D'égoût tant ! (Vermine)

Ho, tout compte fait, ce n’était pas si chiant que ça de se faire laver. Bon, d’accord, quand son amie s’occupait de sa tête, ce n’était pas forcément très agréable. C’est qu’elle n’y allait pas de main morte la féline ! Quand elle passa à l’arrière du crane, ce fut déjà plus sympa. Ernest eut tout le loisir « d’explorer » la poitrine de la demoiselle avec son museau. Etait-ce volontaire de la part de Miss Duval ? L’enfant-rat se le demandait. Encore une fois, il réprima son envie d’en venir aux caresses, d’être trop suggestif. Toute fois, il n’eut évidement aucun geste de recule. Sa docilité était totale. Et puis, avouons-le, son museau se balada peut-être un peu plus que nécessaire.

Neko passa ensuite au dos du garçon. Là, ce fut vraiment super, presque digne du massage ! Ha, décidément, cette journée était géniale. Vermine ne disait mot et se contentait de profiter autant que possible du moment. Il se disant en son fort intérieur que bientôt la chatte devrait passer à la partie basse de son corps. Ce serait sans doute là qu’il obtiendrait sa réponse, qu’il serait si son amie pensait comme lui. En attendant, voilà que la féline abordait encore le sujet des parents. Ça, c’était une vraie fausse note dans la musique du bain.

-Je t’ai dis que j’allais y réfléchir mais pas tout de suite ! rétorqua Ernest, grognon.

Il avait croisé les bras, il réadaptait la posture du boudeur. Mais mince à la fin ! Pourquoi elle l’embêtait tant avec ça ?! Comment se débarrasser une fois pour toute du sujet ? Peut-être en acceptant d’un peu en parler, juste un peu.

-Je vais peser le pour et le contre, je vais tâter le terrain et après, je déciderais. Mais faut quand même que je t’avoue que même si je décide d’y aller, ce sera sans doute sans toi, pour la première fois en tout cas. L’affaire et délicate. Autant mettre toutes les chances de mon côté pour que ça réussisse et ne pas aboutir à un truc vraiment pas cool.

Voilà, avec ça, Miss Duval devrait être satisfaite.

-Bon et maintenant, passons à autre chose.

Et comme ça, c’était clair.

Vermine se pliait docilement à la toilette, c'était le but de Maëlys en le caressant de manière aussi suggestive. Et ça marchait, le seul moment où il s'était montré plus docile, c'était la nuit où ils s'étaient donnés l'un à l'autre. Bon, par contre il ne semblait toujours pas décidé à aller voir ses parents. oh mais ça viendrait, Neko ne lâcherait pas le morceau. Elle continua de gratter le poil gras, son combat contre la saleté prenait une bonne tournure. Elle lui nettoya les pattes, lui gratouilla le bas du dos, puis elle lui donna la brosse et le shampoing et sortit de la baignoire.

-Pour le reste tu le fais toi-même. Je te laisse, j'ai encore des trucs à préparer.

Elle se frictionna avec une serviette, puis se sécha savamment le pelage avec un sèche-cheveux avant de sortir de la pièce, laissant le rat seul dans son bain.

QUOI ???!!! Quel était donc ce plan foireux ?! Voilà Vermine stupéfait. Il resta bêtement figé sur place, la brosse dans la main, le shampoing dans l’autre. Pourquoi elle partait ? Pourquoi maintenant alors que le plus intéressant, le plus excitant, le plus exaltant pouvait arriver ? Que pouvait-elle avoir de mieux à faire que de rester avec lui pour un moment de plaisir ? La porte de la salle de bain se referma dernière la demoiselle. La stupéfaction d’Ernest devint frustration. Et sa frustration se muta en une fureur sourde. Il tremblait de tous ses membres, son regard était devenu fou. Il faillit se lever, quitter le bain, suivre Neko pour la tabasser. Pour qui elle se prenant ?

-A c’est comme ça… fit tout bas l’enragé.

Sa voix, à l’image de son corps, tremblait, vacillait. C’était toute sa raison qui menaçait de s’effondrer face aux pulsions de la bête sauvage. Vermine s’en rendit compte. Il en fut surpris, presque effrayé. Etait-ce si grave ce qui se produisait ? Il prit enfin conscience qu’il avait lâché le champoing et était en train de tordre la brosse entre ses poings. Il observa un instant l’objet martyrisé et secoua la tête.

-Du calme, Ernest, du calme. C’est pas le moment de faire une connerie, se dit-il pour lui-même en remettant à peu près droit la brosse.

S’il se lava correctement ensuite, ce ne fut pas pour faire plaisir à son amie et encore moins pour être présentable aux yeux des autres. Ce fut uniquement pour se prouver qu’il pouvait se contrôler, que sa folie était derrière lui. Mais ce n’était pas le cas. Elle était toujours là, en lui. Elle était juste devenu plus discrète. Relégué au second rôle, elle attendait la moindre occasion pour sortir de sa cachette et s’exprimer. Un quart d’heure plus tard, l’enfant-rat sortit à son tour de l’eau. Il se renifla et son verdict fut sans appel.

-Je pu.

La prochaine fois, ce serait lui qui choisirait la senteur des produits qu’il allait utiliser. Enfin, s’il y avait une prochaine fois bien sûr. Il jeta un coup d’œil à ses habits vieux et sales toujours au sol puis il se mit à crier pour qu’on puisse l’entendre hors de la pièce.

-Maëlys, j’ai fini. Si t’as des habits neufs pour moi, c’est le moment.

Ouf, il était parvenu à faire semblant qu’il était joyeux. Malgré ses dons d’acteurs, il était parfois difficile de cacher ses sentiments quand ceux-ci étaient poignants. Or, en ce moment, Ernest se sentait perdu et toujours frustré. La seconde étape de cette journée risquait fort d’être un regrettable échec qui ternirait tout le reste.

