Rat de Bibliothèque [Vermine] [Terminé]

Spoiler:

- Mais pourquoi s'évertue t-il toujours à être en retard ? à croire qu'il fait ça uniquement pour m'agacer.

Daniel posa sa tasse de thé sur le comptoir, les yeux toujours rivés sur l'horloge au dessus de la porte d'entrée. Il devait d'ici une heure récupérer sa Porsche en provenance de Paris sur les Docks...les docks..triste souvenir que cet endroit où il avait rencontré un mutant qui avait faillit avoir sa peau. La suite tenait du miracle, la mer , les égouts et Ernest Lenoir. L'enfant Rat.
Daniel aimait son franc parlé et sa vivacité d'esprit, même son caractère entier l'avait charmé. Il le tenait en grande affection depuis ces jours sombres et tentait depuis quelques semaines de l'entrainer dans son escapade à l'Institut.
On pouvait définir Daniel comme l'un des mutants les plus tolérant à la différence, l'aspect physique de Vermine ne lui posait aucun problème puisqu'il voyait au delà de ses entraves physiques. Cette mutation était difficile à supporter mais avec de la patience il savait qu'il pouvait peut-être espérer le ramener vers l'Institut. Il savait qu'une de ses élèves s'y évertuait aussi. Vermine n'était donc pas seul.
Il pouvait se targuer d'être l'ami du centenaire au même titre que James ou Amara. Ou ce pauvre Louis dont on était sans nouvelles.
Le Time Tricker ,dont Vermine connaissait le passé, lui avait accordé sa confiance et c'est naturellement à lui qu'il avait songé pour assurer le poste de gérance dans sa librairie durant ses "vacances".
Il connaissait l'affection de l'enfant-rat pour la littérature et son magasin regorgeait de trésors.
Bien entendu confier les clés de son "entreprise" même si elle était plus "récréative" que "lucrative" à Ernest exigeait de nombreuses mises en gardes et recommandations.
Vermine au delà de son aspect avait surtout "son" caractère et ce dernier n'était pas forcément apprécié par tous.
Daniel termina sa tasse et soupira en avisant l'heure : 10 minutes de plus.

Seigneur ! tous mes amis refusent la ponctualité comme valeur. Ernest..qu'est-ce que tu fabriques encore...?

Vermine ouvrit les yeux et s’étendit tout en baillant presque à s’en décrocher la mâchoire. Puis il croisa les bras sous sa tête. Il fixait le plafond du conduit, perdu dans ses pensées. Une fois de plus, sa nuit avait été peuplée par les récents événements. Il n’était pas prêt d’oublier sa brève rencontre avec Wedness et surtout ce qui avait suivit. Mais bon, c’était du passé maintenant. Qui avait-il au programme aujourd’hui ? L’enfant-rat, toujours à demi éveillé, se gratta la tête. Ha, oui, il devait aller à la librairie de Daniel. Il devait s’y rendre à huit heures pile. Tiens, quelle heure était-il ? Le mutant tendit la main et attrapa une ville montre toute cabossée.

-5 h 16 ? … Ho, c’est bon, j’ai le temps…

Il abandonna la montre et rehaussa le drap pour mieux se couvrir. Lui, s’occuper d’une librairie, il peinait à y croire. Daniel était un chouette gars, comme Evelyn d’ailleurs. Sauf qu’elle, ce n’était pas un gars. Il avait eu de la chance de le rencontrer et, avouons-le, c’était réciproque. Serait-il à la hauteur ? Allait-il pouvoir assumer cette lourde responsabilité ? Ernest était partagé entre l’enthousiasme et l’appréhension. La première chose à faire était de se rendre présentable. On le lui avait demandé et puis c’était logique. Par chance, la dernière fois qu’il s’était lavé remontait juste à une semaine, le jour de l’événement Wedness. Il y aurait donc moins de travail, mais il fallait quand même l’accomplir scrupuleusement. Hors de question de parfumer le commerce de son ami avec sa délicate odeur de poubelle-égout-moisit. Ensuite, il fallait s’habiller. Ha… quelle galère ! C’était tellement plus simple de rester à poil. Oui mais bon, d’accord, y’en a qui trouvaient ça choquant. En fait, presque tout le monde. Et les clients de la librairie n’allaient pas déroger à cette règle. Voilà pourquoi Ernest avait passé toute la journée précédente à chercher de quoi se vêtir convenablement, enfin plus convenablement que la dernière fois. Lavage plus habillage, il fallait bien compter une demi-heure ; pour le trajet, une demi-heure de plus ; soit une heure. 8-1=7. Il fallait se lever à 7 heures pour ne pas être en retard. Tiens, quelle heure était-il ? Vermine reprit la montre.

