Les insomniaques perdent leur temps à s'occuper [Jared]

Une après-midi entière s'était écoulée... C'était fou tout ce qu'Holly avait fait en ce court laps de temps. Son but premier avait été d'inscrire sa jeune soeur à un stage de guitare en guise de cadeau d'anniversaire, pour ses 17 ans; mais une fois les billets en main, elle couru les plus grandes librairies New-Yorkaises pour y trouver un ouvrage bien précis : Le grand dictionnaire de la langue des signes. Cet énorme bouquin lui avait tout de même coûté une petite fortune : Pas autant que les cours au Conservatoire de musique de Manhattan, mais pas loin d'1/4 de leur prix.

Elle n'eut pas vraiment le temps de le lire, car à peine arrivée à sa chambre, elle trouva sa soeur affalée sur son lit, portant ses vêtements et regardant sa télévision... Depuis que Weddie était de retour, il ne se passait pas un soir sans qu'elle ne pense à leur passé... L'image heureuse de son père se remariant la destabilisa encore plus qu'elle ne l'était déjà...

Il lui fallait se changer les idées, oublier vite sa tristesse. Se rappelant qu'elle n'avait toujours pas ouvert sa toute dernière acquisition, elle attendit patiemment que Wednesday soit endormie pour commencer à lire. Les ronflements de sa petite soeur rendaient ingérable sa lecture : Rester dans la même chambre qu'elle devenait insupportable... Qu'à cela ne tienne, l'insomniaque lectrice quitta la pièce.

Elle pensa tout d'abord à prendre possession de la chambre de Wed', histoire de pouvoir également dormir tranquillement : Mais la faim l'appelait : Elle n'avait pu toucher à la nourriture chinoise qu'elle avait acheté car la plus jeune des McCracken avait tout fini avant qu'elle n'ait pu prendre une bouchée de riz cantonnais.

Hours prit donc le chemin du réfectoire en espérant trouver de quoi se nourrir dans les cuisines, son gros dico en main. Elle le posa sur une des tables avant de se rendre au congélateur pour prendre un pot de glace à la pistache et de s'asseoir tranquillement pour commencer à feuilleter son dernier achat tout en se délectant de sa glace.

Quelle bêtise ! Elle se sentait inutile en voyant les signes et les lignes défiler... Pourquoi diable avait-elle dépensé son argent dans une chose aussi peu serviable ?! Pourquoi apprenait-elle le langage des signes, puisqu'autour d'elle de toutes façons : Personne ne le comprendrait. Oh, comme elle était énervée... Elle jeta alors brutalement son livre par terre et plaça sa tête entre ses bras tout en fermant les yeux : Que faisait-elle là ?!

Tic, tac... Tic, tac... Sa montre tournait doucement, et la musique qu'elle produisait la berçait presque, tel un petit métronome qui ne ralentissait jamais. Voulant jouer avec, elle tenta de se canalyser uniquement sur son petit objet de sorte de l'arrêter, lui et rien d'autre. Cela devenait alors une sorte d'amusement pour elle : L'arrêter, le remettre en marche, puis l'arrêter à nouveau... Et alors qu'elle tentait de remonter sa montre : Rien ne se produisit. Un long soupir...

Les tics et les tacs de sa montre l'amusaient, elle adorait passer du temps à les écouter s'arrêter, puis reprendre... Mais cette ambiance qui la berçait presque jusqu'au sommeil se retrouva brisée par un tout autre fond sonore : Des bruits de pas, irréguliers... Comme ceux de quelqu'un qui allait tomber... Ainsi que des chantonnements joyeux et imprécis... En bref, il s'agissait forcément de quelqu'un qui avait un petit coup dans le nez.

Holly se redressa dès lors que la personne en question entra dans la pièce : Jared... C'était Jared qui avait trop bu. Le voyant s'approcher du frigidaire, elle semblait le dévisager... Depuis l'expérience de son père avec l'alcool, elle ne faisait plus confiance en quiconque avait pris un verre de trop... Au contraire, elle se méfiait plus que jamais de tout et n'importe quoi.

« Hey....Si c'est pas la petite protégée de la Peau Bleu...!»

Un regard froid, un visage ne montrant aucune émotion, comme figé face à ses yeux cernés de rouge et son petit sourire niais. L'envie de lui dire simplement « T'es pas drôle » lui brûlait les lèvres, mais ce n'était malheureusement pas possible... Elle recula légèrement en se faisant accompagner par sa chaise qui grinçait au frottement de ses pieds avec de carelage.

« Qu'est-ce que tu fais encore debout, toi ? » Dit Sinner en croquant dans une pomme.

