Restaurant rapide et moralités (Eline Walsey)

Eline Walsey, jeune fille mutante aux apparences d'ange. En tout cas, avant que toute cette histoire ne vienne interrompre le fil monotone, mais tellement confortable, de sa vie. La mort de son père et tous les évènements qui ont eu lieu avant, pendant et après sa mort non pas fait d'Eline qu'une orpheline. Ils ont métamorphosé sa façon de voir le monde, sa façon de voir les gens et sa façon d'agir.

Ce n'était donc plus la même petite Eline Walsey qui marche le long des rues de New York, dans le quartier boursier à la recherche d'un restaurant rapide où on lui avait demandé d'aller. C'est une fille qui se retrouve devant un croisement, le croisement des moralités des modalités et des manières de penser dans sa vie future : le croisement de son avenir tout simplement. Elle avait un sac à main noir, un short en jean et un débardeur blanc, comme beaucoup de filles de son âge à cette période de l'année.

Le voilà, le fast-food, juste devant la bourse de New-York. Un endroit stratégique sûrement. Il devait être remplis de trader affamés de leurs journées de transaction et se ruant sur le premier sandwich venue. D'ailleurs, lorsque la jeune mutante ouvrit la porte de l'établissement, tout le monde s'activait. Le restaurant était plein à craquer, les serveurs débordés et les clients fatigués de cette matinée d'été où ils devaient quand même aller travailler.

_Bonj...

Trop tard, le serveur est déjà partie aux triple galops servir un Hamburger réchauffé à un client un peu trop impatient.

_Escusez-moi, il vous reste de la place ?
_Euh, Oula, je vais voir... Nan Jeff, c'est pas pour la une celle-là c'est la quatre ! Ah, voilà attendez là deux secondes miss.

Et le revoilà parti, plateau sous le bras vers une table près de la fenêtre qui donnait sur les grands immeubles boursier New-Yorkais. Eline scruta la salle pour voir si elle ne voyait pas l'homme qui lui avait demandé de venir pour discuter aux sujets de son père. Elle fut interrompue par le serveur qui revenait :

_Voilà, vous pouvez aller à la table du vieux monsieur là-bas.

Elle s'exécuta, posant son sac contre la vitrine et s'asseyant en face du vieil homme.

_Bonjour, je ne vous dérange pas ? Dit-elle poliment.

Il lisait les journaux, New-York Times et autre grands tabloïds américain. Comment pouvait faire une personne âgée pour lire et se concentrer ans un tel brouhaha. Soit il devait être à moitié sourd, soit il était très fort niveaux concentration. Enfin, malgré le fait qu'il ressemble à un vieil homme avec ses cheveux grisonnant, il restait quand même très élégant et présentable dans une chemise bleue bien repassée.

Curieux se vieil homme, se disait-elle. Il est apparemment loin d'être gâteux et sourd. Il lui offrait sa commande, s'était généreux, peut-être un peu trop. Eline n'allait pas faire la malpolie en refusant son offre. Le serveur s'approcha précipitamment, toujours aussi pressé et lui demanda ce qu'elle voulait. Elle commanda une limonade, il était trop tôt pour qu'elle ait faim. Elle sentait, comme un mauvais présentement, que la personne qui l'avait invité ici ne vienne pas. Elle sentait également son interlocuteur, où plutôt son futur interlocuteur préoccupé par ce qu'il se passait dehors. Bien que cela ne soit pas spécialement flagrant, il persistait ce sentiment lorsqu'elle l'observait.

_Bien sûr que non cela ne me dérange pas. Je me demandais ce que pouvait bien faire un homme comme vous dans se tumulte ambiant.

Sa voix était douce et elle avait dit cela sans arrière pensée. C'est vrai que s'était étrange. La nature curieuse de la jeune femme était stimulée et elle posa sa question spontanément. C'est à ce moment que l'homme qui avait donné rendez-vous ici à Eline arriva essoufflé à la table.

_Désolé Eline, pour notre entretien on remet ça à plus tard. Les choses vont mal au siège, il faut que j'y aille. Je passais juste te dire de ne pas m'attendre comme j'ai pas ton numéro de téléphone. Bonne journée.

