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| Sujet: nous ne sommes qu'à l'aube { Eden Mer 29 Oct 2008 - 18:46 | |
| Encore un nouveau matin sur la ville. Encore un voile de brouillard que le soleil, dressant ses rayons, ne pouvait dissiper. Encore des feuilles mortes sur les allées boisées, quittant leurs manteaux rouges pour le nu gris. C'était bientôt la fin de l'automne et les arbres dévêtus se préparaient à accueillir le froid de l'hiver et la douce neige mordante sur leurs branches. Bientôt il n'y aurait plus que le blanc. Mais Wednesday peut-être ne le verrais pas. Pour l'heure, le bosquet grimpant sous sa fenêtre était encore de cette couleur rouille si chère à l'automne. La lumière blanche du soleil la réveilla lentement, traversant aisément les rideaux absents. Étendue sur son lit comme après une transe, elle ouvrit les yeux et prit conscience du jour. Ce serait peut-être un nouveau jour insignifiant dans sa vie, ou le plus grand changement qu'elle est jamais connu. Wednesday s'accouda à la fenêtre en fermant les yeux et laissa ses paupières absorber toute la lumière que le soleil lui envoyait. Ses narines avalèrent le frais parfum de la rosée du matin et des aiguilles de pin. Ses oreilles se laissèrent enivrer par le bruit de la ville qui se lève et du chant des oiseaux. Ses bras nus pouvaient maintenant frissonner de la fraicheur de ce matin de novembre, et tout ses sens se laisser aller à une dernière valse ici et là. Les yeux toujours grands fermés, Wednesday laissa glisser son bras sur le rebord de pierre et revint à sa chambre. Elle se dirigeait mieux qu'un aveugle, à la manière d'un chat dans le noir, ne voulant toujours pas ouvrir sa vue au monde. Alors que ses doigts effleuraient la poignée de l'armoire, des images et des souvenirs lui revenaient. Le soleil à travers les branches des arbres, un matin allongée sur un banc à écouter l'agitation de la ville, un spectacle théâtral pour enfants de monstres et de crayons de couleurs, une chambre de bonne sous un toit, une dispute entre son père et sa mère, un jeu avec un parapluie multicolore, des ballons et des bulles de savon. Les mains de Wednesday agissaient d'elle-même et se saisirent dans l'armoire d'une longue robe que tout son corps enfila. Alors elle se permit d'ouvrir les yeux et de regarder son image dans le grand miroir. La robe datant d'un autre temps qui était maintenant comme une nouvelle peau ne semblait plus pouvoir la quitter. Le bustier bleu enserrait sa mince poitrine alors que le jupon blanc descendait allègrement sur ses cuisses. Mais elle dut la quitter comme elle l'avait enfilée juste pour se revoir en ces tissus. Wednesday sauta dans la douche et y pris tout son temps. C'était un de ces moments suspendus qu'elle aimait tant et où elle ne prenait pas la peine d'ouvrir les yeux. A l'eau tiède elle avait l'impression de revenir à son état primaire, et satisfaisait une fois de plus ses sens. Elle se sécha de la tête au cheveux et entreprit de se donner figure humaine. Quand enfin elle revint à sa chambre, elle se jeta sur la robe qu'elle avait posée sur le fauteuil victorien. Avec bonheur elle en retrouva les formes et se sentit s'élancer vers de nouveaux jours. Devant le miroir de la salle de bain à nouveau, elle s'occupa de ses cheveux. Elle les releva, les ramassa en un étrange labyrinthe de boucles et de mèches folles lui encadrant diablement le visage et tombant sur sa peau blanche. Son teint était des plus alcalin, mais Wednesday ne tenta pas de le rendre aussi bronzé que celui des mannequins. Son dessein était bien autre. Un halo marron autour de ses yeux elle laissa ses yeux vagabonder dans son reflet. Elle ne ressemblait plus tout à fait à la petite fille qu'elle avait toujours été, mais sous ce nouveau costume on pouvait toujours percevoir la malice de son innocence. Elle ne savait pas tout à fait ou elle allait, mais n'avait pas envie de reculer. C'était ce qu'elle avait pensé, imaginé, préparé depuis déjà un moment. Était-ce son idée à elle ou celle de sa sœur? Peu importe, elles allaient changer leur vie aujourd'hui. Wednesday vint encore à la fenêtre et leva les yeux vers le ciel, contemplant une dernière fois peut-être les nuages de ce temps. Elle n'attendait plus que la frappe du destin, la marche du temps, qui viendrait frapper à sa porte et que déjà elle entendait.
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