Conte réel avec un criminel, un policier et un ange [ PV ]

Icare. Un pseudonyme qui commençait à faire le tour des bars. Beaucoup jusqu'à maintenant étaient mal famés et mutants mais le jeune homme qui portait ce surnom issu de la mythologie avait réussi le prodige de calmer les esprits les plus échauffés. Même les gros bras avec "maman" tatoué en gros sur leur épaule musculeuse l'écoutaient, même les drogués qui préféraient le hard rock appréciaient la voix pure du garçon. Son physique avait aussi son petit effet, que ce soit sur les croyants ou non croyants. "grâce" à Gretchen et à ses expériences il avait désormais un charisme supérieur au gamin sans présence roux et si fragile. Acceptant petit à petit sa mutation, tout du moins pendant ses prestations il s'en servait pour se mettre en scène justement et appuyer les paroles de ses chansons souvent profondes, originales et magnifiquement chantés. La sono hélas faisait défaut et Icare devait utiliser son don de la voix pour donner un effet correct; ce qui l'épuisait au bout de deux chansons.

Aujourd'hui était différent, il changeait de registre. Sa petite notoriété qui s'étendait doucement, avec patience était parvenue jusqu'aux oreilles d'un établissement assez classe et pas exclusivement mutant qui avait décidé de faire l'impasse sur le physique différent du chanteur. Depuis que l'archer vert l'avait quitté sans rien lui laisser, le mutant devait vivoter. Au début il avait eu du mal mais maintenant sa situation devenait confortable; si bien que le mutant en était arrivé à vivre de sa musique sans trop de soucis, pouvant même se permettre le luxe de choisir ses bars favoris. Dans le milieu mal famé une sorte de trêve régnait; même les "gros" méchants ne l'embêtaient plus, le reconnaissant et le jeune homme était presque en sécurité dans les ruelles sombres et sales. Qu'avait-il fait pour mériter ce respect? Il ne s'était pourtant pas imposé, non, et c'était peut-être ça justement le secret... Un peu de douceur dans ce monde de brutes parce que franchement, admettons le, à part sa voix absolument sublime l'ange n'avait pas non plus toutes les qualités du monde. Il jouait bien de la guitare mais pas de manière exceptionnelle, ses chansons étaient très jolies mais loin des grandes voix du siècle car il manquait d'entrainement et il était objectivement "beau" physiquement mais avait également ses défauts; il n'était certainement pas apte à devenir "mannequin".

La chance, la patience, son caractère régulier et sa propension à ne pas se mêler des affaires louches peut-être. Oui. Sans doute. Se risquant à changer de registre, le jeune homme s'était mieux entrainé que jamais car la clientèle serait plus exigeante ce soir et que ses jolies petites chansons ne suffiraient pas. La sono était impeccable, un orchestre l'accompagnerait au lieu de sa traditionnelle guitare. Se sentant nu sans elle l'artiste monta quand même sur scène, ses ailes étaient repliées, à peine visible malgré leur grandeur. Il entama son chant; sa voix naturellement puissante était encore amplifiée par l'excellente sono.

La classe des lieux l'avait poussé à se vêtir de manière bien plus sérieuse que d'habitude, lui donnant un air de petit ange sage, un smoking offert par l'établissement avait été troué dans le dos. Peut-être que le bar cherchait aussi à attirer des mutants chez lui ou que la référence biblique qu'offrait parfois Icare passerait au-delà de ces considérations? Les cheveux joliment coiffés en une raie sur le côté mais sans gel encadraient un visage fin et naturel qui ne comportait pas de maquillage ou autre, se contentant d'être lui avec ses grands yeux bleus, ses sourcils légèrement arqués, ses joues peut-être un peu trop creuses; enfin ses défauts et ses qualités en réalité, tout simplement.

Les couleurs magenta et rouge ocre qui dominaient donnaient au lieu un aspect chaleureux qui cachait l'activité de "prostitution" de luxe de l'établissement auquel l'ange ne faisait pas attention. Il lui fallait bien vivre après tout et lui n'était que le chanteur. L'orchestre l'accompagnait à merveille, il s'agissait de messieurs tous humains et tous âgés de la quarantaine, donc très expérimentés. Ils aidaient bien Jay à s'accorder parfaitement et ces excellentes conditions lui permettaient de s'améliorer car oui, il lui restait beaucoup de travail.

Néanmoins lorsqu'il finit en apothéose, ayant décollé et faisant du sur place à quelques mètres du sol les ailes largement déployés, le mutant su qu'il serait repris car le directeur lui adressa un petit sourire classe mais satisfait, presque amical. Ayant le droit de se désaltérer aux frais de la princesse, heureux comme un pape, le mutant ayant encore les membres un peu tremblants descendit les marches. Il avait été rarement aussi heureux... Son avenir ne semblait même plus compromis par sa mutation qui semblait l'y aider au contraire! Ace lui manquait mais choisissant la colère pour se libérer de lui, Icare essayait de l'oublier, pensant à lui comme un ****. Cela l'aidait au moins et occultait sa peine.

Saluant un client et s'excusant de s'assoir là parce qu'il ne trouvait pas d'autre place, le jeune homme intimidé demanda poliment un cocktail de fruits rouges sans alcool. Désormais un autre groupe meilleur, plus expérimenté apparaissait sur scène. C'était ainsi, les "nouveaux talents" s'aiguisaient les dents en première partie, les seconds suivaient en apothéose et Jay espérait un jour faire parti de ceux qui passent en deuxième, non pas pour la gloire car cela l'intéressait peu... Il préférait même rester anonyme lorsque ses chansons passaient sur une quelconque autoradio-peu connue bien évidemment et peu souvent.- mais sa passion s'exprimait enfin et en continuant ainsi il pourrait bientôt vivre que de ça, se dédier entièrement à cela... Enfin la chance tournait. Icare avait même recontacté ses parents qui ne lui en voulaient pas pour toutes les difficultés crées quand il était gamin, son mal être et tout le reste... Quels géniteurs, frères et soeurs merveilleux il avait! Jay s'éveillait enfin à la vie, à la réalité, il était heureux tout simplement. Le garçon était même retourné à l'institut le temps de trouver un petit appartement. Il avait pardonné leurs fautes à l'école et s'y trouvait bien maintenant, après avoir haï cet endroit des années. Le chanteur en herbe était en phase de faire la paix avec lui-même. Enfin.

