avaient beau être totalement relâchés, son cerveau, lui, fonctionnait parfaitement et la travaillait bien... Pour la toute première fois, une toute nouvelle phase de son pouvoir allait s'enchlancher... Et pas des moindres ! Qui n'a jamais voulu faire un flash back, retourner dans le passé ? Cela allait être enfin possible pour la jeune femme... Qui se retrouva alors transportée subitement dans le passé d'un personnage assez... Etrange.

À peine endormie, une sensation forte et brutale la traversa : Comme si elle tombait, de haut, vraiment de très haut. Holly ressentait même le vent passer à toute vitesse entre ses cheveux fins... C'était incroyable ! Qu'entendait-elle ?! Des cris... Des cris de bébé... Puis la voix calme et rassurante d'une mère... Qui lui disait qu'elle l'aimait ? Continuant dans sa chutte elle entendit un enfant qui récitait l'alphabet... Puis ses camarades qui se moquaient de lui... Quand ces voix allaient-elles s'arrêter ? Elle heurta enfin le sol dur, qui ne lui fit pas tant de mal que ce qu'on aurait pu imaginer.

Que s'était-il passé ? Où se trouvait-elle ? Ce fut un panneau qui lui répondit, il y était écrit clairement « Bienvenue à Belleville, NJ ». Holly se releva alors rapidement et passa une main sur sa robe pour retirer les quelques gravats qui s'y étaient posés... Lorsqu'elle entendit à nouveau une des voix qu'elle avait entendu lors de sa descente de nulle part : Celle rassurante d'une Maman. La muette se retourna alors et vit une femme accroupie dans un jardin, tenant un petit garçon par les hanches... Quelque chose clochait, oui... Ce petit garçon... Non seulement il était recouvert d'un étrange fond de teint orangé pour femme, mais en plus il lui rappellait . . . Jared ! La femme venait bien de pronnoncer son prénom ! Pour être surprenant, cela l'était ! Voyant qu'une conversation s'instaurait entre eux, elle recula légèrement et se permise de les espionner derrière un arbuste... Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait voir son confrère... enfant ! Celui-ci semblait pleurer... Et de là où elle était, elle pouvait entendre ceci de la part de la voix douce et rassurante :

« Voyons, mon coeur... Ne pleure pas... Tu sais, nous avons tous nos petites particularités... Et le fait que tu ais la tienne ne fait pas de toi un monstre, au contraire ! Tu es quelqu'un d'exceptionnel, et Maman sera toujours là pour te protéger des méchants qui veulent faire du mal à son petit garçon exceptionnel... »

McCracken se retrouva presque aussi attendrie que le petit Jared après ces quelques mots... Comme elle aurait aimé, elle aussi, entendre ces paroles, lorsqu'elle était plus jeune... Mais elle n'avait jamais eu la chance d'avoir une Maman pour les lui dire... C'était presque impensable, mais elle semblait presque jalouser ce petit à première vue entouré d'un amour maternel puissant...

Tout à coup, l'enfant leva les yeux vers elle... Qui se retrouva rapidement prise de panique : S'il s'agissait réellement de lui, il ne fallait pas qu'il la voit, sans cela, elle pourrait modifier à jamais le cours de son existence, même à partir d'un simple détail ... ! Presque instantanément, elle se retrouva à nouveau dans les airs sans le moindre parachute pour la retenir... Revoyant encore quelques scènes tendres... Mais cette fois-ci, il ne s'agissait pas de la même femme... Elle était jeune... Une adolescente.