-5 h 16. Ok…

Il reposa la montre et s’apprêta à poursuivre sa nuit quand tout d’un coup, il se figea. Une crainte soudaine venait de naitre en lui.

-Ho putain de merde, marmonna-t-il en reprenant la montre.

5 h 16, toujours 5 h 16… Il la secoua et entendit un petit cliquetis à l’intérieur. Plus de doute possible, le dernier choc avait eu raison d’elle. Il n’était pas 5 h 16. Mais alors quelle heure était-il ? Vermine, de l’affolement dans le regard, observa le conduit des égouts. Il faisait sombre mais pas assez pour qu’au dehors ce soit la nuit.

-Fait CHIER !!! hurla-t-il en jetant la montre dans l’eau et en bondissant hors de son lit de fortune.

Il se précipita comme un fou vers la bassine en plastique, le savon neuf et les bouteilles d’eau minérale qu’il avait subtilisé à une grande surface. Dix minutes plus tard, le jeune mutant sortait des égouts dégoulinant d’eau. Il tenait dans une main un torchon qui ferait office de serviette, et dans l’autre, ses vêtements pliés. Tout en courant à toute allure, il se sécha, abandonné le torchon et s’habilla, ce qui fut une jolie performance sportive. Les quelques passants croisés dans les ruelles empruntées durent croire être victime d’hallucinations. C’est avec vingt-cinq minutes de retard qu’Ernest, exténué, franchit la porte de la librairie. Son regard tomba directement sur l’horloge.

-C’est tout ? Même pas une demi-heure de retard ? J’suis trop fort !

Puis il fit face à Daniel, lui adressa l’un de ses sourires désolés dont il avait le secret et jugea bon de fournir une excuse.

-C’est pas ma faute. C’est cette s***** de montre qu’à décidé de décéder au mauvais moment ! Fin bref, tu me trouve comment ?

Vermine prit la pose. Il portait une chemise blanche et un veston bleu-marine qui, pour une fois, était à sa taille. Pour le bas, il avait un très ample pantalon noir en velours. Il tenait en place par une ceinture et un troue à l’arrière avait été aménagé pour laisser passer la queue du mutant. Ce dernier n’était pas chaussé. Enfin, petit détail amusant, sur sa tête se trouvait encore du savon que, dans sa hâte, il avait oublié d’enlever.

Daniel s'accouda au comptoir et le toisa avec un demi sourire.

Bel effort vestimentaire, Ernest...cependant il te reste du savon sur la tête, c'était quasi un sans faute.

Il ouvrit son tiroir en cherchant un objet durant quelques secondes puis sortit une montre a gousset légèrement similaire à sa montre en or endommagée mais beaucoup plus récente. Il la montra à l'enfant et d'un geste appuyé par sa dextérité bien connue il la jeta directement dans les mains du jeune garçon.

Un homme du monde à toujours l'heure avec lui...ce n'est pas que le temps lui sois précieux mais il faut le faire croire aux autres, mon jeune ami.

Il referma le tiroir et s"approcha de lui en souriant sincèrement. Aussi étrange que ca puisse être Daniel ne considérait jamais Vermine comme un enfant-rat ni comme un enfant tout court, il savait que ses années difficiles l'avaient rendu beaucoup plus mature que la plupart des gens "de la surface". De plus sa capacité d'assimilation et d'érudition dépassé de loin la sienne. Daniel devait semble t-il être un des seuls de l'entourage d'Ernest à le considérer ainsi et sans compromis vis à vis de son age.