Invité

-Vous vous êtes bien défendu.

Le client, assis à côté d’Icare, venait de s’adresser à lui de sa voix douce, de son ton aimable. Il eut ensuite un discret sourire, tout en finesse. L’ange n’était pas dépourvu de charme. Avouons-le, c’était même un bel homme qui de plus pouvait compter sur sa particularité physique pour lui conférer une aura particulière. Mais son compagnon de table avait de quoi rivaliser. C’était un individu de haute taille, plutôt mince, très élancé. Des souliers de cuir, un pantalon de velours beige, une fine ceinture à boucle argentée, une écarlate chemise de flanelle, voilà de quoi se composait sa vêture. A son poignet gauche se trouvait une luxueuse montre vraisemblablement en or blanc. A son coup était visible une élégante chaine confectionnée dans le même métal précieux. L’inconnu avait la peau claire. Il avait aussi un visage assez jeune et d’une grâce certaine. On lui aurait donné tout au plus vingt-trois ans, peut-être vingt-quatre. Un large front, un regard d’émeraude, un nez effilé… son expression était joviale mais on y décelait également la malice. Il était rasé de près. Ses longs cheveux noirs de jais étaient rassemblés en un catogan. De sa personne émanait un délicat parfum assez fruité. Il était évident que cet individu apportait à son apparence un grand soin. Certain lui reprocherait peut-être un léger manque de virilité mais cet aspect quelque peu androgyne allait en attirer d’autres.

-Cet envol final était magistral, reprit le client. C’est en emportant ainsi le public, c’est en le faisant rêver, que vous irez loin. Votre voix, votre prestance, vous êtes promis aux cieux Icare.

Toujours avec cette élégance qui semblait tant le caractériser, l’inconnu vida son verre. Il le déposa sur la table, presque sans un bruit, et s’amusa à en parcourir le bord de son doigt. Il agissait avec une négligence toute calculée. Il en paraissait si sûr de lui.

-Icare… même votre pseudonyme est une invitation à l’onirisme. Vous avez bien choisi. Vous avez trouvé votre voie. C’est une chance. C’est si rare…

D’un geste de la main, le client appela la charmante et légèrement vêtue serveuse afin de commander un autre cocktail. Il poursuivit juste après.

-Mais j’en oublie mes bonnes manières. On me nomme le Violoniste. C’est en tout cas mon nom d’artiste. Je suis sincèrement enchanté de faire votre connaissance Icare. J’ai, à quelques reprises, entendu parler de vous, de vos chansons, de votre voix. Je crois savoir que vous résidez à l’Institut Charles Xavier. Mais entre ce qui se dit et ce qui est vrai… Je vous en pris, parlez-moi de vous. Rares sont ceux qui m’intéresse. Vous en faites parti.

Le Violoniste conclut par un nouveau et discret sourire.

Josh fut surpris que le client à côté de qui il avait prit place lui parle. A vrai dire, voguant sur son petit nuage, l'ange n'avait pas fait attention à lui. L'individu se révélait charmant, fort appréciable au niveau physique mais cela ne l'intéressait pas... Enfin c'était ce dont Icare essayait de se convaincre, après ses déboires avec Ace il ne voulait plus se risquer à ce genre de choses; bien qu'inconsciemment il se sentait grandement flatté qu'un si bel homme s'adresse à lui chanteur en herbe... Et avec quels termes élogieux! Sa mutation n'avait pas l'air de dégoûter l'individu, au contraire d'ailleurs. Il ressortait de ce garçon aux yeux d'émeraude et aux yeux verts un grand mystère, mystère accentué quand ce dernier se présenta sous son pseudonyme uniquement, à l'instar de Jay décidément couvert de compliments. Gêné par tant de mots doux, peu habitué l'intéressé rougit délicatement, prenant soin de réponse au bel homme après avoir réfléchi seulement pour ne pas avoir l'air d'un idiot.

-Merci, c'est très gentil... Je... Enfin je débute seulement.

Son pseudonyme, ses ailes, sa voix, sa prestation, tout paraissait convaincre le Violoniste. Cela dérangeait considérablement l'ange qui retrouvait sa timidité habituelle. Il avait réussi à en faire fi sur scène pour se donner au public bien que ce ne soit pas ce qu'il préfère étant donné que seul le fait de chanter le passionnait réellement... Mais désormais qu'il était en face d'un seul homme, si beau et si charmant, si raffiné quand lui venait d'une famille trop nombreuse et trop pauvre-attention, il respectait énormément ses parents et n'avait pas honte de sa naissance.- Icare ne savait plus trop où se mettre. Le chant ne pouvait pas vraiment le sortir de là, il devait communiquer.

