C'est chaud, ça brûle (Vermine)

Il était presque minuit, la rue était déserte. On n'entendait que le bruit des voitures au loin et de la musique, qui sortait étouffée des portes de la discothèque. L'enseigne en néon du "Fluo" baignait la rue d'un faible halo bleu. Soudain, la porte s'ouvrit et pendant un bref instant un rectangle de lumière vive illumina la chaussée et la musique se fit plus forte. On jeta une jeune fille habillée en écolière japonaise avec un bon coup de pied aux fesses.

"Et n'y reviens plus !" gueula le videur en agitant le poing

Puis la porte se referma et les lieux reprirent leur calme. Elle avait atterri sur un tas de sacs poubelle. Elle releva et épousseta ses vêtements.

"Toi-même !" cria-t-elle vers la porte close.

Puis elle s'éloigna en se déhanchant d'une démarche féline. L'un des gros défauts de la forme de Maëlys était qu'une fois par an elle avait ses chaleurs, comme les chats. Et alors la jeune fille sage devenait ingérable. Cette nuit, elle avait fait le mur pour aller sortir en boîte et draguer tous les mecs qu'elle croisait. Elle venait déjà de se faire virer, allez savoir pourquoi. Bon, c'est vrai qu'elle avait roulé un pelle de force à un type, et aussi qu'elle avait essayé de lui arracher ses vêtements avant de bombarder le videur avec des cacahuètes. Hélas, elle n'était pas calmée pour autant. En général, ses chaleurs duraient une semaine. Une semaine pendant laquelle elle était intenable, et qu'elle regrettait amèrement une fois qu'elle avait retrouvé ses esprits. Fichue nature !
Notre étudiante arpentait donc le quartier, en quête d'une proie. Peut-être irait-elle au Midnight, on lui en avait dit du bien.

Maëlys commençait à se demander si elle n'allait pas rentrer quand une odeur de crasse qui ne lui était pas inconnue vint lui caresser le nez.

-Hé, mais qui voilà ? Ce ne serait pas mademoiselle Du val ! Alors, qu’est-ce que tu fabriques si tard le soir ?

La réaction ne se fit pas attendre. La fille-chatte attrappa l'enfant-rat pour le serrer dans ses bras, le soulevant de terre.

-Vermiiiiiiiiiine ! Alors comment ça va mon rat préféré ? Tu m'as manqué ! Toujours aussi kawaï !

Elle finit par le reposer, mais sans cesser de se coller à lui. Comment aurait-elle pu oublier la soirée qu'ils avaient passée ensemble. Il l'avait draguée du haut de ses 12 ans et elle l'avait alors embrassé sur la bouche rien que pour le troubler. Ce soir-là, elle l'avait éconduit gentillement , le trouvant seulement kawaï et mignon comme un enfant pouvait l'être. mais cette nuit qu'elle était en chaleur, il représentait pour elle une proie idéale.

-Dis donc, tu es plus habillé que la dernière fois...dommage...

Elle s'était mise à ronronner sans même s'en rendre compte.

-Et toi ? Qu'est-ce que tu fais par ici ?

Vermine espérait un accueil cordial, il eut d’avantage. En fait, il fut prit au dépourvu par … comment dire ? … l’excitation de la féline. Elle l’avait serré contre elle avec une énergie surprenante, puis fait une allusion assez explicite sur ses habits. Et maintenant, elle ronronnant ? Diantre, mais elle était en chaleur ! Etait-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? D’un côté, cela représentait une fabuleuse opportunité d’assouvir des besoins bien naturels ! Mais d’un autre côté, n’ayant jamais pratiqué, la chose intimidait Ernest. Instinctivement, il eut un geste de recule. Quand il en eut prit conscience, il poursuivit quand même sur la lancée et boutonna son manteau afin de se dissimuler encore plus. Ce qui semble inaccessible n’est-il pas d’avantage désirable ? Le fourbe hybride n’avait pas été long à reprendre la situation en main. L’heure était au jeu, celui des sentiments. L’air de rien, il répondit à la question. Son ton était à mi-chemin entre celui du théâtre et de l’aimable conversation.

-Et bien je me balade… il fit un ample geste de la main pour montrer la rue …au clair de lune, ajouta-t-il en désignant l’astre de la nuit.

Le garçon, maintenant pleinement dans son rôle, marqua une petite pose pendant laquelle son regard erra sur le décor citadin. Il se garda bien de prêter attention à la chatte, comme pour simuler une profonde réflexion. Puis, tout d’un coup, il reprit.

-Tiens, d’ailleurs, pourquoi ne m’accompagnerais-tu pas ? C’est un peu triste de marcher seul sous les étoiles. On pourrait prendre un ver et bavarder. A moins, bien sûr, que tu n’ais des impératifs. Je ne voudrais pas gêner.

Le coquin conclu sa réplique par un jovial sourire. Il s’éloignait déjà, d’un pas tranquille et léger. Face à lui, la rue s’étendait, plaine de promesse. C’était une délicate invitation. Miss féline la saisirait-elle ?

Il se baladait ? Quelle coïncidence.

-Tiens, d’ailleurs, pourquoi ne m’accompagnerais-tu pas ? C’est un peu triste de marcher seul sous les étoiles. On pourrait prendre un ver et bavarder. A moins, bien sûr, que tu n’ais des impératifs. Je ne voudrais pas gêner.
-Oh nonnonnonnon ! Je viens avec toi. Où tu m'emmènes ? Je cherchais justement un endroit sympa...

...et surtout une proie. Maëlys préférait ne pas dire qu'elle avait été jetée de deux boîtes de nuit pour avoir agressé des hommes. En fait, elle ne s'intéressait pas tant que ça à ce que racontait Vermine. Deux instincts se superposaient dans son esprit. Le besoin de s'accoupler dicté par sa périodes de chaleurs et l'envie de dévorer ce gros rat bien gras. Heureusement (ou pas ?), pour l'instant c'était le premier qui primait. Nul doute que la soirée risquait, dans un cas comme dans l'autre, de mal se finir si personne n'essayait de calmer la jeune française. En général, un seau d'eau glacée jeté en pleine figure suffisait. Ayant un cerveau humain, Maëlys ne craignait pas de se mouiller, mais le choc de l'eau froide parvenait à museler ses instincts animaux primaires.

-Je suis contente de te revoir. Alors qu'est-ce que tu deviens ?

Elle ne cessait de ronronner comme un moteur détraqué, les pupilles dilatées. Tout bon vétérinaire sait qu'une chatte devient comme possédée quand elle a ses chaleurs. Et le mélange félin-humain n'arrangeait rien.