Maëlys se doutait que Vermine serait dégoûté de devoir finir seule, mais elle était ainsi. Elle devait lui rappeler que même si elle s'était offerte à lui, elle n'était pas acquise et qu'il devrait toujours tout faire pour ne pas la perdre. Elle profita du délai que ça lui laissait pour s'habiller et préparer les vêtements qu'elle avait acheté pour son rat préféré.

-Maëlys, j’ai fini. Si t’as des habits neufs pour moi, c’est le moment.

Elle entra dans la salle de bains, habillée en gothique lolita (Lise lui avait prêté sa plus belle robe). Vermine était déjà sorti du bain, encore trempé comme une éponge. Sans lui laisser le temps de réagir, elle le frictionna avec une serviette pour enlever le gros de l'eau et le réchauffer, puis elle le sécha complètement avec le sèche-cheveux, sans en faire une grosse boule de poils ébouriffés, on lui sentait d'ailleurs une certaine expérience.

-Voiiiilà !

Elle le prit alors dans ses bras, comme un enfant, et l'amena dans sa chambre. Vermine put d'ailleurs remarquer que la décoration s'était quelque peu allégée. Il manquait quelques posters et Maëlys avait rangé la collection de peluches dans son placard. Le sabre de samouraï était toujours là, accroché au mur dans son fourreau noir. Les vêtements de Vermine était disposés sur le lit. La féline déposa Vermine par terre.

-Voilà ! J'espère qu'ils vont te plaire, j'ai eu du mal à trouver quelque chose d'adapté.

Il y avait un short noir, un tee-shirt militaire et une veste en jean, propres, neufs.

Quelle stratégie employer ? Vermine hésitait entre être hypocrite ou boudeur. Faire comme s’il n’avait pas été vexé, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, était une option. Des sourires, des belles paroles, peut-être quelques tendresses si l’occasion s’y prêtait, tout ceci pouvait ramener la féline vers de meilleurs dispositions. Le jeu en valait sans doute la chandelle mais d’un autre côté, Ernest était vraiment mécontent et il avait envi de le montrer. Une attitude distantes, un intérêt limité à miss Duval, quelques répliques acides, tout ceci pouvait montrer que l’enfant-rat n’était pas du genre à tolérer n’importe quoi, qu’il était préférable de faire ce qu’il désirait sans quoi il risquait de devenir très désagréable. Bon, d’accord, il pouvait aussi passer pour un petit capricieux ce qui était déjà moins glorieux, mais quand même, la bouderie était tentante. En y réfléchissant, le garçon pouvait également essayé la carte de la sincérité, dire qu’il était un peu déçu, qu’il espérait un bain un peu plus joyeux. Il pouvait ensuite demander pourquoi son amie l’avait laissé seul…. C’était indéniablement une option mais Vermine, habitué au mensonge perpétuel, avait du mal à l’envisager.

Voilà ce que fut l’objet de ses réflexions pendant qu’il se laissait sécher puis transporter. Décidément, depuis cette fameuse nuit, les choses devenaient un peu compliqué avec la demoiselle. Il ne pouvait pas se comporter avec elle comme avec les autres et il devait bien reconnaitre que cette gracieuse créature avait sur lui comme un petit pouvoir. A présent, il était face à ses nouveaux habits et il était toujours indécis. Son cerveau avait beau être celui d’un surdoué, il ne trouvait pas la réponse à son problème.

-Heu… ça ira très bien, fit-il, un peu absent, en observant d’un peu plus près la veste.

Ho et puis zut. Il allait se passer de plan et improviser. Il arrivera bien ce qu’il arrivera. Sans faire d’histoire, il s’habilla puis s’observa un peu. Le résultat était pas mal. Ensuite, il remarqua que la décoration de la chambre avait été allégé. Enfin, il osa observer sa petite amie qui était très chic.

-T’es superbe comme ça, dit-il en souriant. Bon, on y va ? Le cinéma nous attend.

Et voilà, il n’avait même pas posé la question qui, inutile de le nier, lui brulait les lèvres. Mais qu’est-ce qu’il était nul ! Nul et archinul ! C’était pourtant simple mais non, ça ne voulait pas sortir. Il restait là comme un con, brandissant l’excuse du cinéma juste pour passer plus vite à autre chose, tirer un trait sur l’incident. Pfff… Les sentiments, c’est tellement compliqué.

-T’es superbe comme. Bon, on y va ? Le cinéma nous attend.

Il avait beau dire, Maëlys le sentait tendu. C'est qu'il était compliqué, le Vermine. Enfin, pourvu qu'après le cinéma il soit de meilleure humeur.

-Ok. On y va.

Quel drôle de couple purent croiser les usagers du métro. Une chatte anthropomorphique habillée en gothique-lolita qui tenait par la main un rat de la taille d'un petit enfant. En plus, vu la façon dont elle le dévorait des yeux, il était visible que ce n'était pas son petit frère...ou bien ce serait inquiétant. Par chance, personne ne vint les embêter. C'est donc sans histoire qu'ils arrivèrent au cinéma. Pas une misérable salle de quartier, un grand multiplex situé près du centre commercial.

-Alors voyons voir ce qu'il y a..."Alien 2" : sympa, "Avatar" en 3D : je l'ai déjà vu deux fois mais je suis pas prête de m'en lasser, "Harry Potter" : mouais, "The Tourist" : ça a l'air marrant, "Blade 2" : ouais, j'aime bien ce genre de films, "Valkyrie" : mmh c'est plutôt le genre de film qui aurait plu à mon frère, "Les temps modernes" : ah ouais, j'aime bien ça !, ... Tiens ! "Le feu de la passion", ça te dirais d'aller le voir ? J'espère bien que non, parce que je vomis les films à l'eau de rose. "James Bond contre Dr No" : pourquoi pas ?... Tiens ! En fait, pour "Blade" ils font une soirée spéciale où ils passent toute la trilogie, ça te tente ? Moi ça me tente. Sinon, à la même heure il font aussi une théma sur Hitchcock avec "Psychose", "La mort aux trousses" et Vertigo"...