Ce paysage... Toujours Belleville... Mais en face d'un lycée, cette fois-ci. Ambiance studieuse... Ahhh... Comme cela faisait longtemps qu'elle n'était pas retourné dans une école, et comme cela lui manquait d'apprendre encore et toujours plus sur le monde qui l'entoure... Apparemment, elle n'était pas là pour une leçon, mais pour un règlement de compte. Se mêlant à la foule lycéenne, Holly vit à nouveau le visage, cette fois plus âgé, de Jared; ainsi que celui d'un autre jeune homme plutôt bien battit mais qu'elle ne connaissait pas. Ils avaient l'air en froid, à cause de la jeune fille antécédente qui se trouvait entre eux deux. Le froid fut justement ce qui causa la perte de celui qui avait pourtant l'air le plus en chaire : Son corps sembla comme congelé après que son lycéen de Confrère lui ait apparemment fait subir quelques misères... Un froid la traversa alors jusqu'à la moëlle... Ce même froid qu'elle avait déjà ressenti lors de leur rencontre, lorsqu'il eut cru qu'elle n'était qu'une humaine... Elle préféra alors prendre ses distances plutôt que de se risquer à nouveau, surtout avec un jeunot et les alarmes de police qui s'entendaient de l'intérieur de la bâtisse.

Après tout cela, Holly comprenait à présent quels étaient les motifs qui avaient poussé Jared à devenir Confrériste... D'après ce qu'elle avait pu voir, c'était comme si le monde entier était retourné contre lui, et sa chère mère n'était apparemment plus là pour le protéger alors qu'elle le lui avait promis. Entre peines familliales et peines de coeur, cela n'avait pas du être si facile à gérer pour lui... Mais après tout : Chacun ses merdes.

... À nouveau la chutte libre qui arriva : À force, elle n'était plus surprise : Sinner lui avait lancé un léger regard avant de s'enfuir pour ne pas se faire chopper par la police. C'était donc bien cela : Il ne devait pas la voir, sans cela elle disparaissait.

Un endroit clos, sombre, et froid... Des barreaux aux fenêtres... Elle se trouvait en prison ! Il s'était donc fait prendre... Rude changement d'ambiance par rapport aux environnements maternels et écoliers dans lesquels elle avait été plongée... Oh, cette fois-ci, il n'y avait aucun doute, elle était bien à Belleville... Dans ses bas-fonds, disons-le ainsi. Approchant d'une porte, elle entendait des chuchotements ...

« Ecoute, je vais te laisser sortir d'ici, mais surtout tu ne te retournes pas, Jared... Sans ça ils te rattraperont. Et tu me promet de venir me rejoindre dès Dimanche, chez moi ! »

« Ouais, t'en fais pas pour ça ... Allez, passe-moi la clé ! » Répondit une voix masculine.

Tout à coup elle le vit à nouveau qui se mis à courir avec rapidité, d'énormes clés en main : la bousculant même ! La mutante trébucha et lorsqu'elle retrouva le sol, Belleville avait disparu.

Ah ! Enfin un endroit qui lui était familier : L'accueillante Confrérie ! Pensant que le « défilement » venait de s'achever, elle s'avança mais une ombre qui passa plus loin d'elle la fit s'arrêter nette : A quoi bon répéter à nouveau son nom, puisque toute cette chorégraphie n'était orchestrée que par lui. Il portait une sorte de sac de voyage et sonna à la porte... Pourquoi ne se faisait-il pas simplement reconnaitre par l'ordinateur ?

« Bonsoir... Je suis mutant... Je cherche un endroit où me reposer et... A me vanger des humains... Je peux entrer ? »

En deux temps, trois mouvements, il fut accepté à l'intérieur... C'était étrange mais, elle avait comme le préssentiment que Sinner n'était jamais allé revoir la gardienne qui l'avait fait sortir de prison en cachette... Pourquoi ? Oh, simple intuition... Et puis, nous parlons bien de Jared, le futé...

Elle se posait alors tout un tas de questions : Cela n'était réellement qu'un rêve, où bien avait-elle franchi un nouveau cap dans la découverte du temps ? Quoi qu'il en soit, ce qu'elle tirait de cette aventure était que la vie n'était pas toujours rose pour tout le monde, et qu'elle pouvait forcer à tromper et se tromper... McCracken observa alors les alentours avant de se poser sur les marches de la Confrérie : Elle ne chutait plus ...


