Les chinoiseries de l'Ambassadeur... (libre)

Ah, l'odeur grisante du champagne, du caviar, des parfums hors de prix et des cigares à 300$ pièce... Mercy en emplissait ses poumons avec délectation. Elle n'appréciait rien de plus que de pouvoir frayer parmi l'élite de la jet-set... Encore plus quand le gratin américain s'épanouissait dans le raffinement de la gracieuse ambassade de la République Populaire de Chine!

Si Miss Hamilton se trouvait à Washington, ce n'était pas pour le plaisir. Bien que dans ce cas-ci, le plaisir se liait étroitement avec les affaires... Monument de charme, de grâce et d'élégance dans sa robe de soie bleue signée Ralph Rucci, personne n'aurait pu ne fut-ce qu'imaginer que celle que tout le monde à ce dîner de gala imaginait être Melany Tampleton, attachée de presse au ministère de l'intérieure, était en réalité l'un des meilleurs agents d'infiltration du Bureau des Affaires Mutantes... Elle possédait d'ailleurs sa petite légende dans le milieu de l'espionnage international puisque, les rares fois où elle s'était fait percé à jours, elle avait joué la carte de l'audace en se faisant connaître sous le pseudonyme de "Milady", signant ses méfaits d'un M stylisé et veillant à présenter à chaque occasion un visage différent. De ce fait, Milady était connue dans le milieu de l'espionnage comme le Belphégor, le Fantômas, l'Arsène Lupin! Personne n'était capable de dire à quoi elle ressemblait ni pour qui elle travaillait. Le FBI et la CIA s'accusaient l'un l'autre de la soudoyer, alors que le MI5, le KGB ou la Sûreté de l'État la croyaient respectivement française, russe ou britannique. De même, si personne ne pouvait s'accorder sur son physique, tous savaient que Milady était une mutante car elle avait déjà effectué quelques sorties de piste assez spectaculaires... Quoi qu'il en soit, le résultat était bien là, Milady était respectée par ses pairs et crainte par ses concurrents comme une des plus grandes artiste de la haute voltige de ce XXIe siècle... Ce qui exaspérait d'ailleurs ses supérieurs qui avaient peur qu'un jour ou l'autre, l'altière espionne ne soit victime de son assurance et ne soit pincée par plus fort qu'elle.

Bref, ce soir était un peu comme tout les autres soir pour cette James Bond Girl un peu moins romancée que dans les films d'espionnage. C'était simplement plus asiatique, plus raffiné peut-être? Mais Mercy savait que sous ce délicat raffinement fleurant bon le lotus et le jasmin se cachait une administration communiste dure, méfiante envers la politique américaine parfois même intrusive et répressive qu'il convenait de surveiller étroitement... C'était d'ailleurs afin de surveiller étroitement les agissements des fils de l'empire du milieu sur le sol américain qu'elle se trouvait ici. Le BAM l'avait chargée de collecter des informations sur le nombre de ressortissants chinois et mutants à s'être établis sur le sol américain, que ce soit de manière officielle ou non.

Pour ce faire, elle avait carte blanche et ses supérieurs l'avaient informé qu'éventuellement, certains de ses collègues pourraient la rejoindre et qu'elle devait se tenir prête à toute éventualité... Oui, décidément, son petit doigt lui disait qu'elle allait follement s'amuser à cette soirée. Se laissant charmer par la musique caractéristique d'un quatuor à corde de musiciens du soleil levant, elle but une gorgée du délicieux champagne qu'on leur servait à volonté.

« - Je suis un gaucher contrariant. C'est plus fort que moi. Il faut que j'emmerde les droitiers. »
- Pierre Desproges


Aleksandra ramena d’une main ferme sa chevelure vers le sommet de son crâne et la noua à l’aide d’un élastique. Sa queue de cheval de fortune n’était pas ce qu’il y avait de plus élégant au niveau de coiffure mais elle n’allait pas non plus à un défilé ce soir. Non ce soir elle allait passé la soirée dans une camionnette garée dans une ruelle adjacente à l’ambassade de Chine avec d’autres membres du BAM, occupée à communiquer avec l’agent sur place.

Les chinois… Au-delà de leur politique clairement anti mutante les raisons pour les espionner ainsi ne manquaient pas.