Mais il n’y avait pas de seau d’eau et il ne fallait pas non plus compter sur Ernest pour calmer le jeu. Persuadé qu’il contrôlait tout, il était décidé à ne pas laisser passer sa chance. Seulement, il lui fallait un peu de temps, histoire d’appréhender. En attendant, il devait amener cette chère Maëlys en un lieu adéquat. Il avait déjà fait son choix. Non loin d’ici se tenait un bar à la triste réputation, un bar de voyous. Ses portes étaient ouvertes au moins jusqu’à deux heures du matin. L’alcool y était bon marché et la tenancière, femme de peu de moral, n’allait pas représenter une difficulté. C’était idéal.

-Le Cabot m’a l’air tout indiqué. C’est un bar à deux pas d’ici.

Sur ce, Vermine ouvrit la marche d’un bon pas.

-Ho, que c’est drôle : toi au Cabot ! Délicieux paradoxe ! N’est crainte, l’enseigne ne te dévorera pas ! fit le garçon avec un sourire malicieux.

Chemin faisant, il fit en sorte de garder un minimum de distance avec la demoiselle. On n’était jamais assez prudent. Une fois à destination, il invita Miss Duval à passer la porte que dominait un dessin de Pitbull furibond. L’établissement ne payait pas de mine, c’est rien de le dire. Deux néons assuraient l’éclairage et l’un d’eux était moribond, conférant de ce fait à l’endroit une lueur vacillante. Le mobilier, en parti dégradé, n’était guère accueillant. Au comptoir, une femme à l’embonpoint certain tirait sur sa cigarette. A part elle, il n’y avait qu’un duo d’adolescents en plaine admiration devant un magasine saugrenu. A entendre leurs gloussements, on devinait aisément qu’ils avaient déjà bu plus que de raison.

-Salut Gertrude, lança joyeusement Ernest en entrant.

La tenancière eut une moue dédaigneuse. L’enfant s’approcha du comptoir et reprit.

-De quoi boire, pour ma copine est moi !
-T’as de quoi payer Mr Rat ?
-Mais bien sûr !
-Montre.

L’hybride, après un grognement agacé, bondit sur le comptoir et fouilla ses poches. Il en sortit un billet et quelques pièces qu’il posa.

-Satisfaite ? dit-il, avec un brin d’acidité.

Il en profita pour chuchoter puisqu’il était tout à côté du visage joufflue de Gertrude.

-Quelque chose de fort s’te plait. Et tu garde la monnaie si tu fais en sorte qu’on reste tranquille.

Sans rien répondre, la grosse dame donna à Vermine une bouteille et deux verres. Ici, il ne fallait pas espérer se faire servir. Ernest revint vers la féline et lui fit prendre place à une table, dans un coin. Avec hargne, il déboucha la bouteille à coups de dents et remplit les verres. Il en prit un et laissa l’autre à la demoiselle.

-Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu deviens ? Ça fait quand même un bon bout de temps qu’on s’est pas vu, demanda-t-il juste avant de vider son verre cul sec.

Maëlys se laissa emmener. De toutes façons, elle connaissait trop mal les établissements new-yorkais pour savoir lesquels il convenait d'éviter. Et puis de toutes façons elle s'en fichait. Le seul endroit qui l'intéresserait plus qu'un bar où elle pourrait boire avec son rat, ce serait une salle de musculation remplie de beaux mâles shootés à la testostérone. La première fois qu'elle avait eu ses chaleurs, en France, Léo avait dû aller la récupérer au zoo où elle s'était attaquée à un innocent cougar.

-Ho, que c’est drôle : toi au Cabot ! Délicieux paradoxe ! N’est crainte, l’enseigne ne te dévorera pas !

Maëlys gloussa comme une bimbo bourrée.

-Moi, par contre, j'ai bien envie de te dévorer ! dit-elle en donnant une bonne tape sur les fesses de Vermine.

Difficile de savoir si elle parlait au sens propre ou au sens figuré. Les deux...hem...tourtereaux...faute d'un meilleur terme...se dirigèrent vers un bar à l'allure miteuse. La patronne, qui aurait fait pleurer le plus chaud des dragueurs, leur servit une bouteille de gnôle que Vermine ouvrit avec ses dents de rongeur avant de servir deux verres.

-Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu deviens ? Ça fait quand même un bon bout de temps qu’on s’est pas vu.

Maëlys avait déjà vidé son verre, ce qui était une assez mauvaise chose. Elle était déjà insortable quand elle était en chaleur, s'il fallait en plus rajouter à ça qu'elle tenait très mal l'alcool...ça faisait de gros ennuis en perspective. Et ça commença quand elle roula un patin à l'enfant-rat. La patronne, qui regardait tout ça d'un air écoeuré, ne put s'empêcher de lâcher un commentaire désagréable, auquel la fille-chatte répondit par un feulement rauque avant de lancer son verre vide à la tête de la grosse dame. Et oui, en plus de tout le reste, quand elle était en chaleur, toutes les autres femelles devenaient pour elle des ennemies en puissance.

Gertrude n’avait peut-être aucune morale, mais cela ne l’empêchait pas d’éprouver un vif dégoût en voyant cette jeune féline lubrique convoiter un môme rongeur qui ne demandait que ça. Et puisqu’elle n’avait pas pour habitude de garder sa langue dans sa poche, elle ne manqua pas d’asséner l’une de ses répliques cinglantes dont elle avait le secret. Maëlys le prit assez mal. Un verre volant en témoigna. Le dit verre fut rattrapé au vol par la grosse dame qui, visiblement, ne manquait pas de dextérité. Avec force, elle l’abattit sur le comptoir ce qui provoqua un petit brut mat. Pour un peu, elle l’aurait brisé.

-Bon, Mr Rat, va falloir plus que quelques dollars pour que je laisse ta greluche de copine massacrer mon commerce. A moins que tu ne sois Crésus, va falloir songer à mettre les voiles, déclara la tenancière, d’un ton sans réplique.

Cela n’empêcha pas Vermine de répliquer d’une voix un peu troublée. Il comptait poursuivre son plan mais il se demandait un peu s’il ne jouait pas avec le feu. Une main sur son museau, il ne pouvait que constater que la chatte était si excitée qu’elle n’avait que faire d’une différence d’âge. Même dans ses fantasmes les plus fous, il n’avait pas imaginé pareil cas de figure. Pour un peu, il en serait presque effrayé.

-Hé, c’était juste un verre ! Et tu l’as rattrapé en plus.
-J’ai dit dehors ! Ne me force pas à venir vous pousser.

Elle en était capable. Ernest avait déjà vu Gertrude à l’œuvre et c’était impressionnant. Cette femme était plus efficace qu’n boxeur poids lourd. Un vrai bulldozer ! D’ailleurs, même si elle ne l’avait jamais avouée, il la soupçonnait fortement d’être une mutante. En tout cas, mieux valait ne pas insister.

-Ok, ok, c’est bon. Mais on garde la bouteille. Et tu me rends ma monnaie !