Tu ne seras pas trop dérangé par la clientèle à mon avis. Tu sais que tu as un portable sur le bureau ou tu peux me joindre à tout moment. Si tu te sent seul, tu peux faire venir Evelyn ici mais tu ne me fiches pas la pagaille dans mes quartiers, je te rappelles qu'Ilianna vit ici de temps à autres elle n'aimerait pas savoir que tu t'es vautré dans son lit...c'est une sirène possessive, vois tu. Je t'ai déplié le canapé, tu es ici chez toi, Ernest.

Il savait que le jeune garçon aimait se faire appeler Vermine mais s'y refusait ce qui était souvent l'objet de taquineries entre eux. Daniel ne l'appelait pas ainsi tout simplement car il l'estimait et qu'il avait énormément d'affection pour lui.

j'ai laissé de l'argent dans ma table de nuit au cas où. Le frigo est plein, tu ne manquera de rien du tout ici. Avant de parler de détails techniques. J'aimerai savoir si tu as d'autres informations que je puisses transmettre à TIMERS concernant ton altercation d'il y a peu ?
Je suis toujours en contact avec Jarvis, il suffit que tu demandes et je met en route la machine.

Daniel était soucieux, il prendrait les choses en main dès son retour d'Australie. Il ne laisserait personne faire du mal à son protégé. La disparition de Louis le rongeait de remords. Il se sentait terriblement coupable d'avoir été peut être absent au moment où le jeune homme aurait eu besoin de lui. Il ne reproduirait pas la même erreur avec Vermine.

Vermine observait la montre à gousset tout en écoutant monsieur Hopes. Faire deux choses à la fois n’avait jamais été un problème pour lui. En fait, il en faisait même trois en ce moment. Alors qu’il tournait et retournait l’objet qu’on venait de lui confier, ou de lui donner, il faudrait demander, il essayait d’essuyer le savon sur sa tête avec son autre main. Cela dit, il n’était pas très efficace. Il lui faudrait un mouchoir, une serviette pour l’aider et il n’en avait pas sur lui.

-Non, rien, répondit-il en détachant son regard curieux de la montre pour le poser sur Daniel. J’t’ai déjà tout dis sur le sujet. Et puis, c’est pas le problème pour l’instant.

Vermine tenait à ne pas montrer qu’il avait eu peur, que la situation l’avait dépassé. Il voulait être un dur, n’avoir besoin de personne pour se défendre. Peut-être avait-il l’illusion d’en être capable, peut-être sous-estimait-il le danger. Même surdoué, il restait un enfant. Tout cela, Daniel le devinait. Le jeune mutant avait beau faire, il s’était trop dévoilé à son interlocuteur pour lui cacher pareilles choses. D’un petit geste vif, il fit sauter la montre dans sa main et dit, joyeusement :

-Tu m’la donne ?

Puis il s’approcha d’un rayonnage. Comme d’habitude, le désordre régnait dans la librairie. La première fois qu’Ernest y avait mis les pattes, cela l’avait surprit. On l’avait tant habitué à l’ordre. Sa chambre, quand il était encore humain, était un model en la matière. Tout y était soigneusement classé, trié, aligné, par ses propres soins. Alors se retrouver à gérer un capharnaüm lui posait problème. Tout comme Hopes le taquinait en ne l’appelant pas Vermine, Vermine le taquinait sur ses méthodes désordonnées. Le rat passa une main dans le rayonnage et remit droit un ouvrage dangereusement en équilibre.

-Et est-ce que tu va enfin me laisser ranger ton bordel ? Y’a que toi qui t’y retrouve. Comment je fais si un client vient et qu’il me demande quelque chose ? Je lui dis de revenir dans une semaine, le temps que j’organise une fouille en règle ? Non, franchement, Daniel Hopes, il faut revoir vos méthodologies organisationnelles.

Ernest avait dit cette dernière phrase en croisant les bras et en adoptant un air sévère, comme une mère grondant son fils. Il n’était évidement pas sérieux. Ce n’était qu’une taquinerie de plus. Et puis, avec le savon qui ornait toujours sa tête et maculait maintenant l’une de ses mains, l’enfant-rat paraissait si peu crédible.

