Un constat à l'amiable (PV David Haller)

Il était encore tôt, le ciel prenait une teinte rosée et la lueur des néons laissait peu à peu la place à la lumière du petit jour. Gretchen parcourait la ville au volant de sa Mercedes pour regagner son domicile. Elle venait de passer une nuit assez pénible, mais nécessaire. Il aurait été prétentieux de sa part de prétendre effectuer toute seule toutes les tâches nécessaires à l'avancement de ses travaux. Pour toutes les basses besognes telles que la récolte de cobayes ou les diverses choses à se procurer de façon illicite, elle devait avoir recours à de la main d'oeuvre fiable. En l'occurence, elle louait les services d'une bande de délinquant néo-nazis. Elle n'appréciait guère ces gens à l'esprit étroit pensant croire à des idéaux qui n'étaient qu'un prétexte pour étaler leurs pulsions belliqueuses. Mais ils savaient se montrer utile, et étaient suffisament bêtes pour lui obéir aveuglément. Gretchen s'était assuré leur entière coopération en se présentant à eux sous sa vraie identité et en prétendant oeuvrer pour la ressurection du Reich. C'était d'ailleurs pour cela que sous son imperméable Chanel, elle portait son uniforme SS malgré le risque que cela représentait. Elle avait passé la nuit à les encourager, leur dire à quel point le reich serait fier d'eux, et leur donner de nouvelles instructions.
à présent, elle conduisait avec une certaine précipitation en espérant être rentrée avant d'avoir des ennuis. Elle avait jeté sa casquette sur la banquette arrière et enreouvert son imperméable pour respirer un peu. Elle s'était fait un devoir de ne rien laisser paraître de son malaise devant ses "troupes", mais avait un mauvais pressentiment.
Comme pour confirmer ses crainte, un choc ébranla soudain la décapotable avec un désagréable crissement de tôle froissée. Gretchen pila et réussit à arrêter la voiture sur le trottoir. Elle jeta un oeil dans son rétroviseur, une autre voiture lui avait accroché l'aile arrière-droite. L'autre voiture s'arrêta également. Gretchen ouvrit la portière et descendit. Ce mauvais pressentiment ne la quittait pas. Mais après tout, elle n'était pas le prototype de la femme sans défense, et en cas de problème elle avait toujours son Luger dans son étui sous l'imperméable.

"Désolée. Je crois que c'est de ma faute. Remplissons un constat si vous le voulez bien."

Levé déjà depuis quelques heures, tout juste sorti d’un sommeil dès plus inconstants, le jeune David Haller conduisait avec prudence sur les routes encore ombragées de New-York. A cette heure de la journée, rien ne pouvait troubler la quiétude régnant au sein de cette ville endormie. Ces citoyens, plongés encore dans un délicieux sommeil, reprenaient péniblement des forces après un week-end de débauche passé dans l’extraordinaire Big Apple. Aucun klaxon ni aucun crissement de freins ne se faisaient entendre à l’horizon et la circulation n’en était que des plus agréables.

Toutefois, le paysage idyllique qui s’offrait à David n’avait pour lui aucune espèce d’importance. Depuis plus de deux semaines, il attendait cette date avec une appréhension grandissante et aujourd’hui encore il avait de la peine à croire. Le jour J était arrivé et avec lui son cortège d’émotions et de maladresse des plus ennuyeuses. Rien ne semblait tourner à son avantage et plus le chemin qui le séparait de sa salle d’examen s’amenuisait, plus les imprudences se succédaient. Un feu brûlé par ci, une priorité violée par là, tout semblait indiqué à David qu’un accident était inévitable. Il ne comptait plus que sur sa bonne étoile pour le guider sans dégât vers les experts du séminaire rabbinique… Malheureusement pour lui, sa bonne étoile semblait l’avoir abandonné.

Il s’en fallut de peu pour que sa voiture nouvellement acquise d’emboutisse complètement la voiture qui le devançait. Une égratignure, ne serait ce que minime, sur cette Mercedes de collection était un drame des plus sordide. Heureusement, David n’était pas le genre d’homme à fuir devant ses responsabilités et il sortit immédiatement de la voiture afin de s’en arranger avec l’automobiliste. La lésée sortit alors de la voiture et s’approcha de David, lui lançant un discours bref et limpide… David se sentit alors envahi par une impression de mal être. Etait-ce l’assurance évidente de la jeune femme qui le déstabilisait quelque peu ? Il n’aurait su le dire… D’un sourire il hocha négativement la tête et répondit.

- Bien au contraire mademoiselle, je suis le seul responsable de cet accrochage. Sachez que j’en suis navré et que je ferais tout mon possible pour réparer les dégâts que mon inattention aura coûté à votre si belle voiture. Passons donc immédiatement au constat, cela m’évitera de vous faire perdre un temps précieux.

