Quand le diable révèle son vrai visage [M&Ms]

Studio d'Autumn, une heure après son retour de chez MM

De retour dans son petit appartement, Autumn avait seulement pris le temps de poser ses affaires dans un coin et de se jeter sur le canapé. Dépitée par la façon dont les choses s’étaient déroulées avec Matthew, et encore chamboulée par le fait de l'avoir rencontré, la demoiselle voulait s’accorder un petit temps de réflexion avant de remettre au travail. Et pour cela, quoi de mieux que de s’effondrer sur les coussins, bien au chaud enroulée dans sa couette, son dernier film téléchargé dans le lecteur dvd ? Quoi de mieux pour oublier un homme qu’un autre homme ? Certes, elle n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer Hadhouel Dymitrie mais peu importait…Matthew se montrait aussi inaccessible que pouvait l’être une star de cinéma comme Hadhouel, et elle ne perdait rien à rêvasser un peu. Balancée au rythme du navet européen, les yeux demi-clos, elle se laissa donc bercer par le doux visage de son homme parfait…

Évidemment, c’est toujours au moment où on a le moins envie d’avoir des visites que les gens s’invitent chez vous. Et ce fut précisément pendant la plus belle scène de tout le film, centrée sur la grande vedette masculine évidemment, que la sonnette de l’appartement retentit. Du fin fond de sa couette, Autumn grogna, pestant contre cette visite vraiment inopportune puis s’extirpa de son canapé avec difficulté, avec en tête la question classique à ce genre de situation : qui, mais qui était l’indésirable qui venait troubler sa tranquillité ?

Son appartement était petit, elle n'eut que quelques pas à faire pour se retrouver dans l'entrée. Arrivée près de la porte, elle actionna simplement la poignée et ouvrit la porte afin de voir enfin l’identité de son visiteur.

Et là…Ils étaient deux.

« - Papa ? »

Rien à dire, son père avait le chic pour lui faire des apparitions inattendues avec des invités surprise...Même s'il fallait lui reconnaitre un certain goût pour ces fameux invités. Parce qu'à ses côtés, se trouvait la personne sans doute la moins attendue sur cette terre. Son voisin. L’homme que pendant des semaines Autumn avait épié par la fenêtre ou salué en gloussant dans la cage d’escalier, en se faisant à chaque fois la réflexion oh combien philosophique : "bordel mais ça devrait être interdit d'être aussi mignon"...Hum...Cela ne vous rappelle pas quelque chose? Mais si, deux ans plutôt, Autumn débraillée, son père et M&Ms dans le salon en train de l'attendre pour lui annoncer une nouvelle plutôt inhabituelle...Aujourd'hui donc, c'était le jour du déjà vu.

Elle n’eut pas le temps de s’étonner plus, son père avait l’air pressé. La tête soucieuse des mauvais jours en prime.

« - Ovide, je sais que tout cela doit te paraitre très confus mais je vais tout t'expliquer. Tu nous laisses rentrer s'il te plait.
« - Heu...Oui, bien sûr. »

Les sourcils froncés, Autumn s'écarta pour laisser passer les deux hommes. Intriguée, elle ne parvenait pas à lâcher du regard l'homme inconnu. A vrai dire, elle ne connaissait pas son nom, s'étant seulement limitée à lui adresser la parole en de rares occasions. Et ça n'avait jamais été plus loin que "Bonjour", ou "Bonsoir". Et à présent, elle le regardait d'un air ébahi, tandis que l'homme la saluait simplement d'un signe de tête et d'un sourire aimable. Pendant son temps, son père s'était arrêté au milieu de la pièce. Droit et immobile, sans même prendre le temps d'enlever son manteau, il prit la parole:

« - Autumn, voilà Benjamin Sanders. Tu l'as déjà vu, il habite en face. Ce que tu ne sais pas, c'est que j'ai engagé Benjamin en tant que garde du corps depuis maintenant quelques temps, pour qu’il te surveille.
- Hein ? Pardon, tu me la refais là, je suis pas sûre d'avoir compris.
« - Certains anciennes personnes avec qui j'ai travaillées n'ont pas vraiment accepté le fait que je me sois mis à la retraite. Ils se sont tenus relativement tranquilles jusqu'à présent...Mais là, la donne change et j'ai peur qu'ils ne tentent quelque chose de plus sérieux.
- De plus sérieux? Tu veux dire qu'il s'est déjà passé des trucs?
- Oui, mais Benjamin a été très professionnel. Tu vois, tu ne t'en es même pas rendue compte.
- Heu...Ah ok...Mais ça dure depuis combien de temps au juste?
- Depuis maintenant presque trois mois. »

Trois mois, cela correspondait exactement à l’époque où l’homme avait aménagé dans l’immeuble…Autumn déglutit, encaissant le coup de la nouvelle. Elle aurait franchement aimé crier à son père d'aller voir ailleurs mais...à quoi cela servirait-il? On ne discutait pas vraiment avec lui...

« - Ah oui, je vois, et tu comptais m’en parler quand ?
- Tu as toutes les raisons de m’en vouloir mais si je ne t’ai rien dit, c’était pour ta sécurité. Si Benjamin avait été à tes côtés, il se serait douté que j'étais au courant. Et je ne pouvais pas prendre le risque qu’il découvre que je le soupçonnais.
- Il ? Qui ça il ?
- Ton ancien garde du corps, Matthew Meyers. »

A cette annonce, la jeune femme resta un moment bouche-bée...Elle avait dû mal entendre.