Daniel lui sourit tout en s'absorbant dans les dernières facture afin de vérifier que toutes les commandes en cours de livraison avaient été vérifiées , les colis ayant été prévus en réception pour cette semaine durant son absence. il leva un oeil de son carnet de commande.

La montre ? oh ? bien sur gardes là, elle ne fait pas réveil matin mais au moins tu auras l'heure à présent.

Ernest lui fit remarquer son mauvais penchant pour le gout du désordre pour la énième fois. Cela eu pour effet de faire rire doucement le "vieil" homme. Ilianna souvent lui faisait la même réflexion et il est vrai que Daniel n'était pas l'exemple même en ce qui concerne l'ordre et le rangement. C'était une contradiction assez flagrante avec le soin qu'il prenait à choisir ses tenues vestimentaires.

Ernest, allons ! Il y a de l'ordre dans mon désordre, ce n'est pas une construction désorganisée, Everything is in it's right place. ...Non franchement, moi même quelque fois j'ai un mal fou à m'y retrouver. Humm ecoutes, j'ai un compromis à te proposer, je te donnes l'autorisation de ranger les livres mais tu me laisses les objets à leurs place, n'importe qui et j'entends par la moi inclus, peut suivre un ordre de classement alphabétique, pour les objets c'est moins évident.
Qu'en dis tu Ernest ? Le deal est il correct ?

-Ok, ça marche, déclara Ernest.

Il rangea la montre dans sa poche et fit glisser son regard le long des rayonnages. Ordonner cet endroit, même en ne touchant qu’aux livres, représentait un gros travail. Vermine, que le labeur n’effrayait pas, envisagea un instant de réaliser un véritable classement, c'est-à-dire au minimum de trier par thème. Mais c’était là mission impossible. Le désordre de ce commerce n’avait d’égal que la variété des articles qu’on y trouvait. Les ouvrages étaient si diversifiés qu’ils pourraient presque chacun d’eux représenter un thème. Non, décidément, c’était pure folie que d’envisager autre chose qu’un basique classement alphabétique. Ernest se gratta la tête, pensif, toujours perdu dans la contemplation du lieu.

-Ouais, j’crois que j’vais vite inviter Evelyn… elle va adorer le classement, hé, hé !

La demoiselle était si gentille. Elle accepterait sans doute de donner un coup de main au garçon. Il ne fallait pas pour autant penser que ce dernier voulait l’invitée juste pour s’épargner des efforts, malgré ce qu’il venait de dire. Il mourait d’envie de poursuivre ces discussions littéraires si plaisantes qu’il avait avec son amie. Et quel meilleur endroit pour les mener qu’une librairie ?

-Zut, il commence à m’énerver ce savon !

Quelque peu irrité de ne pas parvenir à s’en débarrasser, Ernest se mit en quête d’un torchon. Un instant, il avait songé se servir de son veston mais monsieur Hopes allait sans doute le lui reprocher. Daniel, lui, prenait tant soin de son apparence. Vermine se faisait presque une fierté de la délaissée. Il voyait en ce comportement peu apprécié le rejet des contentions tant détestées et surtout une façon de mettre en avait l’esprit par le détriment du corps. Sans doute cette philosophie avait aussi pour cause l’effet naissant de l’adolescence et du besoin de contestation qui allait de paire.

-Tu m’as laissé de l’argent, je peux t’appeler au téléphone, je squatte pas tes quartiers… autre chose patron ? reprit Vermine. Et où est-ce que tu caches les trucs pour s’essuyer ?

Daniel esquissa un sourire malicieux tendit qu'il rangeait ses affaires.

Les trucs pour s'essuyer sont cachés dans ce curieux endroit appelé "Salle de Bain" avec tous les autres "trucs" pour se laver, Ernest...

Le professeur se déplaca dans l'espace de sa boutique tout en portant un regard nostalgique sur ses précieux ouvrage.