Aleksandra était donc assise dans le van et écrivait machinalement le début du rapport. L’agent du BAM sur place n’était pas encore arrivée. A côté d’elle d’autres BAMeurs s’activaient. Ils avaient apparemment réussi à pirater en quelque sorte le système de vidéo surveillance et notait les personnalités politiques importantes qui entraient dans l’ambassade au fur et à mesure. L’un d’eux se tourna alors vers elle et fronça les sourcils. Aleksandra releva la tête et croisa son regard l’air de dire « Quoi encore ? »

- Tu es gauchère ?

La question la désarçonna quelque peu. Qu’est ce que ce genre de question fichait là alors qu’ils étaient en pleine mission ? Elle fit une moue surprise et lâcha vivement en levant les yeux au ciel :

- Non je m’amuse à écrire de la mauvaise main !

- C’est bien ce que je me disais.

Répondit-il l’air rassuré. Aleksandra posa son stylo et le regarda avec incompréhension. Il n’avait pas saisit l’ironie de sa phrase ? Elle avait pourtant eu l’impression d’être claire, généralement les gens comprenaient que c’était le moment d’hocher la tête et de tourner les talons.

- Je me foutais de toi Spencer.

Devant son air offusqué elle serra les dents. Certes elle était dans le cadre du boulot et se moquer de ses collègues n’était pas un comportement idéal mais qu’est ce qu’il pouvait l’irriter ! Pourtant il n’avait fait que poser une question, aussi stupide soit-elle. Peut être avait elle bu trop de caféine avant de venir.

- Ca va ne prend pas la mouche non plus… Tu sais si ça ce trouve tu es une gauchère contrariée…

- Une quoi ?

- Une gauchère contrariée. Ou contrariante d’ailleurs.

Fit-il en rigolant et en articulant avec exagération. Ce qu’il pouvait débiter comme sottises à la seconde quand même ! Une gauchère contrariée, et puis quoi encore ? A quand l’analyse psychologique ? Peut être allait il même s’amuser à lui trouver un lien de parenté probable avec Freud tant qu’il y était. Il allait ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais elle s’empressa de l’interrompre :

- Elle arrive ! Va jouer ailleurs Spencer !

Il ferma la bouche et se drapant dans ce qu’il lui restait de dignité parti vers l’avant du van d’un pas impérial. Elle haussa les épaules et reprit son stylo. Puis elle se concentra sur l’esprit de Mercy et établit le lien. Elle avait accès à toutes les pensées de la jeune femme ainsi que ces plus noirs souvenirs et secrets. Mais elle n’était pas là pour ça ce soir. Elle attendit d’être sur que Mercy n’allait pas engager une conversation au moment où elle lui signalerait sa présence –en effet la plupart des gens avait tendance à s’arrêter en pleine phrase quand ils entendaient des voix– puis elle lui parla mentalement d’une « voix » douce et posée.

~ Bonsoir agent Hamilton. Ne paniquez pas, je suis l’agent du BAM chargé de vous suivre télépathiquement ce soir. En cas de problème je me chargerai de faire intervenir d’autres agents. ~

- C'est alors que son excellence m'a répondu que la monarchie japonaise est encore considérée comme divine. Je lui ai rétorqué que la république chinoise l'est aussi à sa manière.

Le vieux secrétaire chinois qui venait de raconter ce qu'il croyait être un trait d'esprit se mit à rire d'un drôle de ricanement aigu et sifflant, typiquement asiatique. Mercy qui le trouvait plus navrant que spirituel éclata pourtant d'un rire parfaitement spontané.

- Ha Monsieur Feng! Quel orateur spirituel vous faites!

Elle posa sa main sur sa charmante poitrine comme si elle cherchait à contenir un fou-rire naissant.

- Vous m'excuserez un instant, je vais aller retoucher mon maquillage. Trop rire ne réussit pas aux femmes maquillées.

Mais voyant que le vieux chinois n'avait pas tellement l'envie de la laisser filer, elle rétorqua avec le plus enjoleur de ses sourires :

- Vous seriez tellement gentil de me trouver un de ces délicieux apéritifs que vous appelez le... vin de fleur, c'est bien ça?

- Le vin des milles fleurs, corrigea monsieur Feng. Je vois que vous avez bon goût et que vous avez une certaine connaissance de la culture chinoise. Mes félicitation Miss Tampleton! C'est une qualité que nous autres fils de l'orient trouvons particulièrement attrayante chez les femmes occidentales...