« - Quoi, Matthew ? Que vient faire Matthew dans tout ça?
- Il enquête sur moi pour un ancien collège, ennemi maintenant. Tu l’as rencontré aujourd’hui d'ailleurs, tu n’as quand même pas mis cela sur le compte du hasard, non ? Il ne t’a pas amené chez lui ?
- Minute. Comment tu sais tout cela ?
- Benjamin vous a suivi.
- Il nous a suiv...? Mais bon…Mais, Matthew ne ferait jamais une chose pareille !
- Tu crois ? De quoi avez-vous parlé ?
- Eh bien, il a juste voulu savoir ce que je faisais et comment tu allais, voilà tout.
- Dans le mille. Et cela ne t’a pas paru suspect qu’il te demande tout ça ? Que t'a-t-il dit d'autre?
- Euh…rien, j'ai voulu savoir ce qu'il faisait mais il a eu une visite d'une collègue qui a mal tourné et il m'a demandé de partir... »

Ce fut à ce moment que le dénommé Benjamin intervint.

« - Autumn, Meyers travaille pour des gens dangereux qui cherchent à vous éliminer. Vous et votre famille. D'après ce que j'ai vu, vous avez l'air de bien l'apprécier mais il joue simplement un jeu qu'il a déjà joué. Et il est très fort, il m'a repéré et agressé aujourd'hui alors que je vous suivais.
- Aujourd'hui ?
- Oui, pendant que vous entriez dans ce magasin de vêtements. Je pense qu'il cherchait à détourner votre attention pendant qu'il me cherchait. Il m'a ensuite menacé. Apparemment, il savait déjà tout de moi et il a voulu en savoir plus. J'ai réussi à m'en tirer et à m'échapper. Je vous ai ensuite suivis jusqu'à son appartement et c'est là que j'ai prévenu votre père.
- Si tu n'étais pas sortie Ovide, nous serions venus te chercher...
- Mais il ne m'a rien fait, c'est même lui qui m'a demandé de partir.
- N'oubliez pas que sa cible principale, c'est votre père. S'il veut arriver à lui, il n'hésitera pas à se servir de vous. Pour l'instant, vous lui êtes plus utile vivante que morte.
- ... »

La jeune femme se tut, incapable de rajouter quoi que ce soit. La nouvelle venait de l'achever. Quelques minutes de conversation à peine, quelques déclarations et la jolie bulle de doux rêves qu'elle s'était formée venait d'éclater en mille morceaux. Elle resta un moment en silence, ignorant les deux paires d'yeux fixés sur elle. Quatre lueurs perfides et traitres dont elle ne voyait pas la fourberie et qui venaient de la tromper. Une fois encore. Lorsqu'elle reprit la parole, ce fut d'une voix douloureuse:

« - Ok, et on fait quoi maintenant ? »

Elle avait l'impression qu'un poids pesait sur sa poitrine. Une partie d'elle voyait cette fausse vérité comme réelle, tous les éléments s'emboitaient si facilement à travers les paroles des deux hommes qu'ils en devenaient authentiques. Une autre refusait de croire à la culpabilité de l'homme qui emplissait ses pensées. Non, Autumn n'était pas amoureuse mais elle avait toujours eu un faible pour Matthew et elle avait cru développer avec lui une sorte de relation spéciale. Relation qui s'était brisée du jour au lendemain quand il était parti mais le jeune femme ne l'avait jamais vraiment oublié. Toujours un peu idéalisé sans doute, tel un super héros. Là, l'image explosait en mille morceaux, et c'était peu dire.

« - Maintenant on s'en va Ovide. Je te ramène à la maison. Nous allons juste passer dans l'appartement de Benjamin pour qu'il récupère son matériel et nous partons. Tu n'es plus en sécurité ici.
- Mais... »
- Pas de discussions. On en reparlera à la maison. Je sais que c'est dur à comprendre pour toi mais nous n'avons pas le temps. Prends simplement un sac avec quelques affaires, j'enverrai mes hommes récupérer ce dont tu as besoin plus tard.

Son père était pressé, comme toujours. Sans doute était-ce justifié cette fois-ci. Sans rien dire, elle fonça dans sa chambre pour récupérer quelques vêtements mis à la hâte dans son sac, ainsi que ses trésors: son ordinateur portable, son ipad et le reste de sa panoplie de geek qu'elle pouvait transporter. Son arme aussi dans le sac, inutile de la laisser trainer là. Puis elle revint dans le salon où l'attendaient les deux hommes.

Quelques minutes après, ils laissaient son appartement fermé à clef, suivaient le couloir et pénétraient dans l'appartement du fameux Benjamin Sanders...