-Heu…

Et merde ! Il devait encore prendre une décision. Bon, d’accord, c’était sa faîte d’anniversaire, c’était normalement à lui de choisir. Mais bon, quand même, c’était dur ! Vermine n’allait pas souvent au cinéma. Non, en fait, il n’y allait jamais depuis qu’il était rat. Et même avant, ce n’était pas un habitué, sans compter que la TV non plus ne l’attirait pas spécialement. Bref, les trois quart des films présent, il ne les connaissait pas. Le quart restant lui plaisait sans plus. Et puis, de toute façon, il avait encore l’esprit focalisé sur l’événement de bain. Alors comment prendre une décision dans ces conditions ? Il essaya une dizaine de secondes de dresser mentalement un tableau comparatif entre les divers films, de peser le pour et le contre en prenant surtout en compte les remarque de son amie, signe permettant de mesurer son intérêt… mais cette procédure mentale allait prendre trop de temps sans garantir le moindre résultat. A la limite, dernière alternative, Ernest pouvait faire usage du hasard. Mais avec quoi ? Une pièce, pile ou face ? Avec ses doigts ? Avec…. HA NON, STOP !!!

-…j’te laisse choisir, j’te fais confiance, déclara enfin le garçon avec son éternel petit sourire.

Oui, voilà, c’était plus simple comme ça. Et puis, ainsi, il pourrait voir si la féline avait bon goût. Ce serait un petit test. Il fallait juste espérer que l’enfant-rat arriverait à faire attention au film, qu’il cesserait de penser à l’échec du bain. Pourquoi diable n’avait-il pas posé la question ? Pourquoi l’avait-elle laissé seul ? Ha… et voilà, ça recommençait. Bref, ce n’était pas gagné. Le cerveau du fils Lenoir semblait buger comme un ordinateur.

-Houu… j’ai bien besoin de me changer les idées, moi, avoua le petit hybride.

Maëlys ne savait pas trop quoi faire. Vermine semblait vraiment de mauvais poil depuis le bain, quel caractère ! Il fallait vraiment qu'elle fasse quelque chose pour améliorer l'ambiance, sinon la soirée tombait à l'eau. Mais quoi ? Elle fit quelques pas en réfléchissant, en se grattant le menton comme un philosophe. Puis sans prévenir, alors qu'elle passait derrière Vermine, elle lui pinça les fesses en criant "PINPON !". Par contre, ça ne semblait pas avoir un grand effet.

-Oui...bon...certes, passons... Ben je sais pas trop...ça sert à rien d'aller voir un film si t'aimes pas, c'est ton anniv, quand même. Tiens, je te propose de regarder la trilogie Blade. Ça te dis ?

Elle les avait déjà tous vus, et il y avait tellement d'action dedans qu'avec un peu de chance ça aiderait Vermine à se changer les idées.

-Hé !

Mais qu’arrivait-il à la féline pour qu’elle « titille » ainsi le postérieur de Vermine tout en lâchant une onomatopée ridicule, le tout en public ? Le garçon, évidement, n’allait pas se plaindre plus que ça. Toute fois, il était intrigué. Son amie devait bien se rendre compte qu’il n’était plus aussi joyeux depuis le fameux événement du bain. Elle essayait sans doute de le faire réagir. Ou bien, elle était stupide mais cette hypothèse dérangeante ne resta pas longtemps en l’esprit du surdoué. Ce dernier décida de bien prendre la chose et esquissa un sourire. Néanmoins, cela ne réglait pas la question du ou des films à regarder. Quoi que si, à présent, Vermine savait ce qu’il voulait faire. A la dernière proposition de miss Duval, il y répondit par un hochement de tête négatif, puis il s’exprima.

-En fait, maintenant qu’on y est, le cinéma ne me tente plus du tout. C’est vrai, j’aurais l’impression de perdre mon temps. Le fait de me mettre devant un bon film ne me gêne pas particulièrement, bien au contraire, mais cela, je peux le faire seul.

Ernest s’approcha de Neko et poursuivit, plus bas.

-Le Paint-ball, c’était cool car je m’amusais avec toi et ça, évidement, je ne peux pas le faire sans toi. Alors, pour mon anniversaire, je veux continuer à m’amuser avec toi. Evitons les jeux salissants puisque je suis propre. Je te propose de nous trouver un coin tranquille et de se faire, pourquoi pas, des parties de cartes.

Evidement, là encore, l’enfant-rat avait une idée derrière la tête. Curieusement, le premier jeu de cartes qu’il risquait de proposer était un Strip poker. D’ailleurs, cette idée, il ne cherchait pas vraiment à la cacher.

-Tu sais, je joue bien au poker, fit-il juste après, avec un clin d’œil entendu. Mais ce n’est là qu’une proposition bien sûr. Loin de moi l’idée de vouloir m’imposer. Si cette trilogie de films t’attire particulièrement, allons la voir. Après tout, il est possible que j’ai tort en voulant éviter le cinéma.

Sur ce coup, Ernest n’était pas du tout sincère. Si la féline voulait vraiment voir ces films, il la suivrait mais il serait très, très déçu et il le montrerait. Sa proposition était en réalité un petit test. Etait-ce méchant de sa part ? Pas vraiment. Il voulait surtout se rassurer.

Bon, voilà qui résolvait le problème du cinéma. Si Vermine n'avait pas envie de regarder un film, Maëlys n'allait pas l'obliger à y aller juste pour elle. En effet, il serait trop égoïste de sa part de faire passer d'abord son propre amusement le jour de l'anniversaire de Vermine.

-Tu rigoles ?! Je vais pas te forcer à y aller si t'as pas envie. Et puis je les ai déjà tous vus. Par contre...le poker... C'est pas que je suis contre, mais je ne sais pas du tout y jouer, même si on jouait, tu avoueras qu'il n'y aura pas beaucoup de mérite à battre quelqu'un qui n'a jamais joué. Et puis...j'aime pas trop les jeux de cartes, ça ne va pas assez vite !

