C'est donc ça l'Institut [Fini]

Jack avait entendu que l'Institut Xavier renfermait des mutants sous couvert d'école pour jeunes surdoués. Il s'était dit que ça pourrait être divertissant de voir des gens comme lui... et tuer des mutants, ça devait être autrement plus amusant que de tuer des gens normaux. C'était plein de nouveaux défis qui s'offraient à lui, toutes ses têtes nouvelles, tous ces jeunes hommes, ces jeunes femmes, dans la vingtaine, comme lui... enfin d'apparence, comme lui. Il mourrait d'envie de les connaître tous et de tout savoir d'eux. Il ne pouvait pas encore tuer bien sûr. Ce serait une faute de débutant : la police aurait vite fait de remonter jusqu'à lui si les meurtres coïncidaient avec la date de son arrivée. Il devrait attendre un peu, prendre son mal en patience, se faire des amis, s'inventer des alibis et quand il sera devenu un petit ange aux yeux de tous, il pourra recommencer à s'amuser. D'ici là, il faudra qu'il s'éloigne le plus possible de l'Institut pour assassiner. Il fallait qu'il voit le professeur Charles Xavier pour savoir en quoi consistait exactement cet établissement. Quelqu'un devait pouvoir l'amener auprès de lui.

Lisbeth rentrait d’une balade. Elle avait inspecté entièrement l’institut, et ce qu’elle avait pu tirer des élèves qu’elle avait rencontrés, c’était que le directeur était absent, personne ne savait quand il reviendrait. Elle savait qu’elle pouvait s’adresser au professeur Mc Coy, mais n’était pas certaine d’en avoir envie. Tous, dans cette école paraissait remarquablement aimable et enjoué, enfin si elle se fiait aux quelques personnes croisés, et à ses propres impressions. Une belle bande de super héro. Prêt sûrement à se battre pour de nobles causes, elle ne savait pas si elle en était capable, après tout, elle avait été habitué a faire cavalier seul. Généralement elle ne réglait que ses propres problèmes.

Elle poussa un faible soupire et éteignit sa cigarette avant d’entrer dans le hall, jetant le mégot dans le bac prévu a cet effet. Elle remarqua une silhouette qui lui tournait le dos. Une silhouette élégante, une élégance sortie d’une autre époque, ou d’un roman d’Oscar Wilde. Elle se senti mal à l’aise, pourtant ça ne lui arrivait pas souvent, elle n’était pas facilement impressionnable, elle senti un frisson d’appréhension remonter le long de sa colonne. Elle avança de quelques pas, son cœur battait la chamade. Depuis quand avait-elle peur des inconnus ? Depuis quand avait-elle peur ? Elle s’était tellement isolé que ça ne lui était plus arrivé, et bien qu’intérieurement se soit le chaos dans son esprit, physiquement elle était égal a elle-même, d’une neutralité parfaite.

-bonjour… ?

L'air était plein de stress, une espèce de tension palpable. Jack la ressentait un peu, c'était une sensation très étrange, comme s'il pensait que la police allait débarquer pour le coffrer alors que personne ne savait qu'il était l'auteur de plusieurs centaines de meurtres durant tout le vingtième siècle. C'était comme si quelqu'un l'avait démasqué. Sa lèvre supérieure trembla un peu et il sembla soucieux quelques secondes avant de voir et d'entendre Lisbeth. Une merveilleuse jeune femme, belle comme la mort, pâle, mince dont les lèvres roses comme une glace à la fraise, semblaient anormalement vivantes. Jack la disséquait du regard, il la trouvait magnifique. Cet air qu'elle se donnait, à la mode chez les jeunes américaines, il le connaissait par cœur : l'indifférence, la nonchalance, une pointe de désintérêt total... un rôle facile à jouer que beaucoup d'adolescentes jouaient fort mal. Elle, c'était différent, on dirait qu'elle avait fait ça toute sa vie, qu'elle connaissait parfaitement l'expression que doit afficher un être que tout a quitté. Comme dans le poème de Baudelaire, elle était "longue, mince, en grand deuil" et sa douleur était majestueuse. Jack ne put s'empêcher de sourire de toutes ses dents, d'un sourire franc qui n'avait rien de poli. La vision de Lisbeth l'apaisait et lui faisait du bien.