Autunm avait quitté l'appartement de Matthew, climat plutôt tendu, le mutant ne répondait pas tellement comme à son habitude. Il avait des choses à faire, des choses à éclaircir, voir Autunm partir sans aucune protection le gênait quelque peu, mais il ne fallait pas non plus se montrer trop brut même si tout ce qu'il pouvait trouver comme informations étaient de plus en plus louches. L'épisode de Caitlyn, il avait complètement oublié, maintenant il était totalement centrer sur ce Benjamin et le père d'Autunm. Ben était employé du papa Hackett, nouveau garde du corps. Par la suite, en continuant ses recherches via le réseau, il découvrit que le père n'avait pas arrêter ses activités plus que malsaines et Autunm, bien entendu, n'était au courant de rien depuis le début. Elle le croyait à la retraire, alors que ce type faisait sont trafic de mutants. Pour le moment, il avait réussit à le prouver, depuis tout à l'heure il imprime les relevés bancaires du père et de Benjamin. Leurs déplacements géographiques et aussi, les enregistrements vidéos de leur déplacements. Des preuves, qu'il gardera précieusement. Il l'avait déjà fait, il y a deux ans avec le père de la demoiselle, c'est ainsi qu'il a pu se prouver que les doutes sur la sincérité du malfrat étaient fondés. Et c'était en fouillant dans le système informatique du patron qu'il a pu avoir la plus part des informations. Tout ce dossier se trouvait dans un bureau et Matt s'y trouvait, relisant à la va vite tout ce qu'il avait, tout en surveillant Autunm en traçant son portable, et il connut ainsi son adresse d'habitation.

Tout se passait bien, enfin, le mutant complétait, il était sûre et voilà qu'il découvrit autre chose. Benjamin n'était pas totalement l'employé du père. Bordel. Il travaillait aussi pour un autre. Une heure plus tard, le problème était résolu. Le père faisant un trafic de mutant, un de ces rivaux fit passer un agent à lui comme garde du corps sans que le papa Hackett le sache. L'agent, Benjamin devait enfaite se rapprocher du père pour avoir des infos sur le trafic et sans doute le mettre à la retraite pour de bon. Mais Autunm n'était qu'un outil dans tout le plan du rival. Jack Halfinger. Un autre mafieux qui aimerait réussir dans cette branche illégale. Un dossier fut créer à son compte. La cyberpathie est parfois si pratique. Heureusement qu'il a de la place niveau étagère pour ranger la paperasse. Tout ça sera brûler quand l'affaire sera finie... Et elle allait peut être arriver plus vite que prévu. Par les vidéos de l'immeuble d'Autunm, Matthew a pu remarquer la présence de son ancien employeur, accompagné de Ben devant l'appartement de la jeune femme. Merde. Il se pressa pour quitter son chez lui et aller rejoindre la jeune femme. Ce n'était pas bon. Vraiment pas bon, le faite que les deux hommes soit chez elle. Il monta sur sa moto et le voilà partit. Il ne lui a fallut guère longtemps pour atteindre le lieu. Oh, des gardes, ils perdirent la vie assez rapidement, le temps d'arriver à l'étage, les trois hommes et femme avait changé d'appartement. Oh, Ben était le voisin. Matthew ne se gêna pas pour rentrer discrètement.

Personne dans le salon, il avance. Trouver Ben, en premier. Il passe par un couloir, il entend des bruits.. quelqu'un qui range des affaires. La porte est ouverte, Ben de dos. Le mutant s'approcha de lui, mais celui-ci se retourna pour attraper le bras du mutant qui avait voulu le frapper.Sourire en coin pour les deux.

Tu es venu pour chercher des informations ?
J'ai déjà ce qu'il faut Sanders. Comment va ton pote Jack ?
Oh, je ne te pensais pas si fort pour enquêter sur les personnes inconnues Meyers.

Dit-il en lâchant brutalement le bras de Matt pensant que celui-ci n'allait pas réagir. Mais comme la première fois, il l'attrapa par le cou et le bloqua contre le mur.

Tu vas me tuer ? Autunm n'est pas loin, tu veux vraiment que ça se passe comme ça ?
Ferme là.

Et ceci se produisit, une minute d'électrocution. Crise cardiaque, le sourire de Ben resta sur son visage de traitre. Un mort, un de plus. Matthew le lâcha et laissa son cadavre glisser le long du mur tout en s'écartant, près à quitter la pièce, il se retourna et vit Autunm, accompagné de son père. Silence.

Pendant que Benjamin était occupé à récupérer ses affaires, Autumn et son père s'étaient isolés dans une des pièces adjacentes. Histoire de discuter un peu avant de reprendre la route. Nul doute que la véritable confrontation aurait lieu dans la demeure familiale, entre cris et larmes, avec comme toujours Eleonore Hackett en spectatrice muette et neutre. Néanmoins, Autumn avait d'ores et déjà besoin de commencer à en parler. La jeune femme n'avait pas encore vraiment réalisé ce qu'elle venait d'apprendre, cette histoire lui semblait tellement surréaliste...imconcevable. Matthew Meyers, qui l’avait protégée pendant plusieurs mois et avec qui elle s’était sentie tellement en sécurité quand elle était à ses côtés, ne pouvait pas être l'homme vil et fourbe que lui dépeignait son père. Pourtant d'un autre côté, il était clair qu'elle ne savait pas vraiment qui était le grand blond. Savait-elle quelque chose de son passé, de sa vie, de son travail? Non. Et elle l'avait bien vu de ses propres yeux, il fréquentait des gens douteux, vivait sans doute bien au dessus de ce que son simple travail pouvait lui permettre et se livrait à des activités plus qu'illégales. Il pouvait être de son côté...comme il pouvait ne pas l'être...