Mon jeune ami...Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipée disait Montesquieu. J'espère que ce lieu t'apportera la quiétude qu'il m'apporte habituellement. Ma vie a toujours été rythmé par la lecture et la musique. Nous n'avions toutes nos technologies modernes pour égayer notre jeunesse à l'époque. Moi je n'avais que Jules Vernes et la Poésie d'Hugo pour me permettre de trouver l'évasion hors de ma misère campagnarde. Grâce à ma virtuosité de pianiste durant les années 20 et 30 à Paris , j'ai pu côtoyer beaucoup d'Artistes...Particulièrement une avec qui j'ai lié une amitié "tumultueuse" Sidonie Gabrielle Colette, elle est restée dans l'Histoire sous le nom de Colette. Elle me fut présentée dans une boite de Jazz en 1930, elle venait d'écrire Sido. Je dois encore avoir sa correspondance dans mon appartement de Paris. C'est d'ailleurs là que je garde tous mes trésors bibliographiques. Il nous arrivait même de jouer du piano ensemble. C'était une drôle d'époque, Ernest.


Son regard semblait perdu dans les méandres de ses souvenirs, il revint soudainement à l'enfant-rat.

Tu ne m'as jamais dis ce qui t'attirait dans la littérature, tu sembles en connaitre un véritable rayon dans ton domaine ? La science fiction non ?

Daniel esquissa un sourire malicieux, il oubliait parfois que cette longue longévité pouvait troubler ses interlocuteurs et comme Vermine ne lui avait jamais fait part de ses interrogations, il n'avait pas vu la nécessite de lui expliquer en détails les tenants et les aboutissants de sa mutation.

Colette était une femme d'un intelligence exquise n'ayant d'égal que sa recherche éfreinée de libertinage et d'ivresse. C'était du feu sous la glace, son souvenir m'est véritablement impérissable.

D'un geste du doigt anodin il ôta du dessus de l'oreille de l'enfant roi de la mousse de savon s'y étant incrustée.

Tu sais déjà que je suis capable de ralentir le temps dans un périmètre donné jusqu'à presque le figé, du moins c'est l'aparence que cela en donne. ce que tu ignores sans doutes, c'est que c'est tout mon métabolisme qui s'est retrouvé affecté par cette capacité issue de cette mutation. De ce fait mon vieillissement s'opère au ralentie, d'après ce que j'ai pu estimer, mon espérance de vie serait de plus de 500 ans et j'ai à l'heure actuelle 116 ans de vie déjà derrière moi.

HRP :

Citation :

D'un geste du doigt anodin il ôta du dessus de l'oreille de l'enfant roi de la mousse de savon s'y étant incrustée.

Diantre ! Quelle promotion !



-500 ans… répéta Vermine, perdu entre admiration et réflexion.

Pareille longévité était-elle une bénédiction ou une malédiction ? Monsieur Hopes allait être l’un des rares à pouvoir observer le monde pendant plusieurs siècles… presque une éternité en cette époque moderne où tout allait si vite. Il verrait naitre de nouvelles technologies, de nouvelles mentalités, peut-être même assisterait-il à l’avènement d’une nouvelle société ou bien a la fin des Hommes. Qui pouvait savoir ? Tant de possibilité que l’avenir. Tant d’étrangeté que d’accompagner l’histoire. Mais Daniel allait aussi perdre tous ceux qu’il aimait. Il les verrait vieillir, puis s’éteindre, l’un après l’autre. Et lui serait toujours là, avec ses souvenirs. Comment en vivant si longtemps ne pas être prisonnier de son passé ? Parfois, on devinait déjà la mélancolie dans son regard alors qu’il n’était qu’au matin de son existence.
Tout cela, Ernest y pensa. Son esprit vif n’était plus un secret. Cela lui fit bizarre de savoir que tôt ou tard, il aurait l’air plus âgé que son ami. Ce qu’ignorait Vermine, c’était que lui, il allait vieillir plus vite que les autres car tout comme sa taille, sa longévité avait diminué. L’Altérium n’était pour lui qu’un poison. Les choses étaient ainsi…

-500 ans, reprit l’enfant rat, mais c’est énorme ! C’est pas juste, ton gêne X est génial, le mien est tout pourrit !