Ce fut au tour de la patronne de gronder. Avec hargne, elle prit les pièces toujours posées sur le comptoir et les lança à l’enfant-rat qui les saisit au vol.

-Allez, mignonne, on va prendre l’air ! susurra-t-il à Miss Duval en lui passant une griffe furtive sur la truffe.

Il bondit hors de sa chaise et s’empara de la bouteille. Une fois dans la rue, il but au goulot plus de la moitié de ce qui restait. Il avait agit machinalement, par habitude. Se rappelant qu’il n’était pas seul, il s’essuya d’un revers de manche et tendit la bouteille à Maëlys.

-Hésites pas si t’en veux.

Bon, il fallait poursuivre la conversation, faire comme si de rien n’était… pas évident. La chatte n’était visiblement même plus en état de bavarder convenablement. Peut-être pouvait-elle encore jouer… Vermine, qui s’était mit à marcher, s’immobilisa et reprit.

-Que dirais-tu de jouer ? On pourrait se faire un loup, tiens ! Enfin, appelons plutôt ça « le chat et la souris ». J’te paris que tu n’peux pas m’attraper !

Oui, Vermine ne faisait rien pour calmer la situation, bien au contraire. Ce qu’il proposait risquait fort de mettre le feu aux poudres. Il n’attendait que ça après tout. Mais il le redoutait un peu, également. C’était sans doute cela qui rendait l’instant si délectable. Sans vraiment attendre la réponse de la demoiselle, il accéléra le pas. Il trottina, puis courut, puis entama un véritable sprint tout en riant. Direction Central Park. Là-bas, ils serraient tranquilles.

Il ne fallut pas longtemps aux deux comparses pour se faire jeter dehors par l'espèce de catcheuse professionnelle qui tenait lieu de tenancière, et ce malgré les protestations de Vermine et les feulements de Neko. La fille chatte fut tout de même plus détendue une fois la grosse madame éloignée. Installés sur le trottoir, ils vidèrent la bouteille que Vermine avait emmenée. Mais l'enfant-rat semblait bien décidé à jouer la puce fébrile toute la soirée. à peine furent-ils posés qu'il s'arracha à l'étreinte de Maëlys pour proposer de jouer.

-Que dirais-tu de jouer ? On pourrait se faire un loup, tiens ! Enfin, appelons plutôt ça « le chat et la souris ». J’te paris que tu n’peux pas m’attraper !

Jouer à chat ? Maëlys était déçue. En temps normal, elle aurait adoré jouer à un truc simple comme ça, mais là elle aurait préféré quelque chose de plus adulte, surtout après qu'il se soit montré si mature à chaque rencontre. Elle s'élança tout de même à la suite de sa proie.

-N'espère pas m'échapper ! Tu me dois déjà une pizza et une glace, et autre chose !

Elle courut, d'abord debout, puis à quatre pattes, pour aller plus vite. Peu à peu elle commença à prendre goût à cette traque. Et ce fut donc son instinct de prédateur qui finit par prendre le dessus. Elle oublia alors que cette course-poursuite n'était au début qu'un jeu. Et finalement ce fut un vrai fauve qui rattrapa Vermine et le plaqua au sol. Elle l'agrippa avec ses griffes et commença à essayer de l'avaler. Sauf que c'était un très gros rat, trop grand pour sa bouche. Elle allair devoir d'y prendre petit bout par petit bout. Elle commença donc par mordre dans son épaule.

A force de jouer avec le feu, on pouvait se brûler. Mais Vermine, trop inconscient, ne semblait pas s’en rendre compte. Le risque, il le présentait. Il n’avait que trop bien cerné l’état psychique de la demoiselle. Mais au lieu d’en tenir compte comme il l’aurait dut, il prenait un malin plaisir à attiser l’excitation de la prédatrice. Son rire en témoignait. Tenait-il tant que ça à finir dans l’estomac de cette mutante ? Certes non. Il voulait juste jouer. Et le danger était pour lui un jeu.

La course poursuite avait mine de rien durée plusieurs dizaine de minutes. Maëlys allait vite, mais Vermine aussi. Maëlys s’était mise à courir à quatre pattes pour aller encore plus vite, mais Vermine aussi. Maëlys était plus grande que Vermine, mais Vermine connaissait mieux la ville que Maëlys. Certes, la féline conservait un avantage, et c’est bien pourquoi elle parvint à mettre ses pattes sur l’enfant-rat. Central Park était à présent proche. Au bout de la rue, on pouvait apercevoir son portail clos.

-Bon sang ! Mais tu as du mordant, mignonne !

Voilà le garçon au sol. Miss Duval cherchait bel et bien à le dévorer. Heureusement qu’il portait son épaisse veste en cuir, elle le protégea relativement bien de la première morsure. Inconscient mais pas stupide, Ernest répliqua sans attendre. Il porta ses mains griffues à la gorge de la chatte et serra de toutes ses forces. Il était neveux le bougre, sans compter que l’excitation stimulait ses efforts. Il aurait également put mordre mais il n’en fit rien. Il ne voulait pas contaminer Maëlys à l’Altérium, cela gâcherait tout. Son but, pour l’instant, était juste de freiner l’instinct de sa compagne. Se défendre aurait put avoir l’effet inverse, les deux hybrides auraient put sombrer dans la spirale de la violence. Toute fois, Vermine, rusé qu’il était, n’en fit pas trop. Sitôt que la féline prit conscience de l’étreinte et du manque d’air qui l’accompagnait, sitôt qu’elle dut songer à se libérer et donc stoppa ses assauts, le semi-rat changea de stratégie. Il desserra ses mains, il fit de l’étreinte une caresse. Profitant de l’instant, il embrassa Miss Duval avec une saisissante délicatesse, surtout compte tenu de la situation.

-Si tu me dévore, je ne pourrais pas te donner une pizza… une glace… et quoi d’autre ? susurra-t-il à l’oreille de la féline.

Son épaule lui faisait un peu mal mais il était certain de ne pas saigner. Une chance, cela aurait également put tout faire foirer.

Maëlys ne faisait plus attention aux paroles de Vermine. Ses instincts avaient pris le dessus et elle ne pensait plus qu'à dévorer l'enfant-rat, ou le violer, ou les deux à la fois. Elle se dégagea sa gorge de l'étreinte et revint à la charge. Elle fut troublée par le baiser laissé par sa proie. Et les caresses. Elle se calma un peu. Son esprit humain reprit un peu la place qui lui revenait de droit.

-Si tu me dévore, je ne pourrais pas te donner une pizza… une glace… et quoi d’autre ? lui glissa Vermine à l'oreille.