Il repartit aussitôt, sortant du magasin en courant. Finalement, le pressentiment d'Eline sur la probable arrivée où non de son invité était ni fausse ni juste.

_C'était mon rendez-vous qui viens de se sauver... Dit-elle au vieux monsieur un sourire aux lèvres dans un soupir de dépit et saisissant son verre pour en boire une gorgée.

Qu'allait-elle faire à présent. Elle pouvait rentrer à l'institut, car elle n'avait plus rien à faire dans ce quartier et surtout dans ce bar, mais elle venait de discuter avec l'homme assis en face d'elle et ne voulait pas partir précipitamment. Elle décida donc rester ici, le temps de finir son verre avant d'aviser. Qui sait, peut-être leurs discussions sera intéressante et peut-être ne parleraient-ils pas que de la pluie et du beau temps.

Étrange situation, n'est-ce pas. Une fille qui vient de perdre son père et qui regrette chaque instant qu'elle n'a pas passé avec lui et un vieil homme étant obligé de venir dans un bar bruyant pour espérer apercevoir son fils discuter ensemble. Bien entendu, Eline ne se doutait de rien, ni sur la réel identité du vieil homme, ni sur la réel raison de sa présence ici. Mais il n'est pas dit qu'elle se serait enfuie en courant en apprenant la vérité.

Elle ne répondit pas, par simple politesse, elle pensait que ce serait malvenue de plaindre qui que ce soit, sans connaître la véritable étendue de l'histoire. Elle eut tout de même un air triste, déplorant ce que venait de lui avouer le vieil homme. Elle trouvait cela quand même attristant, un père ne pouvant plus revoir son enfant, non parce qu'ils sont éloignés l'un de l'autre, mais parce que c'est le fils qui ne veut plus revoir son père. Cela ne doit pas être facile à vivre et cela doit être presque douloureux pour le père.

Un silence s'était installé, pas vraiment très long, mais suffisamment pour qu'Eline le remarque, elle saisit son verre et en but une gorgée avant que le vieil homme ne lui demande qu'elle était le sujet de son entretien repoussé. Elle se demanda alors un instant avant de répondre si elle devait ou non dire a vérité.

_Enchanté Max. Non, ce n'est pas pour du travail, plutôt une affaire d'héritage...

Elle n'en ajouta pas plus, ce n'était pas son genre de pleurer devant un inconnu la mort de son père en attendant que l'on vienne la consoler. Et puis, elle ne voulait plus parler de tout cela, car cela lui faisait trop de mal. Les souvenirs douloureux et les images atroces commençaient pourtant à l'envahir. C'était tellement récent, elle n'avait pas eu le temps de cicatriser, pas même non plus l'occasion d'arrêter l'hémorragie de son âme, déchirée entre la colère et la tristesse.

Cette souffrance qui montait en elle à ce moment précis n'était nullement visible à l'extérieur, du moins, si on n'y prêtait pas beaucoup d'attention. Le vieil homme devait être dans ce cas, car il continuait de scruter tour à tour la bourse et ses journaux. Il lui demanda si elle était étudiante, encore une question à laquelle Eline devait faire attention. En effet, balancer comme cela qu'elle étudie dans l'école du professeur Xavier peut s'avérer dangereux si le vieil homme est anti-mutant ou quelque chose du genre.

_Oui, j'étudie dans une école privée, pour surdoués. Répondit-elle sans laisser aucun soupçon sur un probable mensonge.

Cette réponse était la réponse qu'a donné l'Eline qui n'a pas perdu son père. Mais la réalité est toute autre, elle ne tient plus à la vie comme elle y tenait auparavant, elle a changé psychologiquement. Elle est bouleversée et ce bouleversement la pousse à ne plus s'écraser, à rester digne et fier de ce qu'elle est.

_Vous en avez sûrement entendu parlé, c'est une école pour mutant.