« - Ovide, regarde moi. »

Elle n'avait pas les yeux remplis de larmes comme les filles en pleine détresse amoureuse mais au fond d'elle, elle se sentait trahie. Plus comme une enfant qui venait de subir une cruelle désillusion. La main agrippée sur la lanière de son sac, elle fixa son père. Sur son visage s'étaient imprimées la déception et une certaine tristesse. Celui de son père semblait bienveillant, un simple sourire gravé sur son visage affable et les rides de colère paraissaient s'être estompées. La lueur dans ses yeux marrons semblaient la comprendre, la protéger...

« - Je suis vraiment une idiote...C'est même moi qui ait insisté pour le suivre. Ça craint, j'ai rien vu venir...
- Meyers est très fort. Déjà quand il travaillait pour nous, il se comportait de façon étrange.
- Que veux-tu dire?
- Eh bien, souvent il posait des questions déplacées sur nos activités. Alors qu'il n'était qu'un simple garde du corps. J'avais mis ça sur le compte d'une curiosité déplacée mais je me suis carrément trompé. Et le jour où il est parti, il a simplement plié bagage sans exiger d'être payé pour le mois qui n'était pas terminé. Pour refuser de toucher le salaire que j'allais lui verser, il fallait vraiment qu'il ait d'autres intérêts ailleurs.
- Je n'ai jamais su ce qui c'était passé ni pourquoi il était parti.
- J'ignorais moi même pourquoi il était parti jusqu'à il y a quelques mois où j'ai découvert le pot aux roses. Meyers travaille pour Jack Halfinger, un des pires traitres parmi les nôtres. Et puis pour le reste, je ne voulais pas te mêler à tout ça.
- Papa, j'ai plus quinze ans...J'veux dire, je comprend que tu veuilles me protéger et le reste mais là...j'ai quand même vingt et un an, et faudrait que t'arrêtes de continuer à penser que je suis encore une gamine, quoi...»

Le ton commençait à monter. Autumn était révoltée, ou du moins ce sentiment commençait à prendre la place au désespoir. Certes, il était vrai qu'elle venait tout juste de mettre le pied dans le monde des adultes mais était-ce une raison pour lui avoir caché toute cette histoire? Plus on montait haut, plus dure était la chute. La mutante avait sans doute trop estimé Matthew, elle en payait les pots cassés à présent...

« - Je sais, je sais...Je te promet qu'une fois à la maison, je t'expliquerai tout en détail et que je ne te cacherai plus rien. »

Autumn se contenta d'acquiescer la tête, sans être vraiment convaincue. La jeune femme avait juste envie d'être ailleurs et seule, d'aller se coucher ou d'être tranquille devant son ordinateur, de disparaitre le temps de ne plus penser à tout cela. Elle ferma les yeux, s'imaginant être loin de tout ce chaos. Ce fut à cet instant que son père posa sa main sur son épaule. Son regard était sur la jeune femme, elle le percevait mais elle ne parvenait pas à se sentir tranquille pour autant.

Elle rouvrit les yeux et croisa son regard, qui avait perdu de cet air paternel. Il était redevenu Dominic Hackett, l’homme à qui l’on devait obéir.

« - Allez viens, je pense que Sanders doit en avoir fini. »

Sans rien ajouter, l'ancien mafieux irlandais se dirigea vers la porte et la jeune femme lui emboita le pas. Elle suivait son paternel plus par inertie que par réelle envie. Alors qu'ils atteignaient la porte, un bruit sourd en provenance de la pièce voisine résonna soudain. Dominic ouvrit la porte d'un geste rapide et pénétra dans la pièce, Autumn sur ses talons.

Le spectacle qui les attendait était de taille. Au centre de la pièce, Matthew Meyers se tenait raide et leur faisait face de toute sa hauteur. Derrière lui, la silhouette d’un homme à terre, celle de Benjamin Sanders, dont les yeux ouverts ne semblaient pas de bonne augure quant à son état. La salle était exempte de trace de lutte mais cela n'enlevait rien à l'horreur de la scène.

« - Ovide, reste derrière moi. »

Du plat de la main, Dominic repoussa sa fille en arrière, la forçant à se tenir derrière lui. Autumn, elle, fixait le cadavre de Benjamin sans rien dire, sans même oser relever les yeux vers Matthew. Il ne lui avait pas fallu beaucoup du temps pour comprendre ce qui venait de se passer. Matthew avait tué l'homme qui travaillait pour son père. Elle se sentait presque mal, tout ce que lui avait dit son père était donc réel, son ancien garde du corps n'était qu'un traitre engagé pour les liquider...? Bon sang, quand elle pensait à tout ce qu’elle avait fait avec lui, partager son temps, ses loisirs, ses secrets stupides d’adolescente…qu’elle lui avait donné sa confiance…

Dominic Hackett en revanche, loin des états esprits incohérents de sa fille, avait décidé de prendre les choses en main. Tranquillement, il posa la main sur son Beretta caché sous sa veste et fixé à sa ceinture, le laissant bien en évidence, et esquissa un sourire.

« - Meyers, je dois avouer que vous êtes particulièrement brillant. L'un des meilleurs que j'ai croisé sans doute. J'ignore beaucoup de secrets que vous cachez mais ils doivent être très intéressants. Si vous aviez été fidèle, sans doute auriez-vous pu devenir quelqu'un mais malheureusement, vous avez choisi le mauvais camp... »

Pas la moindre éloge funeste pour Sanders...de toute façon, l'homme n'avait jamais eu d'importance pour lui. Du regard, il indiqua son arme.