Par contre, si l'idée de Vermine n'allait pas non plus, qu'allait-ils bien pouvoir faire ? Il fallait vite que Maëlys trouve une idée si elle ne voulait pas tout gâcher. Elle fouilla sa mémoire, jusqu'au moment où lui revint une affiche qu'elle avait vue sur le panneau d'affichage d'un magasin de fringues où elle était allée pour la tenue de Vermine. Cette affiche annonçait un concours dans un bar du coin poétiquement nommé le Bar à Cuda, où les participants devaient s'inscrire par binômes. Mais un concours de quoi, déjà...?

-Ça te dirais, un karaoké ?

Quoi ? Un karaoké ? UN KARAOKE ? Elle lui proposait de… CHANTER ?!! Mais… mais… Vermine en resta sans voix. C’était si… si… Non, mais à quoi pensait Neko ? Elle ne comprenait vraiment rien à rien ! Grrrr ! A moins que ce soit Ernest qu’il n’est pas saisi quelque chose. Chanter, quelle idée ! Pourquoi pas danser tant qu’elle y était ? Zut, que fallait-il répondre à cette « proposition » ô combien ridicule ? L’enfant-rat eut soudainement envie de rire, de rire méchamment, de se moquer. Car il se sentait presque insulté. Un karaoké… le mot continuait de résonner dans son esprit. Absurde ! Complètement absurde ! La féline, en fin de compte, n’avait peut-être pas bien cerné le petit hybride.

-Un karaoké ? reprit, un peu bêtement, Vermine. C’est… le truc où faut chanter ? C’est ça ?

Il allait exploser, mais ça ne se voyait pas du tout. Sa rage, refoulée pendant le bain n’attendait qu’une infime faille dans la volonté du fils Lenoir pour s’exprimer avec violence. Ernest eut un petit rire bizarre, assez neutre.

-J’suis surpris… je… je ne m’attendais pas à ça.

Si sa colère était encore invisible, son trouble, lui, apparaissait clairement. Il bégayait, son aisance de communication volait en éclat.

-Ben… heu… pourquoi pas… ça pourra être drôle. On fait ça où ?

Il eut encore ce rire bizarre. Pourquoi n’avait-il pas refusé ? En fait, il ne savait pas. Sans doute craignait-il de faire une bêtise. S’il refusait, il risquait d’en dire plus, de s’enflammer, de perdre totalement son contrôle. Et alors, qu’arriverait-il ? Il était dangereux, plus sans doute que ne l’imaginait la jeune femme. Quand il devenait fou furieux, il pouvait essayer de tuer tout ce qui passait à sa portée. Non, décidément, c’était trop risqué… Vermine était piégé, par lui-même, coincé entre son rejet du chant et sa folie.

-Un karaoké… ce sera une première, fit-il avec un semblant de sourire.

Ainsi, le petit couple quitta le cinéma. Neko sentait que Vermine était comme une cocotte-minute avec la valve bouchée, et s'il faisait une connerie elle ne le louperait pas. Depuis le début elle supportait sa mauvaise humeur (qui bien que dissimulée ne lui échappait pas), et elle commençait à en avoir assez.

-Ce sera bien, tu verras. On va rigoler.

Il fallait vraiment qu'il se décoince. Maëlys n'était vraiment pas du genre à s'attarder auprès d'un gars qui serrait les fesses tout le temps. En tout cas, chaque fois qu'elle avait fait un karaoké avec des amis, elle s'était bien marrée. Si ça ne déridait pas Vermine, elle ne savait vraiment pas ce qu'elle ferait.
Arrivés au Bar à Cuda (il faudrait vraiment le faire breveter, ce nom !), Maëlys les inscrivit tous les deux. Le concours était déjà bien entamé, et des chants de patates résonnaient déjà, il y avait déjà beaucoup de monde et la plupart étaient bien imbibés. Il ne restait qu'un quart d'heure avant que le concours ne soit clôturé, il n'eurent donc pas longtemps à attendre avant de passer. Maëlys chantait comme uns casserole, mais ça ne l'empêchait pas d'aimer ça. Par contre, elle sentait bien que Vermine n'était pas chaud. Il fallait le motiver un peu, chose qui ne lui sembla pas trop difficile. Alors qu'ils s'apprêtaient à monter sur scène, la féline attrapa son compagnon sous les bras, le souleva et l'embrassa, longuement, sur la bouche. La première fois qu'elle avait fait ça le pauvre Vermine en était resté KO. Puis elle le lâcha et l'entraîna sur la scène. Tandis que le présentateur les présentais sous leurs pseudos de Vermine et Neko, elle prit son micro et jeta un œil sur l'écran pour voir la chanson qu'ils allaient devoir chanter. Une chanson française ! Si ce n'était pas un signe du destin... On lança la musique, Neko serra Vermine contre elle et commença à chanter.

Contre toute attente, Vermine se prêta au jeu sans vraiment se forcer. Ce fut sans doute l’ambiance du bar, très appréciable, qui le rendit volontaire. Le bisou aussi, évidement, eut sont petit effet. La colère s’éloignant, de plus, Ernest se rendait bien compte qu’il se devait de faire un petit effort. Neko lui plaisait alors il était normal qu’il essaye de lui plaire. Comme il l’avait dit, c’était la première fois qu’il s’adonnait au karaoké. Toute fois, il se débrouilla plutôt bien. Sans être un as du chant, sa vivacité d’esprit, sa connaissance du Français et son aisance devant la foule lui permirent d’offrir une très sympathique prestation. Joignant même le geste à la parole, il s’essaya à quelque pas de danse et invita son amie à le suivre. Insolite par leur apparence, n’ayant rien à envier aux autres en matière de vocalises et offrant en bonus une petite chorégraphie, le couple de mutants étaient bien partie pour gagner se concours. Les rires, les applaudissements, les moqueries accompagnaient leur passage. C’était indéniable, le public ne restait pas de marbre.

-Et bien voilà, bande d’ivrognes, ce sera tout pour l’instant ! déclara l’enfant-rat, le micro toujours en main, à la fin de la chanson. La prochaine fois, faudra acheter nos disques ! ajouta-t-il avec un sérieux déguisé.