Ernest était un génie mais l’immaturité avait quand même finit par altérer sa réflexion.

-Tu ralentis le temps, y’en a qui balancent des boules de fou ou des éclairs, y’en a qui volent ou qui se transforment… et moi j’ai le fabuleux pouvoir d’être, un rat. Youpi ! C’est drôle mais j’ai l’impression d’avoir tiré le mauvais numéro à la loterie du mutagène.

Bon, d’accord, le garçon n’était pas totalement sérieux. Il exagérait un peu dans le but dissimulé de se faire plaindre. Mais tout de même, il le pensait un peu. Lui qui aurait voulu être un super héros n’était qu’un petit monstre ridicule. Il essayait de tirer profit de cette condition mais c’aurait été bien plus simple s’il avait eu un vrai pouvoir, quelque chose de classe ou terrible. En même temps, il ignorait tout des véritables conséquences de sa mutation. Il avait en lui l’Altérium, une substance qui avait amplement de quoi faire rêver n’importe quel scientifique.

Vermine, adoptant une attitude de boudeur, s’adossa au comptoir.

-Fin bref. Et pour la librairie, autre chose à savoir ?

Daniel étouffa un petit rire et se mit à la hauteur de Vermine tout en le regardant droit dans les yeux. On dénotait dans sa voix une grande douceur et une immense patience.

Ernest, l'important n'est pas la durée de l'existence tu sais, c'est surtout ce qu'on fait durant ce laps de temps qui nous est donné. La vie et la mort, tout cela fait parti d'un cycle éternel. Certains vivront vieux, d'autre non, ca n'empêche pas de faire des grandes choses, regarde Mozart, il est mort très jeune !
Toi si tu le veux, tu feras de grandes choses, enfant-rat ou pas. C'est à toi de décider ce que tu veux, l'avenir tu l'inventes avec les couleurs des pinceaux qu'on t'a donnés et je rappelle qu'il n'y a que 3 couleurs primaires : magenta, cyan et jaune : rien de plus !
Ne crois pas que mon pouvoir soi meilleur que le tien, je paye cher cette longévité et je n'ai fais que fuir pour l'instant. Je suis d'une autre époque et les visages que je croise s'effaceront un jour. Je suis seul et je suis destiné à le rester.
Mon crâne explose de souvenirs..les bons oui, mais les mauvais aussi. L'Homme n'est pas fait pour vivre vieux et parfois je ne rêve que d'une chose que tout s'arrête.
De mon point de vue, je me juge plus "monstrueux" que toi, tu peux me croire.


Il se releva et lui sourit sincèrement.

Ce sont les gens insignifiant qui font l'Histoire, mon jeune ami. Les évènements font les gens qui Font l'Histoire. Et ces gens un matin prennent tous une décision hors du commun : celle de prendre une fois pour toute leur destin en main.
Ernest, tu es quelqu'un de formidable et je ne laisserai jamais personne te dire le contraire...
Pas plus que je ne te laisserai t'appitoyer sur ton sort.
C'est inutile et ca ne mène nulle part.
Compris ?

-Copris chef, répondit le garçon, toujours de sa voix boudeuse.

Il pouvait estimer avoir atteint son but. Daniel lui avait dit des choses fort plaisantes à entendre même si à la fin il avait incité Vermine à ne pas se plaindre. Le jeune mutant n’avait rien apprit qu’il ne savait déjà dans cette échange. Il connaissait l’opinion de monsieur Hopes à son égard. Il était en terrain conquit. C’était néanmoins toujours rassurant, réconfortant, d’entendre quelqu’un faire ses louanges. Il ne faut pas blâmer Vermine de ressentir pareil besoin. C’était un palliatif à l’inévitable manque affectif de l’enfant séparé de ses parents. Et puis, il ne cédait à la tentation que rarement. Sauf que quand il y cédait, il éprouvait des difficultés à s’arrêter. La jeunesse n’était pas connue pour sa modération. C’est ainsi qu’Ernest poursuivit.