« - Allons, soyez raisonnable, rendez vous. Nous le savons tous les deux, vous êtes sans doute un grand électrokinésiste mais vous ne pouvez pas lutter contre moi. Sanders n’était qu’un humain mais moi, je suis plus…imprévisible, vous vous doutez bien. »

Il était évident que l'arme n'y était pour rien dans les arguments qu'avançait l'homme. Son véritable pouvoir, beaucoup l'avaient subi à leur insu mais peu le connaissaient et le grand blond ne faisait pas partie de ceux-là. En général, ceux qui connaissaient sa nature mutante savaient qu’il pouvait apaiser les esprits, très peu qu’il pouvait réveiller le chaos dans leur tête. C'était comme ça que Dominic s'occupait de ses ennemis, en rentrant dans leur esprit, là où aucune arme humaine ne pouvait arriver. Il les contrôlait d'abord, parvenant à leurs pires cauchemars, découvrant leurs peurs et leurs craintes, avant de finalement les abattre froidement quand ils étaient à sa merci. Matthew aurait beau vouloir se défendre, son esprit l'en empêcherait, tout simplement.

Autumn, restée en retrait, savait ce qui allait se passer. Elle aurait pu intervenir et tenté de raisonner son père mais c'était sans doute trop tard. La vue du cadavre de Benjamin l'empêchait de faire quoique ce soit. C'était pire qu'un cauchemar, un horrible rêve dont la jeune mutante ne parvenait pas à se réveiller.

Elle leva les yeux vers Matthew et l'espace d'un instant, une seconde à peine, son regard croisa le sien...

Matthew prit en flagrant délit. Chose rare, mais là il était surpris. Oui. Surpris. Le père Hackett se trouvait face à lui, Autunm derrière. Surpris que ce type soit près à se battre, il est mutant, il le sait mais ces pouvoirs restent inconnus alors que le mafieux sait que Matthew est électrokinésiste. Il n'est pas à son avantage, pas du tout et voir la jeune femme à ce moment même c'est comme qui dirait gênant. Dans sa tête tout était clair, Autunm se faisait manipuler par son père mais dans celle de la demoiselle, c'était la confusion la plus total. Il ne savait pas ce qu'avait raconté Hackett mais il se doutait que la mutante n'avait pas reçu un discours des plus élogieux sur lui. Meyers n'était absolument pas sûre de lui, pour une fois, il se savait pas de ce qu'il allait pouvoir bien faire, il ne peut pas être aussi prévoyant qu'à l'habitude, il n'a pas assez d'éléments pour prévoir, il se trouve dans une belle merde. Il va devoir improviser. Ce sera une première depuis des lustres. Il a toujours su comment agir face à l'imprévu, il a toujours su maîtriser une situation mais les choses sont tellement allé vite cette fois ci qu'il se retrouve comme un gamin perdu dans une fête foraine. Il n'a pas de points de repères, il se doute qu'Autunm ne le voit plus comme avant et il se dit que contrairement aux autres situations, il risque de ne pas s'en sortir vivant.

Va savoir pourquoi il agissait ainsi pour une pauvre fille. Même s'il a vécu pendant des mois avec elle, même s'il s'était promis de ne pas attacher à la jeune femme et à quiconque depuis cette perte de 2003, Matt se trouvait face à son ancien patron et Autunm pour sauver celle-ci. Son instinct l'a emmené là, l'a emmené dans cette pièce et l'a forcé à tuer Sanders. Son instinct lui a fait chercher des informations, lui les a fait trier, lui a fait créer un dossier Hackett depuis la découverte du véritable business du paternel. Ce business, il n'y a que lui du monde extérieur qu'il le connait et c'est cela qui dérange le plus le chef de Mafia. Matt avait démissionné principalement pour cette affaire, la deuxième raison, il n'a jamais voulu l'accepter. Mais aujourd'hui ces deux raisons reviennent et surtout la seconde. Il n'est pas là pour mettre fin à un trafic de mutant, parce que celui-ci continuera malgré tout, mais il est là pour rétablir la vérité auprès d'Autunm et la sauver une bonne fois pour toute. Oui, il joue au chevalier mais si ça avait été quelqu'un d'autre il en aurait eu rien à foutre. C'était Autunm, la nana avec qui il a vécu pendant cinq mois, la nana qu'il devait protéger, la nana qu'il a abandonné sans prévenir. Il veut sans doute se faire pardonner à l'heure d'aujourd'hui et peut être renouer un lien avec le passé.

Il écouta les belles paroles de Dominic Hackett. Un blah blah qui sonne faux. Il le savait imprévisible, il savait que le père Hackett avait un pouvoir bien caché et aussi bien dangereux. Matthew être raisonnable. Oui, il l'était, il allait l'être, mais devait-il se rendre tout de suite ? Non. Se rendre, quelle idée. Mais il fallait prendre le dessus tout de suite pour éviter le plus de dégâts, mais Autunm était là, se battre devant elle, non... Elle allait devoir voir une facette de Matt qu'il n'aime pas montrer. Il va devoir être un monstre devant la jeune femme. Il croisa son regard quelques secondes, comme une demande de pardon, puis il ferma les yeux un instant pour se replonger dans celui de Dominic.