Bonjour mademoiselle... je suis bien à l'Institut Xavier ? Je cherche le professeur.

Il ne pouvait pas la tuer, pas pour l'instant... d'ailleurs, il pensait qu'elle ne figurerait pas sur la liste des nombreuses femmes mortes des mains de Jack l'Eventreur (ou plutôt de son héritier). La vie lui allait trop bien. La mort la rendrait semblable à tous les autres cadavres. Et taché de rouge cette statue noire, grise et blanche serait... criminel pour l'artiste qu'il est.

Son regard l’avait brûlé, pas au sens propre bien sur, mais dès l’instant ou elle avait senti ses yeux se poser sur elle, elle avait eut la désagréable impression qu’il lisait en elle, comme dans un livre. Elle se sentait détailler, jauger peut être. Arracher son âme pour en pointer les faiblesses. Elle se fit violence pour ne pas reculer. Le sourire qu’il afficha peu après la décontenança, un sourire franc et large, mais légèrement dérangeant. Il contrastait avec l’image sombre du jeune homme. Ce jeune homme qui ressemblait à un gentleman du XIXème siècle, ou peut être, était ce-elle qui lisait trop d’ouvrages de cette époque ?

Ses cheveux mi-longs, ondulé, et sa façon de se vêtir, contribuaient à cette image de dandy anglais. Par bien des aspects il était beau, mais d’une beauté terrifiante, sans âge. Un peu trop consciente d’elle-même. Dans ses yeux brillaient un léger éclat de folie, qui ne la rassura pas, pourtant elle s’obligea à ne pas bredouiller à ne pas laisser voir a cet étrange personnage, la forte impression qu’il exerçait sur elle.

-Vous êtes au bon endroit… mais le professeur s’est absenté, désolée. Vous êtes ?

La question lui avait échappé, sa curiosité était maladive, pourtant, elle n'était pas certaine que prolonger l'entretien avec cet individus était conseillé, il semblait avoir une influence nefaste, sur son self-control. Pourtant elle ne pouvait s'empêcher de faire le parallèle entre cet individus et Dorian Gray. La même étrangeté que le personnage du roman, se dégageait de son interlocuteur, un parfum de mystère et de secret teinté de sang.

Il était rare qu'il laisse de marbre. La plupart des femmes tombaient sous le charme, beaucoup d'autres le méprisaient, le prenant pour un jeune homme trop sûr de lui... ce qu'il était. Mais elle, rien. Aucune réaction ne s'imprimait sur son visage. Il ne lui faisait absolument aucun effet. Cela l'énerva mais il ne le montra pas. Après tout, cette femme était une œuvre d'art... quand il avait croisé la Joconde au Louvre, est ce que cette dernière avait réagi ? En fait, en y réfléchissant un peu, il aurait été déçu qu'elle soit comme toutes les autres femmes. Cette absence totale de sentiments, en apparence du moins, était tout à son honneur. Même sa voix semblait trop vivante pour sortir de sa bouche. Elle était vraiment étrange... Jack sentait qu'elle était une mutante. Il espérait que toutes les autres personnes de cet Institut étaient aussi passionnantes. Il irait tuer ailleurs, ce n'est pas si grave.

Je t'en prie, tutoie moi, nous devons avoir... le même âge.

Ce trait d'esprit invisible pour elle bien sûr fit également sourire Jack. Si elle avait son âge, elle serait morte et c'est précisément ce dont elle a l'air. Enfin bon, ce n'était pas le bon moment pour faire de l'humour... et elle ne comprendrait pas de toute manière. Personne ne le comprenait jamais.

Je m'appelle... Jack. Jack Holmes.