Mercy le gratifia d'un sourire mi-gêné mi-conquis et s'échappa dans une gracieuse volte. Après quelques pas calme, elle accéléra pour mettre de la distance entre elle et le vieux chinois. Elle se glissa alors derrière un massif de jamsin en pot et poussa un gros soupir de soulagement.

- Mais quel poison ce nain jaune!, marmonna-t-elle.

Alors qu'elle reprenait une profonde inspiration, elle entendit une voix familière à l'intérieur de sa tête.

*Bonsoir agent Hamilton. Ne paniquez pas, je suis l’agent du BAM chargé de vous suivre télépathiquement ce soir. En cas de problème je me chargerai de faire intervenir d’autres agents.*

Mercy eut un petit sourire entendu et mit son menton sur ses mains jointes, un doit posé sur la bouche. Elle prenait toujours cette position pour communiquer télépathiquement afin d'être sûre de ne pas se mettre à parler à haute voix.

*Tiens tiens... Bonsoir Aleksandra... Toujours à cheval sur les formules bien protocolaires à ce que je vois?*

*Tiens tiens... Bonsoir Aleksandra... Toujours à cheval sur les formules bien protocolaires à ce que je vois?*

Aleksandra sourit à cette remarque. Si Mercy pensait sérieusement que c’était comme ça qu’elle allait la faire changer elle était mal barrée. La jeune russe n’était pas encore du tout à l’aise avec cet emploi de son pouvoir dans la tête des ses collègues. Pas pour des raisons techniques mais éthiques. C’était trop vite fait d’accéder brutalement aux pires honte de ces derniers et elle se sentait coupable dans ces cas là. C’était à ses yeux un mauvais usage de son pouvoir. Même si en cas d’urgence elle ne passait pas trois heures à tergiverser. Pour en revenir à Mercy, elle en avait une pour elle :

~ Et toi Mercy ? Toujours à ne pas faire la différence entre pensée et parole ? ~

Enroulement de fer et touche. Un coup facile cela dit, elle comprenait parfaitement que la jeune femme en ait besoin. D’une, c’était plus prudent, de deux, elle n’avait après tout pas tant l’habitude que ça mine de rien. Aleksandra elle le faisait quotidiennement et avait un avantage certain de part le fait que ça soit son pouvoir. C’était assez déconcertant pour un individu quelconque d’entendre sa voix dans sa tête. Elle attendit un temps puis adoucit ces paroles, elle aimait bien l’espionne aux premiers abords et n’avait pas besoin d’ennemi :

~ Jolie robe en passant. J’ai eu le temps de voir en regardant a travers les yeux de ton charmant ami secrétaire. Prête pour le show ? Alors ce soir on a... ~

Elle fit un signe impératif de la main à Mister « Et si tu étais gauchère contrariante ? ». Lui ne semblant pas comprendre elle demanda d’une voix excédée la liste de gens d’ores et déjà repéré. Il leva les yeux aux ciels, excédés par son ton sans doute, et la lui apporta. Elle aurait certes pu être plus civile mais avait du mal à l’être. En plus elle l’avait prévenu dés le début qu’une fois lancée elle apprécierait de ne plus avoir à se lever. Histoire de ne pas tomber par terre en se fracassant bêtement la mâchoire. Non ça ne lui était pas arrivé. Elle avait juste eu un bleu.

La liste contenait des noms souvent à l’orthographe assez douteuse, tous les agents ne pratiquants pas couramment les idéogrammes chinois ils faisaient un ensemble relativement phonétique de ce que l’on leur avait appris. Après avoir fait une petite réflexion par rapport à une personne figurant deux fois sous deux orthographes différentes, elle se replongea dans sa communication avec Mercy :

~ L’ambassadeur qui n’arrivera que dans une demi-heure pour un problème de chauffeur. Chen Huang est arrivé il y a dix minutes il parle à John Huang, un petit nouveau qui s’est fait naturalisé il y a cinq ans, qui a une femme un chien, deux gosses et une forte probabilité d’être mutant. Tu devrais commencer par eux, Huang est un bon début je pense. ~

Des conseils, rien que des conseils. Huang était l’ancien représentant du parti communiste chinois et d’après plusieurs sources européennes, un des visages à mettre dans la liste de personnes tentant de faire rentrer des ressortissants mutants en Amérique par des moyens plus ou moins légaux. Classé à surveiller.