Il brandit les bras en guise de salut. Sur le coup, on l’aurait cru présentateur d’un show télévisé.

-J’étais septique au début, avoua le petit hybride à la féline en quittant la scène. Mais finalement, c’est une très bonne idée. Excuse-moi d’avoir été un peu… disons… grognon.

Des excuses ? Venant de Vermine ? Incroyable ! Sa bonne humeur était de retour. L’une des causes de ce constat plutôt encourageant était néanmoins un peu triste. Le regard du garçon venait de se braquer sur le bar. L’appel de l’alcool était déjà fort chez lui.

-Allons prendre un verre ou deux, ou trois, tant qu’on y est, proposa-t-il en s’approchant déjà du barman. J’suis sûr qu’ils ont des trucs pas alcoolisé pour toi. Et pour moi… ôôô, Vodka, me voilà !!!

Il bondit sur un tabouret afin que sa tête dépasse le sommet du bar.

-Mon brave, de la vodka pour un pauvre rat assoiffé ! Et je suis plus vieux que j’en ai l’air. Oui, c’est vrai, j’ai 19 ans. C’est ma mutation qui me rend un peu plus jeune d’apparence. Donc, j’ai le droit. Doic, voilà !

Dubitatif, le barman interrogea la chatte du regard.

Neko était au paradis, son micro dans une main, l'autre serrant fort celle de Vermine. Bien sûr, son chant évoquait davantage des cris d'un chat à l'agonie, mais elle s'amusait beaucoup. Et ce qui rendait son bonheur complet, c'était que c'était bonheur partagé, puisque Vermine semblait s'être enfin pris au jeu. La fin de la chanson arriva, un peu vite à son goût. Lorsque le couple insolite quitta la scène, ce ne fut pas sans applaudissements. Ils allèrent donc s'installer au comptoir en attendant que passent les derniers participants.

-J’étais septique au début, avoua l'enfant-rat en quittant la scène. Mais finalement, c’est une très bonne idée. Excuse-moi d’avoir été un peu… disons… grognon.

Maëlys fut surprise. Des excuses de la part de Vermine, c'était vraiment qu'elle avait fait mouche. Elle était si heureuse qu'elle se mit à ronronner sans s'en rendre compte.

-Allons prendre un verre ou deux, ou trois, tant qu’on y est, proposa-t-il en s’approchant déjà du barman. J’suis sûr qu’ils ont des trucs pas alcoolisé pour toi. Et pour moi… ôôô, Vodka, me voilà !!! Mon brave, de la vodka pour un pauvre rat assoiffé ! Et je suis plus vieux que j’en ai l’air. Oui, c’est vrai, j’ai 19 ans. C’est ma mutation qui me rend un peu plus jeune d’apparence. Donc, j’ai le droit. Donc, voilà !

Le barman hésitait. Apparemment, il ne savait pas s'il devait croire Vermine sans papiers d'identité pour prouver son âge. Et on pouvait difficilement lui en vouloir puisque, effectivement, Vermine n'était pas encore majeur. Par contre, Maëlys était majeure et reconnaissait que son ami était plus mature que son âge. Elle montra au serveur sa carte d'identité estampillée du sceau de la République Française attestant de son âge, et dotée d'une photo récente montrant que c'était bien la fille-chatte présente ce soir qui portait le nom de Maëlys Duval.

-C'est vrai, il est plus vieux qu'il n'en a l'air. Mais si ça vous pose quand même problème on n'a qu'à dire que c'est moi qui la commande, la vodka, et alors lui il commande un coca-cola cherry.

Le barman acquiesça et prépara les commandes, Maëlys adressant un clin d'oeil complice à Ernest.

-Je suis contente que ça te plaise. Après tout, c'est le seul but de cette journée. Euh...par contre, je ne te paierais pas de l'alcool tous les jours, c'est juste pour ton anniversaire. Enfin...

Plus que jamais, Vermine lui évoquait une grosse peluche kawaï. Elle ne put d'ailleurs s'empêcher de lui faire un gros câlin. Leurs boissons arrivèrent, et c'est en les sirotant qu'ils regardèrent les prestations des derniers candidats. Ils n'avaient pas trop de soucis à se faire pour le classement final, puisqu'ils s'étaient montrés meilleurs que la plupart des autres duos (enfin, ça ne voulait pas dire grand-chose). La patron finit par remonter sur l'estrade pour donner les noms des gagnants. Neko et Vermine eurent droit à la seconde place, juste derrière un couple de kapoéristes qui avaient fait une démonstration très réussie. Ainsi, ils loupèrent le Vespa, mais gagnèrent la semaine de consommations offertes par la maison, ce qui n'était déjà pas si mal. Enfin, pour Maëlys, la vraie victoire était celle qu'elle avait emporté sur la mauvaise humeur.

-On se fait un resto ?

-Au fait, j’y pense. Toi, tu es née quand ? Faut que je sache. Je m’en voudrais que tu m’offre une fête d’anniversaire et que je ne puisse pas faire de même. D’ailleurs, j’ai déjà quelques idées qui te plairons. Hé, hé.
-Le 12 Octobre, c'est déjà passé. Dommage, ce sera pour l'année prochaine.
-Bon, on y va ?
-On y va !

Maëlys était enchantée de voir le regain d'intérêt de Vermine. Décidément elle avait tapé juste avec le karaoké. Surtout que les consommations offertes par la maison seraient un très bon prétexte pour revoir Vermine (en plus, le patron avait bien précisé que pour que ce soit valable il faudrait qu'ils se présentent ensemble au comptoir). Elle l'emmena ailleurs, jusqu'à un restaurant japonnais, "Le Arizaka". Ils prirent une table (Maëlys étant déjà venue pour réserver, personne ne s'étonna de son apparence ni de celle de son compagnon). On les plaça donc à une bonne table en terrasse et on leur servit à chacun une coupe de saké avec le menu.