Il éprouvait toujours une fierté énorme chaque fois qu'il prononçait son propre prénom, le même que celui de son idole.

Le professeur n'est pas à l'Institut donc... c'est dommage... a-t-il un remplaçant ? Un sous-directeur ou quelque chose ?

Plus le temps passait, plus son malaise allait en grandissant, si elle n’était pas si intrigué par ce Jack Holmes, elle aurait sûrement déjà trouvé une excuse pour s’éclipser. Cependant elle restait immobile, comme figé au sol, incapable de rompre le contact visuel. Peut-être par défi, après tout elle n’avait jamais rencontré d’autre personne comme lui, quelqu’un qui réussissait en si peu de temps à lui faire une si forte impression. A dire vrai, elle se sentait comme une petite fille devant lui. Elle remerciait son self control, et son aptitude à camoufler ses sentiments, les enfouir au plus profond d’elle-même. Tout semblait glisser sur elle, elle tourna la tête vers le miroir du hall, observant le vide au lieu de sa silhouette, puis le profil de Jack, en entendant de nouveau le timbre grave de sa voix.

Il l’invitait a la tutoyer, cela fit apparaître un vague sourire en coin sur son visage d’ordinaire si impassible. Malgrès son apparence de jeune homme, il semblait âgé, et elle doutait de parvenir à le tutoyer un jour. Elle nota mentalement son nom dans un coin de son cerveau, pensant déjà à effectuer quelques recherches sur l’étrange Jack Holmes. Il semblait en tout cas assez imbu de sa personne, mais elle ne l’en blâmait pas, elle préférait ce comportement aux indécis chroniques.

-le professeur Hank McCoy, ici, c’est le nom qui revient lorsque l’on cherche des réponses.

Le nom qui revient ? Elle n'en savait pas beaucoup plus que lui et elle aussi cherchait des réponses manifestement. Des réponses qu'elle n'avait pas trouvé. Jack déduisait trop de choses et Lisbeth commençait à devenir trop humaine, trop vulnérable, trop mortelle. Il n'aimait pas détruire ses propres rêves comme ça. Il se contenta donc de continuer à la considérer comme un esprit revenu du royaume des morts... une personne comme lui en fait. Sauf que lui, il était plein de vie, plein des vies qu'il avait arrachées au fil des années. Le professeur Hank McCoy. C'était dingue comme au cour du siècle, les professeurs avaient acquis une sorte de divinité. Être professeur suffisait à ouvrir les voies aux postes les plus élevés. Et pour être professeur, il fallait avoir toute sa raison et ne pas être complètement fou. De toute manière, c'était trop intellectuel pour lui tout ça, il ne voulait pas être quelqu'un de connu et de reconnu, il voulait juste tuer des gens et pas besoin d'être un professeur pour ça... encore moins besoin d'avoir toute sa raison. Jack fit quelques pas en direction de Lisbeth.

McCoy d'accord. Et toi, comment dois-je t'appeler ?

Il mourrait d'envie de la toucher, juste mettre sa main sur son épaule pour voir si elle est vraiment réelle, si elle existe et si elle n'est pas un fruit de son imagination. Ça peut arriver après tout, il attendait tellement de choses de cet Institut qu'il peut avoir des hallucinations une fois sur place... mais s'il commençait à réagir comme ça, son comportement paraîtrait suspect et c'était ce qu'il fallait à tout prix éviter. Enfin, il venait à l'instant de se promettre de ne jamais tuer Lisbeth... mais ça se saurait s'il était un homme de parole.

Au l’instant ou elle le vit avancer vers elle, sa haute silhouette la surplombant, elle se fit violence pour ne pas reculer. Elle ne voulait en aucune façon que quiconque pense avoir le dessus sur elle, elle restait maîtresse d’elle-même en toute circonstance, c’était ce qu’elle s’était jurée, au moment ou elle s’était échappée de chez elle, ou elle avait décider de cesser d’être un gagne-pain pour son père. Elle avait souvent renouvelé cette promesse, surtout depuis une affaire qui avait faillit lui coûter bien plus que sa vie. Ses obscures pensées furent interrompues par une nouvelle question, pendant sa courte réflexion, elle avait presque oublié ce qui l’entourait. Ses yeux, voilés pendant un court instant, s’éclaircirent de nouveau.