Une petite voix inconsciente lui dictait de se méfier de ce joli coeur, non pas qu'il pense que ce soit un truand ou autre mais plutôt un dragueur de première qui s'amusait avec les jeunes garçons de son âge pour ensuite les mettre dans son lit. Bon d'accord, peut-être allait-il un peu loin mais depuis Ace, le mutant se méfiait beaucoup de ce sentiment pernicieux qu'est l'amour. Là, présentement il n'était pas en contact direct avec mais plutôt avec un de ces sentiments moins forts intermédiaires: l'attirance. Le garçon n'assumant de plus pas totalement ses penchants, il était gêné d'imaginer que le Violoniste soit de ce "bord" là, son visage androgyne, ses manières laissaient penser à un mauvais cliché du genre pourtant. Enfin, ce n'était qu'un cliché! Peut-être un dandy, un nostalgique du bon vieux temps quand les séducteurs de ces dames se devaient non pas d'être virils mais sensibles.

-Vous exagérez monsieur. -fit-il en rougissant délicatement, ses ailes glissant le long du dossier matelassé.- Je ne suis pas si doué que ça et je n'ai pas la prétention de vouloir toucher le soleil. Mieux que quiconque je sais ce qu'il en coûte, mon "pseudonyme" me le rappelle à chaque seconde.

Pseudonyme qui était devenu son unique prénom même s'il reprenait petit à petit son ancienne identité depuis sa réconciliation avec ses parents. Observant l'homme qui jouait avec son verre, le jeune mutant le laissa faire un bon moment, admirant la sûreté qui émanait de cet étrange personnage aux cheveux noués en catogan. Sans doute avait-il 4 ou 5 ans de plus que Jay mais guère plus. Un fan? Icare avait du mal à y croire, aussi restait-il gentiment sur ses gardes, il ne fallait pas prendre la grosse tête.

-Le Violoniste? Oserai-je donc supposer que vous êtes musicien?!

Fit-il d'une voix délicate qui se prêtait autant à son "nouveau" physique plus masculin qu'à son apparence si frêle auparavant. Ses yeux en effet trahissaient la douceur qui existait en lui. Quant à son ton il se voulait assez classe sans être pompeux non plus! Mais il faisait attention à ne pas mal parler face à un tel homme. Il ne pouvait décemment pas lui "causer" comme il le faisait avec ses frères et soeurs dans un langage courant voir familier. De toutes manières, très tôt il avait su adopter un frasé un peu plus élevé, fasciné par la beauté de la langue. Josh ne pensa pas que cela pouvait être un surnom mutant, il était loin de cette optique ou de songer au gêne X. Désormais un peu indifférent à ce phénomène, le jeune homme se contentait de voir tout le monde du même oeil. C'était déjà mieux que son dégoût antérieur mais pas forcément très prudent. Tout comme parler de l'institut Charles Xavier. Icare se rappelait que les professeurs disaient de faire attention, néanmoins dans un aussi bel endroit, il ne pouvait pas y avoir de truands redoutables n'est-ce pas?

Quoique... Gretchen la scientifique avait une classe particulière même quand elle lui avait charcuté le corps et les ailes. Présentement illuminé par la joie cependant et le bonheur paisible, Icare n'y songeait pas, il décida de faire confiance à l'homme, enfin, de ne pas trop donner de détails mais de ne pas démentir non plus.

-Oui... J'y suis mais pas trop non plus, j'essaye de trouver un endroit où vivre. Mais vous parler de moi? Aucun intérêt je vous assure... Ma vie n'a rien de passionnante ou d'exceptionnelle.

Il n'aimait pas trop raconter ses histoires, surtout à un inconnu, si charmant soit-il. Sans compter que ce personnage éclipsait tout envie de s’appesantir sur son cas bien connu, il préférait nettement découvrir des choses sur ce curieux jeune homme

-Et vous? Vous jouez dans un groupe si vous êtes bien musicien? Vous venez souvent ici?

Était-ce un passionné de musique, un témoin de cet art ou bien participait-il? Icare était drôlement curieux de le savoir! il ne lui demanda pas son vrai prénom en revanche; sachant que lui même était passé par une très longue phase où il se refusait à sa véritable identité. D'ailleurs par habitude ou par prudence le mutant ne donnait presque jamais son vrai nom lui-même alors pourquoi est-ce que cela devrait le choquer? Bon d'accord, appeler quelqu'un "le violoniste" plutôt qu'Icare qui était déjà un prénom était un peu étrange mais admettons... Et puis il y avait bien plus intéressant que l'identité de cet inconnu au parfum entêtant. Laissons lui un peu de ce mystère qui lui allait si bien.

La serveuse très peu habillée lui servit son cocktail et servir l'homme également; Icare lui ne la regardait pas trop, gêné par le peu de vêtements qu'elle portait. Il n'était point habitué et malgré la classe du lieu, il trouvait cela un peu exagéré. Néanmoins ne voulant pas passer pour une chochotte il fit l'effort de contempler la belle fille et de la remercier avec une voix dont il fut assez content car elle n'était pas chevrotante-ouf!- ni complètement intimidée comme celle d'un jeune vierge effarouché-ce qu'il était pourtant.-

Invité

Le Violoniste eut un rire léger, faible, suivit d’un soupir dans la même veine.

-Ho, vous êtes trop modeste. Laissez donc aux autres le soin de vous juger. Sachez que j’ai entendu nombre de des chanteurs ; je sais reconnaitre un talent quand celui-ci enchante mon ouïe. Certes, vous n’êtes pas parfait. De toute façon, comme chacun sait, la perfection n’est pas de ce monde. La route est encore longue, Icare, pour vous hisser parmi les meilleurs. Mais il y a dans votre voix cette flamme si rare, si presseuse : celle de la passion. A vous de faire en sorte qu’elle devienne un braser.

La serveuse apporta les commandes. Le jeune homme au catogan n’eut pas un regard pour elle, pas même un mot de remerciement. Il la snoba magistralement. Comme si le verre était venu là par l’opération du saint esprit, il s’en empara et, nonchalamment, commença à le siroter.