-Alors ? Est-ce que c'est pas le meilleur anniversaire de toute ta vie ? Oh, allez ! Dis-moi que je suis au moins dans le top 5 !

-Le top 5 ? reprit Ernest, rieur. Maëlys, je n’ai que 13 ans ! Et sur ces 13 ans, y’en a au moins 4…

Vermine marqua une brève pose et fit un effort de mémoire afin de voir jusqu’où il parvenait à remonter dans sa vie. Il se souvenait de son 4ème anniversaire, ce qui était déjà une très belle performance. Plus tôt, par contre, surdoué ou pas, il n’y avait plus rien.

-…non 3 dont je n’ai plus de souvenir. Ça fait plus que 10 anniversaires, celui-ci inclus. Alors le top 5, la moitié en somme, ne signifie pas grand-chose.

L’enfant-rat eut son éternel sourire malicieux. Attrapant sa coupe de saké, il poursuivit.

-Pour être tout à fait honnête, je classerais cet anniversaire en…

Le garçon marqua une nouvelle pose et fit semblant de réfléchir. Semblant, juste pour le suspens ; semblant car il connaissait déjà la réponse.

-…première position. Oui, sans blague et sans hésitation, numéro 1. Félicitation.

Nouveau sourire. Il était honnête. Toute fois, cette performance n’avait rien de très étonnant. Tous les anniversaires qu’il avait eut avant celui-ci se ressemblaient. Ils étaient tristes car trop réglés par les convenances incombant au prestige de la famille Lenoir. Il avait eu de beaux cadeaux, de belles fêtes, mais tout était fade, terne. Ce 13ème anniversaire, c’était la rupture, le renouveau. Bien sûr, ces derniers mois, nombreux avaient été ses mésaventures. Mais au moins, sa vie était sortit des sentiers battu. Jamais, au grand jamais, il aurait imaginé, un an plus tôt, se retrouver assis, là, à la table d’un restaurent japonais, face à une petite amie à moitié chat alors que lui-même était à moitié rat. Pouvait-il s’estimer heureux ? Oui, sans aucun doute. Cette journée n’avait pas été parfaite, bien sûr, mais il en garderait un excellant souvenir et ce, jusqu’à la fin de ses jours car jamais il n’oubliait quelque chose. Lentement, Vermine prit une gorgée de saké, puis reposa son verre.

-Et pour continuer à être honnête, je n’ai qu’un regret, c’est que nous n’ayons pas encore eu le temps de… il abaissa la voix. …nous câliner intiment… il remonta le volume. …mais la soirée n’est pas achevée, n’est-ce pas ? On pourrait faire ça à Central Park, dans un buisson, comme deux jeunes amoureux. Ça serait rigolo, je trouve.

Cette fois, il y était allé directement, sans tourner autour du pot. Ce désir, il n’avait cessé de l’exprimer, pendant le bain, au cinéma, et ce n’était qu’à présent qu’il osait y aller sans détour. Ceci dit, il repoussa son menu de la main.

-Je n’y connais rien en cuisine japonaise. Je te laisse choisir pour moi, je te fais confiance. Et d’ailleurs, j’aimerais savoir, d’où te viens cette passion du japon ?

-Et pour continuer à être honnête, je n’ai qu’un regret, c’est que nous n’ayons pas encore eu le temps de…nous câliner intiment…mais la soirée n’est pas achevée, n’est-ce pas ? On pourrait faire ça à Central Park, dans un buisson, comme deux jeunes amoureux. Ça serait rigolo, je trouve.

Et bien il ne perdait pas de temps à la besogne. Il était comme-ça, le Vermine, direct.

-J'en serais ravie. Par contre, est-ce que tu peux attendre qu'on ait dîné ? Parce que ça m'a donné faim tout ça, et puis j'ai quand même réservé la table.

Elle préférait ne pas en dire plus sur la façon dont elle avait rassemblé assez d'argent pour payer tant de choses. En tout cas, elle allait sûrement se faire remonter les bretelles le lendemain en revenant à l'institut.

-Je n’y connais rien en cuisine japonaise. Je te laisse choisir pour moi, je te fais confiance. Et d’ailleurs, j’aimerais savoir, d’où te viens cette passion du japon ?
-Ma mère est d'origine japonaise, depuis que je suis petite elle m'a toujours beaucoup parlé de sa culture. Et puis, je trouve ça sympa. Mon frère, par contre, est...était plutôt vieille France. Tiens, je te conseille les nouilles au poulet Teriyaki. Un peu basique, mais ça plaît à presque tout le monde.

Et bien sûr, elle-même se commanda une assiette de sushis divers.

-C'est vrai que les chats qui aiment le poisson cru ça fait cliché, mais j'aimais déjà ça avant ma mutation. Et toi ? Tu aimes le fromage ? Que tu vives dans les égoûts ça fait déjà un peu cliché, alors...

Maëlys rigolait bien, et elle n'était même pas bourrée.

-Alors comme ça tu aimes le poisson cru. Tu dois aussi aimer les souris ou les rats, non ? C’est peut-être pour ça que tu me dévores tant du regard. Va falloir que je me méfie.
-Rassure-toi, tu es trop gros pour que je t'avale. Et puis tu es siiiii kawaï !

Enfin on leur servit leur commande. Maëlys se jeta sur les sushis. Il n'y en avait pas beaucoup, alors elle dût s'efforcer de déguster longuement chaque rondelle de poisson cru qu'elle mettait dans sa bouche, avant de passer au suivant. Mais ça allait tout de même vite. Prévoyante, elle commanda des nouilles à la crevette pour après. C'était une grosse mangeuse, mais les nouilles baignant dans leur bouillon brûlant l'aideraient à ne pas aller trop vite.

-Et ton frère, il était comme toi, à moitié chat ? Tu peux me dire ce que ça t’as fais d’avoir eu un frère ? Moi, je suis fils unique : pas de frère, pas de sœur. Mes maisons me semblaient bien vides.