-Lisbeth Salander.

Pas une seconde ne lui était venu l’idée de lui mentir sur son identité. Lisbeth, ne se sentait pas en confiance, loin de là. Mais elle ne vit aucun intérêt à se présenter sous l’identité d’Anna Caroll, elle doutait que son vis-à-vis, soit du genre à contacter la police dans la minute, elle ne savait pas de quelle genre il était, ténébreux était un adjectif qui lui saillait remarquablement bien.

-V… Tu es venu en visite… où tu comptes t’installer ?

Elle n’était pas certaine de dormir paisiblement, si elle savait que cet homme allait et venait à toute heure dans ce refuge. Elle ne savait pas d’où lui venait cette intuition, mais elle ne se sentait pas du tout rassuré, il était trop… tranquille, trop paisible. Pourtant elle n’avait aucune envie de fuir. En vérité, elle était même intriguée, presque fascinée par cet individu.

Est ce qu'il comptait rester ? Mine de rien, c'était une excellente question. Il n'avait même pas réfléchi à cela. C'est vrai, c'est un Institut, il est fait pour qu'on y vive. Enfin, Jack se doutait aussi que ce n'était pas qu'un hôtel pour mutants. Il devait se passer d'autres choses ici, c'était trop grand pour ne faire qu'accueillir des mutants pendant une nuit ou deux. C'était d'ailleurs pour ça qu'il cherchait le professeur Xavier, il voulait savoir ce qu'il pourrait apprendre ici. Elle n'avait pas l'air de vraiment savoir non plus, comme si elle débarquait juste à l'Institut. Il n'avait vraiment pas de chance. Bon, elle ne lui servait plus à rien. Elle était belle mais il avait besoin de réponse. Son sourire disparut.

Je vais sûrement rester...

Il regarda mieux le hall. Il était écœurant. Avec toutes ces petites plantes qui n'avaient rien de naturel, il était trop blanc, trop lumineux, il donnait mal à la tête. Et tout était beaucoup trop grand. Comment peut-on se sentir chez soi dans un environnement aussi ouvert ?

Où est le professeur McCoy en ce moment, tu le sais ?

Lisbeth compris instantanément que l’entretien était terminé. Il semblait avoir eu les informations qu’il souhaitait acquérir. Elle mit quelques secondes à reprendre pieds, elle se demanda comment en si peu de temps, elle avait pu à ce point perdre le contrôle de son esprit, elle ne s’était plus reconnut. En raison de cela, elle toisa froidement James, prenant la décision de le détester, de le classer dans la catégorie des gens à éviter, elle glissa sa main dans sa poche, serrant le canif qu’elle conservait toujours sur elle. Durant un court moment, elle avait perdu le control, par le fait, elle ne lui faisait aucune confiance. De plus, apprendre qu’il songeait rester, le savoir dans le même établissement qu’elle ne la rassurait guère. Somme toute, en reconsidérant l’individu, il n’avait rien d’exceptionnel, si ce n’était l’aura de danger et de folie qui émanait de lui.

-Dans les sous-sols.

Elle se recula d’un pas et le contourna, éloignée elle se senti mieux, de nouveau apte à analyser la situation, elle s’insulta mentalement d’idiote impressionnable. Cet institut était bourré de mutant, de gens avec qui elle n’avait pas l’habitude de traiter. Le pouvoir de ce mutant était peut être d’embrouillé les esprits. En passant à côté de lui elle fit une pause.

-Au plaisir Monsieur Holmes.

Puis elle prit le chemin de la cuisine, la faim se faisait sentir, mais également le désir impérieux de quitter la compagnie de Jack Holmes.