Elle se rappela de la pizza et la glace que lui devait l'enfant. ça l'emballait. Mais au fait, qu'est-ce qu'on faisait d'une pizza ou une glace ? On les MANGEAIT !
Les poils, hérissés, brusquement rabaissée au rang de fauve, elle se crispa et renversa encore Vermine. Elle l'écrasa de tout son poids et planta ses dents dans son mollet laissé accessible par le bermuda. Ouais ! ça c'était de la bonne viande. De la bonne viande qui bougeait encore...qui bougeait un peu trop d'ailleurs. Il valait mieux qu'il arrête de gigoter comme ça s'il voulait qu'on le dévore !

(Désolée pour le retard. Mon pouvoir a été validé. Faudrait que tu me mordes)

HRP : pas de problème. Rien ne nous presse.

Bon, d’accord, la demoiselle avait complètement perdu la tête. Cette seconde morsure avait arraché un cri de douleur à Vermine. Il ne pouvait pas se laisser bouffer de la sorte ! Au diable les sentiments, maintenant c’était la guerre ! L’hybride, qui conservait une surprenante maitrise de lui-même, passa à l’offensive. Se mettre à gesticuler, à se débattre, aurait sans aucun doute signé sa perte. Au lieu de cela, il coordonna ses mouvements pour frapper là où ça faisait mal. Un bon coup de pied en plaine poitrine, une droite en plaine face, une généreuse morsure à l’avant bras, telle fut sa riposte. Il saignait, elle saignait, pour l’instant amoureux, c’était plutôt raté. En attendant, profitant de l’effet de sa virulente réplique, Ernest se dégagea. Il se releva et s’éloigna de quelques pas. Maintenant qu’il était libre de ses mouvements, il put ouvrir son manteau pour saisir un objet dans une poche intérieure. A la lueur d’un phare de voiture, la lame du poignard brilla.

-On se calme, mignonne ! rugit le rat, menaçant.

Il fendit l’air de son arme en guise de menace. Si cela ne suffisait pas, il n’hésiterait pas à tuer. Tuer pour ne pas être tuer, quoi de plus normal ? Décidément, le fils Lenoir avait bien changé. Il faisait preuve d’un courage surprenant… à moins que ce ne soit de l’inconscience. Il voyait le danger mais ne le ressentait pas. Il en prenait compte mais n’appréhendait pas. Il était Confrériste, il devait être solide. Inconsciemment, cela le conditionnait. Il voulait être le Vermine de ses histoires et il s’en approchait de plus en plus.

Maëlys fut surprise par la riposte de Vermine. D'après ce qu'elle savait, les rats ne ripostaient jamais. Reculant, elle tenta de comprendre. Ce n'était pas un simple rat, c'était Vermine, le gamin vulgaire avec qui elle avait mangé une glace...si tentant... Rhââââ ! Fichues chaleurs. Elle avait chaud, très chaud, mais quelque chose lui disait que les chaleurs n'y étaient pour rien. Déboussolée, elle regarda autour d'elle. Central Parc était juste devant eux. Alors qu'elle essayait de se souvenir ce qu'elle faisait là, sa respiration se fit sifflante.

-Mais...hhhhhhhh...qu'est-ce...hhhhhhhh...qu'est-ce que... ?

Elle peinait de plus en plus à respirer. Portant ses mains à sa gorge, elle sentit quelque chose de bizarre. Six fentes palpitantes réparties de part et d'autre de sa gorge. Et ses mains, les poils avaient été en partie remplacés par des écailles grises, et une fine peau grisâtre reliait les doigts entre eux. Baissant les yeux elle vit que ses pattes avaient subi le même sort. Ca y est, elle ne respirait plus. Elle tomba à genoux, se griffant la gorge, la bouche ouverte à la recherche d'air. Dans son esprit, une idée complètement idiote germa. De l'eau ! Il lui fallait de l'eau ! Elle se releva et se mis à courir vers Central Parc. Le lac où elle s'était baigné avec vermine quand ils s'étaient rencontrés, c'était son seul espoir ! Mais sa course épuisait beaucoup d'énergie, et l'air n'arrivait plus du tout. Elle courut, courut, comme si tous les démons de l'enfer étaient à ses trousses.

-Rrrrrrrrh....rrrrrrrrrrrrrrrhhhh....rrrrrrrrhhhhhhhhhhhhh !

Elle arrivait enfin en vue du plant d'eau quand elle se mit à chanceler. Ses jambes avaient trop fonctionné sans être approvisionnées et se mettaient en grève. Elle tomba dans l'herbe et essaya de ramper. Mais là encore, ses membres engourdis ne l'aidèrent pas beaucoup. Elle lutta comme un oiseau pris dans une marée noire, puis abandonna. Elle roula sur le dos, les yeux révulsés. Ses branchies, inutiles, continuaient à palpiter à la recherche d'eau. à seulement trois mètres de la berge, c'était si bête de mourir si près du but.

Le poignard n’avait pas été très utile. Il n’avait pas non plus provoqué le petit effet qui aurait enchanté Vermine. D’ailleurs, le garçon ne tarda pas à l’abaisser, constatant que l’Altérium allait faire tout le travail. Déçu, et un peu curieux aussi, il observa Maëlys. Quel gâchis… il avait sans doute foutu en l’air la merveilleuse opportunité qui se présentait à lui. Il y avait de quoi enrager, vraiment. Le semi-rat eut une vive envie de cogner quelque chose, une poubelle, un poteau, un mur, une canette, un passant, n’importe qui ou n’importe quoi. Mais cette envie ne dura pas. Face à lui : un spectacle insolite. Miss Duval devenait…

-Un poisson-chat ?! s’exclama Ernest en la pointant du doigt.

Bon, d’accord, ce n’était pas vraiment un poisson, mais tant pis, l’image était trop amusante. Voilà le garnement prit d’un fou rire incontrôlable alors que la féline suffoquait.

-Si c’est pas de l’art ! Ha, ha, ha ! C’est vraiment trop fort ! Un poisson-chat ! Ha, ha, ha !

Le rongeur aussi se mit à manquer d’air mais pas pour la même raison. Il s’adossa au mur proche et essaya tant bien que mal de se ressaisir. Décidément, c’est bien vrai que le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Tout d’un coup, la chatte s’élança en direction de Central Park. Vermine la suivit du regard avant de se décider à la suivre. Quand il aperçu le lac, il comprit les intentions de la « double-hybride ». Il constata également que la malheureuse, à bout de force, s’effondra avant d’attendre se lac qui pour elle était devenue salvateur. Fallait-il l’aider ? Vermine se posa réellement la question tout en s’approchant d’un pas tranquille. Il décida que oui. Oui parce qu’avec un peu de chance, la métamorphose ne durerait pas trop longtemps et qu’au pire la féline aurait d’autres chaleurs. Ce fut donc uniquement par calcul, une fois de plus, qu’il agissait. Sans ménagement, car le temps pressait tout de même, il attrapa un bras de Maëlys pour la trainer sur les trois malheureux mètres qui restaient. Il ne la mit pas entièrement dans l’eau, il ne fallait pas trop lui en demander. Il fit juste en sorte d’immerger sa tête pour qu’elle puisse enfin respirer.