Bon... Il n'était pas si inconscient que cela, il parvenait à dire des choses un minimum censées... ? Hours s'arrêta de reculer et fixa un instant encore son confrère, comme pour s'assurer qu'il allait réellement bien.

Pour répondre à sa question elle se contenta de soulever son pot de glace et de pointer du doigt droit son gros bouquin avant de le ramasser pour éviter que quelqu'un d'idiot ne chute sur 86$ de pages inutiles...

Un papier apparu simplement dans la main de Jared alors que la muette commençait à manger tranquillement une boule de sa glace à la pistache.



Contrairement à elle qui s'était ennuyée à mourir... Mais elle n'avait pas l'air de le vivre mal, au contraire... Elle s'intéressait plutôt à la soirée de son... ami ? Peut-être son récit égayerait-il sa soirée ?

Holly semblait regarder Jared avec un regard froid, presque sournoi ... Ce mutant était étrange : Tantôt il était courtois et sympathique, tantôt il était méprisant et lourd. Ce n'était pas parce que Mystique s'était occupée de son cas qu'il devait se montrer ironique avec la jeune mutante : Après tout ne connaissait absolument pas la femme bleue, puisqu'elle venait d'arriver... Il souhaitait une vangeance par son intermédiaire... Mais pourtant elle n'y était pour rien ! Enfin, il était certain que l'égo déjà surdimensionné de son confrère en avait pris un coup, et celui-ci ne semblait guère s'en remettre.

Malgré son mépris il souriait, réellement, ... Il avait bu . . . D'ailleurs il sentait vraiment fort l'alcool ... La muette n'avait nullement confiance en lui alors qu'il était pris par les liqueurs qu'il avait consommées... Les expériences avec son ivrogne de père lui avaient suffit : Et à présent elle savait qu'il valait mieux se montrer compatissante avec les alcooliques en crises.

Le soleil était bientôt au rendez-vous, et Sinner sembla vouloir connaître la raison de son éveille. Alors qu'Holly commença à manger son pot de glace à la pistache, Sinner reçu un petit morceau de papier en jetant son trognon de pomme.

« C'est juste cela que je fais, ma chère Holly; m'amuser...»

Il s'approcha alors d'elle en lui tendant un verre d'eau, qu'elle pris alors qu'il cherchait ses clopes nerveusement, apparemment encore sous le poid de la colère.

« J'ai passé le début de la soirée à marcher dans les rues de New York. Je ne pouvais pas rester dans le même endroit qu'elle. Son insulte était totalement gratuit .Je ne fesais que la complimenter....C'était la dernière fois d'ailleurs...»

Il était étrange : Il semblait que toutes les raisons de son bonheur se rapportent à sa dispute avec Mystique... Comme s'il s'était saoulé comme un trou simplement à cause d'une remarque de sa part : Leur patronne devait donc avoir beaucoup d'influence sur les membres de la Confrérie... Elle le retiendrait.

«J'avais besoin de sortir ! J'ai finis ma soirée au Bar « Le Foof». De bonne bières et des conversations avec de vulgaire mortels et mortelles...»

Mortels et mortelles ? De quoi parlait-il ? Elle ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire ironique alors qu'il vint s'asseoir près d'elle ... Il se prenait vraiment pour un Dieu ... D'ailleurs elle lui fit une légère accolade comme pour lui dire d'arrêter son discours mais il continua de plus belle...

« Elles sont....très déterminées.»

Un rire gêné pu se voir sur sa bouche, même si aucun son ne sortait... Il s'arrêta de parler alors qu'il prit une bouffée de sa cigarette vers l'extérieur ... Hours était habituée, chez elle tout le monde passait son temps avec une clope à la bouche ou... Autre chose. Et après tout, que risquait-elle ? Un cancer à la gorge ? Et après ? Elle ne parlait déjà plus.

Elle le regarda alors dans les yeux lorsqu'un nouveau papier apparu...



Une pause.



Son visage rireur prit alors un air plus grave... La mutante n'était pas un punching ball sur lequel on pouvait se défouler et renvoyer toutes les fautes... Elle s'était retrouvée au milieu de leur conflit sans le vouloir, on l'y avait même précipité...

Un visage de marbre, aussi froid que l'acier de son regard. Aussi froid que les murs de cette cuisine métallique où ils se trouvaient. Inlassablement. Silencieusement. Holly se délectait sereinement de sa glace à la pistache alors que Jared observait avec attention le livre qu’elle reniait depuis quelques minutes à peine… Celui-ci semblait s'intéresser à l'objet qu'elle avait jugé inutile, ce qui l'effarait quelques peu.