Aïe ! ça c'était un coup bas ! Enfin, c'était de bonne guerre, vu toutes les questions embarrassantes que lui avait posées la fille-chatte sur sa famille.

-Oui, lui aussi c'était un mutant, un félin aussi. Lui, par contre, il arrivait à reprendre forme humaine. Il était gentil, il me protégeait contre les autres. C'est lui qui m'a appris à ne pas cacher ma différence... Mais ce connard m'a laissée tomber.

Non, elle n'allait tout de même pas se laisser aller à chialer là-dessus.

-Enfin bon, passons ! Tu sais quelle est la pire crasse qu'un ami m'ait fait ? J'étais à une soirée d'anniversaire, en France, et un pote m'a tendu un plateau avec des petits fours au pâté de campagne. Comme j'aimais bien, j'en ai mangé un. Et c'est seulement après qu'il m'a avoué que c'était de la pâtée pour chat.

-L’enfoiré ! Si d’aventure quelqu’un te refait un coup de ce genre, dis-le-moi histoire que j’aille lui tirer les oreilles.

C’était lui, l’enfant, le nain de moins d’un mètre, qui se proposait de protéger la belle adolescente presque deux fois plus grande que lui autant en âge qu’en taille. Mais peu importait. Il était sérieux. En effet, Ernest n’était pas prêt à laisser qui que ce soi porter atteinte à la dignité de sa tendre amie. Il se devait de la protéger car il tenait à elle. Après, restait à savoir s’il y arriverait. Ces derniers temps, il avait été incapable de ce protéger lui-même et sa propre dignité avait été mise à mal plus d’une fois.

-Pas mal ces nouilles au poulet, fit-il en dégustant son plat.

C’était amusant de constater que quand on était de bon humeur, tout devenait plus bon, plus beau. Vermine n’était pas pressé que le repas se termine, pas pressé non plus d’être dans les bras de Neko au milieu de Central Park. Il savait que l’instant espéré arriverait alors il pouvait apprécier le moment présent. Reprenant la dégustation de ses nouilles, il garda un instant le silence, pensant à ce qu’il avait dit et entendu. Le défunt frère de miss Duval avait l’air supère. Comment était-il mort ? Evidement, sa curiosité le poussait à se poser la question mais il ne le demanderait pas. Il avait bien vu que le sujet était sensible et il en devenait donc proscrit pour l’instant.

-Moi, la pire crasse qu’on m’ai faite, ce doit être de m’avoir kidnappé afin de m’utiliser comme cobaye dans un labo. Ils m’ont vraiment prit pour un vrai rat sur ce coup.

Ernest se mit à en rire. Cette fois c’était sûr, il était parvenu à surpasser cet instant critique de sa vie et il le devait à la chatte.

-L’enfoiré ! Si d’aventure quelqu’un te refait un coup de ce genre, dis-le-moi histoire que j’aille lui tirer les oreilles.
-Boh, c'était pas méchant. C'était un coup de pute, mais juste pour déconner. Je n'ai eu qu'à me rincer la bouche après. Et avant que tu demandes : non, je n'aime pas la pâtée pour chat. Pas plus que la plupart des humains. Et en plus, tu sais pas la meilleure, après. Quand je suis venue ici aux Stazunis, un type m'a abordé dans la rue en se présentant comme étant un grand producteur de publicité et en me proposant de tourner dans une pub. Il arrêtait pas de dire que j'avais le physique de l'emploi et que c'était toute une carrière qui m'attendait, alors comme ça m'intriguait je lui en ai demandé plus. Et en fait, c'était pour une série de pubs pour de la bouffe pour chat ! Alors là, je suis entrée en mode Berzerk, et je l'ai tabassé...

Elle s'était bien défoulée ce jour-là. Par la suite, elle avait appris que le type avait carrément fini à l'hôpital.

-Moi, la pire crasse qu’on m’ai faite, ce doit être de m’avoir kidnappé afin de m’utiliser comme cobaye dans un labo. Ils m’ont vraiment prit pour un vrai rat sur ce coup.
-Ah ouais, là... Et ils t'ont fait quoi ?

Ils finirent de dîner en continuant de discuter, puis Maëlys paya et ils partirent. Ils marchèrent un moment en ville, prenant sans précipitation le chemin de chez Lise. Alors qu'ils arrivaient dans le quartier, ils passèrent près de deux hommes qui discutaient en leur tournant le dos, adossés à la rambarde d'un escalier.

-...Franchement c'était du grand art !
-Autant joindre l'utile à l'agréable. Elle a quitté le quartier, et en plus j'ai enfin pu me montrer un peu créatif.
-Oh j'aurais tellement voulu voir la tête qu'elle a fait quand elle a vu son petit chaton chéri accroché sur sa porte. Je suis sûr qu'elle se le tapait !
-D'après les voisins elle était effondrée. T'as raison, on aurait dû mettre une caméra cachée, ou bien se planquer à l'étage au dessus...

Maëlys s'était figée, elle avait lâché son sac à main. Retrouver son chat crucifié sur la porte de l'appartement qu'elle partageait alors avec Lise l'avait sérieusement ébranlée, et la blessure qu'elle croyait venait de se rouvrir. L'avantage, c'était que là elle était à deux doigts de pouvoir mettre un visage sur ce crime.

-Passe-moi ton couteau ! chuchotta-t-elle à Vermine, assez bas pour que les deux types accoudés à leur balustrade ne l'entendent pas.

Elle tenait l'enfant-rat très fermement par les épaules et le regardait dans les yeux. Ses pupilles étaient rétractées au maximum, ce n'étaient que deux bâtons noirs dans ses yeux jaunes. Elle savait que Vermine avait un petit couteau. Quand elle avait préparé sa nouvelle tenue, elle avait elle-même transvasé le contenu de ses poches (mis à part les espèces de trucs gluants qui se trouvaient dans les poches de son vieux short).