Le ton n'était plus le même, elle ne voulait plus se soumettre. Cette soudaine franchise avait été semble-t-il causé par le souvenir douloureux qu'elle a ressenti quelques secondes auparavant. Comme si une part d'elle reprenait le dessus, une part de vengeance mêlée à la colère, une part qui en à assez de la soumission de la jeune femme, qui en a assez de la voir pardonner et regarder en pleurant les conséquences de ses pardons. Toute sa vie, le père d'Eline et elle, avaient été l'image parfaite de la tolérance et de la générosité. Et voilà où tout cela l'avait mené : à voir la personne qui lui était la plus chère mourir sous ses yeux. Au lieu d'essayer de sauver tout le monde, il aurait fallu faire comme tout le monde, fuir et ne penser qu'à soi.

À la prononciation du mot mutant et malgré le brouhaha ambiant, quelques personnes près de leur table s'était retourné pour voir qui parlait de la sorte.

L'homme connaissait Xavier et plutôt bien apparemment, cela calma la jeune femme dans sa colère intérieure contre elle-même. S'il connaissait si bien Xavier, il ne devait pas avoir de problèmes avec les mutants, peut-être en était-il un lui-même. Il n'avait pas eu l'air de se préoccuper des personnes qui nous observaient après avoir entendu parler de "mutants" et il dégageait une grande sérénité dans ses paroles et son attitude.

Si elle se plaisait à l'Institut ? C'était une bonne question et là encore, son esprit était divisé. D'un côté, c'était un des rares lieux de paix, de tolérance et d'éducation pour les mutants. Elle ne sait pas comment elle aurait pu vivre en harmonie avec ses pouvoirs, apprendre ce qu'un enfant de son âge doit apprendre pour pouvoir trouver un futur travail et tout cela sans railleries dans les écoles normales de New-York. En plus de ça, elle avait quand même de la chance que son pouvoir soit quelque peu invisible, mais si par malheur il viendrait à être révélé, les enfants sont loin d'être compréhensifs à cet âge et les moqueries sont très vives et violentes. Non, il fallait se rendre à l'évidence, l'Institut a apporté le calme dans la vie d'Eline.

Cependant, depuis la triste mort de son paternel, une autre chanson trottait dans la tête de la jeune mutante. L'institut la rendue faible face aux multiples événement qui peuvent avoir lieux dans la vraie vie qui grouille là dehors. Et puis, c'est à cause de l'Institut qu'Eline n'a pas pu voir son père plus souvent et qu'elle le regrette désormais. Mais son esprit et ses pensées étaient voilées par la tristesse et la colère et cela lui empêchait de faire la part des choses.

_Oh oui, c'est un havre de paix pour les mutants... Peut-être un peu trop d'ailleurs, nous empêchant de réellement se rendre compte de la dangerosité du monde. Mais cela reste la meilleure chose qui me soit arrivé dans ma petite vie... Dit-elle en reprenant son verre pour en boire une autre gorgée.

Elle s'adressait à une vieille connaissance de Xavier, elle n'avait en aucun cas envie de paraître insolente et méprisante envers le travail de son ami.

_Que faites-vous à l'Université Max ? Demanda-t-elle machinalement.

Elle était bien sûr tout à fait innocente dans cette question, ne se doutant pas que le vieil homme mentait.

Xavier centré sur lui-même. Ce n'est pas l'image qui venait à l'esprit d'Eline lorsqu'elle pensait à Xavier. Un homme qui met sa vie, son argent et ses forces dans un lieu où de jeune mutante peuvent étudier et maîtriser leur pouvoir sans être victime de la haine et de la violence extérieure ne semble, aux premiers abords, pas très centré sur lui-même. Ce Max devait avoir des idées très fixe sur Xavier démontrant qu'ils se connaissaient réellement. On ne porte pas de tel jugement envers une personne que l'on ne connait pas. Il trouvait Xavier individualiste, cette notion était vague pour Eline. Elle se perdait dans le discours semblant bien rôdé du vieux Max. Elle ne comprenait pas bien ce que voulait dire son interlocuteur. Il lui demanda par la suite si Eline se sentait à sa place dans cette école.