L'homme était fort poli, Gretchen apprécia. Elle ne se sentait pas d'humeur à affronter un conducteur énervé qui aurait hurlé injures et insultes en agitant les bras. Mais il n'en fut rien. Gretchen passa le buste par la fenêtre de la voiture et chercha le formulaire de constat. Elle en trouva un entre une paire de gants en cuir et un pistolet à silencieux.

"Voici le formulaire. Je vais le remplir si vous permettez."

Elle sortit de la poche de son imperméable un stylo plume et entreprit de remplir le constat en jetant quelques regards sur les deux véhicules, appuyée sur le capot de la Mercedes.

"...Vous veniez de la droite...après un carrefour... Ne vous inquiétez pas, j'ai un très bon garagiste qui pourra m'arranger cela, et l'assurance devrait tout couvrir."

Elle n'avait pas le temps ni même l'envie de chercher des ennuis à cet homme. Une seule chose lui importait : rentrer chez elle pour faire un brin de toilette, se changer et commencer ses consultations. Elle se redressa et tendit sa main gantée au conducteur.

"Je me présente, Liza Krüger." dit-elle avec un léger sourire.

Elle prit tout de même soin de rajuster son imperméable. Par contre, à travers la vitre elle vit la casquette sur le siège arrière. Elle se trouva stupide de l'avoir jetée là sans y faire attention.

Tandis que la jeune femme était occupée à rechercher le formulaire de constat dans sa voiture, David jeta un œil intéressé sur la voiture de l’accidentée. Passionné depuis toujours par les voitures de collection, cette dernière ne pouvait qu’attiser la curiosité du jeune amateur… Cependant, cette observation était des plus inappropriées et David reporta bien vite son attention sur l’inconnue.

Fort heureusement pour lui, la jeune femme ne semblait guère empreinte à se lancer dans une interminable dispute et c’était une bonne chose. David sourit donc aux affirmations de la jeune femme et lui répondit fort aimablement

- Je vous en suis très reconnaissant Mademoiselle, toutefois si votre assurance n’accepterait pas de couvrir la totalité des frais de réparation, contactez-moi. Il serait injuste de ma part de vous laisser débourser le moindre sous de votre poche.

Tout en suivant les propos de l’inconnue, David analysa les dégâts infligés par son véhicule à cette pauvre décapotable. Soudainement, un détail vint troubler l’esprit du jeune homme. Une casquette grisâtre, reposait majestueusement sur la banquette arrière de la voiture. Ornée d’un tête de mort et d’un aigle argenté, elle provoqua un rapide malaise chez le jeune homme qui l’identifia bien rapidement comme le couvre-chef porté pas les membres de la SS. Bien vite, les questions se bousculèrent dans la tête de David. La jeune femme faisait-elle donc partie des nostalgiques du troisième Reich ? S’agissait-il d’un vulgaire souvenir familial qu’elle souhaitait revendre à un collectionneur ? Partageait-elle donc les idées de ces êtres abjectes qui, au nom du souvenir de leur Führer, brutalisaient les ethnies différentes des leurs ?

Lorsque la jeune Allemande se présenta à lui, David mit quelques secondes avant de réagir. Aurait-il été plus sage de s’en tenir là ? Partir s’en prendre véritablement le temps de discuter ? Instinctivement, le jeune juif tenta de dissimuler son étoile de David qu’il tenait en pendentif sur sa chemise ouverte et serra ensuite la main de la jeune femme.

- Enchanté Fräulein Krüger, je me nomme David Haller. J'espère que ce petit incident ne vous aura guère gênée dans votre emploi du temps

Après une poignée de main courtoise, Gretchen se remit au remplissage du constat.

"Ne vous inquiétez pas pour cela. Je me rendais à mon cabinet. Mais j'ai encore le temps, mon premier rendez-vous de la journée est prévu pour dans deux heures, ça me laisse largement de quoi faire."

Alors qu'elle donnait les derniers coups de stylo au formulaire, un coup de vent s'engoufra sous son imperméable, dont il gonfla le tissu un bref instant. Le col du manteau bâilla alors sur celui de l'uniforme noir. Mais Gretchen ne s'en rendit pas compte tout de suite.

"Voilà. Il ne vous reste plus qu'à relire ce formulaire et y apposer votre signature"

Ce disant, elle lui tendit le papier et le stylo-plume. De son autre main, elle tira de sa poche un étui à cigarettes en argent.

"Puis-je vous offrir une cigarette ?"