-Voilà, j’ai fais ma BA de l’année, clama Ernest en se frottant les mains. Bon, je n’vais pas faire l’amour à un poisson quand même ! Faut attendre, pensa-t-il ensuite à voix haute tout en s’éloignant de quelques pas.

Il s’assit dans l’herbe et attendit. Il avait déjà envie de partir. S’il restait, c’était juste pour vois si la demoiselle allait ou non survivre. Il était curieux.

Maëlys reprit conscience la tête sous l'eau. Elle commença d'abord par inspirer une grande bouffée d'eau. Se sentant mieux, elle sortit la tête de l'eau, mais elle n'arrivait pas à respirer à l'air libre. Elle plongea alors jusqu'à avoir de l'eau jusqu'au menton, de sorte à pouvoir respirer en voyant autre chose que des algues. Vermine était là, visiblement c'était lui qui l'avait tirée dans l'eau. Ses pulsions reproductrices étant passées, et se souvenant toujours de ce qu'elle avait fait, elle était honteuse.

-Ouf...merci ! je suis désolée, je sais pas ce qui m'a pris...en fait si, je sais ce qui m'a pris, c'est ça le pire.

Que dire d'autre ? En même temps, il ne s'était pas beaucoup défendu quand elle lui avait sauté dessus.

-Un poisson-chat, hein ? T'as fait fort, ce coup-ci. C'est toujours aussi zarb', quand tu mords quelqu'un ? J'espère que tu n'auras plus jamais à me mordre.

Tout compte fait elle était bien dans l'eau. Son organisme s'était adapté et, malgré la soirée un peu frisquette, elle n'avait pas froid.

-ça te dirais pas un autre bain...avant que tu ne me paies une glace ?

Ce n'était pas une invite sexuelle, mais une proposition toute innocente. Après tout, elle l'aimait bien malgré sa grossierté.

Vermine n’avait pas franchement envie de prendre un bain de minuit. Alors il se demanda naturellement s’il avait un intérêt à le faire. Cela pouvait, à la limite, lui permettre d’attendre en faisant quelque chose pour rester agréable. Cela nourrissait l’espoir que l’Altérium cesserait rapidement de faire effet, puis que les chaleurs de la chatte reprendraient le dessus. En tout cas, il était préférable que ça ne se produise pas dans l’ordre inverse. Se faire « courtiser » par une femme/chat/poisson, ce n’était pas vraiment enthousiasment. Bref, Ernest pouvait trouver une utilité au bain mais elle était moindre. Avait-il mieux à faire ? En fait pas vraiment. En tout cas, il n’avait rien de prévu qui ne pouvait être remis à plus tard. Alors il haussa les épaules.

-Avant de prendre une glace, attend d’être redevenue normale. Ce sera plus pratique, fit-il en se levant. Sinon va falloir y aller avec un bocal sur la tête, ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie.

L’image de la tête de Miss Duval dans un bocal et avec un poisson rouge qui lui tournait autour s’imposa au garçon-rat. L’envie de rire s’empara de lui mais il la réprima assez pour n’émettre qu’un discret ricanement. Un peu de mauvaise grâce, il se déshabilla. Puis il s’approcha lentement du plan d’eau.

-Sinon ouais. A chaque fois c’est bizarre quand je mords les gens. C’est pas ma faute, j’ai la classe, c’est tout.

Sans se presser, il pénétra dans l’eau, trop froide à son goût. Bon sang, qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour une très (trop ?) hypothétique partie de jambe en l’air ? Franchement, ça devenait ridicule. Maintenant, à cause de la fraicheur de l’eau, il avait encore moins envie de se baigner et c’est avec grand peine qu’il résista au désire de faire marche arrière.

-T’en fais pas, ça ne durera pas normalement. Dans cinq minutes, peut-être dix, t’auras repris ton aspect ordinaire.

Bon, discuter, c’était ce qu’il y avait de mieux pour passer le temps. Sans conviction, Vermine se mit à nager. En cet instant, il aurait préféré être n’importe où plutôt qu’ici. Pfff… quel gâchis…

HRP : c’est mon personnage qui est blasé, pas moi Tu peux à tout moment mettre fin à ta métamorphose bien sûr.

Vermine n'avait pas très emballé, il semblait même blasé. Maëlys craignit naïvement avoir tout gâché. Décidément, la soirée partait bien mal. Si ça continuait ainsi, il faudrait qu'elle envisage de prendre un traitement médicamenteux pour calmer ses ardeurs...
Les jeunes mutants pataugèrent un moment dans l'eau froide. Maëlys profita de ses branchies et de ses membres palmés pour se mouvoir sous l'eau avec aisance, s'amusant à faire couler Vermine. En explorant le fond, elle trouva même une bague avec un gros diamant.

-Au moins j'aurais toujours gagné ma journée. dit-elle en remontant à la surface.

Au bout d'un quart d'heure, la fille-chatte reprit sa forme initiale et regagna la berge, toussant et crachant de l'eau. Le souvenir de son étouffement la hantait encore, elle s'était vraiment vue mourir, à ce moment-là. Enfin, elle était à peu près remise de ses émotions et pouvait essayer de passer à autre chose.

-On va manger une glace ? Ou bien tu préfères qu'on commence par aller se manger une pizza ? Mieux vaudrait éviter Chez Mario, puisque tu m'y as grillée.

Elle se lécha un peu pour sécher sa fourrure. Elle aimait bien Vermine malgré ses mauvais côtés. Pourvu qu'il se déride un peu d'ici la fin de la soirée.

Ha, bien ! La demoiselle était redevenue intéressante d’un point de vu physique. Vermine n’était pas dégouté par grand-chose mais il devait bien avouer que le mix poisson-chat associé au désir sexuel l’avait un peu repoussé. A présent, il pouvait de nouveau espérer que Maëlys cède à ses chaleurs. Si cela se produisait, il ne fallait pas répéter l’erreur commise par le garçon-rat. En effet, le jeu du chat et de la souris avait été un terrible faux pas. C’était le désir de reproduction qu’il fallait exacerber, pas l’instinct du prédateur. Pour cela, il fallait être gentil, chaleureux. Et puis il fallait peut-être un peu d’alcool. Oui, des trucs comme ça, cela devrait faire l’affaire.

Ernest continuait intérieurement d’élaborer ses plans. En attendant, il n’était pas mécontent de sortir de l’eau. Malgré sa fourrure, il commençait vraiment à avoir froid. Le seul avantage était que ce froid avait un peu anesthésié sa blessure au mollet, une blessure qui de toute façon ne risquait pas de s’infecter à cause de l’Altérium. N’ayant pas de serviette, il s’ébroua abondamment.