_Je crois que l'on ne peut pas être plus à notre place. C'est vrai que cette école est faite pour nous, les infrastructures, les professeurs et l'enseignement est sur mesure. On ne peut pas dire que nous ne sommes pas à notre place puisque tout a été fait à partir de nous. Elle s'arrêta quelques instants, puis reprit : Mais pour moi, c'est ça qui est inquiétant, c'est que nous vivons entre nous et sans réelle interaction avec le reste du monde... C'est vrai que les élèves ont le choix de partir, mais beaucoup n'ont nulle part d'autres où aller. En fait, l'Institut par d'une attention bonne, mais elle nous enferme très vite dans ce cercle de confort en total déconnexion avec le monde.

Les gens n'aiment pas vraiment les mutants, certains les haïssent. De l'autre côté, les mutants eux aussi on se genre de réactions avec les humains. La situation est loin d'être simple et d'autant plus pour Eline. Elle ne s'était jamais vraiment posé les bonnes questions, elle n'avait jamais vraiment réfléchie à tous ces problèmes sociaux et pourtant si important pour l'avenir du monde.

_Je dois dire que les choses sont loin d'être simple... Et vous, que pensez-vous de cette école monsieur Max ? Demanda-t-elle.

Il est parfois bon d'écouter d'autres avis, d'autres visions lorsque nos pensées sont troubles. Bien que n'ayant aucune idée des réelles convictions de ce Max, elle n'avait pas en sa possession le recul et les notions nécessaires pour pouvoir clairement juger du bien ou du mal de l'Institut Xavier. Son esprit n'était pas concentré la-dessus, il était totalement rivé sur autre chose de plus personnel.

Eline n'aimait pas MTV, à vrai dire, elle en avait horreur. Ce genre d'émissions télévisée étaient vide de sens et abrutissante. Son père lui avait toujours inculqué le plaisir des bonnes choses et ces programmes n'en faisaient pas partis. Cela lui fit donc plaisir d'entendre qu'elle ne ressemblait pas aux jeunes MTV-viewers, comme une satisfaction d'une éducation réussie. Eline ne comprit pas tout le discours long et pointilleux du vieux Max. Seulement, il ne faisait plus de doute qu'il était mutant à présent, étant donné le discours porté sur l'humanité non-mutante.

Eline fit un signe de tête lorsqu'il lui demanda si elle avait compris la signification de son tatouage. Elle ne voulait pas en rajouter sur la Shoa et la seconde guerre mondiale. Elle ne l'avait pas vécue, en était heureuse, mais elle ne pouvait de ce fait pas compatir avec Max. Tenter un quelconque discours pour paraître compréhensive et compatissante serait vide de sens et de sincérité.

_Je respecte l'homme que vous êtes et les épreuves que vous avez dû traverser. Mais je dois vous dire que quelque chose dans votre discours me perturbe. Vous dites que les hommes sont pleins de préjugés, mais vous venez de les juger tous entièrement en les qualifiants de bête conditionnés à exploiter et à tuer. C'est exactement ce que je refuse de penser. Je crois qu'il y a autant de bonnes personnes et de bonnes intentions chez les humains que chez les mutants et je crois aussi que certains mutant sont nettement plus conditionnés à exploiter et à tuer que certains Hommes. Elle s'arrêta, ne voulant pas non plus paraître désobligeante, elle venait de s'expliquer calmement, sans aucune colère.

Les mutants sont l'évolution, cela ne fait pas de doute dans l'esprit d'Eline, elle est persuadée que dans quelques siècles, les hommes ne seront plus de cette planète. Même s'il est raisonnable de penser que cette évolution amènera l'humanité à ce scinder en deux espèces, Eline n'y croyais pas.

_Qu'entendez-vous par devenir les maître moraux Max ? Dois-je en déduire que vous êtes vous aussi un mutant ?

Elle ne le tutoyait pas, elle ne pouvait pas, son éducation ne lui permettait pas de tutoyer un homme d'âge mur que l'on ne connaît que très peu. Chez elle, on lui avait toujours appris à respecter les plus âgés bien que la société actuelle soit encline à les délaisser.