Vous me demandez d'être raisonnable... mais avant de me le demander, vous devriez mieux l'être vous-même Monsieur Hackett.

Celui-ci souleva un sourcil.

Est-ce pour vous raisonnable de mentir continuellement à sa propre fille pour le bien de son travail ? Je ne sais pas ce que vous lui avez raconté à propos de mon compte mais comme vous ne savez rien de moi je suppose que votre mythomanie a encore fait des merveilles. Commencez tout d'abord par lui dire que vous n'êtes pas vraiment à la retraite mais que vous continuez votre petit trafic de mutants depuis le début de votre business de mafieux.
Vous dîtes n'importe quoi.La colère montait.
Oh et puis, Sanders était un traite, je le dis pour vous rendre service, mais je doute que vous en avez à faire quelque chose... Vous connaissant, je pense que dans l'affaire, le traite c'est moi ou du moins ce que vous avez réussi à faire croire à votre fille n'est ce pas ?
Ce sera la dernière fois que je prononce cette phrase : Rendez-vous Meyers.
Vous voulez étouffer la vérité. Vous ne voulez pas que votre principal cobaye soit au courant, vous voulez qu'elle reste dans l'ignorance pour que vous puissiez gagner toujours autant... Pourquoi êtes-vous si perturbé d'un coup ? Ce que je dis vous dérange ? C'est étrange, je ne pensais pas que vous seriez si facile à déstabiliser. C'est parce qu'il y a une part de vrai dans mes propos sans doute... Hm, oui à voir votre visage, cela confirme ce que je pense.
Ferme là !

Il sortit son arme et tira sans aucune hésitation. Matthew s'écarta mais fut légèrement toucher au dessus de l'épaule et paf, son nouveau t-shirt encore un à jeter. L'heure n'était pas à la rigolade et à penser à l'état de ses vêtements. Pourquoi il le provoquait ? Il savait que le foutre en colère était comme exister un cabot avec un morceau de viande. Mais il se disait que si le père Hackett s'énervait ainsi Autunm comprendrais peut être que Matt ne dirais pas que des mensonges pour se protéger. Aucun être ne réagirait ainsi suite à des dires qui seraient faux. Dominic ne veut pas que sa fille le sache, alors il veut tuer le mutant au plus vite, malgré l'agressivité du mafieux, Matthew ne va pas se taire. Il fait sa pipelette, ça peut choquer, lui qui n'a pas autant l'habitude de parler.

Raté Hackett. Dommage. Dit-il en se remettant droit.Assumez voyons. Dîtes la vérité à votre fille, regardez là, elle est perdue, ça vous fais plaisir de la voir ainsi ? De jouer avec les sentiments pour arriver à vos fins... De jouer avec ses sentiments. Ceux de votre propre fille. Est-ce vraiment digne d'un père ? Vous me rappelez quelqu'un Hackett. J'ai l'impression de me voir quand je vous regarde. Et je suis heureux de me rendre compte que je ne vais plus être un connard de votre genre.

Il jeta son arme violemment. Matthew s'en rendait compte. Il agissait comme Dominic des fois... Il manipule les autres pour avoir ce qu'il veut, il se comporte comme un égoiste tout ça pour du fric... Dominic et lui se ressemble mais l'un des deux va disparaître et l'un des deux tentera de changer pour ne plus être ce qu'il était et redevenir le type qu'il était.

Autunm, je te demanderai de quitter l'appartement et de m'attendre dans le couloir, je n'en aurais pas pour longtemps.
Écoutes ton père Autunm, pour une fois il n'a pas tord.

Si un télépathe avait pu franchir les barrières psychiques d’Autumn à cet instant précis, sans doute n’y aurait-il découvert qu’un véritable amas de nœuds, un chaos de pensées entremêlées et de confusion totale. Le brouillard complet, le genre à en ressortir de là avec une migraine carabinée et encore plus de questions que lorsque vous y étiez entré. Si la situation était loin d’être réjouissante pour les deux hommes, pour Autumn, elle en devenait pire. Perdue entre des questions sans fin et surtout sans réponses, malmenée comme un vulgaire colis dont on ne savait vraiment que faire, la demoiselle contemplait une fois de plus en spectatrice ignorante la scène qui se jouait devant ses yeux. La seule chose qui lui paraissait claire -et encore c’était peut-être beaucoup s’avancer- c’était que des arguments qu’avançaient Matthew et ceux de son père, seule une version devait être véridique. Restait juste à savoir laquelle était la bonne…et à ce sujet, l’étudiantee était bien incapable de se prononcer. Quelques minutes plus tôt, la demoiselle aurait été prête à suivre aveuglement son paternel dans sa croisade contre son ancien garde du corps, sans doute aidée par des années entières passées à lui accorder entièrement sa confiance…maintenant, elle ne savait plus trop. Cette nouvelle indécision avait une cause principale, et le discours impressionnant de Matthew n’y était pour rien. Non, tout ce que voyait Autumn, c’était son père Dominic Hackett, mafieux craint et respecté, qui n’avait jamais eu peur de rien ni de personne, perdre soudain pied. Rares avaient été les moments et les situations dans lesquels son paternel s’était trouvé contre le mur, sans autre recours que la violence et la panique. Là, le ton montait rapidement, l’homme ne parvenait plus à garder son sang-froid face à l’électrokinésiste. C’était nouveau, et Autumn ne savait plus très bien comment réagir, contemplant simplement de sa place la montée de violence et de brutalité entre les deux hommes, impuissante et désarmée face à un tel conflit.