Hj : Weddie, je te revaudrais ça ... ! Et quant à toi, Jared... T'as intérret à avoir beaucoup, mais alors beaucoup de courbatures après cette nuit

Un peu plus de temps. On demande toujours un peu plus de temps. Le temps est le pire ennemi des hommes. Non ce n'est pas l'alcool, la maladie ou encore les autres, mais bien le temps. Le temps qui détruit, le temps qui manque. On a toujours besoin de plus de temps, et c'est toujours quand on s'en rend compte que tout va s'arrêter qu'on voudrait courir contre lui. Le temps semble suivre son propre cours, loin de ce qu'on nous a apprit. Dans les pires moments il se dilate, ralentit, et devient une éternité. Dans les meilleurs, il s'accélère et toujours insuffisant. Et dire que Holly pouvait influer sur son cours. Comme une rivière dans laquelle elle s'ancrait, remontait ou descendait. Wed commençait à se rendre compte à quel point ce don pouvait être utile, et en même temps un lourd fardeau. Il aurait surement été utile en cet instant précis qu'il s'arrête. Wednesday, rhabillant doucereusement sa chère sœur, aurait vraiment tout préféré sauf ce qui était en train de se passer. Alors qu'elle enfilait avec délicatesse la robe en tulle noire sur le corps de Holly, la porte de la chambre fut saisie et ouverte brusquement, laissant à peine le temps à l'adolescente de s'interposer entre les yeux de l'intrus et le corps nu de sa grande sœur.

«....Et merde !!!...» l'entendit-elle dire.

Vivement retournée, elle reconnut Jared, le troisième larron de cette soirée mouvementée. Comme si on les avait prit tout deux la main dans le sac, leurs regards s'évitèrent, jusqu'à ce que Jared se retourne, et pose son regard sur le mur. Avec un petit soupir de soulagement, elle se retourna vers sa sœur allongée, en espérant qu'il n'est pas l'envie malsaine de la regarder dans toute sa simplicité. Wednesday acheva précipitamment l'habillement de sa sœur, ce qui voulait dire, ajuster définitivement sa robe, et la recouvrir du drap blanc de son lit.
Elle la regarda alors avec cet air maternel qui lui semblait si incompatible. Jamais elle ne s'était retrouvée à prendre soin de sa sœur, de façon si poussée. Mais cela ne semblait pas lui déplaire, peut-être la gêner un peu. Elle se surprit à poser ses doigts sur sa joue douce. Holly était plongée dans un sommeil calme et serein. Du moins en apparence, car personne ne pouvait voir ce qui se passait dans sa tête. Ce moment de tendresse fraternelle fut vite interrompue par l'autre mutant présent dans la pièce, que Wednesday avait une seconde, oublié.

«....Tu n'as pas encore eu le temps de la changer après tout ce temps ?....» fit Jared, toujours face au mur.

La jeune mutante s'empressa de s'approcher de lui, sans un mot, à pas silencieux. Elle lui toucha légèrement le bras pour lui faire signe de la regarder. Mais ce regard qu'elle ne pouvait soutenir la fit vaciller un peu, et ses gestes devinrent moins assurés. Elle posa son doigt sur sa bouche en signe de « Chut ». On pouvait bien se rendre compte qu'elle évitait de le regarder droit dans les yeux, fixant assez visiblement le haut de son front. Mais pourquoi ne pouvait-elle pas le regarder en face? De la culpabilité encore. Vraiment elle persistait.

-On ferait mieux de la laisser dormir, murmura-t'elle.

Et alors, lentement et silencieusement, elle se dirigea vers la porte. Elle l'ouvrit en la faisant grincer un peu, ce qui la fit grimacer, puis s'engouffra dans le couloirs. Dès que Jared fut lui aussi sorti, elle referma la porte, toujours avec ce même grincement. Bien sûr, il fallait toujours qu'elle fasse un bruit fou quand les autres dorment. Mais ces bruits peu agréables ne semblèrent pas troubler le sommeil de Holly.
Maintenant en terrain neutre, Wednesday se décida à regarder Jared en face. Commençant par zigzaguer entre les différentes parties de son visage, elle finit par réussir à s'arrêter sur ses yeux. Et le choc se fit vite ressentir. Tremblante, ses yeux commencèrent à se réchauffer des larmes qui y apparaissaient. Ses mains se crispèrent sur son T-Shirt, qu'elle serrait aussi fort qu'une main tendue dans le vide pour la secourir d'une chute. Elle n'arrivait pourtant plus à détacher ses deux grands yeux globuleux des deux grandes billes émeraudes si dures qui la fixait. Une éternité se passait entre eux. Le tourbillon qui se bousculait dans sa tête était bien visible. Que faire? Que pouvait-elle bien faire? Rester de marbre devant cette colère? Ou fondre en larmes et implorer un pardon?
Wednesday ferma les yeux et prit une grande respiration. Ce qu'elle allait faire aurait pu sembler simple, mais de son coté c'était un effort herculéen. Elle réouvrit enfin ses yeux, leur couleur bleu-vert voilée par le liquide transparent des larmes.