Remis de son premier choc, David écouta avec attention les propos de la jeune femme. Rien dans son attitude ne laissa prévoir une quelconque animosité de la part de Gretchen. N’avait-elle donc prêté aucune attention au geste précédent de David ? Sans nul doute et c’est avec amabilité qu’il répondit à sa première affirmation.

- Votre cabinet ? Seriez-vous donc médecin ou avocate… Pardonnez-moi je me mêle sans doute de se qui ne me regarde pas. Poursuivez je vous prie.

C’est alors qu’une bise brutale se glissa sous le manteau de l’accidentée faisant découvrir le col de l’uniforme noir dissimulé derrière. Si le couvre-chef de l’allemande laissait encore planer le doute sur les convictions de cette dernière, la vue de l’uniforme confirmait les craintes du jeune homme. Cette cruelle vérité déstabilisa complètement David qui ne sut comment répondre à cette provocation involontaire. La haine et le mépris qu’il nourrissait à l’égard de ses antisémites était tellement profonde qu’elle le mêlé bien souvent à des bagarres qui se terminaient généralement mal pour le néo-nazi. Mais aujourd’hui, pas question de laisser sa colère se déverser. C’était le jour le plus important de sa vie, et aucun de ses êtres abjects ne viendrait s’interposer entre David et sa volonté farouche de servir son peuple.

Malheureusement, le point de vue de David n’était pas partager par tous. S’il parvenait à garder son calme, il en allait tout autrement de Cindy. Brisant le silence pesant de son hôte elle parla à la place du jeune homme posant à Gretchen une question des plus maladroites.

- J’imagine qu’après votre soirée de folie, il ne vous sera pas facile de reprendre votre travail ? Magnifique costume soit dit en passant. Le portiez-vous à l’occasion d’un bal masqué ou d’une soirée d’hommage consacrée à votre regretté Troisième Reich ainsi qu’à son Führer ? J'avoue que je serais très curieuse de le savoir

"Votre cabinet ? Seriez-vous donc médecin ou avocate… Pardonnez-moi je me mêle sans doute de se qui ne me regarde pas. Poursuivez je vous prie."

"Oui. je suis médecin. Généraliste. Tiens, maintenant que j'y pense. Vous n'avez rien eu ? Vous ne vous êtes cogné nulle-part ? Si vous voulez je peux vous prendre en urgence, c'est le moins que je puisse faire."

C'est alors qu'il se passa quelque chose de bizarre. Monsieur Haller changea soudain du tout au tout. Il quitta son air affable pour afficher une expression de dégoût mal dissimulé.

"J’imagine qu’après votre soirée de folie, il ne vous sera pas facile de reprendre votre travail ? Magnifique costume soit dit en passant. Le portiez-vous à l’occasion d’un bal masqué ou d’une soirée d’hommage consacrée à votre regretté Troisième Reich ainsi qu’à son Führer ? J'avoue que je serais très curieuse de le savoir"

"Je vous demande pardon ?"

S a première réplique l’amusa à vrai dire beaucoup. Penser après coup à son état de santé était des plus inhabituels. Cependant David répliqua dans un sourire.

- Je crois que cela ne sera guère nécessaire Fräulein Krüger. Je me porte à merveilles et mes obligations m’empêcheraient de vous suivre aux urgences… Toutefois je vous remercie de vous en préoccuper.

David regretta presque instamment les paroles que Jack le lui adressa. Certes, les pensées du télékinésiste reflétaient parfaitement celle de son hôte. Mais était-ce folie de sa part que de lui en donner quelques explications ? Quelque soit la réponse à cette question c’est bel et bien ce qu’il fut. La tête légèrement rabaissée vers le sol il s’exclama.

- Je vous prie de pardonner ma précédente audace Fraülein. Elle n’était due qu’à la surprise ressentie à la vue de votre accoutrement… Je devrais être votre ennemi héréditaire s’en crois bien évidemment les idéaux que vous défendez… Hors je ne tolère pas qu’une personne puisse ainsi exhiber son attachement à des principes raciales qui ont fait tant de mal parmi les miens. D’ordinaire j’affiche ma désapprobation de manière plus que violente, mais je ne tiens pas à finir ma journée au commissariat… Aussi veuillez m’excuser.

Le jeune homme signa rapidement le constat et s’apprêta à rejoindre son véhicule. Sa curieuse démarche n’avait pour but que de l’éloigner des lieux aussi rapidement que possible. Il ne fallait pas qu’il cède à la colère et laisse apparaître ainsi la plus monstrueuse de ces personnalités. Mais une brutale migraine et plaqua immédiatement au sol. Jack Wayne lança alors à son hôte une réprimande des plus sévères.