-Ho, je préfère la glace, fit-il d’une voix un peu plus joyeuse. C’est tard, enfin tôt. Les commerces vont bientôt tous fermier. Alors, quitte à choisir…

Le poil encore humide, il renfila son bermuda puis sa veste, avant d’ajouter :

-Et puis, j’ai de quoi te l’offrir, comme promis.

Il tapota l’une de ses poches, celle où se trouvait son argent.

-Suis-moi. J’vais te montrer un glacier sympa !

Dix minutes plus tard, les deux hybrides s’assaillaient à une terrasse presque déserte. Le glacier en question n’était pas un établissement sordide comme l’était le bar précédemment visité. En fait il était assez banal : pas trop cher, plutôt bonne réputation. Surtout, le personnel n’était pas hostile envers les mutants. C’était ça qui le rendait sympa. A peine réchauffé par la marche, Vermine se frictionna avant de prendre le menu posé sur la petite table ronde. Il fit semblant de le parcourir du regard avant de le poser et de montrer une glace du doigt.

-Tu devrais prendre ça. C’est super bon ! Moi, c’est ce que je vais commander.

La dite glace, un peu cher, était composée de plain de bonnes choses. Mais ça, le Confrériste s’en fichait royalement. Ce qui comptait, c’était qu’elle était accompagnée par de la liqueur. Son fourbe conseil prodigué, Vermine s’enfonça sur sa chaise. Le serveur n’allait sans doute pas tarder à venir.

-Et sinon, qu’est-ce que tu deviens, toi ? demanda-t-il, juste pour entretenir la conversation. La France ne te manque pas trop ?

-Suis-moi. J’vais te montrer un glacier sympa !

Il n'en fallait pas plus pour que Maëlys suive Vermine en salivant à l'idée de la glace qu'elle allait s'envoyer. Ils allèrent s'installer à la terrasse d'un glacier à l'air sympa. Maëlys commanda une glace trois boules "framboise-framboise-framboise". Et on la servit comme si elle était une cliente normale, sans l'insulter, sans faire de sous-entendus blessants à voix haute et sans lui foutre sa glace dans la figure. Et ça, c'était plutôt rare depuis qu'elle était devenue ce qu'elle était aujourd'hui. Elle commença donc à se bâffrer dans le pur bonheur.

-Aaaah ! Rien de tel qu'une bonne glace avec son rat préféré.

Elle espérait juste que ni elle ni son "rat préféré" n'allait pas tout foutre en l'air.

-Et sinon, qu’est-ce que tu deviens, toi ? La France ne te manque pas trop ?
-Oh ! Ne m'en parle pas. ça fait un mois que je suis ici et je commence à avoir un sérieux mal du pays. La France me manque, et mes parents surtout. Bon, ils sont devenus insupportables après la mort de mon frère, toujours à se disputer, mais je les aime. J'irais bien passer une semaine ou deux chez eux le mois prochain. Tu pourrais peut-être venir avec moi. Tu verras, la France c'est super. La cuisine est meilleure, les gens sont moins racistes...

Comme pour souligner ses propos, c'est justement ce moment-là que choisit un groupe de jeunes avec des polos à capuche et des têtes de racketteurs pour s'approcher du couple.

-Tiens, tiens, qu'est-ce qu'on a là ? C'est Tom et Jerry ! lança celui qui semblait être leur chef.

Les autres rigolèrent bêtement.

-Tu vois ? Qu'est-ce que je disais ! Depuis un mois que je suis là c'est la...attends...10...11...12...15ème fois que ça m'arrive.

Puis au gros lourd :

-Toi, écrase !

Elle se tendit un peu. Le bain froid avait calmé ses ardeurs reproductives, mais le taux d'hormones animales commençait à remonter.

-Héééé ! Du calme le matou ! On rigole, c'est tout.

Il toucha le front de Maëlys du bout de l'index, et elle sentit les poils de sa nuque se hérisser. Le serveur revint avec les glaces, et une lueur méchante s'alluma dans les yeux du casse-pieds.

-Oooooh ! Ils mangent une petite glace ensemble, c'est mignoooon ! Mais c'est que ça a l'air bon, tout ça.

Il plongea son doigt dans la coupe de Maëlys, y prélevant un peu de glace qu'il avala. Maëlys ne dit pas un mot. Seul un feulement étouffé s'échappait d'entre ses dents serrées.

-Houlà ! Mais c'est qu'il est pas content le minou ! Miaou ! Miaou ! Haha !

"Miaou ! miaou !" reprirent les autres en se moquant. Les griffes de Maëlys sortirent toutes seules, s'enfonçant dans le bois de la table. Elle repensait aux moqueries qu'elle avait subies depuis sa mutation, les menaces, son chat crucifié sur sa porte... c'est était trop ! D'un bond elle se leva, plus vite que ce que des réflexes humains auraient pu prévoir, et mordit profondément dans l'avant-bras nu de l'anti-mutant.

-AAAAAAAAH !!! PUTE ! gueula-t-il en s'écartant vivement.

Les autres s'étaient rapprochés de leur ami, visiblement unis contre les mutants. Le racketteur en chef attrapa Maëlys par le col et s'apprêta à la frapper. Il la dépassait d'une bonne tête et n'était pas tout maigre. Mais il s'arrêta net quand il vit que des poils gris étaient apparus sur son poing.

-Putain de...!

Ses ongles étaient devenus des griffes, et des coussinets roses étaient apparus sur ses paumes. Il s'écarta de Maëlys et ses amis s'écartèrent de lui. La fourrure grise courut le long de ses bras, déjà ses oreilles devenaient pointues, des moustaches poussaient sur ses joues. Une longue queue sortit de son pantalon. Il regardait autour de lui, déboussolé, voulut aller vers ses camarades pour chercher un certain secours, mais ils s'écartèrent de lui comme s'ils craignaient qu'il ne leur refile la même maladie.
Maëlys regardait la scène, interloquée. Depuis quand pouvait-elle provoquer de tels cataclysmes ? Après à peine une minute, c'était un chat anthropomorphique gris rayé qui se tenait au milieu de la terrasse. Ses vêtements flottaient autour de son corps, il avait perdu une bonne dizaine de centimètres. Il semblait terrorisé, et ses copains n'étaient pas moins effrayés. La fille-chatte y trouva une bonne occasion. Montrant les crocs, elle s'approcha des racketteurs.

-à qui le tour ?!

Il n'en fallut pas plus pour qu'ils prennent la fuite, abandonnant sur place leur "ami", qui tenait sa queue entre les mains, complètement sous le choc.

-Vermine, ça aussi c'est dû à ton pouvoir ?

-Franchement, j’n’en sais rien, avoua Vermine.