-J’ai également peine à croire que votre vie soit banale. Les porteurs du gène X ont si souvent des existences atypiques. Mais je conçois aisément que vous répugnez à exposer ce qui appartient à la sphère privée. Ce n’est pas pour me déplaire. Un peu de retenu, c’est un peu de sagesse.

Le Violoniste déposa son verre, toujours au trois quarts plain, et commença à en parcourir le bord avec son doigt comme il l’avait fait précédemment avec le verre vide. Ce n’est qu’alors qu’il commença à parler de lui.

-Mon propre pseudonyme est, je le crains, peu original. Il a toute fois l’avantage d’en dire long sur moi. Je suis bien musicien, je joue bien du violon. La musique est ma passion, ma raison d’être. Je joue seul, sans personne pour m’accompagner, sans personne pour m’écouter. Je dois être égoïste pour ne réserver mon art qu’à moi-même. A moins que ce soit de la peur. Je ne suis plus vraiment le même quand je joue. Je suis ailleurs, je pense que vous voyez ce que je veux dire. Et c’est peut-être ça le problème. Je refuse de me montrer ainsi. Quelque part je voue jalouse. Vous, vous « êtes », moi je « parais être ».

L’homme paraissait un peu plus grave, un peu moins joyeux, mais ce n’était là qu’une légère nuance. Il cessa de jouer avec son verre. Il marqua une brève pause et reprit.

-Qu’en pensez-vous Icare ?

-Vous savez mon histoire n'a rien d'idyllique. A la base j'ai commencé à chanter pour gagner ma vie, tout simplement, j'aime tout autant chanter seul. Ce n'est pas de l'égoïsme je pense, juste qu'il y a de plus grands dans ce monde pour faire partager l'art dans toute sa splendeur. Cependant, si vous vous faites appeler le violoniste c'est que vous recherchez quand même une certaine reconnaissance en tant que tel, n'est-ce pas? C'est déjà un premier pas de m'en avoir parlé. Lancez-vous tout doucement avec des amis puis la suite viendra d'elle même.

Icare voulait se montrer rassurant, il était très étonné que l'homme élégant se montre si accessible et même un peu triste. Si l'individu avait de quoi vivre sans faire de la musique c'était tout à fait honorable de garder son art pour lui, autant ne pas forcer. Icare avait bien été forcé de s'y mettre, peu doué pour le reste, surtout en ce qui concernait le matériel avec sa maladresse et son esprit trop rêveur et donc peu pratique. Son regard bleu se posa sur le Violoniste avec gentillesse. Jay se méfiait automatiquement moins des gens qui se mettaient en position de "faiblesse", c'était naturel pour lui, surtout qu'il souhaitait aider ces gens. Toutefois le mutant garderait le mystère sur sa vie, il préférait parler des autres, leur apporter son soutien au lieu de s'étaler sur son histoire sans intérêt.

-Atypique ne veut pas forcément dire extraordinaire.

Jay eut un petit sourire, il avait l'impression que l'homme voulait s'ouvrir et avait besoin de parler, ce serait un plaisir de le laisser faire, il était patient après tout. Icare résista à l'envie de poser sa main sur le bras de celui qui avait cessé de jouer avec son verre pour le rassurer, en tout bien tout honneur mais cela lui paraissait impoli au possible. En revanche, en parlant de ça, il s'aperçut que le violoniste n'avait pas remercié la serveuse. Le faisant pour eux deux, le mutant remercia chaleureusement la jeune femme si peu vêtue, imaginant que ça ne devait pas être simple pour elle tous les jours non plus.

-Comme vous me l'avez dit, essayez de laisser les autres vous juger, vos amis par exemple. Qu'en pensez-vous Violoniste?

Avec un sourire amusé le jeune homme avait renvoyé sa question à l'homme. Icare se sentait très bien ce soir et bien que l'inconnu l'impressionne encore un peu il souhaitait s'ouvrir et discuter un peu. Allons rien ne pouvait lui arriver de mal ici, ce serait une trop grosse coïncidence! Un hasard vraiment trop malheureux! L'homme se montrant accessible cassait un peu son image de perfection et Josh se sentait plus proche de lui car lui aussi était très timide naturellement. Il adorait chanter alors que l'autre aimait la musique, ils se ressemblaient même si son aîné avait plus de charisme quand même. Enfin selon lui en tout cas.

S'intéressant ensuite à l'orchestre qui s'épanouissait sur scène, le mutant admira la façon qu'ils avaient d'être si à l'aise, c'était vraiment des professionnels et Icare qui n'était pas jaloux de nature admirait leur représentation splendide, heureux de profiter en tant que témoin autant que lorsque c'était lui qui chantait. L'amélioration passait par l'écoute, c'était très important d'avoir une certaine culture et de s'ouvrir à la manière de faire des autres au lieu de se centrer sur soi.

-Comment avez-vous découvert le violon? Et a quel âge avez vous commencé?

Avec ces questions l'ange pensait ne rien risquer, il se décontracta donc. Dans le milieu artistique qu'un inconnu parle à un autre inconnu n'était pas étonnant. De part leur philosophie, leur passion commune ils étaient tous déjà plus ou moins "frères" et se connaissaient en se reconnaissant à travers leur art.

Invité

-Mes amis ? reprit le Violoniste.

Il eut comme un ricanement, quelque chose de très bref mais qui en disait long. On devina en lui du méprit, presque de la rancœur. Mais ce n’était vraisemblablement pas dirigé contre Icare. Le jeune homme reprit, ne faisant qu’expliquer ce qu’on pouvait déjà deviner.

-Je n’en ai guère. Et le peu que j’ai ne sont pas tournés vers la musique. Non, je n’ai personne dans mon entourage susceptible de représenter un auditoire digne de ce nom.