*Tu comptes la laissez partir comme ça David ! Après tout ce qu’elle a fait. Tu as lu dans son esprit n’essaie pas de le cacher. Tu sais que ce n’est pas qu’une néo-nazie de pacotille. Alors qu’attends-tu pour lui montrer ce que tu penses de ces gens là ?*

Aïe ! Il avait vu l'uniforme. Gretchen remit en place le col de l'imperméable, même si c'était un peu trop tard. Heureusement, l'absence quasi-totale d'émotions chez elle lui évita de laisser passer dans son expression quelque chose qui l'aurait trahie. Alors que Haller signait le constat, elle partit d'un grand rire, un rire chaleureux, avec une légère pointe de moquerie amicale. Elle était capable de prouesses quand il s'agissait de feindre.

"Ah, je vois de quoi vous voulez parler. En fait, ce n'est qu'un costume de théâtre. Voyez, j'ai un ami qui met actuellement en scène une pièce de sa composition, et cette nuit il a fait appel à moi pour remplacer une comédienne qui a eu un empêchement de dernière minute. Vous pensez bien que je n'oserais jamais sortir comme ça en temps normal."

Ce dernier détail était bien vrai. Il était totalement imprudent de sortir dans cet uniforme. Gretchen le gardait car elle le trouvait élégant et confortable, mais la plupat du temps il dormait au fin fond de sa penderie.
Alors que Haller marchait vers sa voiture, il s'écroula au sol. il semblait souffrir.

"Que se passe-t-il ? Vous ne vous sentez pas bien ? Voulez-vous de l'aide ? Mon offre tient toujours."

Sujet: Re: Un constat à l'amiable (PV David Haller) Sam 18 Sep 2010 - 9:26

Le rire enthousiaste et chaleureux de son interlocutrice firent taire un instant les craintes du jeune rabbin. Brusquement, il se sentit quelque peu ridicule à l’idée d’avoir accuser cette jeune femme de manière aussi brutale. Avait-il la moindre preuve que ce qu’il avançait était la pure vérité ? Certes non, et l’attitude de Fräulein Krüger lui prouvait une fois de plus qu’il ne devait pas s’attacher à des propos trop attifes. Lui adressant un sourire timide, il déclara aimablement

- Veuillez pardonner mon impudence Fräulein Krueger, je ne sais ce qu’il m’a pris de vous adresser ces paroles on ne peut plus blessantes. Toutefois, si je puis me permettre de vous donner ce conseil, hâtez-vous de retirer cet uniforme avant que quiconque ne le remarque. Cette ville regorge de juifs qui se montreront impatient que moi à vos explications… Bien je pense désormais que tout est en règle. Si vous ne voyez rien d’autre à ajouter, je vous quitterais ici. D’autres obligations m’attendent.

T out en retournant à sa voiture, le brusque murmure de Jack Wayne le plaqua au sol. Ce murmure se changea très vite en un brouhaha incontrôlable qui plongea David dans un état catatonique. Sa profonde migraine rendit ses pouvoirs totalement incontrôlables et il plongea son esprit à l’intérieur de celui de Gretchen. Il y trouva alors quelques images de son passé… des éprouvettes, un laboratoire, des cobayes humains d’une pâleur et d’une maigreur extrême et enfin, pire que tout le reste, les étendards l’estrade et la foule immense rassemblées à Nürnberg pour écouter les discours de leur bien aimé Führer. D’un air moqueur Jack déclara alors.

- Te faudrait-il des preuves supplémentaires pour que tu me croies enfin ? Lèves-toi et donnes à cette S*** la leçon qu’elle mérite.

Sujet: Re: Un constat à l'amiable (PV David Haller) Dim 19 Sep 2010 - 7:39

"Veuillez pardonner mon impudence Fräulein Krueger, je ne sais ce qu’il m’a pris de vous adresser ces paroles on ne peut plus blessantes. Toutefois, si je puis me permettre de vous donner ce conseil, hâtez-vous de retirer cet uniforme avant que quiconque ne le remarque. Cette ville regorge de juifs qui se montreront impatient que moi à vos explications… Bien je pense désormais que tout est en règle. Si vous ne voyez rien d’autre à ajouter, je vous quitterais ici. D’autres obligations m’attendent."

Gretchen resta d'une politesse exquise. Cet homme l'intriguait tout de même quelque peu. Elle prit sa partie du constat et revint vers sa voiture.

"Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas traîner longtemps ici dans cette tenue. J'ai hâte d'être rentrée chez moi pour enlever ça et prendre une bonne douche. La prochaine fois que mon ami aura besoin de moi pour une autre pièce, j'espère que ce sera plutôt une comédie. En tout cas je vous remercie pour le constat, vous avez été très coopératif."

L'homme tituba encore, il semblait en proie à un grand trouble.

"Êtes-vous sûr d'aller bien ? Vous m'avez l'air plutôt mal en point."

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