Si au début il avait prit un malin plaisir à ne pas prêter attention à la bande de voyous et de poursuivre tranquillement la dégustation de sa glace, dans le seul but de faire style, ce qui s’était passé l’avait tant surpris qu’il avait été contraint d’abandonner son attitude détachée. Il avait même, pour l’instant seulement, oublié ses désirs cachés. Ainsi, mademoiselle Duval était capable de transformer les hommes en hybride chat ? Stupéfiant ! Et efficace aussi ! La bagarre qui paraissait inévitable avait été évitée, au grand soulagement du personnel du glacier. Le regard d’Ernest était tombé sur le malheureux minou gris. Ce dernier avait l’air si perturbé, si effrayé, le semi-rat ne résista pas à l’envie de se moquer de lui.

-ho, qu’il est joli le minou qui découvre sa queue ! C’est mimions tout plain ! fit-il sur un ton très caricatural. En plus, toi, à peu de chose près, tu ressemble vraiment à Tom ! Va te trouver un Jerry à déguster dans les égouts.

L’apeuré racketeur ne trouva rien à répondre. Vermine, impitoyable, poursuivit en quittant sa chaise et s’approchant d’un pas tranquille.

-Tu sais, c’est peut-être définitif. Bien venue dans la grande famille des affreux mutants ! J’vais te faire un cadeau. Laisses-moi te mordre pour que tu te transforme en quelque chose de vraiment original. Tu seras… une œuvre d’art ! Héhéhé !

Le pauvre adolescent baragouina un non terrifié et commença à reculer. Ernest continuait d’avancer. L’homme-chat finit par s’enfuir avec tant de précipitation qu’il faillit à plusieurs reprise s’effondrer. L’hybride rongeur, lui, était maintenant prit d’un fou rire méchant face à cette scène qu’il trouvait hilarante. Quand il se fut un peu calmé, il revint à sa place, en face de Neko.

-Bon débarra. T’as vraiment été brillante sur ce coup là ! s’exclama-t-il, joyeux.

Il recommença à manger sa glace, puis s’interrompit pour reprendre la parole d’un air pensif.

-C’est la première fois que ça se produit ? En tout cas, ton truc n’a pas l’air de fonctionner sur moi. Tu m’as mordu et j’ai pas changé de forme. Ça fonctionne peut-être que sur les humains.

La question l’intéressait mais cela n’empêcha pas le garçon de constater que son plan ne fonctionnait pas. Maëlys n’avait pas commandé la glace qu’il lui avait conseillée et ses chaleurs n’avaient pas l’air de vouloir revenir. Il ne pouvait pas lui faire prendre une autre glace. Trop insisté risquait de démasquer ses intentions. Et puis, de toute façon, il n’avait pas de quoi payer d’autres choses. A la limite, il pouvait…

-Pfff… j’ai plus faim, prétendit-il en repoussant sa propre glace de la main. Finis ma part si tu ne me crains pas.

Evidement, la glace du rat était alcoolisée, c’était là tout l’intérêt. Sans attendre, le rusé garçon reprit la parole et poursuivit d’exploitation du sujet « pouvoir ».

-Tu sais, moi-même, j’ne connais pas tout sur ma propre mutation. C’est peut-être pareil pour toi. Par exemple, y’a pas très longtemps, j’ai découvert que le fait que je sois hybride n’était pas directement dut à mon gène X, ce n’était qu’une conséquence d’une substance que je produis : l’Altérium. Cool comme nom.

Le racketteur semblait vraiment terrorisé. Il miaula, mais cette fois ce n'était pas pour se moquer. Il n'en fallut pas plus à Maëlys pour exploser d'un grand rire qui tenait du miaulement rauque. Vermine n'avait pas l'air de s'amuser moins.

-Oh, qu’il est joli le minou qui découvre sa queue ! C’est mignon tout plein ! fit-il sur un ton très caricatural. En plus, toi, à peu de chose près, tu ressemble vraiment à Tom ! Va te trouver un Jerry à déguster dans les égouts. Tu sais, c’est peut-être définitif. Bien venue dans la grande famille des affreux mutants ! J’vais te faire un cadeau. Laisses-moi te mordre pour que tu te transforme en quelque chose de vraiment original. Tu seras… une œuvre d’art ! Héhéhé !

Le racketteur prit la fuite sans demander son reste, sous les rires des deux mutants. Se calmant un peu, Maëlys se remit à manger sa glace.

-Pfff… j’ai plus faim. Finis ma part si tu ne me crains pas.
-Oh, non merci. La mienne suffira. Et puis de toutes façons j'aime pas les trucs alcoolisés.

Non mais qui croyait-il tromper, le Vermine ? Pas besoin d'un odorat sur-développé pour sentir à quel point la glace du rat embaumait l'alcool.

-Tu sais, moi-même, j’ne connais pas tout sur ma propre mutation. C’est peut-être pareil pour toi. Par exemple, y’a pas très longtemps, j’ai découvert que le fait que je sois hybride n’était pas directement dut à mon gène X, ce n’était qu’une conséquence d’une substance que je produis : l’Altérium. Cool comme nom.
-Attends, tu veux dire que si t'es un rat c'est parce que tu te contamines toi-même en permanence ? Bah ! tant mieux ! T'es trop Kawaaaaaaaï !

Maëlys passa ses bras par dessus la table pour serrer le rat contre sa poitrine. Mais elle s'arrêta vite, de peur de renverser les glaces.

-Tu crois que c'est pareil pour moi ? C'est vachement cool si je peux transformer les gens pour qu'ils me ressemblent. Je sens que je vais en mordre pas mal, ce mois-ci...

Un sourire maléfique éclairait son visage félin.

Zut et rezut ! Tout paraissait pourtant si simple au début de la soirée… La féline était presque alors dans un état second, prête à sauter sur le premier mâle venu. D’ailleurs Vermine en avait été un peu intimidé. C’était pourquoi il avait fait en sorte de ralentir le déroulement des événements sous prétexte de vouloir s’amuser. Cela lui avait fait commettre son erreur et maintenant, il en était là, avec une Maëlys sans doute beaucoup trop lucide pour être disposée à ce que désirait ardâmes le demi-rat. Il demeurait toute fois une lueur d’espoir. La demoiselle avait enlacé un bref instant le garçon, risquant par la même occasion de faire de la casse. A sa façon de s’exclamer et de réagir, on pouvait supposer qu’elle était au moins un peu excitée. Rien de plus normal après ce qui venait de se passer. Découvrir une nouvelle facette de son pouvoir devait avoir pour elle quelque chose de fascinant. Ernest, dont l’obsession ne faisait que croitre plus son objectif devenait hypothétique, s’était remis à échafauder ses plans trop peu efficaces. Comment devait-il s’y prendre ? L’alcool, ça ne marchait pas ! En plus, il s’était lui-même privé de glace. En effet, il ne pouvait plus y toucher, même après le refus de Miss Duval, cela paraitrait louche. Que lui restait-il en option ? Il en voyait bien une : être sympa, Kawaï comme disait la jeune fille. Mais ça risquait d’être long et Vermine était impatient. Tant pis. Pour l’instant, il n’avait plus d’autres idées. Il s’attaquait à quelque chose qui lui était étranger. Il devait faire avec ses modestes moyens et s’en remettre à la chance. De la sympathie, donc, et de la proximité.

