Promenade matinale [Pv Boner]

Béatrice se promenait à présent nonchalamment dans la rue, sans véritable but. Elle ne réitéra pas l’erreur qu’elle avait faite il y a quelque temps cependant et au lieu de sortir en pleine nuit, elle était sortie à l’aube –littéralement.
L’air était particulièrement vif ce matin mais la jeune new-yorkaise l’avait toujours aimée ainsi pourvue que la pluie ne s’emmêle pas ce qui au demeurant ne risquait pas d’arriver au vue du magnifique ciel bleu qu’offrait ce début de journée.

Un grand point d’interrogation était toujours associé à son avenir, mais cela la rendait moins anxieuse que ça n’avait été le cas les semaines précédentes. Savoir que ce genre de petite crise étaient cyclique et non constante avait presque quelque chose de rassurant.
La jeune femme ne voulait pas y penser cependant, elle n’avait même pas besoin d’être rassuré. Si elle avait un peu mit un terme à son envie d’aller trouver Xavier et son institut –Béatrice doutait sérieusement de ses chances de se sentir à sa place là-bas, le statut d’élève à 20 ans risquait fort de pas lui convenir quant à être plus… avec les pouvoirs qu’elle avait…

Il y a deux jours néanmoins, alors qu’elle avait aidé une mère à retrouver sa fille grâce à l’une de ses visions, elle avait cessé de voir ses pouvoirs comme un truc inutile qui en plus avait ruiné sa vie et tous ces beaux projets. Elle s’était senti trop bien au moment ou la petite fille avait retrouvé sa mère pour s’empêcher de ressentir ça à nouveau juste parce qu’elle rejetait en bloc tout ce qui concernait ses pouvoirs.
Un champ nouveau de possibilité s’offrait désormais à elle, lui apportant la bouffée d’oxygène dont elle avait désespérément besoin depuis son retour dans sa ville natale.

Toute à ses pensées et à ses projets de parents et d’objets retrouvés ou de mystères enfin éclaircis, Béatrice entra dans Central Park essentiellement peuplé à cette heure de promeneurs de chien et de joggeurs.
La jeune femme poursuivie encore un moment sa promenade dans l’ilot de verdure de New-York, avant de se poser sur un banc. Elle ne savait plus vraiment quelle heure il était, mais le parc était déjà plus bruyant qu’au moment où elle y était entrée. Un peu plus loin sur la pelouse une bande de jeune venait même de faire son entrée et d’entamer une partie de basket, encouragé par les gloussements de quelques collégiennes. Béatrice les observaient distraitement lorsque le contact entre sa main et le banc lui provoqua une vision … un ballon de basket venait de rebondir sur ce banc avant d’être récupéré par un jeune homme au sourire ravageur.

Habituellement, Béatrice n’aimait pas ses visions mais c’est en forgeant qu’on devient forgeron alors si elle voulait en faire quelque chose… Béatrice reposa donc la main sur le banc. Rien. Elle la déplaça légèrement en fermant les yeux. Rie… si ! Une petite fille aux boucles blondes courait en riant quand. Bam. Béatrice rouvrit les yeux en réprimant grimace et frisson. La petite en question avait fini par se cogner violement la tête sur le banc.

Béatrice allait à nouveau toucher le banc pour essayer de retrouver la petite fille lorsqu’elle se rendit compte qu’un grand brun la regardait. Toucher un banc en fermant les yeux était peut-être le genre d’attitude qui pouvait retenir l’attention…
Béatrice laissa donc retomber sa main sur ses jambes au lieu de la reposer sur le banc et lui fit un sourire qui disait « non je ne suis pas folle même si j’en ai l’air ».

Elle s’efforça ensuite de regarder ailleurs avec un air très intéressé qui ne collait pas trop avec ce qu’elle avait sous les yeux.

Boner s'était décidé à recommencer à courir le matin. La raison était simple: il avait maintenant un lieu de résidence, une maison. Grâce aux petits travaux qu'il faisait, cela lui permettrait de payer le loyer, qui heureusement n'était pas élevé. Central Park était une destination idéale pour ça, car c'était grand et plein de chemins. Il ne put s'empêcher de penser en voyant tous les joggeurs.

-On dirait des maniaques de l'exercices, des drogués du jogging...

Il sourit, car des gens comme ça, il en avait vu des tas. Un peu plus tard, le grand parc de la Grosse Pomme prenait vie et plus de gens semblaient s'y trouver. Il prit un chemin pour s'éloigner de cette masse humaine. Après quelques minutes, il vit un groupe de jeunes jouant au basket-ball et un peu plus loin, une jolie, très jolie même, jeune femme assise sur un banc. Il contourna les basketteurs et se rapprocha de la femme. Elle avait les yeux fermés et avait la main posée sur le banc. En se rapprochant, elle allait le refaire mais le vit et la posa sur ses jambes et commença à regarder ailleurs après lui avoir sourit.

-Elle doit penser que je la trouve folle, pensa-t-il, je devrais peut-être lui parler...