- .. Je... Je... bégaya-t'elle, ... suis désolée... Excuse... moi...

Cela avait été si dur. Si dur d'affronter ce regard. Si dur d'accepter le mal qu'elle avait fait. Si dur de se retrouver plus bas que terre. Mais elle l'avait fait, et un poids sembla s'envoler d'elle. La culpabilité ne disparaitrait surement pas de si tôt, mais c'était déjà un pas vers le pardon. Ses yeux se refermèrent une fois de plus, et sa tête s'affaissa. Wednesday laissa les larmes la submerger, couler le long de ses joues, s'en détacher, et gagner le sol. Les mains sur le visage, elle ne pensait plus. Elle attendait. Quelque chose. Un espoir futile. Ou peut-être même rien du tout.

Faible. Pourquoi était-elle toujours faible? Wednesday était toujours l'enfant, la petite. Celle qui faut éloigner. Celle qu'il faut protéger. L'enfant. L'enfant qui fait des bêtises. Toujours. Une faible parmi les forts. Un enfant dans ce monde de grand. Wednesday se représentait toujours à elle-même comme la petite fille de 5 ans habillée en petite princesse, seule au milieu d'une foule de grands passants tous plus tristes les uns que les autres. La petite fille qui regardait vers le ciel, et que personne ne regardait. Et soudain, toute cette masse de corps, de bras et de jambes se troublait, se mêlait en une énergie sombre, se torturant dans tout les sens et matérialisant monstres et monstres cauchemardesques. Et tous convergeaient, se rejoignaient pour former l'homme, le seul, le pire de tous. L'unique Bert McCracken. Père et tortionnaire. Son image s'enfuyait, dansait autour de la petite fille grandissant en accéléré. Il la torturait une fois de plus, de ces mots furtifs, de cette présence insaisissable. La peur. Il était la peur incarnée. La faille béante de Wednesday. Et ce qui engendrait sa force. Là était son seul et unique cauchemar. Le seul qu'elle savait entièrement d'elle. Le seul qui la hantait chaque nuit, derrière ceux des autres. Son père ne la quitterait jamais. Ce cauchemar concentrait presque tout ce qu'on retenait de l'adolescente, sa faiblesse, son enfance, sa peur, son père. Si quelqu'un voyait ce cauchemar, il comprendrait peut-être plus amplement Wednesday. Mais ce rêve resterait sa prison, ce qu'elle ne pourrait partager.
Et c'était cette vision qui lui revenait, alors qu'elle se tenait la tête trempée de larmes dans les mains, dans ce couloir qui lui semblait si froid, devant cet homme au regard dur. Jared. Elle avait du lui faire tant de mal. Et Holly. Elle avait du temps la décevoir. Se ronger de ce pouvoir, détruite par lui, elle se sentait atrocement coupable. Même si ce n'était pas amplement sa faute, elle ne pouvait retirer d'elle cette idée : ce pouvoir, cette peur, était elle, était enchainée à elle, et quoi que fasse son pouvoir, on ne pouvait le détacher d'elle. Wednesday ne trouverait jamais le repos avec un don si destructeur dans la tête. Mais s'excuser de tout le mal u'il faisait était le premier pas vers l'acceptation, et peut-être un jour vers la maitrise. Pour qu'un jour, il ne soit plus que cette aptitude collée à elle, mais qu'il soit inscrit plus loin que dans toute son âme.
Elle ne pouvait surement pas se rendre compte de la réaction qu'une excuse si désespérée et exagérée pouvait engendrer chez le mutant Jared. Elle sentit comme un mouvement de recul en lui, comme une légère peur. Elle le gênait, le plongeait dans l'embarras. Il ne savait visiblement pas quoi faire. Et elle qui attendait le moindre geste de sa part pour quitter sa tristesse figée? Wednesday devait prendre les choses en main elle-même. Elle enleva lentement ses mains de son visages, et essuya timidement ses yeux. Ils ne déversaient plus vraiment de larmes, juste un petit concentré de mélancolie. Alors qu'elle commençait à relever la tête, elle vit arriver devant ses yeux ronds comme deux billes un récipient dont fumait un liquide foncé. L'odeur du café remplit toute ses narines, comme une salvation, un soulagement. Sa chaleur lui réchauffait déjà la peau, le cœur et les yeux.