Le Violoniste reprit son verre et recommença à le siroter tout en se plongeant un instant dans l’écoute du groupe sur scène. Lorsque ce dernier acheva une musique, le mystérieux individu s’adressa de nouveau à l’ange. Il paraissait avoir retrouvé toute sa gaité.

-Mes parents, paix à leur âme, aimaient raconter à qui voulait l’entendre que je savais jouer du violant avant de parler. Ils exagéraient bien sûr mais il est vrai que je me suis tourné très tôt vers cet instrument. La taille de mon premier violon, violon que je conserve précieusement, en témoigne.

Voilà le jeune homme qui déposait encore son verre sur la table et rejouait du doigt sur le bord. Décidément, ce geste devait-être pour lui un vrai tic. A cette occasion, il se ménagea une brève pause. Au terme de celle-ci, il recommença à parler.

-J’ai entendu dire que vous-même étiez musicien. Il parait que vous avez l’habitude de vous accompagner à la guitare quand vous vous produisiez dans des bars dépourvus d’orchestres. Vous devez donc vous y connaitre un minimum, assez pour avoir une oreille critique, n’est-ce pas ? Puisque je vous ai jugé ce soir, accepteriez-vous de me juger à mon tour ? Je me sens capable de jouer devant vous. Mais vous seul. Je ne sais si votre avis sera constructif. J’ai sans doute le défaut d’être très exigeant. Mais je trouve que le jeu en vaut la chandelle. Et puis, cela me fera plaisir, un peu de nouveauté dans ma vie si réglée. Il n’y a qu’un modeste problème qui s’oppose à ma proposition.

Sur ce, le Violoniste sortit de sa poche ses clefs de voitures. Faisant une véritable démonstration de dextérité, il s’amusa à faire tournoyer le trousseau de métal autour de sa main avant de le déposer sur la table, à côté de son verre.

-Il faudra se rendre chez moi. C’est là que se trouve mon instrument. C’est là aussi que nous auront tout le calme nécessaire. J’habite à dix minutes d’ici en voiture, un quart d’heure si la circulation est dense. Il va de soit que je vous reconduirais au bar après, ou à un autre lieu de votre choix. Qu’en pensez-vous ?

-Mais même s'ils ne connaissent pas la musique, ils seront peut-être heureux de vous entendre...

Icare peinait à comprendre comment un homme avec autant de charisme pouvait avoir si peu d'amis... Peut-être son exigence comme il l'avait dit? Quoiqu'il en soit, pensif, cherchant une solution le mutant observait distraitement l'individu jouer une fois de plus avec son verre. L'angelot écoutait ses paroles, souriant lorsque l'inconnu sembla retrouver sa gaieté mais il se crispa légèrement lorsque ce dernier lui proposa d'aller chez lui. Icare se souvint de ce que sa maman disait souvent à ses soeurs-pas aux garçons évidemment, quoique personne n'était à l'abri dans ce monde.- ne pas accepter d'aller chez un inconnu, si charmant soit-il et encore moins le soir, pour une quelconque raison qui soit. Jay n'avait pas écouté ses parents plus jeune et il en avait été très malheureux, il avait perdu des années de joie quotidienne à vivre dans l'institut et avait eu beaucoup d'ennuis. S'étant réconcilié avec eux désormais, leurs conseils avaient encore plus de valeur. Certes le mutant était assez grand mais il préférait ne pas se surestimer et songer à l'éducation pauvre dans le sens "intellectuel" mais si riche d'amour. Si sa mère avait rabâché ça à ses enfants sans arrêt, ce n'était pas pour rien mais pour les protéger. De plus Icare avait peur de ce qui pourrait se passer ensuite; l'homme ne lui ferait pas de mal sans doute mais s'il commençait à vouloir le séduire? Josh n'était pas sûr d'être capable de suivre, il était encore pur de ce côté là car Ace si lâcheur soit-il n'avait jamais profité de lui et le jeune homme ne s'était pas senti prêt à se donner. Ce ne serait donc pas avec un inconnu, surtout qu'il n'avait pas envie de passer pour une fille facile.

-Je... Euh... Désolé, pas ce soir. Pourquoi pas demain? Demain où un autre jour ici, j'ai une salle d'entraînement à disposition à certaines heures et elle est bien insonorisé, personne ne peut entendre, ça reviendra au même qu'en dites-vous?

Icare tremblait légèrement, il essayait de se contenir, la proposition le flattait énormément et pas seulement parce qu'on le faisait passer pour quelqu'un de doué en chant ou en musique mais car ce garçon lui plaisait beaucoup. Seulement il allait trop vite en besogne et Josh préférait écouter la petite voix dans sa tête. Il lui était arrivé trop de malheurs pour agir de la sorte. S'ils allaient chez l'homme et qu'il se passait quelque chose comme de la séduction, Jay allait bloqué et l'inconnu pourrait le traiter d'allumeur ou autre. C'était sans doute exagéré! Probablement qu'étant artiste le violoniste était comme les autres, habitué à proposer facilement des choses semblant inconsidérés pour le commun du mortel de façon naturel mais dans un ultime geste de protection pour son bonheur et sa facilité, Icare préféra refuser. Il songeait que l'affaire n'était pas close entièrement à sa grande surprise, lui qui s'était promis de ne plus se laisser avoir par l'amour mais pas aussi vite.

-Mais nous pouvons aller nous promener si vous voulez, pour que nous parlions de votre musique...

*Dans un endroit public, ce sera moins gênant.*

Josh ne pensait plus à une éventuelle attaque, d'ailleurs il n'y avait jamais pensé probablement, il songeait juste que ce serait moins difficile d'aller dans un lieu où l'homme ne pourrait pas lui faire d'avances. Le chanteur ne savait pas trop de quel "bord" était son interlocuteur et sur quel pied danser... Était-il si naturel, si spontané qu'il n'avait aucune arrière pensée? En tout cas Icare espérait ne pas le vexer, il se montrait juste prudent comme n'importe qui se sensé le serait. S'empressant de se justifier pour ne pas mettre l'homme en colère il reprit d'une voix douce.