-Je peux m'asseoir?

Contre toute attente ou du moins contre ce à quoi elle-même s’était d’abord attendu, l’homme qui la regardait un peu plus tôt ne profita pas de ce qu’elle regardait ailleurs pour s’en aller, bien au contraire. Il continua à se diriger vers elle et lui adressa même la parole.

"Je peux m'asseoir"
« Euh… Oui, bien sûr ».
Elle finit sa réponse par un sourire un peu hybride, mi-grimace, mi-sourire tandis que l’ensemble de sa petite intervention lui donnait l’envie de s’administrer elle-même une ou deux claques.

Depuis quand est-ce qu’elle commençait ses phrases par « Euh… » d’ailleurs ? se demanda t-elle en fronçant légèrement les sourcils.
*Depuis que tu plotes les bancs ?* lui suggéra une autre petite voix dans son esprit. Béatrice se renfrogna un peu suite à cette intervention capitale de son propre esprit pour reporter son intention sur le monde extérieur qui ne se mettait toujours pas en mode pause lorsqu’elle était occupée à se disputer avec elle-même ou à se faire des reproches.

Le jeune homme -car vu de près, il ne devait pas être beaucoup plus vieux qu’elle- était toujours assis à côté d’elle et Béatrice cherchait à présent quelque chose à dire toute en se demandant si dire quelque chose était vraiment judicieux.
Maiwenn, la jeune chanteuse ne lui avait-elle pas déconseillé de se servir de ses pouvoirs en public ? Mais comment le jeune joggeur pourrait-il se douter que c’est ce qu’elle venait de faire ?
« Pour tout à l’heure… vous avez du… vous… enfin… ce n’était pas… C’est pas grave, laissez.»

*Oh, là tu te surpasse ma grande. Encore mieux que ton entretient avec le doyen de ta fac.*
Et s’il ne s’était assis là que pour se reposer ?
*Trop tard, fallait y penser avant. Je doute qu’il ait comprit grand-chose de toute façon.*
En attendant une éventuelle réaction à sa brillante tentative d’engager la conversation, la jeune New-yorkaise reporta son attention sur les trois pigeons qui essayaient désespérément de s’approcher des miettes situées sous leur banc mais qui faisait demi-tour dès que la jambe croisée de Béatrice qu’elle agitait en rythme semblait se diriger vers eux.

Elle soupira légèrement en pensant qu’elle aurait dû se contenter de quelque chose de plus conventionnel comme une remarque sur le temps qu’il faisait ou sur celui qu’il avait passé à New-York. Mais ce qui est fait est fait et toute mutante qu’elle était elle ne pouvait pas changer ça.

« Pour tout à l’heure… vous avez du… vous… enfin… ce n’était pas… C’est pas grave, laissez.»

Boner la trouva un peu stressée avec lui, et cela lui rappela du temps où il avait rencontré une fille comme elle. Elle bégayait beaucoup et finit par s'en aller pour ne plus lui parler. Ah les femmes! Et il n'était quand même pas un nul avec les filles, ça c'était sûr.

-Peut-être que je devrais lui dire quelque chose pour détendre un peu l'atmosphère, pensa-t-il, ou lui parler de ce qu'elle m'a parlé...

Avec ce genre de tergiversations psychologiques, il allait finir par se poser des questions existentielles, et ce n'était pas son fort. Alors il se décida à parler.

-Alors, je crois que je ferais mieux de me présenter: Isak Vilanova. Et vous?

Pas fort comme réplique, se dit-il, mais au moins ça lui permettrait d'oublier l'incident de tout à l'heure. Et si c'était un mutant? Le jeune homme n'y avait pas pensé. Mais lorsqu'il avait rencontré Graphic à l'Institut il y a quelques temps, il n'y avait eu aucun problème. Il porta son regard sur la jeune femme, en attente du réponse à sa question.

Alors, je crois que je ferais mieux de me présenter
*Ah oui ?* *Pourquoi ?* Avait-elle fait autant pitié qu’elle le pensait avec sa présidente intervention ou son interlocuteur avait-il, l’air de rien, une idée derrière la tête ?
Béatrice se racla légèrement la gorge pour chasser ses pensées parasites et l’écouta se présenter tout en se forçant à sourire.

« Béatrice Duval » répondit ensuite la jeune new-yorkaise qui avait retrouvé, au moins en apparence, son aplomb habituel.
Béatrice en effet n’était généralement pas du genre à bafouiller et se déconcertait même plutôt difficilement tant que ses soi-disant pouvoirs ne risquaient pas d’entrer dans la conversation. Le retour à une conversation tout à fait anodine fut donc certainement à l’origine du retour de sa capacité à parler normalement.

« Vous courriez ? » demanda t-elle ensuite comme le jeune homme semblait être habillé pour.
Ce qu’elle était en train de faire juste avant l’arrivée d’Isak était néanmoins toujours dans son esprit et il y avait fort à parier pour qu’elle continue à guetter le moment où cela entrerait dans la conversation.