-Et bien, ils ont fait des expériences sur moi. J’ai eu le droit à au moins une centaine de piqures et autant d’examens médicaux. Ça a duré quinze jours. Pendant ce temps, je restais essentiellement enfermé dans une espèce de cage cubique en verre. Tous les matins, j’avais droit à ma douche désinfectante. Brrr, une vraie horreur ! Et puis, évidement, j’étais toujours à poil. Un vrai rat, j’te dis ! Cette bande de connards ne me manque pas. A cause d’eux, ma mutation est devenue instable. J’dois suivre un traitement pour y remédier. Enfin, j’imagine que je m’en suis bien sortit. J’aurais put y rester.

Les bavardages se poursuivirent et le repas, lui, s’acheva. Le couple d’hybride quitta le lieu, prenant la direction de l’appartement de Lise. Ce dernier était sur le chemin de Central Park, destination proposée plus tôt par Ernest, alors tout allait pour le mieux. Seulement, pendant la trajet, l’attention de Neko fut attiré par une discussion venant de deux personnes. L’enfant-rat eut tôt fait de comprendre en quoi était concernée son amie. La colère de celle-ci, plus que perceptible, s’expliquait aisément. Si le jeune mutant avait été de bons conseils, il aurait sans doute dut inciter la féline à la modération afin qu’elle ne fasse pas une bêtise lourde de conséquences. Mais Ernest était tout sauf un bon conseiller. En son fort intérieur, il se réjouissait que sa petite copine puisse être dangereuse et il avait hâte de la voir à l’œuvre. Et puis, quoi de plus normal qu’elle désire se venger ? Lui-même aurait réagit exactement de la même façon.

-Tiens, dit-il simplement en sortant son cran d’arrêt.

Il le tendit à son amie et lui montra dun doigt là où il fallait appuyer pour éjecter la lame.

-J’assure tes arrière si jamais ça tégénaire.

Maëlys prit le couteau des mains de Vermine sans dire un mot. Elle en fit jaillir la lame, puis s'approcha des deux hommes aussi silencieusement que le lui permettait son agilité féline (autant dire qu'ils n'entendaient pas un bruit). Elle ne pensait à une chose, tuer ce sale type et son copain à la grande gueule. Elle pensa d'abord utiliser la technique que lui avait montrée Léo, planter la lame à la verticale dans l'épaule du type, à la base de son coup, ça tranchait la carotide et la mort survenait à quelques secondes. Mais ça n'allait pas, il ne souffrirait pas assez ! Se tenant derrière celui qui avait crucifié Reiji, elle lui tapota innocemment l'épaule du bout du doigt. L'homme se retourna et resta muet, reconnaissant Neko, ne sachant quoi dire. Il s'écoula cinq secondes complètes pendant lesquelles le regard abasourdi de l'homme et le regard dur de Maëlys restèrent fixés l'un à l'autre. Puis la fille-chatte frappa, avec une vitesse surhumaine. L'homme se courba en hurlant, les mains plaquées sur le bas se son visage, le coin gauche de sa bouche avait été prolongé par une coupure de cinq centimètres qui déchirait sa joue, donnant l'impression qu'il souriait. Maëlys profita de ce qu'il était plié en deux pour lui donner des petits coups de couteau rapides dans le dos, puis elle l'envoya dégringoler dans les marches. Son ami essaya de fuit, mais elle lui bondit dessus et le renversa. Il leva la main pour se défendre, mais la lame lui traversa la paume de part en part avant de finir sa course dans l'orbite du malheureux. Maëlys retira le couteau en feulant, puis elle prit la fuite sans vérifier si la première victime était encore en vie. Elle courut, longtemps, sans s'arrêter, jusqu'à l'entrée de Central Park.

De terribles hurlements dans la nuit naissante… La mortelle agression n’allait pas passer inaperçue. Bientôt, le cartier résonnerait des sirènes de police. Neko l’avait bien compris, il fallait fuir, disparaitre. Oter la vie intentionnellement, c’était un crime. Toute sa vie pouvait basculer en cette soirée. Ernest, évidement, avait tout vu. Il était resté de marbre, les bras croisés mais prêt à intervenir si le besoin s’en était fait sentir. Lui, il était satisfait, impressionné même. Tant d’efficacité, il ne s’y attendait pas. Maintenant, c’était à lui de finir le travail. Il ne fallait pas de survivants, pas de témoins. Alors, il ne suivit pas tout de suite son amie. Hâtivement, il se mit en quête d’un objet lourd. Il le trouva dans une poubelle située à proximité. C’était un radiocassette hors service. Il lui servit d’arme afin de fendre le crâne de l’homme à l’œil crevé, mettant ainsi fin à ses tourments. Puis, Vermine alla à l’autre victime. L’examinant rapidement, il constata qu’elle décéderait sous peu. Parfait. Abandonnant son arme de fortune, il disparu à son tour de la ruelle.

-Et bien. J’éviterais à l’avenir de te mettre en colère, plaisanta l’enfant-rat en retrouvant miss Duval proche de l’entrée de Central Parc.

Il n’en dit toute fois pas plus, soucieux de ne pas être maladroit. Il ignorait comment son amie allait se faire à l’idée qu’elle était une tueuse. Des précautions s’imposaient. Chaleureusement, il lui prit la main et l’incita à entrer dans le parc. L’endroit n’étant pas tout à fait désert, Ernest s’efforça d’emprunter un chemin qui éviterait toute rencontre. Au début, il garda le silence. Mais il fallait bien reparler de l’incident, ne serait-ce que pour clore le sujet une fois pour toute.

-Mon couteau, redonnes-le-moi. Il ne faut pas que tu le gardes, c’est trop dangereux. Ce qui s’est passé, tu n’en parle à personne, même pas à Lise.

Il marqua une petite pose, hésitant à poursuivre.

-J’aimerais juste savoir… c’est la première fois que tu fais ça ? Après tout, t’as peut-être l’habitude, j’en sais rien.

La fuite était devenue promenade. Le lieu verdoyant, bercée par les dernières lueurs du crépuscules, était agréable. Quel curieux contraste entre le contexte et l’endroit…