La jeune femme voulu briser ce moment précieux pour son confrère qui l’énervait fortement, et elle n’avait pas oublier ce qu’il lui avait lancé, en entrant… C’est pourquoi un morceau de papier apparu sans prévenir, cachant les pages du dictionnaire. Il le lu.

'' Elle n'avait pas à m'insulter !!!'' Cria-t-il en refermant violemment le livre, emprisonnant le billet à l’intérieur.

Mais un autre bout noircit apparu.



S’il y avait une chose qu’elle détestait, c’était bien cela : Ceux qui pensaient que les muets n’avaient pas d’esprit pour analyser les situations qui se déroulaient autour d’eux… Bien au contraire, elle, passait bien plus de temps à prendre du recul sur les choses et les gens que personne ! Elle était très loin d’être une idiote, et savait se fixer des idées qu’elle prenait pour justes.

« Je te rappelle que c’est quand même toi qui me l’a présentée, et qui m’a laissé avec elle alors que… Enfin peu importe. »

disait le billet qu’il reçu peu après.

'' Je ne veux plus être insulté...''

Il semblait presque effrayé par ce qu’elle écrivait… Et il était vraiment rare qu’Holly étale ses pensées sur des feuilles, en général elle se contentait de regarder les personnes et d’hocher la tête poliment… Mais à cet instant elle voulait vraiment lui dire ce qu’elle avait sur le cœur. … Il était vrai que pour des personnes habituées à ce qu’elle reste taciturne, ce retournement pouvait être choquant. Depuis son arrivée à la Confrérie, elle se sentait pourtant plus sûre d’elle que d’habitude, elle n’avait plus l’épée de Damoclès que son père plaçait sur sa tête à chacun de ses faits et gestes.



'' Elle ne me contrôlera pas....Tu ne me crois pas capable de la conffronter ?''

Un autre morceau de papier vola maladroitement dans les airs, en réactivant le temps elle l’avait jeté . . . Les lettres écrites étaient même plus appuyées que les autres.

« Mais je n’en sais rien, Jared ! C’est à peine si je sais ce que tu fais… Je sais que je suis dans ton camp… Je suis avec toi, pas contre toi ! »

Elle eut un long soupir avant d’arrêter une ultime fois le temps… Cette fois, elle prit une feuille entière, assez grande pour écrire une lettre dans son intégralité… Revenir sans cesse à ses petits billets la fatiguait c’est pourquoi elle écrivit tout ce qu’elle avait à lui dire, franchement.



Alors que Sinner la boudait encore, elle se mise à écrire à la suite de ses longues lignes, devant lui, sans stopper quoi que ce soit…



Apparemment personne n’avait jamais dit à Sinner ce qu’il pensait de sa situation, et comble de tout : C’était une muette qui le faisait pour la toute première fois.

Toujours, parce que l'on ne doit jamais dire jamais. Toujours étant son inverse, on peut se permettre de le croire à outrance. On peut toujours croire en des possibilités, mais pas en la Chance. Trop traîtresse. On ne peut toujours se fier à ses sens, car ceux des autres sont tout aussi - sinon parfois plus - aiguisé que les notres.

La jeune mutante referma son pot de glace et alla le ranger dans le congélateur. Semblant prendre conscience de l'ampleur de ses dires, la jeune femme baissa la tête. Abandon, soumission. Étrangement, ce geste la dérangea. Elle rougissait, elle avait honte de lui avoir tout dit... Elle se sentait coupable ... Coupable de s'être exprimée aussi grandement... C'était ridicule pour elle qui ne faisait jamais savoir à quiconque le fond de ses réflexions, depuis quand se permettait-elle de laisser ses pensées déborder autant ?

Elle retourna s'asseoir mais cette fois-ci à l'autre bout de la table, cachant sa tête entre ses bras appuyés sur son livre comme pour signifier qu'elle se renfermait à nouveau dans son mutisme.

Silence pesant.

Elle se laissa sans problème enveloppée de ce regard qui la couvrait entière. Ce regard qui, se voulant peut-être discret, la détaillait. Elle en avait l'habitude. Pas comme un animal de foire, non... Au lieu de craindre ces regards, de les appréhender, elle les appréciait. L'intérêt. Où qu'elle soit, Holly McCracken ne passait pas inaperçue. Pas avec ce calme olympien. Ce visage froid et placide. Elle dégageait une sérénitude et une neutralité excessive. Comme si l'émotion ne traversait pas ce mur d'impassivité qui caractérisait son visage. Ses yeux. D'un gris acier. Imperméable aux sentiments. Aux émotions ausssi, sinon la colère. Les êtres les plus effacés étaient donc ceux que l'on remarquait le plus. Hours était un être calme, tempérant le bouillant qui vivait en son sein. Douce torture que de retenir ses faiblesses devant autrui...