« Tiens...Fait attention, il est très chaud....» dit doucement Jared.

Elle qui d'ordinaire n'aimait pas vraiment le café, préféra ne pas protester. La situation était déjà assez lourde comme ça, et elle ne pouvait refuser cette chaleur qu'on lui proposait. Cette chaleur physique et humaine. La petite attention qu'elle ne pouvait refuser. Elle se saisit finalement de la tasse brulante, manquant de tout faire tomber une fois de plus, et releva vivement la tête vers cet étrange homme qu'elle venait de connaitre, avec un sourire immense aux lèvres. Un revirement brusque de situation. Wednesday pouvait ainsi, passer des larmes à l'effervescence pure. La tristesse d'il y a quelques minutes avait fait place à un bouillonnement de joie pure. Surprenant bien sûr. Mais l'adolescente n'était plus à ça près. Qu'on la prenne pour une vraie folle, ou une enfant attardée.
Lui aussi enjoué, Jared se dirigea vers une porte à coté de celle de la chambre de Holly.

« J'ai ouvert cette chambre et installé des draps propres contre le matelas...Tu est juste à côté de ta soeur...» fit-il, souriant.

Wednesday comprit par cela l'invitation, ainsi que l'offre de cette nouvelle chambre. Son futur espace. Elle, si brusquement euphorique, aurait voulu sauter au coup de Jared, mais les cafés dans leurs mains n'aimeraient pas cette exclamation de joie. Alors, Wednesday accentua encore plus son sourire, plus encore qu'on aurait pu le croire possible. Il y avait une profonde grattitude qu'elle n'arrivait alors pas à exprimer. Elle aurait pu faire un long discours, mais il n'y eut qu'un mot qui s'aventura hors de ses lèvres.

- Merci, dit-elle, tout simplement.

Il valait mieux a simplicité a de telles effusions de joie. Wed avait toujours tendance à s'emporter. Mais c'était tout son être qui était ainsi, exubérant, enfant, innocent, et si profondément indomptable.
ELle entra dans la chambre, et se retourna vers Jared, tenant la porte entre ses deux bras. Il y avait un forte fatigue dans ses yeux. Nul doute qu'elle avait besoin d'une bonne nuit de sommeil après cette soirée mouvementée. Il étai surement très tard, mais personne n'avait pensé à regarder l'heure exacte. Cela n'avait absolument aucune importance.

- A demain... Et bonne nuit, souhaita t'elle à Jared.

Elle lui sourit gentiment une dernière fois, avant de lui signifier qu'elle allait refermer la porte. Il fallait qu'elle retourne dans son propre univers. Qu'elle prenne possession de cette chambre. Refermant la porte lentement, elle se retourna vers cette pièce qui était devenu sienne. L'envie de la repeindre, de la décorer, de la transformer à sa sauce lui brulait les doigts. Mais la fatigue l'emmenait dans une toute autre direction. A pas maladroits, elle fonça vers le lit. Elle se laissa tomber sur les draps, appréciant une seconde leur douceur. Les yeux fermés, la bouche animée d'un sourire serein, elle referma les draps sur elle. Wednesday entra vite dans le monde du sommeil. Dans les bras de Morphée, elle rejoignait son univers.
Mais quel univers. Cauchemars. Peurs. Terreurs. La joie serait si vite effacée. Dommage.