-Ce n'est pas contre vous... C'est juste que l'on m'a enseigné cela, à escient je crois.

Toutefois son regard glissa inconsciemment vers les yeux émeraudes de l'homme qui avait eu un rire plein de rancoeur envers la vie qui n'avait pas été facile pour lui apparemment. Il lui signifiait implicitement ne pas être insensible à son charme et si le violoniste recherchait vraiment ce jeu de séduction; il comprendrait sinon il ne capterait rien et ce serait simplement un regard amical. Voilà, comme ça le mutant ne s mouillait pas trop! D'un côté il avait envie d'écouter le plus vite possible la musique du jeune dandy et de se sentir séduit, de voir les efforts que l'on fournissait pour lui plaire; de l'autre il se disait que c'était trop compliqué et qu'il ne fallait pas entrer dans son jeu.

*Si il insiste trop sur des choses bizarres je pourrai m'enfuir dehors en volant, je n'ai rien à craindre!*

Se détendant Josh se leva, il était prêt à aller se promener, un bon compromis songeait-il.

-Demain ou un autre jour alors? Ou même ce soir si vous voulez, la salle est libre en ce moment et j'ai les clés... Mais je vous attends ici, ça ne me gêne pas, j'écouterai la musique, surtout votre appartement n'est pas loin. J'ai hâte de vous entendre je dois avouer.

*Dans un sous sol insonorisé seul avec lui? Bon allez! c'est de la musique... Rien à craindre, c'est un artiste et puis ce n'est pas chez lui; même si la salle est isolée il y a plein de gens autour... En plus la proposition fait "entre deux", ça ne fait pas fille vulgaire qui accepte tout.*

Observant le violoniste faire preuve d'une grande dextérité en jouant de son trousseau Icare s'amusa à l'imaginer jouer de son instrument avec beaucoup de grâce. Cela ne fit qu'augmenter son désir de le voir jouer, et avouons le, l'imaginer jouer réveillait vaguement autre chose... Quelque chose de plus mature que la simple envie de rester auprès de ce beau jeune homme sans le toucher.

-Je ne joue pas très très bien; c'est un accompagnement correct disons... Mais j'ai quelques minuscules bases en violon; dommage que j'ai arrêté. Vous pourriez m'apprendre.

Lança-t-il sans arrières pensées cette fois, avec la chaste envie de simplement revoir cet intriguant personnage tout en restant à l'abri derrière la belle excuse de la musique.

*Bon espérons qu'il ne le prenne pas mal, j'ai fais beaucoup de concessions... Non ça devrait aller, il est si intelligent! Il va comprendre c'est sûr. Bon d'habitude ce sont les filles qui sont aussi prudentes mais on ne sait jamais dans ce monde là... En plus vu que je suis à moitié comme une fille de ce côté là. Pffft ce serait plus simple si j'aimais vraiment les demoiselles. Au moins elles n'invitent pas comme ça dans leurs appartements elles... *

La situation était délicate; Icare avait bel et bien malgré sa prudence impliqué que l'homme pouvait vouloir plus que la musique et si ce dernier n'en avait aucune intention en fait, ce serait lui qui serait vu comme un pervers. Enfin bon, Malgré ses apparences de jeune ingénu Jay avait plus ou moins deviné que cette proposition, cet intérêt pour lui cachait quelque chose. Il s'était résigné à aimer les hommes et donc à s'en méfier comme s'il avait été une de ses soeurs à qui sa mère avait dévoilé toutes les combines.

Invité

Le Violoniste écouta, silencieux, les multiples réponses d’Icare. Pas un seul instant il ne parut irrité ou même agacé. Sa gaité revenue, elle ne paraissait plus vouloir le quitter. Tantôt il jouait de son doigt sur le bord de son verre, tantôt il sirotait nonchalamment. Il répondit au regard de l’ange par un autre regard tout aussi doux. Y avait-il connivence ? Le jeune mutant avait-il visé juste ? Où n’était-ce là que le fruit de son imagination ? L’homme au catogan se garda bien de disperser les brumes mystérieuses qui enveloppaient ses intentions. Il se contentait de garder le cap, de demeurer très accessible. Quand son interlocuteur acheva sa dernière réplique, il eut l’un de ses sourires si discret, si élégant, dont il avait le secret. Sur ce, il répondit.

-Ho, ne vous en faites pas, je comprends fort bien l’embarra que peut procurer ma proposition. J’en ai surpris plus d’un de la sorte. Mais j’ai toujours été ainsi. De mon point de vu, quand une opportunité se présente, je me refuse de la laisser passer et tant pis s’il faut pour cela transgresser les convenances. Néanmoins, loin de moi l’idée de contraindre qui que ce soit.

Le Violoniste choisit ce moment pour ranger ses clefs en ne pouvant s’empêcher de réitérer la démonstration de dextérité. Il reprit.

-Je vais hélas à mon tour décliner vos propositions. Je n’aime gère marcher. La perspective d’une promenade ne m’enchante donc pas vraiment. Cela n’aurait de plus, d’un point de vu strictement pratique, pas beaucoup d’intérêt. Nous pouvons tout aussi bien discuter ici, bien au chaud et bercé par la musique des groupes qui se produisent. L’usage de la salle dont vous avez les clefs me tente déjà plus. Mais je suppose que par mesure de sécurité, des caméras s’y trouvent. Cela me dérange. Je ne connais pas celui qui aura accès aux bandes.

Le Violoniste termina son verre. Il parut réfléchir avant de poursuivre.