Les révélations de Matthew l’avaient sincèrement prise de court, tout comme la volonté que semblait déployer le blond pour faire plier son père. Son géniteur, encore plongé dans ses occupations mafieuses ? Info ou intox, elle n'en savait rien, ne s’en souciait pas pour le moment. L’information la traversa comme si elle n’avait jamais existée, comme si les lèvres du blond n’avaient jamais prononcé ces paroles. Seul le bruit de la détonation parvint à sortir la mutante de l’espèce de léthargie qui la maintenait à l’écart. Les yeux écarquillés sous l’horreur, la jeune femme vit son père tirer sur son ancien garde du corps, le soulagement qu’elle éprouva lorsqu’elle vit l’homme éviter la balle fut immense, soulagement sans doute inattendu mais réel. Inconsciemment, la demoiselle ne voulait pas que l’affrontement ait lieu, encore trop attachée aux deux hommes pour supporter d’en perdre un. Hélas, elle n’avait pas la force ni les pouvoirs nécessaires pour intervenir et empêcher les adversaires qui se faisaient face de s’entretuer.

Puis son père lui demanda de sortir, décision appuyée par Matthew…Au moins, ils étaient d’accord sur un point, tiens. Mais là où Autumn aurait simplement dû lire l’inquiet d’un ami et d’un père, qui cherchaient à lui laisser la vie sauve, elle en déduisit une toute autre explication : les deux mâles se faisaient face dans un combat pour l’honneur et la survie, la demoiselle en était une fois de plus évincée, éternelle enfant écartée du monde des adultes. Révoltée une fois de plus, agacée et bien décidée à ne pas obéir cette fois-ci, elle estimait que le moment était venu pour elle de taper du point sur la table et d'intervenir à son tour. Non, parce qu’elle avait quand même son mot à dire, hein.

« - Mais je ne…
- Autumn ne discute pas. »

Si elle avait voulu sauver le monde avec ses belles paroles, l’effet était complètement raté. Le ton de son père était sans appel mais pour la première fois, Autumn ne bougea pas, les pieds rivés au sol et une nouvelle détermination gravée sur son visage. Elle voulait lever la voix, se faire entendre mais son père se retourna soudain vers elle et colla son regard dans le sien.

« - J'ai dit. Attends-moi dans le couloir.
- Je...Oui....D'accord… »

En une simple fraction de seconde, les yeux de la jeune femme avaient inexplicablement perdu leur éclat, l'élan de la demoiselle s'était soudain estompé. De l'extérieur, c'était sans doute invisible mais à l'intérieur de son esprit, c'était soudain comme si un mur s'était érigé entre sa perception du monde et ses pensées rationnelles. La peur venait de frapper Autumn comme une main invisible, encore plus durement que si son père avait porté la main sur elle. Sans qu’elle le sache, Dominic s’était introduit dans l’esprit de sa fille, l’effleurant simplement pour lui donner une vision d’horreur et de terreur. Le résultat fut immédiat, la mutante fit simplement demi-tour et fila sans demander son reste dans le couloir tandis que son père, satisfait de son petit tour de passe-passe, se retournait de nouveau vers Matthew, un sourire malveillant sur son visage.

« - Bien, où en étions-nous ? Ah oui, je me disais que vous étiez plus agréable à côtoyer quand vous la fermiez. »

Le sourire n’était plus au rendez-vous, une expression sinistre et inquiétante venait de le remplacer. Dominic était malveillant mais il était loin d’être stupide. Chaque seconde passée à attendre un peu plus ramènerait Autumn à un état normal, bientôt elle ne serait plus sous l’emprise de son pouvoir et serait susceptible de revenir. Et plus il attendrait, plus il laissait Matthew parler, plus il y avait de chances qu’elle découvre la vérité. L’homme ignorait quels arguments pouvait avancer son adversaire et jusqu’à quel point ses preuves étaient solides, mais il n’avait pas l’intention d'attendre pour le vérifier. Ou s’il le faisait, il s’assurerait d’abord que le mutant était mort et enterré avant de s’y atteler, pour finalement détruire toute pièce qui menacerait son existence et sa tranquillité…

Sans attendre, il passa à l’attaque.

…

Dans le couloir, Autumn restait seule, encore assommée par le coup mental que venait de lui assener son paternel. Elle aurait voulu réagir mais l’obscurité qui venait d’envahir son esprit la maintenait prisonnière. Dominic avait réussi en une simple fraction de secondes à la plonger dans une simple détresse sans précédent et elle luttait vainement contre cette sensation indésirable. Jamais son père n’avait utilisé son pouvoir ainsi sur elle, elle n'en avait pas du tout l'habitude. Doucement, peu à peu, elle reprenait ses esprits...et pourtant, il n'avait fait qu'effleurer l'espace d'un court instant son esprit mais il lui fallut du temps pour s'en remettre.

Quand elle se sentit de nouveau d'attaque et maitre d'elle même, c'était trop tard. Dans la pièce, le combat entre les deux hommes faisait rage...