Il fallait bien parler, un jour... Et lorsqu'on ne pouvait pas... Écrire était l'échappatoire.

«Alors que quoi ?...Oui, je t'ai laissé avec Mystique...et alors ? Je n'avais plus besoin de rester avec vous. Elle semblait déjà à l'aise avec toi et ....et être le faire-valoir n'est pas mon poste. J'avais pas le goût de rester là et me faire narguer au moindres mots que je sortais...»

C’était étrange mais souvent Holly semblait attirer la sympathie des gens… Peut-être que ce n’était que de la pitié due à son handicap… Ou juste parce qu’elle avait une tête qui revenait aux gens… Dans tous les cas elle n’y pouvait rien… Et cette jalousie que transmettait Jared n’était pas très agréable. Un petit billet de plus en guise de réponse.



L'image belle et solidaire qu'elle se faisait de la Confrérie s'assombrissait lentement dans son esprit... Et elle lui en fit part. Mais celui-ci ne semblait pas d'accord ... Toute cette haine profonde n'était que passagère ? Tiens donc, elle ne s'y attendait pas.

« C'est évident que tu penses ainsi après ce qui m'est arrivé, mais ce n'est pas le cas. On est solidaire entre nous...Je te le jure. Ce qui fait qu'il y a des tentions dans la Confrérie est la disparition de Magnéto. Dent-de-Sabre a prit sa place selon les règles, mais Mystique aimerait prendre une part. Elle a été l'assistante de Magnéto et croit que ce serait elle qui devrait prendre les reines de la Confrérie. Alors, pour avoir de l'appuie, elle magouille de gauche à droite...espérant que Dent-de-Sabre sera détrôné...

C'est Dent-de-Sabre qui m'a trouvé blessé dans une ruelle. Les flics s'apprêtaient à me retourner en taule. Étant donné que je suis du côté du chef actuel, il est clair qu'elle me déteste...

Tout est une question de pouvoir...»

Elle l’écoutait calmement, même s’il la tracassais plus qu’autre chose. Il parlait de la famille Confrériste… Donc, Mystique et Dents-de-Sabre menaient une sorte de course au pouvoir ? Presque intimidée, elle écrivit avec de toutes petites lettres :

« Qui est Magneto ? Et dis-moi… Tu n’as pas eu peur lorsqu’il est arrivé ? C’est idiot mais… Lorsque je vois Dents-de-Sabre je suis comme pétrifiée… »

Sinner semblait ne pas comprendre la sympathie qu’elle lui portait…Il était surpris par de simples phrases sur du papier…

« Personne ne me dira comment me comporter...»

Toujours faire ce que l'on demande, mais faire ce qui nous plait. Ajuster nos désirs en fonction de ceux des autres. Beaucoup moins évident à faire qu'à dire, surtout lorsque l‘on a un ego facilement touchable. Quel était pourtant ce pénible prix à encore quelques journées dans ce monde, dans cet univers forgé dans les cendres et dans le sang. Un monde à l'image de ses régents.

Elle répondit presque aussitôt.

« Je ne suis pas trop gentille avec toi, je ne suis juste pas méchante avec les gens qui m’ont accueilli les bras ouverts alors que tout le monde se foutait de moi. Nuance. Tu n’as jamais ressenti cela pour quelqu’un ? La sensation de reconnaissance ? Avec Dents-de-Sabre, par exemple ? »

Elle se leva pour ranger son pot de glace pendant que son confrère était toujours choqué devant ses petits morceaux de papier…

« Je sais ce que je dois faire avec elle...Je ne me laisserais pas faire, crois-moi...Elle a peut-être une réputation légendaire, mais...elle ne doit pas me ridiculiser pour le prouver...Je sais que mon don est puissant et il n'est pas encore à son plus au niveau...Je suis assez fort et mâlin pour la surprendre, elle, et tous les autres...C'est le calme avant la tempête.... Et je n'ai pas besoin de ta pitié pour savoir tout cela...»

Pitié ? Quelle pitié ? Avait-elle à ressentir de la pitié pour lui ? Et à quel sujet ? La seule chose qu’elle voulait faire c’était porter conseil… Et non porter atteinte.



Cette conversation plutôt mouvementée avait été pour elle un échec total… Encore une preuve du fait qu’elle ne parviendrait peut-être jamais à s’intégrer à une société, même à celle qui était censée être la sienne. Cela ne la réjouissait pas, non. Elle était énervée… Et perturbée.

Elle reprit doucement son livre encore posé sur la table et pris le chemin de la porte qui menait au couloir.