-L’un de mes rares amis gère une boutique de jouets, ici, à New York. Son magasin dispose d’un petit entrepôt. Il ne devrait pas refuser qu’on l’utilise un petit moment. Si vous voulez, on peut se retrouver là-bas, disons, demain après-midi, vers quatorze heures ? Je ne suis pas libre avant : obligation professionnelle. L’entrepôt est plutôt tranquille mais il se situe à proximité d’une galerie marchande. Je ne vous entraine pas dans les bas-fonds du Bronx. Il sourit. Nous aurons environs une heure. Après, je devrais reprendre mon travail, mais ce devrait-être suffisant pour que vous puissiez m’entendre jouer du violon. Et puis, si cela vous a plus, rien ne nous empêche de nous donner un autre rendez-vous. Cela vous convient-il, Icare ?

-C'est gentil... Euh ne pas aimer marcher? Ah... D'accord

*bizarre quand même... Et le coup des caméras de surveillance qui le gêne? Non stop, soit pas parano! Enfin quand même quoi... *

-Mais vous savez, personne ne regarde ces bandes. Qu'en cas de problèmes graves, sinon elles sont juste stockées en mémoire puis elle disparaissent...

Devait-il accepter pour le magasin de jouets? La perspective de se retrouver parmi des peluches était déjà rassurante, il ne savait pas pourquoi. Comme si aucun problème ne pouvait arriver dans ce genre d'endroit réservé à la pureté, à l'enfance. De plus l'homme avait précisé n'avoir qu'une heure; après celui ci devait retourner au travail. Le mutant calculant dans sa tête se dit que tout devrait bien se passer et vite, surtout si c'était dans l'entrepôt de jouets d'un ami, il ne pouvait pas créer de problèmes chez un ami quand même. Enfin quels ennuis pourrait-il avoir en une heure de temps? L'homme était charmant, il ne s'était pas offusqué parce qu'Icare avait refusé gentiment son offre... Donc pourquoi pas, surtout si l'ami était dans sa boutique et puis même ce n'était pas le fin fond du Bronx.

*et tu n'es pas mannequin non plus hein... Faudrait pas croire que tout le monde veut te violer, surtout avec ce que t'as dans le dos mon vieux. C'est juste pour la musique! en plus ce type a pas besoin d'abuser des gens vu sa tête et sa classe... Donc si tu lui dis non même s'il tente, il se consolera vite!*

Et puis le personnage l'intriguait, l'enchantait. Il paraissait si joyeux désormais que Jay pensant lui avoir fait retrouvé une partie de sa bonne humeur ne voudrait pas la faire disparaître. Après tout il avait respecté les règles de prudences de sa mère et si bizarre soit sa phobie des caméras de surveillance le jeune homme pouvait bien faire une dernière concession. Surtout que c'était l'entrepôt d'un magasin de jouets en activité, pas abandonné et il s'agissait d'une heure! Point final, l'individu ne forçait rien.

-Bon et bien d'accord. Peut-être qu'un jour vous serez assez rassuré pour jouer devant plus de monde et que nous le ferons ensemble?

Amusé à l'idée du duo, le jeune homme leva son verre et toqua doucement dans celui du violoniste.

-Quel est votre style musical? Plutôt classique? Moi je fais de tout... Sauf le rap ou des choses comme ça, je respecte ceux qui font ça mais je n'arrive pas à aimer même avec toute l'ouverture d'esprit du monde.

Bah quoi? Il avait bien dit qu'ils pouvaient discuter au chaud non? Avant le rendez-vous de demain n'était-ce pas une occasion de faire connaissance? Encore tout émoustillé par le mystérieux regard doux-mais n'était-ce pas son imagination?- Icare se sentait d'humeur de plus en plus joyeuse. Il était heureux d'avoir montré tant de prudence et encore plus que l'homme ait accepté de comprendre. Maintenant plus rien ne pouvait lui arriver de malheureux; ils avaient encore du temps libre et demain Jay entendrait jouer du violon en toute sécurité. N'était-ce pas merveilleux?

Comme dans un mauvais cliché pourtant si efficace la main du jeune homme ripa involontairement sur celle de l'homme et rouge de confusion Icare la retira. C'était à ce moment stupide et pourtant tant espéré par les spectateurs que le bel inconnu reposait sa main sur celle de la demoiselle effarouchée... non? Ou alors qu'il faisait comme si de rien n'était pour lui permettre de se remettre de ses émotions et de garder son honneur pour mieux la séduire après. Icare pouvait-il plaire à quelqu'un d'autre qu'un criminel? Un lâcheur? Malgré sa mutation? Il avait bien réussi à percer un peu dans le milieu si dur de la musique, pourquoi pas? C'était flatteur d'être peut-être l'élu d'un monsieur de si grande classe. Toujours un peu gênant car c'était un homme mais terriblement excitant pour un jeune de l'âge de Josh.

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Invité

-Ho, j’affectionne plus que tout le classique, Icare. C’est à mon sens le style de musique le plus noble, le plus raffiné, le plus mature aussi, celui qui permet le mieux au musicien de s’exprimer. Du tragique au romantique, du méditatif à l’épique, tout y est grandiose. Quand je l’écoute, quand je le joue, je vibre sous les notes, je vogue au gré de la mélodie. Armé de mon violon, j’ai espoir de vois transmettre cette passion.

La passion, justement, on pouvait à présent la deviner dans cette tirade. L’homme au catogan paraissait si sincère. Il parlait de sa raison d’être, ni plus ni moins. Son regard, l’espace d’un instant, s’en était allé ailleurs. Oui, on devinait l’artiste transporté par sa propre imagination. C’est alors qu’Icare fit sa maladresse. Le Violoniste revint simplement au moment présent. Sa rêverie avortée par le contact de cette main, il ne parut pas y faire plus attention que cela. Il n’eut en tout cas aucun geste de recule, ni réaction contraire. Il se contenta de poursuivre avec sa gaité inchangée.