-Mais avoue quand même que pour les autres, de nous deux, c’est moi le monstre. J’espère juste que je vais pas faire fuir tout tes clients. « Ho mon dieu ! Un raaaaaaaaaat géaaaaannnnt ! »

Emporté par une soudaine inspiration, le gamin avait dit cette dernière phrase en mettant le ton adéquat et en bondissant sur le comptoir pour mimer une bonne femme effrayée. Il ne s’arrêta pas là.

-« Au secours ! A l’aide ! A l’assassin ! A moi tous les minous, matous, chats, félins du mode ! A moi les piges, la mort aux rats, le verre pilé, la carabine ! Qu’on le tue, l’écrase, le ratatine, le zigouille, l’occise ! Je suis trop belle pour le voir ! Il est si moche que je vais en mourir ! Ô mes nuits à jamais seront hantées par cet infâme libraire bestial ! Plus jamais, je le jure, je n’irais acheter un livre ! Plus jamais je ne lirais ne serait-ce qu’une ligne ! »

Vermine, debout sur le comptoir, aurait put passer pour un acteur de théâtre tant ses gestes et sa parole s’accordaient à merveille. Il y prenait plaisir. C’était si décalé, incongru, exagéré, de réagir ainsi. Pour conclure, il redevint en un clin d’œil boudeur, tomba assis sur le meuble, croisa les bras et fit en soupirant :

-Enfin, tu vois le genre.

Derrière cette exubérante démonstration se cachait tout de même une réelle crainte, celle d’effrayer la clientèle. Daniel Hopes proposait à Ernest de se montrer au grand jour. C’était la première fois que le garçon s’y apprêtait et c’était bien là l’objet de son appréhension.

Daniel le regardait en croisant les bras, sourire aux lèvres. L'extravagance d'Ernest l'amusait au plus haut point. Il cabotinait comme un mauvais acteur et en rajoutait des caisses. Il était habitué à ces "petites crises" dues à la personnalité fantasque du jeune mutant. Il se contenta de le laisser terminer son one man show avant de conclure d'une voix douce et un peu moqueuse.

As tu terminé Ernest ou dois-je patienter pour un rappel ?

Il décroisa les bras et continua de s'affairer en ajoutant d'un ton anodin;

Tu es un rat ? et après ? Si ils veulent acheter ailleurs, ils iront ailleurs..la terre ne s'arrêtera pas de tourner pour un événement aussi futile. On en a déjà parlé plus de cent fois Ernest, c'est les autres qui doivent faire l'effort de t'accepter et surement pas toi qui doit faire l'effort de te faire accepter par eux. La balle est dans leur camp. S'ils franchissent cette porte c'est que TOI tu peux les aider et, m'est avis que ce que tu peux leur apporter que tu sois un enfant rat ou un humain, dans le fond ca ne change rien. Affronte le regard des autres, si ca les gène, ils n'auront qu'à détourner les yeux, mon jeune ami.

Daniel enfila sa veste d'une façon un peu précipitée, cette fois qu'il était véritablement en retard et celà avait pour effet de le contrarier un peu. Il devait encore passer aux docks pour récupérer sa Porche qu'il venait de faire venir de Paris. Il fallait bien se livrer à quelques petits plaisirs parfois ! Il aurait bien aimer discuter un peut plus avec son petit protéger mais le temps était compté : un comble pour le Time Tricker !

Ernest, je serai probablement absent une petite semaine..si ce séjour doit se prolonger, je t'en avertirai tu peux en être sûr. J'espère retrouver ce lieu intact à mon retour où sincèrement, je compte me faire des chaussons en peau de rat..il parait que c'est assez chaud pour l'hiver.

Il se dirigea vers la porte et avant de lui confier son bien, il s'arrêta un instant sur le perron pour lui adresser un dernier message.

Il faudra que nous discutions à mon retour...les évènements se sont précipités Ernest, passe cette semaine à réfléchir sur ma proposition de t'héberger à l'Institut,. La bas, nous pourrions te protéger et veillez sur toi. Il me semble que cette décision te revient...

Il lui adressa un signe de main avant de sortir.