Dans entrebâillement de la porte, Autumn ne bougeait pas, pétrifiée par le spectacle auquel elle venait d'assister. La mutante était arrivée à temps pour voir le combat entre les deux hommes et bien évidemment, elle avait entendu chacun des mots prononcés...Les menaces proférées par son géniteur puis la violence avec laquelle il avait attaqué son ancien garde du corps. La jeune femme avait déjà assisté à la brutalité de son père, mais cela avait été toujours face à des petits malfrats sans importance et encore, rares étaient les fois où il se chargeait de faire le sale boulot. En bon leader de la mafia, Dominic Hackett se salissait rarement les mains avec le sang de ses ennemis et il préférait largement déléguer ce genre de tâches à des subalternes de confiance. Privilège du rang, privilège de l'âge. Pourtant malgré ce qu'on aurait pu croire, l'homme n'était pas rouillé, il venait de le prouver et même si le combat n'avait pas été physique, il avait largement eu le dessus. Et pour la première fois, Autumn avait lu la peur et la panique dans les yeux de Matthew. L'homme si droit et si immuable semblait soudain avoir perdu toute contenance.

Lorsqu'il était tombé à terre, ravagé par le pouvoir de Dominic, la jeune femme avait senti son cœur s'arrêter, prise de panique à l'idée qu'il puisse être mort. Le reste s'était passé trop vite, la scène surréaliste à laquelle elle avait assisté de loin ressemblait à un sombre cauchemar. Et puis le blond avait repris rapidement conscience, revenant inopinément d'entre les morts. Quand il avait appuyé sur la détente, la détonation avait résonné comme le glas de la fin. En une seconde, le monde d'Autumn venait de s'écrouler autour d'elle, la plongeant dans une abîme sans fond, un sentiment auquel elle ne s'était pas attendu. La conversation qu'elle avait eue avec son père avait égratigné la petite bulle dans laquelle elle se plaisait à vivre, la confrontation musclée et la mort de son père venaient de la faire exploser.

Elle resta là plantée, à regarder le corps sans vie de son paternel. L'homme que pendant des années elle avait respecté, suivi et aimé gisait à présent par terre et la mutante n'éprouvait pourtant aucune peine ni aucun chagrin. Juste un sentiment terrible de confusion. Il l'avait trahie, il venait de user de son terrible pouvoir sur elle...Elle se sentait perdue et soudain bien seule. Reportant son attention sur Matthew, la jeune femme aperçut son regard vide et ses yeux presque éteints qui imploraient son aide...Il avait besoin d'elle. Autumn aurait pu rester immobile à broyer du noir et à fixer le cadavre de son père mais quelque chose en elle céda soudain. Refoulant les larmes qui menaçaient d'inonder soudain ses yeux, elle se précipita vers Matthew et s'agenouilla à ses côtés. Les yeux de l'homme étaient encore ouverts mais son regard vaseux...Il ne devait même pas la voir.

« - Matthew? »

Il ne fallait sans doute pas espérer de réponse intelligible, il ne semblait plus en état de dire grand chose. Doucement, elle posa sa main sur son bras, touchant sa peau qui lui paraissait presque froide...Simple effet de son imagination? Peut-être, elle n'était plus à cela près, le coup mental de son père l'ayant sûrement bousculée plus qu'on ne pouvait l'imaginer. Si le mutant avait été blessé, son pouvoir aurait pu lui permettre de l'aider quelque peu mais là, elle ne pouvait strictement rien faire...Au milieu de ses larmes et de son esprit affolé, une pensée rationnelle lui traversa soudain l'esprit. Il fallait qu'elle conduise Matthew à l'hôpital. Maintenant et vite. Doucement, elle lui attrapa le bras et le passa autour de ses épaules, puis le souleva tant bien que mal. La jeune femme avait beau être grande et elle était loin d'être une brindille, mais le gabarit du blond était loin d'être négligeable. Sans compter que son état de semi inconscience ne lui facilitait pas la chose...

« - Allez on y va...Ok, ok doucement...Allez...Tain, M&Ms, vous m'aidez pas là...»

Des paroles qui auraient pu la faire sourire si la situation n'avait pas été aussi critique. Mais malgré ses paroles légères, la jeune femme n'en menait pas large. Elle voulait simplement quitter les lieux avant que le bruit ne finisse par attirer un voisin ou tout simplement avant que Matthew ne lui claque entre les doigts...Elle ne voulait certainement pas le perdre.

Doucement et avec difficultés, le duo se dirigea vers la porte, traversa le couloir pour atteindre l'ascenseur et descendre au rez de chaussée. Puis la demoiselle conduisit le blond à sa petite voiture et l'installa sur le siège arrière, le laissant s'étaler sur la banquette.

« - M&MS, vous avez pas intérêt à clamser dans ma bagnole. Ni clamser tout court. Sinon je vous tue...»

L'homme ne devait pas l'entendre et c'était tant mieux, parce que c'était vraiment très très stupide. Très vite, elle referma la portière, s'installa au volant, essuya ses larmes et démarra sur les chapeaux de roue, filant dans le trafic de New York.

La route jusqu'à l'hôpital lui parut longue. Bien trop longue. Elle ne parvenait pas à oublier le corps sans vie de son père encore sur le sol de l'appartement, le cadavre du voisin traitre tout prêt de lui. Mais elle n'avait plus le temps d'y penser, elle accuserait sans doute le coup plus tard. Le pire n'était même pas encore passé...Non, le cauchemar ne faisait que commencer...

Fin
Prochain arrêt: rdv l'hôpital