-Toutefois, prenez garde à ne pas trop attendre de moi. Disait-il cela à cause de la maladresse de l’ange ? La suite laissant entendre que non. Je ne serais pas votre professeur de musique. Je manque cruellement de pédagogie et de patience. Croyez bien que je le regrette. Transmettre un savoir est fabuleux, selon moi. Quand à jouer ensemble, pourquoi pas mais je ne promets rien. Je ne vous ai entendu qu’une fois chanter et vous, ne m’avez encore jamais entendu jouer. Il va falloir mieux nous connaitre et savoir si j’arriverais à bousculer mes habitudes.

L’homme au catogan eut un nouveau discret sourire. D’une main, il alla chercher quelque chose dans la large poche de son pantalon. Il ramena sur la table un bloc-notes à la couverture de cuir noir, ainsi qu’un stylo-plume de fort belle réalisation. Tout ce que possédait le Violonniste était décidément très raffiné. Il ouvrit le bloc-notes à une page blanche et, de son écriture sans surprise très élégante elle-aussi, il y inscrivit quelques mots. Ceci fait, il détacha la page et, d’un petit geste de la main très classe, il la fit glisser sur la table jusqu’à Icare.

-Voici l’adresse du magasin dont je vous ai parlé. Mon ami est seul à y travailler. C’est tout de même un petit commerce mais c’est ce qui fait sans doute son charme. Mon ami s’appelle Grim, je l’ai noté également. Il est très sympathique, vous verrez. Présentez-vous à lui, il sera au courant évidement. Je vais l’appeler… Le Violonniste regarda sa montre. Il était déjà tard. …demain. Là il doit déjà dormir.

Alors que l’homme parlait, la serveuse passa à côté de la table. Elle demanda, très poliment, si quelqu’un désirait un autre rafraichissement. Le Violonniste parut agacé d’être interrompu de la sorte. Il l’avait dit, il n’avait pas trop de patience. Il fit non de la tête et reprit comme si de rien n’était. Lui-même avait encore du temps à tuer. Bavarder avec Icare lui plaisait visiblement beaucoup, alors il n’allait pas s’en priver. L’ange allait apprendre de lui que c’était un homme de culture qui, en plus de la musique, aimait lire, écrire, peindre aussi… Bien sûr, il était très loin d’exceller dans tous ces domaines. Il avouait même être assez médiocre mais il ne demandait qu’à s’améliorer. Une heure plus tard, il déclara devoir rentrer. Alors il se leva, salua très aimablement l’ange et disparu toujours avec autant d’élégance.

* * * * *

Il était bien deux heures du matin lorsque Deby Row sortit du Blood Orchid. Deby, c’était la serveuse. Comme l’avait supposé Icare, elle était très loin d’avoir une vie facile. A présent, elle s’était rhabillée. Un jean, un t-shirt, une veste… terminé la tenue aguichante, terminé le travail dégradant. Elle n’avait qu’une envie : dormir. D’un pas pressée, elle contourna le bar pour gagner le parking où se trouvait sa voiture. Une fois arrivée, elle marmonna quelques jurons en cherchant dans sons sac à main ses clefs qui, décidément, étaient bien cachée. Tout d’un coup, elle entendit derrière elle un bruit de pas. Elle se retourna et poussa un petit cri de stupeur en apercevant l’homme.

* * * * *

Enfin la voilà. Sortant de l’ombre, m’engageant dans la lumière blafarde du lampadaire, je m’approche d’elle. Elle cherche ses clefs de voiture. Elle m’entend, se retourne ; je lui fais peur. Je m’y attendais, j’ai l’habitude. Dans la pénombre de la nuit, ma laideur prend une autre dimension. Je m’apprête à la rassurer mais elle me reconnait.

-Ha, c’est vous ! Vous m’avez fait flipper ! fait-elle.
-Navré, je réponds.

Elle trouve ses clefs, les dépose sur le capot de son automobile et cherche autre chose dans son sac.

-L’homme dont vous m’avez parlé, il est revenu, explique-t-elle, toujours en cherchant. Il a obtenu un rendez-vous avec Icare.
-Qui est Icare ?
-Un mutant, un chanteur. Le patron l’a prit pour animé la première partie de soirée. Ha, voilà, j’ai tout noté là-dessus.

Elle me tend un morceau de papier un peu froissé. Je m’en saisis et le parcours rapidement du regard. Elle continue.

-J’ai essayée d’écouter autant que je le pouvais. Le type a noté une adresse mais j’ai pas pu la voir. Par contre je sais qu’il s’agit d’un magasin de jouet tenu par un certain Grim.
-Vous êtes sûr qu’on ne vous a pas remarqué ?
-Ha ça, aucun risque ! J’veux pas d’ennui.
-Très bien mademoiselle Row. Votre aide est précieuse pour le B.A.M..

Je range le papier et je sors une enveloppe que je lui tends.

-Comme convenu, dis-je.
-Heu… merci…
-Vous pouvez compter si vous voulez.
-Non, vous êtes flic, je vous fais confiance.
-Continuez de me tenir informé si le Violoniste reviens au Blood Orchid. Et s’il y un problème, si vous vous sentez menacé, vous savez qui appeler.

Sur ce, je retourne dans l’ombre. J’ai un grand respect pour cette jeune femme. Elle est plus honnête, plus droite qu’on ne pourrait le croire au premier regard. En tout cas, elle fait avancer mon enquête. L’étau se resserre.

HRP : a mon avis, mon poste clôture ce sujet. Lance-en un autre à l’occasion de ton arrivée dans le magasin de jouets. Ne décris pas Grim, je m’en chargerais.

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