-Ouais, ce serait rigolo. Plain de chats partout, New-York aurait un nouveau visage ! Elle deviendrait Cat-City, la ville où les gars comme moi finissent dans la marmite ! Le garçon rigola de bon cœur. Evidement, il jouait la comédie. Hum… tout compte fait, n’en mords pas trop, sinon ton rat Kawaï devra s’exiler. Il conclut par un sourire amusé.

Puisqu’il ne pouvait plus toucher à sa glace, il la poussa de côté pour qu’elle ne se trouve plus dans son champ de vision et qu’elle cesse de le narguer. Il sortit ensuite de sa poche son argent. Les prix étant indiqués sur le menu, il savait déjà combien il devait, c'est-à-dire presque tout ce qu’il possédait. Ne voyant pas l’intérêt de conserver quelques malheureux centimes, il décida de tout laisser. Maintenant, il fallait attendre que Neko termine de manger.

-En tout cas c’est cool, tu va pouvoir t’amuser avec les types minables qui t’énervent. C’est important de se faire plaisir dans la vie. De mon point de vu, c’est même l’essentiel. A quoi ça sert d’exister si c’est pour pleurer ?

Ainsi la petite Maëlys Duval se découvrait de nouveaux pouvoirs. Et pas n'importe quel pouvoir. Elle était capable de transmettre sa malédiction à autrui. Elle n'était plus une petite mutante sans réelle capacité, qui était incapable de se défendre et que tout le monde en profitait pour maltraiter.

*Maintenant c'est fini la misère ! Je suis dans la place. Tu veux quoi, toi ? T'as un problème avec ma tête ? Quoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?! Tiens-toi à carreaux, sinon je te fais la même ! Yahaaaa ! Chat-garou ! Greuââââh ! C'est moi la plus balèze !*

Elle s'arrêta net quand elle s'aperçut soudain qu'inconsciemment elle était montée sur sa chaise en levant les bras de façon menaçante, et qu'elle avait dit tout haut ce qu'elle pensait de "Yahaaaa" à "...la plus balèze". Honteuse, elle se rassit et reprit son sérieux, se faisant tout petite et remerciant sa fourrure de dissimuler le rouge qui lui montait aux joues. C'est sûr que sur le coup elle avait l'air conne.

-Ouais, ce serait rigolo. Plain de chats partout, New-York aurait un nouveau visage ! Elle deviendrait Cat-City, la ville où les gars comme moi finissent dans la marmite ! Hum… tout compte fait, n’en mords pas trop, sinon ton rat Kawaï devra s’exiler. En tout cas c’est cool, tu va pouvoir t’amuser avec les types minables qui t’énervent. C’est important de se faire plaisir dans la vie. De mon point de vu, c’est même l’essentiel. A quoi ça sert d’exister si c’est pour pleurer ?
-Cat City...ouais, ce serait marrant. De toutes façons, je sais pas si ça changerait beaucoup à maintenant. Les gens veulent ta mort, non ? Bah, c'est clair que je vais bien m'amuser avec tous ceux qui me chercheront des crosses, mais je me vois mal mordre tous les gens de New-York. L'armée finirait par intervenir... Par contre, il faudrait que j'en apprenne plus sur les limites de mon pouvoir. Combien de temps ça dure, est-ce c'est définitif ? Si c'est le cas, je sens qu'il y en a qui vont se suicider, ce serait pas drôle. Et puis est-ce que ça marche sur tout le monde ? ça marche déjà pas sur toi, alors...

Elle cessa de penser à ça. Comme les chats, Neko était fichue de changer instantanément de centre d'intérêt à n'importe-quel moment. Elle se leva et alla chercher sur la table d'à-côté une bouteille de coca vide qui n'avait pas encore été débarassée. Elle revint s'asseoir et posa la bouteille sur la table, entre elle et Vermine, à l'horizontale.

-ça te dirais de jouer à action/vérité/et ta sœur ?

Sans attendre, elle fit tourner la bouteille. La bouteille tourna, avant de s'arrêter pointée vers l'enfant-rat.

-Ha ! Action ou vérité ?

-C’est vrai, ça marche pas sur moi. Mais en même temps, j’suis mutant et en plus hybride. Ça…

Vermine s’interrompit car il fut surpris de voir tout d’un coup la demoiselle se lever pour aller chercher une bouteille vide de coca. Qu’est-ce qu’elle voulait faire avec ça ? En attendant, il finit sa phrase avec un peu de retard.

-…peut expliquer.

La féline revint s’assoir et proposa de jouer à « Action/vérité/et ta sœur ? ». C’était stupéfiant comme elle pouvait vite changer de sujet. Il y avait à peine un instant, elle exultait debout sur sa chaise en pansant à sa découverte (ce qui avait fait rire Ernest), et maintenant, elle voulait jouer. Ne désirait-elle plus s’intéresser à ce sujet pourtant capital pour elle ? Oui, l’enfant-rat était vraiment surpris et d’ailleurs, il en fut prit au dépourvu. Il ne connaissait pas encore assez Maëlys pour prévoir toutes ses réactions. Lui-même, s’il avait été à sa place, aurait continué à parler de l’événement sans doute pendant des heures. Le temps qu’il se reprenne et réfléchisse à la réponse qu’il allait donner, réponse qui allait certainement être affirmative, il se retrouva déjà désigné par la bouteille. Maintenant, il devait choisir entre « action » ou « vérité ».

-« Action/vérité/et ta sœur ? »… Chez moi, ça s’appelait juste « Action ou Vérité ». « Et ta sœur », c’est une sorte de joker j’imagine.

Machinalement, il prit la bouteille et la renversa à l’extrême pour essayer de glaner quelques goûtes de coca. Puis il la reposa. Ce jeu servirait-il son plan ? L’aiderait-il à attendre son but ? Difficile à dire mais il fallait essayer. De toute façon, il n’avait plus vraiment la situation en main. Il avait grillé beaucoup des cartes de son jeu, ses marges de manouvres se réduisaient. Il reprit d’un ton futé.

-Bon, alors… action.

Le choix était vite fait. Si quelque chose pouvait l’aider à donner corps à ses obsessions, c’était les actes, pas les bavardages.

(Là, j'ai envie de mettre une petite musique d'ambiance)